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Article original
Impact de la psychoéducation sur la qualité de vie des patients bipolaires type I夽 Impact of a psycho-educational intervention on quality-of-life among patients with type I bipolar disorder Lazhar Zarrouk (assistant hospitalo-universitaire) , Imen Anes Jellali (médecin spécialiste en psychiatrie) ∗ , Kilani Hajji (assistant hospitalo-universitaire) , Samira Youness (assistant hospitalo-universitaire) , Ilyes Marrag (assistant hospitalo-universitaire) , Mohamed Hadj Ammar (professeur agrégé) , Mohamed Nasr (professeur et chef de service de psychiatrie) Service de psychiatrie, CHU Tahar Sfar, Mahdia 5100, Tunisie Rec¸u le 20 f´evrier 2014
Résumé Objectif. – Étudier l’impact d’une intervention psychothérapeutique à visée éducationnelle sur la qualité de vie (QdV) des patients bipolaires type I. Méthode. – Il s’agit d’une étude prospective portant sur 15 patients bipolaires type I. L’évaluation de la qualité de vie a été effectuée à l’aide de la SF-36 dans sa version en arabe littéraire deux semaines avant et 12 semaines après psychoéducation (PE). Résultat. – Au départ, le score moyen global à la SF-36 était de 63,2, attestant une insuffisance modérée de la qualité de vie qui touchait 41 % de la population d’étude. La PE utilisée conjointement à la pharmacothérapie était associée à une augmentation de neuf points des scores. L’examen des scores moyens par dimension a révélé que trois dimensions, soit l’activité physique (D1 ), la vie et relations avec les autres (D6 ) et les limitations dues à l’état psychique (D7 ) augmentaient significativement suite à la PE, tandis que les 夽 Toute référence à cet article doit porter mention : Zarrouk L, Anes JI, Hajji K, Youness S, Marrag I, Hadj AM, Nasr M. Impact de la psychoéducation sur la qualité de vie des patients bipolaires type I. Evol Psychiatr. 2015; 80(4): pages (pour la version papier) ou adresse URL et date de consultation (pour la version électronique). ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (I. Anes Jellali).
http://dx.doi.org/10.1016/j.evopsy.2015.02.007 0014-3855/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. EVOPSY-907; No. of Pages 16
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autres dimensions indiquaient des tendances non significatives vers un fonctionnement amélioré. L’analyse multivariée indiquait qu’un seul facteur (avoir eu un âge au début du trouble > 35 ans) prédisait significativement les scores de la qualité de vie avant et après psychoéducation. Discussion. – Dans notre étude ainsi que dans la littérature, la QdV des patients bipolaires était altérée et l’amélioration de la QdV des patients bipolaires après PE n’a pas uniformément touché toutes les dimensions. Le seul facteur prédisant significativement les scores de la qualité de vie avant et après PE était l’âge au début du trouble > 35 ans. Les données de la littérature concernant ce point étaient disparates. Conclusion. – La PE va plus loin que la simple transmission d’information aux patients, elle intervient au niveau de la cognition et au niveau du comportement et contribue à la connaissance et à la gestion de la maladie. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Psychoéducation ; Trouble bipolaire ; Qualité de vie ; Questionnaire ; Étude prospective ; Tunisie
Abstract Objective. – The aim of this work was to study the impact of an educational psychotherapeutic intervention on the quality-of-life of patients with type I bipolar disorder. Methodology. – A prospective study of 15 type I bipolar patients was conducted, this number being determined in advance in accordance with the Château de Garches psycho-educational program, Paris, which includes 15 sessions of 2 hours each on a weekly basis. Thymic stability was confirmed before the psychoeducational program. The assessment of quality-of-life was performed using the SF-36 in its literary Arabic version two weeks before and 12 weeks after the psycho-educational intervention. Results. – At the initial assessment, the mean global score on the SF-36 was 63.2, indicating moderate impairment of quality-of-life affecting 41% of the study population. Psycho-education used in conjunction with drug therapy was associated with a 9-point increase in scores. Examination of the mean dimension scores showed that in three dimensions, physical activity (D1 ), life and relationships with others (D6 ) and limitations due to mental state (D7 ), scores increased significantly after the psycho-educational intervention, while the other dimensions showed non-significant trends towards improved functioning. Multivariate analysis indicated that only one factor (being under 35 years at onset of the disorder) significantly predicted qualityof-life scores before and after the intervention. Discussion. – In our study as in the literature, quality-of-life among bipolar patients was adversely affected, and the improvement of quality-of-life among these patients after psycho-education did not affect all dimensions in uniform manner. The only actor significantly predicting quality-of-life scores before and after psycho-education identified by this study was being under 35 years at the onset of the disorder. In the literature, the findings reported on this point are inconclusive. Conclusion. – Psycho-education is not merely information delivered to patients, it has an impact on cognition and on behavior and contributes to the understanding and management of this illness. © 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Keywords: Psycho-education; Bipolar disorder; Quality-of-life; Questionnaire; Prospective study; Tunisia
1. Introduction Le trouble bipolaire (TB) a une prévalence sur la vie proche de 1,6 % [1]. Il est caractérisé par une forte récurrence des épisodes maniaques ou dépressifs puisque près de 60 % des patients rechutent dans les deux ans qui suivent un épisode aigu malgré une prophylaxie adéquate [2].
