Annales Franc¸aises d’Anesthe´sie et de Re´animation 30 (2011) 538–545
Article original
Impact de la prise en charge anesthe´sique sur la ventilation postope´ratoire en salle de surveillance postinterventionnelle Impact of anaesthesia management on post-surgical ventilation in post-anaesthesia care unit J. Allary, G. Weil, J.-L. Bourgain * Service d’anesthe´sie, institut Gustave-Roussy, 114, rue E´douard-Vaillant, 94805 Villejuif, France
I N F O A R T I C L E
R E´ S U M E´
Historique de l’article : Rec¸u le 19 janvier 2010 Accepte´ le 21 mars 2011 Disponible sur Internet le 29 avril 2011
Introduction. – Depuis plusieurs anne´es, des travaux ont montre´ l’inte´reˆt de la pre´vention de la curarisation re´siduelle, de la douleur postope´ratoire et de l’hypothermie dans la pre´vention des complications pe´riope´ratoires. Des agents de demi-vie contextuelle courte ont e´te´ mis sur le marche´ dans le but d’ame´liorer leur maniabilite´ et de permettre une extubation pre´coce en se´curite´. Graˆce a` une base informatise´e de recueil de donne´es cliniques, l’impact de cette triple strate´gie a e´te´ e´value´ sur des crite`res cliniques : antagonisation des curares en salle de surveillance postinterventionnelle (SSPI), tempe´rature a` l’arrive´e en SSPI, se´dation a` ˆ le´e et ce l’arrive´e en SSPI. Une telle strate´gie devait aboutir a` faciliter le sevrage de la ventilation contro deuxie`me point a e´te´ e´value´ au travers de l’incidence de la ventilation controˆle´e en SSPI. Me´thode. – Il s’agissait d’une e´tude re´trospective sur deux pe´riodes disjointes (2002–2003 et 2006– 2007). Les donne´es cliniques e´taient saisies au cours de l’anesthe´sie et en SSPI sur des ordinateurs en re´seau et stocke´es dans une base de donne´es active depuis 2001. L’adhe´sion des cliniciens a` ces protocoles a e´te´ e´value´e par la proportion de patients ayant be´ne´ficie´ de ces protocoles (monitorage curarisation, type d’hypnotique et de morphinique, utilisation d’un moyen de re´chauffement perope´ratoire). L’impact clinique a e´te´ juge´ sur le nombre de patients dont la curarisation a e´te´ antagonise´e en SSPI, la tempe´rature a` l’arrive´e en SSPI, le score de se´dation a` l’arrive´e en SSPI et le nombre de patients sous ventilation me´canique en SSPI. Re´sultats. – Entre les deux pe´riodes (12 033 et 11 805 patients respectivement), la consommation d’isoflurane s’est arreˆte´e et celle de re´mifentanil a progresse´, l’utilisation des syste`mes de re´chauffement a augmente´ et celle du monitorage de la curarisation s’est ge´ne´ralise´e. La pratique de l’analge´sie multimodale s’est re´pandue. Le nombre de patients ayant rec¸u de la ne´ostigmine en SSPI s’est effondre´ passant de 73 a` 11. Le nombre de patients avec une tempe´rature infe´rieure a` 35,5 8C ne s’est pas modifie´ (1173 versus 1 278). Les patients sont significativement moins se´date´s a` l’arrive´e en SSPI. L’incidence globale de la ventilation postope´ratoire en SSPI a diminue´ de 1,1 % (n = 132) a` 0,2 % (n = 30). Tous les patients ventile´s en SSPI et ayant e´te´ curarise´s ont be´ne´ficie´ d’un monitorage par NMT. La proportion de patients arrivant extube´s en SSPI avec une tempe´rature infe´rieure a` 35,5 8C a augmente´ de 34,1 a` 46,6 %. La dure´e moyenne de se´jour en SSPI est passe´e de 122 a` 114 minutes (p < 0,05). Discussion. – Les pratiques professionnelles ont e´te´ modifie´es selon les protocoles e´dicte´s. L’impact clinique de ces changements a e´te´ important, ame´liorant le sevrage de la ventilation controˆle´e. L’absence d’effet de la strate´gie de re´chauffement sur la tempe´rature centrale a conduit a` extuber des patients re´veille´s, de´curarise´s, mais hypothermes, sans que l’innocuite´ de cette attitude ait pu eˆtre e´value´e. ß 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
Mots cle´s : Re´veil Ventilation controˆle´e Hypothermie Curarisation re´siduelle Anesthe´sie complications
A B S T R A C T
Keywords: Recovery Controlled ventilation Hypothermia Residual paralysis Anaesthesia Complications
Introduction. – Control of residual muscle paralysis and hypothermia reduce postoperative complications rate. Short context sensitive half life anaesthetic agents allow a better adjustment of anaesthesia depth according to surgical requirement and a safe early extubation. Using a large clinical database, impact of these three strategies was assessed on clinical criteria such as use of neostigmine in postanaesthesia care unit (PACU), temperature, sedation score at the arrival into PACU and mechanical ventilation weaning.