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De plus, près de 50 % des patients éprouvent des symptômes inter-critiques [3]. Il se caractérise aussi par une forte comorbidité, en particulier avec les toxicodépendances et les troubles anxieux qui peuvent constituer des facteurs de résistance et qui aggravent le pronostic [4,5]. Ce trouble fait partie des dix maladies les plus coûteuses et invalidantes au plan mondial et continue à être un défi pour la psychiatrie moderne [6]. En effet, les stabilisateurs de l’humeur ont considérablement amélioré le pronostic de ce trouble, en limitant le nombre de récidives et en réduisant le risque de complications somatiques, psychiatriques, psychologiques et sociales. Néanmoins, un pourcentage important de patients continue à présenter des fluctuations thymiques du fait d’une mauvaise observance thérapeutique et de la persistance de facteurs déclenchants, précipitants ou d’entretien du trouble ou tout simplement du fait de l’insuffisance d’efficacité des thymorégulateurs [7]. En effet, l’enquête MONTRA réalisée sur le territoire métropolitain entre 2010 et 2011 auprès de 439 psychiatres sur les conditions de prise en charge des patients bipolaires a montré que les psychiatres ont déclaré recourir plus fréquemment à une association médicamenteuse pour traiter les différentes phases du TB et qu’une prise en charge non médicamenteuse était proposée chez 90 % des patients (principalement psychothérapie de soutien, 73 %) [8]. Dans la littérature des autres mesures thérapeutiques ont été proposées afin d’optimiser le traitement médicamenteux [9,10]. Certains auteurs ont trouvé que les moyens psychothérapiques : Thérapies comportementales et cognitives (TCC), de la psychoéducation (PE) et des thérapies interpersonnelles et d’aménagement des rythmes sociaux (TIPARS) sont efficaces sur l’intensité et la durée des décompensations, et sur la qualité et le temps passé en rémission [9]. Par ailleurs Docteur et al. ont trouvé que la qualité de vie s’améliorait de manière significative pour le groupe qui a bénéficié de TCC par rapport au groupe témoin, en termes de santé physique, de santé psychologique et de relations sociales, indépendamment d’une atténuation de la symptomatologie thymique [10]. La psychoéducation PE dont le rôle a longtemps été sous-évalué, fait aujourd’hui partie avec les thérapies cognitivo-comportementales TCC, des traitements psychologiques les mieux documentés et pour lesquels il existe un niveau de preuve d’efficacité élevé [11]. Les bénéfices de cette approche complémentaire se situent à différents niveaux : reconnaissance précoce des symptômes qui annoncent une récidive, amélioration de la qualité de l’observance, acceptation du trouble, meilleure gestion de la vie sociale, professionnelle et affective, contrôle des facteurs déclenchants ou précipitants et par conséquent diminution du nombre de récidives et de rechutes, diminution de la durée d’hospitalisations, meilleur équilibre de la vie familiale et amélioration de la qualité de vie QdV [12]. L’objectif de ce travail était d’étudier l’impact d’une intervention psychothérapeutique à visée éducationnelle sur la qualité de vie des patients bipolaires type I. 2. Méthode Nous avons ainsi réalisé une étude prospective au service de psychiatrie du CHU de Mahdia (Tunisie), durant une période de huit mois (1er avril–30 novembre 2010), portant sur 15 participants, effectif fixé au préalable conformément au programme de PE de la clinique de Château de Garches de Paris qui comporte 15 séances de durée de deux heures chacune à une rythmicité hebdomadaire [13,14]. Les critères d’inclusion étaient tout patient originaire de Mahdia ou ses banlieues, ayant un âge compris entre 18 et 65 ans et un niveau d’instruction au moins primaire, suivi depuis au moins
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deux ans pour TB type I selon les critères du Manuel Diagnostique et Statistique des troubles mentaux-IVe version-Texte Révisé (DSM-IV-TR), [15] ayant été hospitalisé au moins une fois pour un épisode psychopathologique rentrant dans le cadre de ce trouble, cliniquement euthymique depuis au moins quatre mois et consentant après information quant aux objectifs de l’étude. Les critères d’exclusion étaient la présence de cycles rapides, de troubles cognitifs sévères, de comorbidité somatique ou d’une grossesse en cours. Les 15 participants ont été déterminés à l’aide d’un tirage au sort parmi un ensemble de 94 patients répondant aux critères d’inclusion et d’exclusion soit 13,7 % de la file active suivie pour trouble bipolaire. Les données ont été recueillies auprès des patients et aussi en utilisant leurs dossiers médicaux à l’aide d’un questionnaire préétabli comportant 23 variables permettant d’explorer le profil sociodémographique des participants, les caractéristiques cliniques et évolutives du TB ainsi que les données concernant la prise en charge. Une évaluation psychométrique pour la dépression à l’aide de la Hamilton Depression Rating Scale (HDRS) à 17 items [16] et pour l’hypomanie et la manie à l’aide de la Young Mania Rating Scale (YMRS) à 11 items a été pratiquée avant le début du programme pour confirmer la stabilité thymique [17]. La mesure de la QdV a été effectuée deux semaines avant le début et 12 semaines après la fin du programme de PE à l’aide de l’échelle générique de la QdV la SF-36 (Short-Forme) dans sa version validée en arabe littéraire qui comporte 36 items regroupés en huit dimensions [18–20]. Pour tout participant, un score moyen a été calculé pour chaque dimension (SMD) permettant d’identifier les dimensions les plus touchées et un score moyen global (SMG) a été obtenu par le calcul de la moyenne des cotations. En se référant à la valeur seuil de Léan, on admet qu’un score < 66,7 signifie une altération de la QdV. Dans l’intérêt d’une meilleure interprétation de nos résultats, une standardisation des SMD initiaux conformément à l’étude en population générale « USA 98 » a été optée avec répartition des huit dimensions de l’échelle en deux composantes : une composante physique (CP) et une composante mentale (CM). Le programme de PE a été assuré par une même équipe composée d’un psychiatre, d’un psychologue et d’un infirmier en psychiatrie. Le premier s’est chargé d’exposer les objectifs et le contenu de chaque séance et de diriger le groupe tout en respectant l’agenda, le deuxième s’est occupé de diverses fonctions permettant d’épauler son aîné dans la conduite des séances, tandis que le troisième avait pour tâche de remplir la fiche de présence, de transcrire les remarques, les questions, les commentaires ou les suggestions des participants et de distribuer les supports didactiques relatifs à chaque session. Les séances ont été dispensées tous les samedis à partir de 10 heures à la salle de staff du service. Une séance préparatoire a été prévue, elle visait à préciser les règles élémentaires au bon fonctionnement de groupe notamment le respect de la confidentialité, la ponctualité et l’assiduité, à familiariser les participants avec la structure des séances et à favoriser l’esprit de collaboration. À part la séance introductive du programme, chaque session débutait par un bref rappel du contenu de la précédente et ce afin de consolider les acquisitions. Des sessions de rattrapage ont été prévues l’après midi des mercredis en cas d’absentéisme. Les analyses statistiques ont été effectuées en utilisant le logiciel SPSS 15.0 pour windows. Les résultats de l’étude descriptive sont exprimés sous forme de fréquence, de moyenne et d’écarttype. Le test non paramétrique de Wilcoxon a été appliqué dans le but de comparer les scores à la SF-36 avant et après psychoéducation. Les coefficients de régression multiple  et R2 ont été utilisés pour déterminer les facteurs les plus incriminés dans l’altération de la qualité de vie.
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3. Résultats 3.1. Étude descriptive 3.1.1. Caractéristiques sociodémographiques L’étude descriptive concernant les caractéristiques sociodémographiques a révélé un âge en moyenne de 37 ans, un sex-ratio de 0,66, un niveau d’instruction primaire ou secondaire dans 86,7 % des cas, une activité professionnelle uniquement chez 1/3 des patients, un niveau socioéconomique moyen dans 60 % des cas, un statut matrimonial de marié dans 53,4 % des cas, une absence d’enfants à charge chez 40 % des participants et une couverture sociale présente dans 66,7 % des cas. 3.1.2. Caractéristiques cliniques et évolutives Pour les caractéristiques cliniques et évolutives du trouble bipolaire, les résultats ont montré une présence d’antécédents familiaux psychiatriques chez 42,6 % des patients. Les troubles de l’humeur ont représenté la moitié de ces antécédents familiaux. Les antécédents personnels de tentatives de suicide chez 1/3 des participants. L’âge au début du trouble était en moyenne de 25 ans avec un début strictement supérieur à 35 ans dans 20 % des cas. Le nombre d’hospitalisations a varié entre 2 et 5 dans 86,8 % des cas avec un délai de la dernière hospitalisation remontant à moins d’un an chez 73,4 % des participants. L’épisode le plus récent était de nature maniaque dans 73,4 % des cas, dépressive dans 13,4 % des cas, hypomaniaque 6,6 % des cas ou mixte 6,6 % des cas. Les données concernant la prise en charge ont révélé chez tous les participants une association de psychotropes parmi laquelle figurait un thymorégulateur au moins, un maintien sous benzodiazépines, antipsychotiques et antidépresseurs dans respectivement 73,4 %, 66,6 % et 6,6 % des cas, une présence d’effets secondaires chez 13,3 % des participants, un suivi régulier et une bonne observance thérapeutique dans respectivement 60 % et 86,7 % des cas. 3.1.3. Évaluation de la stabilité thymique Les scores de l’ensemble des participants à l’échelle de manie de Young variaient de 0 à 4 avec une moyenne de 1,6 et un écart-type de 1,8 ; leur répartition a permis de trouver des valeurs < 6 attestant une euthymie. Les scores de l’ensemble des participants à l’échelle de dépression d’Hamilton variaient de 0 à 3 avec une moyenne de 0,7 et un écart-type de 2 ; leur répartition a permis de trouver des valeurs < 7 attestant une euthymie. 3.1.4. Évaluation de la qualité de vie 3.1.4.1. Avant psychoéducation. Les SMG à la SF-36 de l’ensemble des participants variaient de 13,7 à 94,2 avec une moyenne de 63,2 et un écart-type de 16,4. La répartition a permis de trouver que 41 % des patients avaient des scores inférieurs à la valeur seuil de Léan (66,7), au-dessous de laquelle la QdV est considérée comme altérée (Fig. 1). La répartition des SMD à la SF-36 de l’ensemble des participants a montré que l’altération portait, par ordre d’importance décroissante sur la vie et relations avec les autres (D6 ), la vitalité (D5 ), l’activité physique (D1 ), les limitations dues à l’état psychique (D7 ) et la santé psychique (D8 ). La standardisation a permis de constater que l’altération touchait par ordre d’importance décroissante : la vie et relations avec les autres (D6 ), l’activité physique (D1 ), les limitations dues à l’état psychique (D7 ), la santé psychique (D8 ), les limitations dues à l’état physique (D2 ), la santé perc¸ue (D4 ) et la vitalité (D5 ). La CM dont le score standardisé a été estimé à 42,7, s’avérait plus altérée que celle physique dont le score standardisé a été estimé à 46,0 (Fig. 1, Tableau 1).