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (J.-L. Bourgain). 0750-7658/$ – see front matter ß 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.annfar.2011.03.009
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Methods. – This is a retrospective study on two separated periods. Since 2001, clinical events are entered into the database during and after anaesthesia in the same file. Agreement of anaesthesia staff to these strategies was assessed by the proportion of patients receiving modern anaesthetic agents (desflurane, sevoflurane and remifentanil) and the use of warming devices. Clinical impact was assessed by the number of patients receiving neostigmine in PACU, sedation score and temperature at the arrival in PACU and number of patients with mechanical ventilation in PACU. Results. – Between the two periods (12,033 and 11,805 patients, respectively), use of sevoflurane, desflurane and remifentanil markedly increased, as well as the use of warming devices. Number of patients with neuromuscular reversal in PACU decreased from 73 to 11 and sedation score improved dramatically. Incidence of postoperative ventilation in PACU decreased from 1.1% (n = 132) to 0.2% (n = 30). Incidence of postoperative hypothermia was not changed during the two periods but incidence of hypothermia in the mechanically ventilated patient increased from 34.1 to 46.6%. Length of stay in PACU decreased from 122 to 114 minutes (p < 0.05). Discussion. – Implementation of new intraoperative protocols induced major effects on postoperative clinical parameters and especially postoperative mechanical ventilation. Failure of our hypothermia prevention associated with a fast return of consciousness lead to wean from mechanical ventilation hypothermic patients. Risks of this strategy were not estimated. ß 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. Introduction Dans des e´tudes prospectives, il est clairement montre´ que certaines pratiques re´duisent la morbidite´ pe´riope´ratoire : la lutte contre l’hypothermie [1], le monitorage et l’antagonisation des curares [2], la gestion pe´riope´ratoire des analge´siques et antihyperalge´siques [3]. L’application de telles actions en pratique courante n’est pas sans poser de proble`mes qui sont, au mieux, e´value´s par l’e´valuation des pratiques professionnelles (EPP) qui s’impose alors comme un outil majeur de la gestion de la qualite´ [4,5]. Cette ame´lioration passe par la re´daction de protocoles enseigne´s aux cliniciens, applique´s et e´value´s par des indicateurs dans le cadre de l’EPP. Malheureusement, de nombreuses difficulte´s e´maillent ce parcours : les protocoles mal suivis, voire contourne´s, le choix et la mesure des indicateurs bien difficiles. Ces indicateurs e´valuent la qualite´ du suivi des protocoles et leur impact clinique. Dans ce contexte, la pierre d’achoppement re´side dans la difficulte´ a` mesurer un impact a` forte signification clinique, facile a` collecter et reproductible sur un collectif important de patients. L’e´valuation continue des pratiques professionnelles par des indicateurs continus est riche dans la mesure ou` elle permet de quantifier les progre`s et de motiver les acteurs sur la de´marche d’ame´lioration [6]. Les bases de donne´es cliniques alimente´es « au lit du patient » par une feuille d’anesthe´sie informatise´e sont conside´re´es comme une me´thode de re´fe´rence pour ce type d’analyse [6]. Dans notre service, la de´marche d’ame´lioration des pratiques porte sur les points sus-cite´s : monitorage de la curarisation, re´chauffement actif, administration d’agents anesthe´siques de cine´tique rapide et anticipation perope´ratoire des traitements antalgiques. Des indicateurs directs et continus e´valuent l’application de ces pratiques comme la consommation de me´dicaments ou l’utilisation de dispositifs me´dicaux (monitorage de la curarisation, syste`me de re´chauffement par exemple). D’autres e´valuent l’impact clinique direct de ces pratiques comme les scores (douleurs ou se´dation par exemple), la tempe´rature a` l’arrive´e en salle de surveillance postinterventionnelle (SSPI). D’autres indicateurs de grand inte´reˆt clinique sont plus difficiles a` interpre´ter car multifactoriels comme la dure´e de sevrage de la ventilation controˆle´e, le moment de l’extubation ou la dure´e de se´jour en SSPI. Ces indicateurs de´pendent de facteurs cliniques et organisationnels. Ainsi, dans des contextes pre´cis comme la chirurgie cardiaque ou la greffe he´patique, la strate´gie aboutissant a` extuber les patients sur table de´pend plus de la volonte´ des services a` de´velopper cette strate´gie que de crite`res me´dicaux [7].
Le but de cette e´tude e´tait d’e´valuer les modifications des pratiques professionnelles (monitorage de la curarisation, pre´vention de l’hypothermie, utilisation des agents anesthe´siques de dure´e d’action courte et analge´sie multimodale) sur deux pe´riodes disjointes en paralle`le avec l’e´volution de la strate´gie de sevrage de la ventilation controˆle´e et de l’extubation apre`s intervention. 2. Mate´riel et me´thodes Cette e´tude a e´te´ re´alise´e dans un centre de lutte contre le cancer. L’activite´ au bloc ope´ratoire e´tait repre´sente´e par les chirurgies digestive et gyne´cologique lourdes, la chirurgie cervicofaciale carcinologique et de reconstruction, la se´nologie, la radiologie interventionnelle, la curiethe´rapie et la pose de chambre veineuse implantable pe´diatrique. Le bloc ope´ratoire e´tait organise´ sur huit salles. La SSPI en contigu¨ite´ avec le bloc ope´ratoire comprenait 12 postes. Elle fonctionnait de 8 h a` 20 h tous les jours sauf samedi, dimanche et jours fe´rie´s et ne prenait en charge les patients qu’en postope´ratoire. Chaque anne´e un peu plus de 6000 patients e´taient pris en charge au bloc ope´ratoire et une majorite´ d’entre eux (pre`s de 5000) be´ne´ficiait d’une anesthe´sie ge´ne´rale. Depuis 1994, les feuilles d’anesthe´sie et de surveillance de la SSPI sont informatise´es. Ces dossiers sauvegarde´s dans une base de donne´es sont exploitables graˆce au logiciel ARK (DEIO GE1) depuis 2001. La feuille d’anesthe´sie