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Fig. 1. Répartition des scores moyen calculés pour chaque dimension (SMD) à la Short-Forme (SF-36) avant psychoéducation.
3.1.4.2. Après psychoéducation. Les SMG à la SF-36 de l’ensemble des participants variaient de 16,2 à 94,5 avec une moyenne de 72,2 et un écart-type de 18,7. La répartition a permis de trouver que 34 % des patients gardaient des scores inférieurs à la valeur seuil de Léan (Fig. 2). La standardisation des SMD initiaux à la SF36 nous a permis de constater que les dimensions restant touchées étaient par ordre d’importance décroissante : la santé psychique (D8 ), la vie et relations avec les autres (D6 ), l’activité physique (D1 ), les limitations dues à l’état psychique (D7 ) et les limitations dues à l’état physique (D2 ) et que la CM demeurait altérée par rapport à celle physique déjà améliorée avec des scores standardisés respectifs estimés à 46,8 et 50,1 (Tableau 2). 4. Étude analytique 4.1. Comparaison des scores à la SF-36 avant et après psychoéducation L’examen des SMD à la SF-36 a révélé une augmentation des scores après PE variant de 2,2 à 17,6. Pour les 3e dimensions : limitations dues à l’état physique (D2 ) ; douleurs physiques (D3 ) et santé perc¸ue (D4 ) dont les scores avant la psychoéducation n’indiquaient pas une altération
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Tableau 1 SMD initiaux et standardisés à la SF-36 avant PE. SMD initial
Score moyen standardisé
D1 : Activité physique
60,3
40,5
D2 : Limitations dues à l’état physique
68,1
47,2
D3 : Douleurs physiques
71,4
50,5
D4 : Santé perc¸ue
68,5
49,3
D5 : Vitalité
56,7
49,9
D6 : Vie et relations avec les autres
56,3
38,2
D7 : Limitations dues à l’état psychique
61,6
43,2
D8 : Santé psychique
63,2
43,2
CP
–
46,0
CM
–
42,7
Dimension
SMD : score moyen calculé pour chaque dimension ; SF-36 : Short-Forme ; PE : psychoéducation ; CP : composante physique ; CM : composante mentale.
Fig. 2. Répartition des scores moyen calculés pour chaque dimension (SMD) à la Short-Forme (SF-36) après psychoéducation.
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Tableau 2 SMD initiaux et standardisés à la SF-36 après PE. Dimension
SMD initial
Score moyen standardisé
D1 : Activité physique
77,9
47,9
D2 : Limitations dues à l’état physique
76,5
49,6
D3 : Douleurs physiques
73,6
51,4
D4 : Santé perc¸ue
70,8
50,3
D5 : Vitalité
61,0
51,9
D6 : Vie et relations avec les autres
74,1
45,9
D7 : Limitations dues à l’état psychique
78,3
48,5
D8 : Santé psychique
65,4
44,4
CP
–
50,1
CM
–
46,8
SMD : score moyen calculé pour chaque dimension ; SF-36 : Short-Forme ; PE : psychoéducation ; CP : composante physique ; CM : composante mentale.
de la QdV, l’augmentation était non significative. S’agissant des cinq dimensions restantes : activité physique (D1 ) ; vitalité (D5 ) ; vie et relations avec les autres (D6 ) ; limitations dues à l’état psychique (D7 ) et santé psychique (D8 ) dont les scores avant la psychoéducation indiquaient une altération de la QdV, l’augmentation était significative (p = 0,01) attestant une amélioration nette de la QdV pour les dimensions activité physique (D1 ), vie et relations avec les autres (D6 ) et limitations dues à l’état psychique (D7 ) et non significative pour les dimensions vitalité (D5 ) et santé psychique (D8 ). Concernant le SMG marquant une altération de la QdV avant PE, son augmentation était en faveur d’une amélioration significative de cette dernière après PE avec p = 0,01 (Tableau 3).
Tableau 3 Comparaison des scores à la SF-36 avant et après PE. Dimension
Score avant PE
Score après PE
Test (Wilcoxon)
p
D1 : Activité physique
60,3
77,9
3,2
0,01
D2 : Limitations dues à l’état physique
68,1
76,5
0,3
NS
D3 : Douleurs physiques
71,4
73,6
1,4
NS
D4 : Santé perc¸ue
68,5
70,8
1,7
NS
D5 : Vitalité
56,7
61,0
1,6
NS
D6 : Vie et relations avec les autres
56,3
74,1
3,4
0,01
D7 : Limitations dues à l’état psychique
61,6
78,3
3,4
0,01
D8 : Santé psychique
63,2
65,4
1,4
NS
SMG
63,2
72,2
3,4
0,01
SF-36 : Short-Forme ; PE : psychoéducation ; SMG : score moyen global ; NS : non significatif.
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Tableau 4 Facteurs prédictifs des scores à la SF-36 avant et après PE suivant le modèle final de la régression multivariée. Variable
Avant PE
Après PE
Âge > 35 ans
–
2,50 −0,30 0,04
Sexe féminin
3,00 −0,16 0,03
–
Niveau d’instruction primaire
–
8,10 −0,24 0,04
Âge au début du trouble > 35 ans
19,20 −0,17 0,01
12,10 −0,25 0,03
Épisode le plus récent dépressif
6,40 −0,18 0,02
–
SF-36 : Short-Forme ; PE : psychoéducation.