et la feuille de SSPI e´taient remplies au fil de l’eau par les me´decins anesthe´sistes, les infirmie`res– anesthe´sistes et les infirmie`res de SSPI, qui validaient sur des ordinateurs disponibles en salle d’ope´ration et en SSPI, des items classe´s en tables. Cette e´tude monocentrique re´trospective est de type avant– apre`s sur deux pe´riodes : janvier 2002–de´cembre 2003 et janvier 2006–de´cembre 2007. L’utilisation des variables e´tudie´es est encadre´e par des protocoles internes du service. Les deux pe´riodes ont e´te´ choisies pour e´tudier le suivi des protocoles et leur impact sur la dure´e de ventilation controˆle´e postope´ratoire et les pratiques de sevrage et d’extubation (SSPI ou salle d’ope´ration). Dans un premier temps, l’utilisation des protocoles anesthe´siques a e´te´ e´value´e par des requeˆtes portant sur l’ensemble des patients ; elles ont concerne´ : l’utilisation d’hypnotiques, morphiniques a` e´limination rapide : se´voflurane, desflurane (en remplacement de l’isoflurane) et progression de l’utilisation du re´mifentanil ; la pratique de l’analge´sie multimodale e´value´e par l’administration de morphine pendant l’anesthe´sie et le nombre de patients be´ne´ficiant d’une analge´sie pe´ridurale postope´ratoire ;
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le monitorage de la de´curarisation par acce´le´romyographie (NMTTM) apre`s atracurium dans la tre`s grande majorite´ des cas. L’acce´le´romyographie a e´te´ acquise en janvier 2002 et son utilisation s’est accrue progressivement. Le re´sultat de cette strate´gie a de´ja` e´te´ publie´ dans un autre article [8] : le pourcentage de patients curarise´s et monitore´s par le NMT est passe´ de 67 a` 94 % entre respectivement les anne´es 2002–2003 et 2006–2007 ; l’utilisation des moyens de lutte contre l’hypothermie (couette, couverture chauffante a` air pulse´ essentiellement). Sur la deuxie`me pe´riode, la distribution des couvertures chauffantes e´tait effectue´e a` l’entre´e du bloc en fonction du type de chirurgie : laparotomie, thoracotomie, dure´e de chirurgie pre´vue supe´rieure a` deux heures. Les autres patients be´ne´ficiaient de l’installation d’une couette selon la disponibilite´ ; l’utilisation du BIS par le compte de capteurs achete´s. L’e´quipement de tous les moniteurs en module d’acquisition de BIS a e´te´ effectue´ a` la fin 2003. Dans un deuxie`me temps, l’impact clinique de ces pratiques a e´te´ juge´ sur des indicateurs directs comme le nombre de patients de´curarise´s en SSPI, le score de se´dation a` l’arrive´e en SSPI sur une e´chelle de 0 a` 4 et la tempe´rature a` l’arrive´e en SSPI. Dans un troisie`me temps, les patients ventile´s a` l’arrive´e en SSPI ont e´te´ identifie´s a` partir d’un item saisi dans la check-list d’arrive´e en SSPI : « ventilation controˆle´e et ventilation spontane´e ». De`s lors, la lecture de chaque feuille d’anesthe´sie informatise´e a permis de recueillir certaines caracte´ristiques des patients ventile´s en SSPI :
Tableau 1 Parame`tres ge´ne´raux des patients pour l’ensemble de la population e´tudie´e selon la pe´riode.
Effectif total des patients admis en SSPI Sexe ration (homme/femme %) Classe ASA (%) 1 2 3 4 ˆ Age des patients admis en SSPI (anne´es) Dure´e chirurgie de l’ensemble des patients admis en SSPI (minutes) Dure´e moyenne de se´jour SSPI (minutes)
2002–2003
2006–2007
12033 41
11805 38,7
14,6 62 21 2 51,0 18,2 168,0 15,7
9,6 64 24 1 54,8 16,4 180,0 15,5
122,0 8,5
114,1 5,5*
Ces chiffres sont stables sur la pe´riode e´tudie´e a` l’exception d’une faible diminution de la dure´e de se´jour en surveillance postinterventionnelle. * p < 0,05 contre 2002–2003.
patients ventile´s en SSPI ont e´te´ compare´es a` celles de l’ensemble des patients pris en charge pour la meˆme pe´riode de recueil. Enfin, ces caracte´ristiques ont e´te´ compare´es entre les deux pe´riodes. Les re´sultats ont e´te´ pre´sente´s sous forme de fre´quence avec le pourcentage pour les variables qualitatives et de moyenne avec l’e´cart-type pour les variables quantitatives. Un risque a de 5 % a e´te´ retenu pour les calculs. Les analyses ont e´te´ effectue´es a` l’aide du logiciel SPSSTM (version 13.0 pour Windows, SPSS Inc., Chicago, IL). 4. Re´sultats
des donne´es de´mographiques : aˆge, sexe, classification ASA, indice de masse corporelle (IMC) ; des donne´es chirurgicales : type, dure´e de chirurgie ; des donne´es anesthe´siques : type d’hypnotiques, de morphiniques, recours a` un monitorage NMTTM ; la dure´e de se´jour en SSPI ; la tempe´rature a` l’arrive´e en SSPI mesure´e par thermome`tre tympanique ; l’existence d’une curarisation re´siduelle soit par son identification dans la case e´ve`nements inde´sirables, soit par une antagonisation en SSPI ; le score de se´dation a` l’arrive´e en SSPI sur une e´chelle de 0 (comple`tement re´veille´) a` 4 (comateux sans re´ponse a` la stimulation douloureuse). 3. Statistiques Les patients des deux pe´riodes ont e´te´ compare´s par test t de Student ou test du Khi2 selon les cas. Puis, les caracte´ristiques des
Entre les deux pe´riodes de l’e´tude, les caracte´ristiques de l’ensemble des patients et les dure´es moyennes de chirurgie sont comparables pour l’ensemble de la population, y compris la re´partition des classes ASA ; la dure´e de se´jour en SSPI a significativement diminue´ (Tableau 1). Les modifications de pratique ont suivi les protocoles e´dicte´s comme l’attestent les consommations d’agents anesthe´siques de cine´tique rapide, l’utilisation de la morphine administre´e pendant l’anesthe´sie (augmentation du nombre de patients traite´s et diminution des doses moyennes) et le nombre de patients ayant be´ne´ficie´ d’une analge´sie pe´ridurale (Tableau 2). Les doses de morphine re´alise´es au bloc ope´ratoire en relais du re´mifentanil ne diffe´raient pas entre les deux pe´riodes (7,7 versus 5,5 mg, p = 0,08). Paralle`lement, la consommation de capteurs de BIS s’est accrue entre les deux pe´riodes. L’ame´lioration de la pre´vention de l’hypothermie n’a porte´ que sur l’utilisation des couettes (de 15 a` 46 % des patients) et non des couvertures a` air chaud pulse´ (de 18 a` 17 %).