4.2. Analyse multivariée Les résultats de l’étude multivariée ont montré que les facteurs prédisant significativement les scores de la QdV avant PE étaient le sexe féminin, l’âge de début du trouble > 35 ans et l’épisode le plus récent dépressif et après PE étaient l’âge supérieur à 35 ans, le niveau d’instruction primaire et l’âge au début du trouble supérieur à 35 ans. Ainsi, le seul facteur prédisant significativement les scores de la qualité de vie avant et après PE, était l’âge au début du trouble > 35 ans. Autrement dit, les SMD diminuaient significativement quant l’âge de début du trouble augmentait (Tableau 4). 5. Discussion 5.1. Aspects méthodologiques De nombreuses études se sont maintenant accumulées concernant la QdV des patients souffrant de trouble dépressif majeur, comportant tant la description des niveaux de fonctionnement que l’évaluation de l’effet des interventions thérapeutiques. Toutefois, il y a peu d’information sur la QdV des patients souffrant du TB et peu de données probantes publiées sur l’efficacité des interventions psychologiques pour ce trouble [21]. Il en est de même en Tunisie puisqu’à notre connaissance ce travail est le premier qui a essayé d’étudier l’impact de la PE sur la QdV des patients bipolaires type I. Nous avons choisi dans ce travail en matière de PE d’appliquer le modèle thérapeutique de la clinique du Château de Garches de Paris en raison, d’une part, du nombre de sessions limité à 15 constituant une moyenne raisonnable de séances comparativement à d’autres programmes dont le nombre de séances varie de 1 à 21 [22] et, d’autre part, de la clarté et de la précision des objectifs de chaque session. En outre ce programme est limité dans le temps (4 mois) et ne contient pas de module pratique à l’instar d’autres programmes où la durée est allongée jusqu’à
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24 mois, en visant des objectifs sortant du cadre propre de la PE avec en conséquence des arrêts de participation ou des interruptions pour rechutes [23]. Par ailleurs, nous avons pris en considération d’autres faits d’ordre pratique dépendant essentiellement du potentiel de notre équipe. Les limites de l’application de ce programme sont en rapport premièrement avec le langage utilisé qui devait être compréhensible pour tous les participants. En effet, les entretiens informatifs préliminaires nous ont été particulièrement utiles pour dissiper certains flous d’ordres conceptuels et lutter contre les idées erronées. De plus, le vocabulaire très technique et très spécialisé du TB a été simplifié au maximum et est dispensé soit en arabe littéraire soit en dialecte tunisien et ceci suivant qu’on est en phase d’exposé (style évidemment directif) ou en phase de réponse à des questions. Dans ce cadre, il semble pertinent et utile d’élaborer si ce n’est d’avantage de valider des programmes de PE pour les patients bipolaires en les adaptant à notre contexte socioculturel. Deuxièmement, avec les animateurs qui devraient eux-mêmes être formés en matière de PE afin qu’ils puissent intervenir d’une fac¸on spécifique. En effet, en Europe et en particulier au Québec, le psychoéducateur est une profession encadrée par décret répondant à des critères stricts de formation universitaire de 2e cycle et possède un ordre professionnel [24]. Troisièmement, avec le Setting qui devrait être neutre. Il est à noter que toutes les séances se déroulaient à l’hôpital, cadre chargé de la symbolique du lieu où les animateurs étaient dans le milieu naturel de leur exercice professionnel et les participants étaient considérés comme des patients. À ce sujet nous convenons avec Vitea [25] que la PE doit occuper un lieu important dans tout guide clinique du traitement du TB. Pour les patients dont le cas est plus complexe, il est vital de disposer de programmes au sein de centres spécialisés afin de combiner l’assistance au patient, l’enseignement et la recherche. Les patients dont le cas est moins grave, avec moins de rechutes, peuvent être traités par des psychiatres généralistes avec l’aide d’infirmiers ou de psychologues dispensant une PE de base [24]. Concernant la taille de notre échantillon, le nombre nécessaire de participants était de 15, ceci conformément aux instructions du programme choisi [13,14]. En ce qui concerne les critères d’inclusion, la limite supérieure de l’âge a été fixée à 65 ans afin de minimiser l’influence de l’avance en âge sur l’évaluation de la QdV, le niveau d’instruction était choisi d’un niveau minimum de primaire pour surmonter les difficultés de compréhensions chez les participants et le choix comme origine géographique des participants a été Mahdia ou ses banlieues dans le but d’assurer une accessibilité et une présence régulière. Certes, ces deux derniers critères posent le problème de la représentativité de l’échantillon. Pour la stabilité thymique, nous l’avons confirmée par un examen clinique et une évaluation psychométrique et étant donné l’absence de consensus dans les études, nous avons choisi de nous conformer à celle de Bora et al. [26] exigeant une phase normothymique d’au moins quatre mois, car il est indispensable de commencer le traitement psychoéducatif lorsque le patient est asymptomatique. Ce point n’est pas anodin ; la présence de symptômes dépressifs altère clairement le fonctionnement du patient, sa capacité à comprendre et à assimiler des informations et par conséquent il ne peut en tirer aucun profit. À l’autre extrême, se trouve le cas du patient maniaque dont la distractibilité, l’expansivité, la jovialité ou l’irritabilité peuvent déranger de fac¸on considérable le bon fonctionnement du groupe, indépendamment de sa capacité à comprendre correctement les informations. Par ailleurs, les participants qui avaient une pathologie médicale chronique ou des troubles cognitifs sévères ont été exclus de l’étude afin d’éviter certains biais de confusion et de focaliser davantage sur le TB et l’impact de la PE sur la QdV. Quant au choix de l’instrument de mesure de la QdV à utiliser, en raison de l’absence d’échelles spécifiques pour le TB [27], nous avons opté pour une échelle générique, en l’occurrence la SF-36 récemment validée en arabe littéraire [28], en considérant ses avantages et sa pertinence. Ce choix n’était pas justifié seulement
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pour ses qualités psychométriques et la facilité de sa passation, mais aussi pour la possibilité de standardisation de nos résultats et ainsi leur comparaison avec ceux d’autres études utilisant la même échelle dans le TB. Toutefois, en pratique, certains biais et limites devraient être pris en considération notamment l’état émotionnel du participant lors de la passation et la distorsion due à l’enquêteur des réponses des participants peu éduqués. Quant on procède à l’interprétation des résultats, surgit la difficulté de la référence à la norme, autrement dit la note seuil utilisée à partir de laquelle on peut estimer qu’un participant présente ou non une altération de sa QdV. Certains auteurs considèrent que l’une des raisons pour refuser la norme et sa prétention uniformisante et négatrice des diversités individuelles alors que le concept de la QdV implique une approche singularisée, sans référence extérieure et multidimensionnelle [29]. Dans le même cadre, une des limites pouvant constituer un biais dans cette étude était l’absence de groupe témoin. À ce propos, certains auteurs estiment que dans l’évaluation thérapeutique seul compte la mesure de la QdV après intervention par rapport à celle avant, ils estiment également que chaque sujet peut ainsi être comme son propre témoin, ce qui constitue une grande simplification sur le plan méthodologique [29,30]. 5.2. Altération de la qualité de vie de patients bipolaires L’évaluation de la QdV avant le démarrage de la PE, a permis de retrouver une moyenne des SMG à la SF-36 de 63,2 attestant une altération qui touchait par ordre d’importance décroissante suivant les SMD cinq dimensions : la vie et relations avec les autres (D6 ), la vitalité (D5 ), l’activité physique (D1 ), les limitations dues à l’état psychique (D7 ) et la santé psychique (D8 ). La difficulté de comparer ces résultats avec ceux d’autres études évaluant la QdV des patients bipolaires est en rapport non avec l’échelle de mesure choisie ni la taille des échantillons ni les objectifs des études mais plutôt avec le moment où cette évaluation a été faite, autrement dit avec les périodes évolutives que traversent les patients (lors des épisodes thymiques actifs : dépressif majeur, maniaque, hypomaniaque ou mixte ou bien entre les épisodes en phase de rémission partielle ou complète, c’est-à-dire lorsque les patients sont normothymiques). Pour cette raison nous n’avons comparé nos résultats qu’avec ceux des études menées auprès des patients bipolaires euthymiques. Il s’agit des études de Leidy et al. [31] comparant la QdV de 34 bipolaires à un groupe de 28 déprimés, de Tsevat et al. [32] étudiant la QdV de 53 bipolaires, d’Arnold et al. [33] comparant la QdV de 44 patients bipolaires à celle de 30 patients douloureux lombaires chroniques et à celle de 30 sujets sains, de Have et al. [34] évaluant la QdV de 93 patients bipolaires type I et de 43 patients souffrant d’un TB non spécifié, de Patelis-Siotis et al. [35] qui avait pour objectif d’étudier l’impact de la Thérapie comportementale et cognitive sur la qualité de vie de 42 bipolaires. Les résultats de ces différentes études sont comparables aux nôtres. En effet, leur examen a mis en évidence que la QdV des patients bipolaires est altérée même lorsqu’ils sont normothymiques et que cette altération touchait différentes dimensions avec un nombre allant de 2 à 6. D’autres études évaluant la qualité de vie des patients bipolaires euthymiques avec d’autres échelles ont abouti presque aux même conclusions. Ainsi, Cooke et al. [36] comparant le bienêtre et le fonctionnement de 68 patients bipolaires euthymiques à celui d’une population de 9385 patients ayant une maladie chronique et 144 patients dépressifs en utilisant la SF-20 ont montré que les bipolaires, même en rémission, ont un score semblable voire moins bon d’autant plus qu’il persiste des symptômes dépressifs résiduels. Robb et al. [37] également dans leur étude auprès de 155 patients bipolaires en rémission en utilisant la Illness Intrusisseness Rating Scale (IIRS) associée à la Life Events Rating Scale (LERS) explorant 13 domaines de la QdV, ont trouvé
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que cette dernière était perturbée dans tous les domaines, en particulier dans les relations avec la famille, le travail et la communication et que ces constatations étaient d’autant plus marquées chez les patients ayant fait une dépression récente (dans l’année écoulée). Chand et al. [38] de même comparant la QdV d’un groupe de 50 bipolaires en rémission à un groupe de 20 déprimés cliniquement stables et à un groupe de 20 sujets sains à l’aide du World Health Organization Quality-of-Life (WHOQOL-BREF) et du Quality-of-Life Enjoyment and Satisfaction Questionnaire (Q-LES-Q) ont noté que les bipolaires stabilisés ont une moins bonne QdV que les sujets sains mais meilleure que celle des déprimés stables. Il ressort de cette analyse que le TB a des répercussions importantes sur la QdV des patients même en période euthymique et qu’actuellement, l’idée classique d’un pronostic relativement favorable du trouble bipolaire par rapport à la schizophrénie est remise en question, voire réfutée par les conceptions modernes [39]. Celles-ci moins optimistes, évoquent chez les bipolaires une évolution psychosociale défavorable et une QdV altérée qui paraissent en fait directement liées aux conséquences délétères des accès sur la vie professionnelle et relationnelle et à la présence de symptômes infracliniques entre les accès [40]. 