Tableau 2 Consommation annuelle de me´dicaments et pre´vention de l’hypothermie selon les proce´dures recommande´es dans le service.
Gaz haloge´ne´s
Opiace´ perope´ratoire (Patients traite´s par an n) Morphine titration perope´ratoire Analge´sie pe´ridurale Re´chauffement Consommation de capteurs de BIS
Isoflurane (L) Se´voflurane (L) Desflurane (L) Sufentanil Re´mifentanil Nombre de patients en 2 ans Dose moyenne par patient (mg) Nombre de patients par an Utilisation air chaud pulse´ : nombre de patients pour 2 ans Utilisation couette : nombre de patients pour 2 ans Nombre de capteurs pour 2 ans
2002–2003
2006–2007
72,4 50,4 14,8 6684 4393 4676 5,2 421 2252 2131 31
0,3 89,1 137,5 3028 8942 6982 3,8 704 2134 5776 1572
Dans l’ensemble, les pre´conisations ont e´te´ suivies avec une forte augmentation des consommations d’agents de cine´tique rapide, une augmentation du nombre d’analge´sie pe´ridurale postope´ratoire. La pratique de l’analge´sie multimodale a conduit a` traiter plus de patients a` la morphine (dose de charge perope´ratoire) avec des doses moins fortes et a` faire plus d’analge´sies pe´ridurales.
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Tableau 3 Effet des modifications des pratiques sur les indicateurs : score de se´dation, tempe´rature a` l’arrive´e en SSPI et antagonisation des curares en SSPI sur l’ensemble des patients pris en charge pendant les deux pe´riodes de l’e´tude.
Score de se´dation. Nombre de patients par score
Tempe´rature a` l’arrive´e en SSPI (8C)
0 1 2 3 4 entre 35 et 35,5 entre 35 et 34,5 < 34,5
Patients ayant rec¸u de la ne´ostigmine en SSPI (n)
2002–2003
2006–2007
3407 4008 1582 574 218 858 252 63 73
3103* 7638* 1089* 203* 33* 913 308 57 11**
SSPI : salle de surveillance postinterventionnelle ; *p < 0,01 ; **p < 0,001 vs pe´riode 2002–2003.
Sur la population totale, cette strate´gie a eu un impact positif (Tableau 3) sur la curarisation re´siduelle en SSPI (73 patients antagonise´s en SSPI dans la pe´riode 2002–2003 versus 11 en 2006– 2007, p < 0,001) alors que, sur la population globale, le pourcentage de patients antagonise´s parmi ceux ayant rec¸u du curare n’a pas change´ significativement (30 % versus 34 %, respectivement). En revanche, l’incidence de l’hypothermie quel que soit le niveau choisi n’a pas change´ (Tableau 3). Les patients e´taient significativement moins se´date´s a` leur arrive´e en SSPI comme l’atteste l’e´volution du score de se´dation (p < 0,01, Tableau 3). Le pourcentage de patients sous ventilation me´canique en SSPI a progressivement diminue´ de 2001 a` 2007 (Fig. 1a et b). Cent soixante et onze dossiers comprenant l’item ventilation controˆle´e en SSPI ont e´te´ identifie´s sur les deux pe´riodes de l’e´tude. Deux dossiers de 2002 n’ont pu eˆtre exploite´s en raison d’une panne informatique survenue a` cette e´poque. L’item ventilation controˆle´e en SSPI apparaissait par erreur dans cinq dossiers (un en 2002, deux en 2003 et deux en 2006), correspondant a` des mauvaises saisies informatiques.
Au total, 162 dossiers ont e´te´ exploite´s : 132 en 2002–2003 et 30 en 2006–2007. Les caracte´ristiques de´mographiques des patients ventile´s en SSPI e´taient comparables entre les deux pe´riodes sauf pour la classification ASA. L’incidence de la ventilation me´canique postope´ratoire en SSPI a diminue´ de 1,1 % (n = 132) en 2002–2003 a` 0,2 % (n = 30) en 2006–2007 (p < 0,05). Sur la premie`re pe´riode, les patients ventile´s comptaient une proportion plus importante de femmes que l’ensemble des patients admis en SSPI et e´taient plus aˆge´s. Sur la seconde pe´riode, la proportion de femmes et l’aˆge ne diffe´raient plus. Les patients de la seconde pe´riode ventile´s en SSPI e´taient plus souvent classe´s ASA 3–4 que ceux de la premie`re pe´riode (26,7 % contre 19,4 %, p < 0,05). Les dure´es moyennes de chirurgie et de se´jour en SSPI e´taient identiques pour les patients ventile´s sur les deux pe´riodes (Tableau 4). La re´partition entre chirurgies lourde ou le´ge`re des patients ventile´s en SSPI ne diffe´rait pas. Les scores de se´dation e´taient comparables pendant les deux pe´riodes ; la grande majorite´ des patients ventile´s e´taient inconscients pendant la pe´riode 2006– 2007. La dure´e de se´jour en SSPI e´tait plus longue pour les patients ventile´s que pour la population globale sur les deux pe´riodes (146 versus 118 minutes, p < 0,05), alors que, tous patients confondus, cette dure´e diminuait pour 2006–2007 par rapport a` 2002–2003 (122 versus 114 minutes, p < 0,01). La dure´e de ventilation controˆle´e en SSPI e´tait de 57,8 minutes pour la premie`re pe´riode, 34,1 minutes pour la seconde (p < 0,05). L’incidence des facteurs entraıˆnant une ventilation en SSPI est reprise dans le Tableau 5. La cause du maintien de la ventilation n’a Tableau 4 Caracte´ristiques des patients ventile´s en salle de surveillance postinterventionnelle (SSPI) selon la pe´riode d’observation.
Fig. 1. a : diminution progressive du pourcentage de patients sous ventilation me´canique en salle de surveillance postinterventionnelle (SSPI) ; b : diminution progressive du nombre de patients arrivant intube´s ou porteurs d’un masque larynge´ (ML) en SSPI.
Effectif total des patients admis en SSPI Effectif des patients ventile´s en SSPI Effectif des patients arrivant intube´s en SSPI Effectif des patients arrivant avec un ML en SSPI Hommes/femmes (%) Aˆge (anne´es) Classe ASA (n) 1 2 3 4 IMC (kg/m2) Dure´e moyenne de chirurgie (minutes) Dure´e moyenne de se´jour en SSPI (en minutes) Chirurgie le´ge`re (n patients) Chirurgie lourde (n patients) Chirurgie lourde/total (%)
2002–2003
2006–2007
12033 132 510 229 23,1 57,7 12,7
11805 30* 90 87 26,7 59,2 17,1
14 94 24 2 24,1 4,1 164 123 142 90 71 58 45
0* 22* 7* 1* 25,2 6,0 177 153 148 70 9 12 57
* p < 0,05 vs pe´riode 2002–2003 ; ML : masque larynge´.
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Tableau 5 Impact clinique de la modification de prise en charge anesthe´sique sur la strate´gie de de´curarisation et sur la tempe´rature a` l’arrive´e en surveillance postinterventionnelle. Ces chiffres concernent les patients ventile´s en SSPI. Nombre de patients en valeur absolue et en pourcentages. Si la re´partition des scores de se´dation est comparable entre les deux pe´riodes, le nombre (en valeur absolue) de patients se´date´s a conside´rablement diminue´ au cours de la deuxie`me pe´riode. 2002–2003 Patients curarise´s sans monitorage de la curarisation perope´ratoire Patients curarise´s antagonise´s en SSPI Patients avec tempe´rature < 35 8C Score de se´dation 0 1 2 3 4
2006–2007
86 (85,2)
0 (0)*
73 (54,5) 45 (34,1)
11 (36,6) 14 (46,6)
3 9 17 43 43
0 (0) 4 (16,7) 3 (12,5) 12 (50,0) 5 (20,8)
(2,6) (7,8) (14,8) (37,4) (37,4)
* p < 0,05 contre 2002–2003.
pas e´te´ identifie´e chez 13 patients en 2002–2003 et quatre patients en 2006–2007. Sur la deuxie`me pe´riode, tous les patients ventile´s en SSPI et ayant e´te´ curarise´s avaient be´ne´ficie´ syste´matiquement d’un monitorage par NMT. Aucun patient ventile´ en SSPI sur la deuxie`me pe´riode ne be´ne´ficiait d’une anesthe´sie avec isoflurane et sufentanil. Pre`s de la moitie´ des patients (46,7 %) e´tait anesthe´sie´ par du desflurane, 33,3 % par du sevoflurane et 20,0 % par du propofol. Le plus souvent, les patients ont e´te´ ventile´s pour une, voire deux causes comme indique´ sur la Fig. 2 sans qu’il soit possible d’individualiser une cause pre´ponde´rante du fait de la faiblesse de l’effectif pendant la deuxie`me pe´riode. Ainsi, le nombre absolu de patients curarise´s et antagonise´s en SSPI a diminue´ entre les deux pe´riodes et la proportion de patients curarise´s parmi ceux ventile´s en SSPI est reste´e stable. La proportion de patients hypothermes parmi ceux ventile´s en SSPI a augmente´ de 34,1 a` 46,6 % (Tableau 5). Les patients transfuse´s au bloc ope´ratoire e´taient plus souvent ventile´s en SSPI que les patients non transfuse´s (43 versus 23 %, p = 0,043).
En 2002–2003, trois patients ont e´te´ ventile´s en postope´ratoire pour d’autres motifs : tous ont e´te´ transfe´re´s en re´animation dont un pour agitation. En 2006–2007, cinq patients ont e´te´ ventile´s en postope´ratoire pour d’autres motifs et transfe´re´s en re´animation, dont un pour panne de NMT (possiblement responsable d’une curarisation re´siduelle) et un pour hypoventilation alve´olaire cause´e par une fuite du circuit du respirateur. 5. Discussion Une volonte´ d’ame´lioration du monitorage de la curarisation, de la lutte contre l’hypothermie et la recherche d’un re´veil anesthe´sique pre´coce a eu impact important sur les indicateurs de suivi : curarisation re´siduelle et retard de re´veil mais pas sur la tempe´rature a` l’arrive´e en SSPI. Paralle`lement, le nombre absolu de patients ventile´s a globalement diminue´, quel que soit le motif, et un nombre plus important de patient hypothermes ont e´te´ extube´s au bloc ope´ratoire. Cette notion de strate´gie initiale concernant l’ensemble d’un service est certainement un point de´terminant de fac¸on majeure la prise en charge de la fin de l’anesthe´sie. Cette volonte´ a de´ja` e´te´ juge´e comme le facteur principal conditionnant le moment de l’extubation apre`s des chirurgies aussi lourdes que la greffe he´patique [7] ou la chirurgie cardiaque. Il est ainsi possible d’extuber sur table environ 75 % des patients apre`s greffe du foie, en sachant que, en dehors de l’ence´phalopathie, il est difficile de faire ressortir des facteurs pre´dictifs consensuels de l’e´chec d’extubation pre´coce dans la litte´rature. Plusieurs explications peuvent eˆtre avance´es : les diffe´rences de recrutement des patients, des protocoles cliniques diffe´rents et l’impossibilite´ de re´aliser une e´tude prospective comparant les deux strate´gies : extubation pre´coce versus extubation en SSPI. Deux situations ne pouvant eˆtre e´vite´es apportent un biais re´dhibitoire : la difficulte´ de comparer des patients qui auraient les crite`res d’extubation mais qu’on laisserait intube´s a` d’autres patients qui ne rempliraient pas ces crite`res. A` l’oppose´, il serait dangereux d’extuber des patients ne remplissant pas ces crite`res, au pre´texte qu’ils sont
Fig. 2. Re´partition des patients ventile´s en SSPI en fonction des causes de ventilation prolonge´e. Ce diagramme montre la contribution de chaque facteur et de leurs associations pouvant avoir conduit au maintien de la ventilation controˆle´e en surveillance postinterventionnelle. L’hypothermie associe´e ou non a` une curarisation re´siduelle reste, en pourcentage, le facteur pre´ponde´rant en 2006–2007. La se´dation re´siduelle est devenue une cause anecdotique du maintien de la ventilation controˆle´e en SSPI.