5.3. Évaluation de la qualité de vie après psychoéducation L’examen des résultats de l’étude analytique a révélé que l’augmentation après PE de la moyenne des SMG à la SF-36 et des SMD des 3 dimensions : activité physique (D1 ), vie et relations avec les autres (D6 ) et limitations dues à l’état psychique (D7 ) était significative attestant une amélioration de la QdV. Sur un plan dimensionnel, l’amélioration de la QdV après PE a été rapportée aussi par d’autres auteurs. Dans leur travail, de méthodologie comparable à la nôtre en étudiant l’impact de la psychoéducation sur la QdV de 57 patients souffrant de TB de type I ou II cliniquement décrits comme étant euthymiques ou légèrement symptomatiques à l’aide du Q-LES-Q, Michalak et al. [21] ont retrouvé qu’au départ les scores moyens étaient de 56 représentant une insuffisance modérée de la qualité de vie, que la PE de groupe était associée à une augmentation de 5 points des scores et que l’examen des sous-échelles du questionnaire a révélé que deux domaines (le fonctionnement physique et la satisfaction générale) augmentaient significativement suite à la PE, tandis que les autres domaines indiquaient des tendances non significatives vers un fonctionnement amélioré. Dans un autre registre, Lefort et al. [41], dans leur étude prospective randomisée auprès de 110 patients souffrant de douleurs chroniques (> 6 ans) évaluant l’impact du programme psychoéducatif Chronic Pain Self-Management Program (CPSMP) sur la QdV à l’aide de la SF-36, ont retrouvé que pour les 102 patients ayant terminé l’étude les trois dimensions significativement améliorées étaient : les douleurs physiques (D3 ), la vitalité (D5 ) et la vie et les relations avec les autres (D6 ). L’amélioration de la qualité de vie des patients bipolaires après PE notée aussi bien dans notre étude que dans les données de la littérature pourrait être expliquée par des facteurs liés à la PE elle-même, du fait que cette dernière va plus loin que la simple transmission d’information aux patients, puisqu’elle intervient au niveau des changements cognitifs et des conduites qui dérivent de la connaissance et la gestion de la maladie [42]. En effet, dans ce contexte le patient sera plus enclin à explorer d’autres manières d’interpréter la réalité et de ce fait à assouplir la tyrannie de ses modèles opérants internes dysfonctionnels, processus qui se construit pas à pas à travers l’expérimentation d’abord dans le cadre des séances puis dans les relations à l’extérieur, pour aboutir à de nouvelles représentations plus différenciées de soi et des autres [43]. La dynamique du groupe, dans ce cadre, joue aussi un rôle non négligeable par le biais de mise en jeu de différents systèmes motivationnels interpersonnels (SMI) entre autres
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l’attachement, le caring, la compétition et la collaboration paritaire ce qui favorise la formation d’un tissu groupal et un engagement émotionnel des participants qui peut se lier à des évènements de vie permettant de mieux intégrer les difficultés [44]. Par ailleurs, nous rappelons qu’en dépit de l’amélioration de leurs scores, la vitalité (D5 ) et la santé psychique (D8 ) demeuraient altérées dans notre étude après PE. Ce résultat s’accorde avec Michalak et al. [21] qui ont constaté que l’amélioration de la QdV des patients bipolaires n’a pas uniformément touché toutes les dimensions, du fait que les thèmes abordés dans les séances de PE à savoir les stratégies de prise en charge pharmacologique, la reconnaissance et l’évaluation du trouble, la gestion du stress et l’hygiène de vie, ont permis aux participants un changement relativement rapide du fonctionnement physique, tandis que les changements sur les plans social et professionnel peuvent être plus lents à atteindre. Concernant le rapport entre la QdV et les facteurs prédictifs des scores avant et après PE, le seul retenu dans notre approche analytique était l’âge au début du trouble tardif (> 35 ans). Pour, Michalak et al. [21], avoir eu un épisode de dépression récent, était le seul facteur qui prédisait significativement les scores au Q-LES-Q avant et après PE. Ce résultat pourrait être expliqué par la non-homogénéité de la population d’étude incluant à part les patients bipolaires type I, des patients bipolaires type II et, comme l’indiquent les auteurs eux-mêmes, par des problèmes inextricablement liés à l’évaluation et l’attribution chez les patients déprimés qui ont tendance à gonfler la sévérité de leurs troubles sociaux et par conséquent influencer l’évaluation de la QdV qui devrait être basée sur des données objectives même si ce biais est minimisé par le fait que les patients étaient généralement euthymiques lors de l’évaluation [21,45,46]. Quoique le résultat de notre étude multivariée (âge au début du trouble tardif/qualité de vie dégradée) paraît a priori paradoxal, une corrélation similaire avant PE a été rapportée par Jarbin et al. [47]. Bashir et al. [48], McGlashan [49]. Cette corrélation serait expliquée aussi par la théorie du niveau de l’adaptation qui suggère que l’esprit humain a une adaptation encastrée, mécanisme par lequel chaque individu s’adapte avec les changements de l’environnement et a tendance à rapporter les expériences comme moins extrêmes. S’il est opérationnel, ce processus d’adaptation introduit un changement de ligne de base dans chaque auto-questionnaire. Donc l’interprétation des résultats devrait prendre en compte l’influence immédiate et persistante des expériences de la vie [50]. En contre partie, plusieurs auteurs ont rapporté une corrélation inverse et soutiennent qu’un âge de début de trouble précoce entraînerait une atteinte précoce de l’intégration sociale et une difficulté à atteindre un niveau scolaire ou professionnel assez élevé [51]. Dans ce sens, Bellivier et al. trouvaient que le cours évolutif et le pronostic de trouble bipolaire à début précoce est plus sévère. En effet, le délai de diagnostic et de la prise en charge thérapeutique était généralement plus allongé, le risque d’addiction alcoolique était plus élevé. Une plus grande fréquence de symptômes psychotique et d’épisodes mixtes ont été notés et une moins bonne réponse prophylactique au lithium a été rapportée [52]. Après PE, la corrélation entre un âge de début du trouble tardif et QdV altérée a été retenue dans notre étude. Cette corrélation s’expliquerait en partie par le fait qu’accéder à une vie concrète plus autonome considérée comme une référence universelle à valeur normative, s’accompagne d’une détérioration de la QdV pour certains patients [30]. Ainsi tout programme de PE doit orienter le patient vers une meilleure gestion de tous les changements de rythme dans sa vie quotidienne et l’incitation à une vie plus régulière ne doit pas cependant l’emprisonner dans un fonctionnement stéréotypé et obsessionalisé, des changements imprévisibles surviennent immanquablement, entre autres les enseignements doivent respecter les capacités adaptatives naturelles des patients et l’objectif doit être d’apprendre au patient à adapter son comportement et ses habitudes de vie à des données nouvelles tout en tenant compte de ses moyens réactionnels et de sa spontanéité.