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dans le bras extubation pre´coce. Cette strate´gie ne se de´veloppe pas de fac¸on rapide et les changements de pratique sont progressifs au fur et a` mesure ou` l’e´quipe capitalise de la confiance et de l’expe´rience. Cela apparaıˆt clairement sur la Fig. 1a et b. Il est difficile d’e´tablir un lien formel de cause a` effet entre les modifications de pratiques (choix des agents anesthe´siques, monitorage de la curarisation et du BIS et pre´vention de l’hypothermie) et le re´sultat sur le sevrage de la ventilation controˆle´e. Ne´anmoins, ce changement de pratique a eu un effet re´el sur l’e´tat de conscience a` l’arrive´e en salle de re´veil et l’incidence de la curarisation re´siduelle. De`s lors, il est raisonnable de penser que le retour plus rapide a` une conscience normale et la diminution de la curarisation re´siduelle a permis d’extuber pre´cocement un plus grand nombre de patients. La relation entre changements de pratiques et modifications de l’e´tat clinique me´rite d’eˆtre aborde´e en de´tails. 5.1. Changement d’anesthe´siques L’abandon de l’isoflurane au profit du propofol, du se´voflurane et du desflurane pourrait expliquer en partie la re´duction du nombre de patients pre´sentant une se´dation prolonge´e. L’isoflurane e´tant un haloge´ne´ plus soluble que le se´voflurane et le desflurane, sa demi-vie contextuelle apre`s arreˆt de son administration est plus longue. Dans une e´tude comparant isoflurane et se´voflurane, l’ouverture des yeux a` la demande est obtenue plus de dix minutes plus toˆt avec le se´voflurane et la de´croissance des taux sanguins de se´voflurane est plus rapide que ceux de l’isoflurane [9]. Une re´cente me´ta-analyse combinant les donne´es de 58 e´tudes incluant un total de plus de 4000 patients montre que l’utilisation du desflurane est associe´e a` une diminution du de´lai moyen d’extubation de 34 % et de la variabilite´ de ce de´lai de 36 % par rapport a` l’usage de l’isoflurane [10]. La consommation de capteur de BIS ayant augmente´ entre les deux pe´riodes de notre e´tude, il est difficile de faire la part entre le changement de gaz haloge´ne´ ou une modification de pratique lie´ au BIS dans l’ame´lioration du score de conscience a` l’arrive´e en SSPI. Le re´mifentanil posse`de une demi-vie de quatre a` cinq minutes, peu influence´e par le contexte. Celle du sufentanil est plus longue et augmente avec la dure´e de perfusion [11]. Ces conside´rations pharmacocine´tiques ne se traduisent pas force´ment en diffe´rences cliniques significatives. Ainsi, de nombreuses e´tudes comparant le sufentanil et le re´mifentanil ne re´ussissent pas a` montrer une extubation plus rapide avec le re´mifentanil : que ce soit en de´bit massique en chirurgie cardiaque [12], en neurochirurgie [13] ou en anesthe´sie a` objectif de concentration en chirurgie colique [14]. Seules quelques e´tudes donnent un faible avantage au re´mifentanil : de´saturation moins fre´quente en postope´ratoire d’une chirurgie abdominale haute [15], meilleure re´cupe´ration des fonctions respiratoires apre`s chirurgie cardiaque [16]. Il est possible que les modalite´s d’administration des agents hypnotiques et morphiniques se soient modifie´es entre les deux pe´riodes : de´lai de l’arreˆt des morphiniques, de´croissance de la concentration des haloge´ne´s en fin de chirurgie. Les donne´es pre´sente´es ne nous permettent pas de trancher sur cette hypothe`se. La ne´cessite´ de recourir en fin d’intervention a` de la morphine a` des doses non ne´gligeables (plus de 5 mg) en relais du re´mifentanil peut expliquer un prolongement de la se´dation en SSPI. La re´duction du nombre de patients ventile´s en SSPI entre les deux pe´riodes pourrait eˆtre explique´e en partie par l’usage pre´fe´rentiel du re´mifentanil et des haloge´ne´s de courte dure´e d’action sur la seconde pe´riode. Le faible nombre de patients ventile´s ne nous a pas permis de re´aliser une analyse multivarie´e qui nous aurait permis de ponde´rer la responsabilite´ de chacun des facteurs contribuant a` assister la ventilation en postope´ratoire.
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5.2. Monitorage de la curarisation La Socie´te´ franc¸aise d’anesthe´sie et de re´animation (Sfar) recommande depuis 2000 le monitorage pe´riope´ratoire de la de´curarisation [17]. Notre de´partement applique ces recommandations en utilisant le monitorage continu du train de quatre au niveau de l’opposant du pouce. L’acce´le´romyographie a e´te´ acquise en janvier 2002 et son usage s’est ge´ne´ralise´ dans le courant de cette anne´e. Meˆme apre`s une dose unique de curare a` dure´e d’action interme´diaire, comme l’atracurium largement utilise´ par notre de´partement, une curarisation re´siduelle peut persister deux heures apre`s l’injection [18]. Il a e´te´ prouve´ que l’usage de l’acce´le´romyographie re´duit la curarisation re´siduelle [19] et le faible nombre de patients antagonise´s en SSPI dans le groupe 2006–2007 le confirme. La curarisation re´siduelle n’a pas pour autant disparu et elle requiert encore la mise sous ventilation me´canique en SSPI dans de rares cas malgre´ un monitorage syste´matique par NMT. Les raisons principales sont : l’annulation de la chirurgie en cours d’intervention et l’erreur d’administration du curare. Il est inte´ressant de conside´rer que les consommations de curare et de prostigmine e´taient comparables entre les deux pe´riodes alors que l’incidence de la curarisation re´siduelle justifiant la ventilation en SSPI s’effondrait pendant la pe´riode 2006–2007. C’est donc bien le monitorage de la curarisation qui a joue´ un roˆle crucial dans notre pratique en donnant des crite`res objectifs de l’efficacite´ de l’antagonisation avant l’extubation [20,21]. Par ailleurs, un abaissement de la tempe´rature centrale de volontaires sains a` 34 8C prolonge la dure´e d’action de l’atracurium de 60 % par rapport a` la dure´e d’action de l’atracurium de ces meˆmes volontaires sains normothermes [22]. L’hypothermie a pu ainsi jouer un roˆle dans la prolongation des effets des curares en SSPI. 5.3. Hypothermie La strate´gie de pre´vention de l’hypothermie s’est porte´e sur la couette dont l’utilisation a e´te´ plus fre´quente pendant la deuxie`me pe´riode. En revanche, la pratique de l’air chaud pulse´ ne s’est pas modifie´e. Cela n’est pas l’effet attendu et l’absence de progression de l’utilisation de l’air chaud pulse´ est probablement a` mettre sur le compte de proble`mes logistiques mal appre´hende´s (de´fauts de mise a` disposition de couvertures haut et bas du corps et difficulte´s a` controˆler la tempe´rature des salles d’ope´ration du fait d’une climatisation de´faillante). Il en re´sulte une absence de modification de l’incidence de l’hypothermie a` l’arrive´e en SSPI. Pourtant, le nombre de patients ventile´s en SSPI pour hypothermie a diminue´ de fac¸on importante. Dans notre pratique, l’hypothermie ne repre´sente pratiquement plus un crite`re de ventilation en SSPI lorsque le patient ne pre´sente pas d’autres signes associe´s comme un trouble de conscience ou une curarisation re´siduelle. Les traite´s d’anesthe´sie franc¸ais recommandent fre´quemment de ventiler les patients hypothermes en SSPI pour diminuer la consommation d’oxyge`ne. A` notre connaissance, aucune e´tude n’a de´montre´ ce be´ne´fice. D’ailleurs, cette pratique n’est pas propose´e dans une revue ge´ne´rale re´cente ou` les moyens pharmacologiques (ne´fopam et clonidine par exemple) et l’analge´sie pe´ridurale sont recommande´s pour re´duire la consommation d’oxyge`ne postope´ratoire en relation avec le re´chauffement [1]. Ces me´thodes sont efficaces en limitant le frisson et l’augmentation de consommation d’oxyge`ne pendant le re´chauffement. L’inte´reˆt de la ventilation controˆle´e postope´ratoire n’a pas e´te´ e´tudie´ chez des patients be´ne´ficiant de ces traitements antifrissons, en particulier lorsqu’ils pre´sentent des facteurs de risque coronarien ; le lien entre frisson et souffrance myocardique n’apparaissant d’ailleurs pas clairement dans les derniers traite´s d’anesthe´sie[23].
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Notre e´tude n’a pas pu de´terminer la cause du maintien de la ventilation pour un peu plus de 10 % des patients. En effet, 13 patients en 2002–2003 et quatre patients en 2006–2007 ont e´te´ ventile´s en SSPI pour une raison autre que l’hypothermie, une curarisation re´siduelle ou une se´dation importante. Plusieurs hypothe`ses peuvent eˆtre e´rige´es : le patient non extube´ en salle d’ope´ration pour se´dation importante et qui s’e´veille pendant le trajet bloc-SSPI ; l’hypothermie mode´re´e motivant le maintien peut-eˆtre excessif de la ventilation ; l’observation d’un malade pour lequel le sevrage respiratoire a e´te´ pre´vu difficile ou risque´ (insuffisance respiratoire, intubation difficile, par exemple) ou prudence chez un patient a` risque, car le pourcentage de patients ASA 3 et 4 e´tait plus e´leve´ parmi les patients ventile´s en SSPI pendant la deuxie`me pe´riode. 5.4. Inte´reˆt potentiel de la strate´gie d’un re´veil pre´coce La dure´e de se´jour en SSPI a diminue´ entre 2002–2003 et 2006– 2007 pour l’ensemble des patients pris en charge. Ce phe´nome`ne peut eˆtre en partie explique´ par les changements de protocoles anesthe´siques. Une e´tude ame´ricaine e´value les pratiques professionnelles en chirurgie ambulatoire dans cinq centres hospitaliers [24]. Une re´gression logistique multivarie´e montre que les patients ayant rec¸u uniquement des agents anesthe´siques a` e´limination rapide ont une probabilite´ double de court-circuiter la SSPI par rapport aux patients ayant be´ne´ficie´ d’une anesthe´sie ge´ne´rale avec d’autres agents. Cependant, la dure´e de se´jour en SSPI ne de´pend pas uniquement des techniques anesthe´siques mais de nombreuses contraintes logistiques : attente de re´sultats biologiques, de cliche´s radiologiques ou de brancardage [25]. La diminution de la dure´e de se´jour en SSPI ne peut donc eˆtre une conse´quence ine´luctable de ce type de prise en charge si ces facteurs ne sont pas ame´liore´s. La pratique du re´veil en salle d’ope´ration permet le controˆle des parame`tres avec l’ensemble du monitorage de la salle d’ope´ration : NMT, fraction expire´e d’haloge´ne´, reprise de la ventilation spontane´e. Ce re´veil en salle d’ope´ration autorise l’extubation sur table et limite le risque d’extubation pendant le transport, comme cela a e´te´ rapporte´ re´cemment [26]. En revanche, le temps pris a` extuber un patient en salle d’ope´ration peut ralentir le programme ope´ratoire et impacter l’efficience me´dicoe´conomique du bloc. Ce point a e´te´ e´tudie´ et le be´ne´fice d’un turnover rapide des patients a permis d’augmenter l’activite´ du bloc uniquement lorsque la dure´e des interventions pratique´es dans la salle e´tait infe´rieure a` 120 minutes. Cette pratique ne´cessite cependant des moyens humains supple´menˆ t–be´ne´fice me´rite d’eˆtre e´value´ pour chaque taires et le rapport cou structure. 