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6. Conclusion Nos résultats supportent les données de la littérature qui indiquent que les patients souffrant de TB continuent d’accuser une qualité de vie insuffisante, même lorsque cliniquement euthymiques. Le recours à la PE utilisée conjointement avec la pharmacothérapie, est associé à une amélioration significative de la QdV des patients bipolaires type I particulièrement dans ses dimensions physique, sociale et à moindre degré psychique. Dans le but d’optimiser la prise en charge des patients bipolaires et d’améliorer leur QdV, il serait utile de pouvoir consolider les résultats prometteurs et valoriser les bénéfices de cette première expérience. Des études ultérieures mettant l’accent sur la caractérisation des effets d’une telle intervention thérapeutique sur la qualité de vie perc¸ue en contrôlant notamment les aspects pharmacologiques, le degré d’adhésion au traitement et la sévérité du TB pourraient remédier aux limitations de ce travail. Ainsi, le développement ultérieur nous semble s’articuler autour de l’instauration d’une consultation spécialisée pour les patients bipolaires ; de l’élaboration d’un programme de PE prenant en considération à la fois les aspects socioculturels et le plateau technique disponible ; de l’évaluation de l’efficience d’un tel programme et aussi de son efficacité à distance ; de la constitution de groupes à éduquer en respectant des critères précis d’inclusion et d’exclusion ; de l’implication des proches de patients soit dans le cadre du même programme, soit séparément ; de la formation diplômante d’un personnel qualifié en matière de PE et de l’aide à la création d’associations pour les patients bipolaires. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Rouillon F. Épidémiologie des troubles psychiatriques. Ann Med Psychol 2008;166:63–70. [2] Geddes JR, Burgess S, Hawton K, Jamison K, Goodwin GM. Long-term lithium therapy for bipolar disorder: systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Am J Psychiatr 2004;161:217–22. [3] Keck PE, McElroy SL, Strakowski SM, West SA, Sax KW, Hawkins JM, et al. 12-month outcome of patients with bipolar disorder following hospitalization for a maniac or mixed episode. Am J Psychiatr 1998;155:646–52. [4] Khazaal Y, Preisig M, Zullino D. Toxicodépendance et trouble bipolaire. In: Richard C, editor. Toxicodépendance : problèmes psychiatriques courants. Genève: Méd & Hyg; 2005. p. 3–9. [5] Albert U, Rosso G, Maina G, Bogetto F. Impact of anxiety disorder comorbidity on quality-of-life in euthymic bipolar disorder patients: differences between bipolar I and II subtypes. J Affect Disord 2008;105:297–303. [6] Gay C. Clinique des troubles bipolaires. In: Guelfi JD, Rouillon F, editors. Manuel de psychiatrie. Paris: Masson; 2007. p. 266–78. [7] Khazaal Y, Pomini V. Thérapies comportementales et cognitives du trouble bipolaire : actualités et perspectives. Rev Med Suisse 2006;79(2):2104–7. [8] Llorca P-M, Camus V, Courtet P, Gourion D, Lukasiewicz M, Coulomb S. Caractéristiques et modalités de prise en charge des patients présentant un trouble bipolaire en France : enquête MONTRA. Encephale 2013;39(3):212–23. [9] Mirabel-Sarron C, Giachetti R. Les thérapies non-médicamenteuses dans les troubles bipolaires. Encephale 2012;38(Suppl.):160–6. [10] Docteur A, Mirabel-Sarron C, Guelfi J-D, Siobud-Dorocant E. Impact d’une thérapie comportementale et cognitive sur la qualité de vie perc¸ue de patients bipolaires. Ann Med Psychol 2012;170(1):39–42. [11] Gay C, Cuche H. Place des mesures psychoéducatives dans la prise en charge des troubles bipolaires. Encephale 2006;32(cahier 2):542–6. [12] Keller MB. Improving the course of illness and promoting continuation of treatment of bipolar disorder. J Clin Psychiatr 2004;15(Suppl.):10–4. [13] Gay C, Colombani M. Manuel de psychoéducation troubles bipolaires. Paris: Dunod; 2013.
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