5.5. Ventilation en SSPI : un indicateur sentinelle ? ˆ re, sa qualite´ L’anesthe´sie e´tant une spe´cialite´ de plus en plus su ne peut plus eˆtre e´value´e par l’incidence d’e´ve´nements inde´sirables graves au niveau d’une unite´ hospitalie`re [5,27]. Une autre approche utilise des indicateurs de qualite´ de diffe´rents types [28]. C’est dans la cate´gorie des indicateurs sentinelles que pourrait se ranger la ventilation en SSPI. Un indicateur sentinelle est une re´ponse clinique ou paraclinique, de´finie par une valeur anormale ou franchement pathologique, directement relie´e a` la proce´dure, mais qui n’entraıˆne pas force´ment une complication. Il s’agit d’un signal attirant l’attention sur des phe´nome`nes ou des e´ve´nements nuisibles ou potentiellement dommageables pour la malade ou le service d’anesthe´sie. Quand le principe du re´veil rapide a e´te´ retenu comme objectif, e´tudier les dossiers des patients ventile´s en
SSPI apre`s chirurgie non cardiaque peut aider a` identifier des situations ou` le processus anesthe´sique a conduit a` l’absence de retour a` la normale de la conscience ou de la ventilation. 6. Conclusion L’utilisation d’agents anesthe´siques de courte dure´e d’action, le monitorage de la curarisation et du BIS se sont accompagne´s d’une diminution du nombre de patients ventile´s en SSPI, que ce soit pour se´dation postope´ratoire ou curarisation re´siduelle. En revanche, la strate´gie de pre´vention de l’hypothermie n’a pas e´te´ couronne´e de succe`s pour des raisons probablement logistiques. La conse´quence inattendue de cette strate´gie est l’augmentation de l’incidence de l’extubation de patients hypothermes pourvu qu’ils aient rempli les autres crite`res d’extubation. A` cet e´gard, l’innocuite´ de cette pratique n’a pas e´te´ e´value´e et devra faire l’objet de nouvelles e´tudes. Dans notre expe´rience, la fre´quence de la ventilation controˆle´e en SSPI est devenue tellement rare que son analyse permet d’identifier une population pre´sentant des complications se´ve`res d’origine anesthe´sique ou chirurgicale. Ces analyses permettent alors de dresser facilement un panorama global des complications se´ve`res qui peut servir de source aux revues morbimortalite´. ˆ ts De´claration d’inte´re Les auteurs n’ont pas de´clare´ de conflit d’inte´reˆt en relation avec cet article. Re´fe´rences [1] Sessler DI. Temperature monitoring and perioperative thermoregulation. Anesthesiology 2008;109:318–38. [2] Arbous MS, Meursing AE, van Kleef JW, de Lange JJ, Spoormans HH, Touw P, et al. Impact of anesthesia management characteristics on severe morbidity and mortality. Anesthesiology 2005;102:257–68. [3] Socie´te´ franc¸aise d’anesthe´sie et de re´animation.. Recommandations formalise´es d’experts 2008. Prise en charge de la douleur postope´ratoire chez l’adulte et l’enfant. Ann Fr Anesth Reanim 2008;27:1035–41. [4] Li G, Warner M, Lang BH, Huang L, Sun LS. Epidemiology of anesthesia-related mortality in the United States, 1999-2005. Anesthesiology 2009;110:759–65. [5] Lienhart A, Auroy Y, Pequignot F, Benhamou D, Warszawski J, Bovet M, et al. Survey of anesthesia-related mortality in France. Anesthesiology 2006;105: 1087–97. [6] Amalberti R, Gremion C, Auroy Y, Michel P, Salmi R, Parneix P, et al. Revue sur les syste`mes de signalement. In: Rapport d’e´tape du contrat MiRe. DREES CCECQA; 2006. p. 41–47. [7] Mandell MS, Campsen J, Zimmerman M, Biancofiore G, Tsou MY. The clinical value of early extubation. Curr Opin Organ Transplant 2009;14:297–302. [8] Motamed C, Bourgain JL. Impact d’une de´marche d’e´valuation des pratiques professionnelles sur l’utilisation du monitorage de la curarisation et l’antagonisation des curares. Ann Fr Anesth Reanim 2009;28:297–301. [9] Frink Jr EJ, Malan TP, Atlas M, Dominguez LM, DiNardo JA, Brown Jr BR, et al. Clinical comparison of sevoflurane and isoflurane in healthy patients. Anesth Analg 1992;74:241–5. [10] Agoliati A, Dexter F, Lok J, Masursky D, Sarwar MF, Stuart SB, et al. Metaanalysis of average and variability of time to extubation comparing isoflurane with desflurane or isoflurane with sevoflurane. Anesth Analg 2010;110: 1433–9. [11] Hughes MA, Glass PS, Jacobs JR. Context-sensitive half-time in multicompartment pharmacokinetic models for intravenous anesthetic drugs. Anesthesiology 1992;76:334–41. [12] Engoren M, Luther G, Fenn-Buderer N. A comparison of fentanyl, sufentanil, and remifentanil for fast-track cardiac anesthesia. Anesth Analg 2001;93:859– 64. [13] Djian MC, Blanchet B, Pesce F, Sermet A, Disdet M, Vazquez V, et al. Comparison of the time to extubation after use of remifentanil or sufentanil in combination with propofol as anesthesia in adults undergoing nonemergency intracranial surgery: a prospective, randomized, double-blind trial. Clin Ther 2006;28: 560–8. [14] Derrode N, Lebrun F, Levron JC, Chauvin M, Debaene B, et al. Influence of peroperative opioid on postoperative pain after major abdominal surgery: sufentanil TCI versus remifentanil TCI. A randomized, controlled study. Br J Anaesth 2003;91:842–9. [15] Casati A, Albertin A, Fanelli G, Deni F, Berti M, Danelli G, et al. A comparison of remifentanil and sufentanil as adjuvants during sevoflurane anesthesia with
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