Impact des conférences de consensus sur la prise en charge du cancer du côlon et du rectum

Impact des conférences de consensus sur la prise en charge du cancer du côlon et du rectum

Article original Impact des conférences de consensus sur la prise en charge du cancer du côlon et du rectum Étude de population F. Borie 1, 2, M. El ...

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Impact des conférences de consensus sur la prise en charge du cancer du côlon et du rectum Étude de population F. Borie 1, 2, M. El Nasser 1, A. Herrero 1, C. Gras-Aygon 2, CRISAP-LR 3, J.-P. Daures 3, B. Tretarre 2 1. Service de chirurgie digestive B, CHU Carémeau – Nîmes. 2. Registre des tumeurs de l’Hérault – Montpellier. 3. Centre de regroupement informatique et statitique en anatomie pathologique du Languedoc-Roussillon. Correspondance : F. Borie, Service de chirurgie digestive B, place du Pr R. Debré, CHU Carémeau, F 30029 Nîmes. e-mail : [email protected]

Résumé / Abstract

Introduction

Impact des conférences de consensus sur la prise en charge du cancer du côlon et du rectum. Étude de population

Le cancer colorectal (CCR) est un cancer fréquent (34 500 nouveaux cas par an) se situant au deuxième rang des cancers en Europe et en France tous sexes confondus, avec 16 800 décès par an [1]. Son pronostic reste grave même si la mortalité par cancer est passée sous la barre des 50 % [2]. La prise en charge du CCR, aujourd’hui multidisciplinaire, ne dépend d’aucune structure spécialisée. Elle devrait appliquer les recommandations des conférences de consensus de 1994 pour le cancer du rectum (CR) traité avant 2006 et de 1998 pour le cancer du côlon (CC). Sans avoir mesuré l’impact des précédentes, de nombreuses sociétés savantes continuent à élaborer de nouvelles recommandations. L’évaluation des pratiques est un outil de mesure de qualité de soin. Il est dorénavant obligatoire. Cette étude a pour objectif d’analyser l’effet des recommandations des conférences de consensus sur la prise en charge des CCR dans le département de l’Hérault.

F. Borie, M. El Nasser, A. Herrero, C. Gras-Aygon, CRISAP-LR, J.-P. Daures, B. Tretarre Objectif : Comparer la prise en charge des cancers colorectaux (CCR) avant et après la diffusion des recommandations des conférences de consensus du cancer du rectum (CR) en 1994 et du côlon (CC) en 1998. Méthodes : À partir des cas incidents de CCR de l’année 1992 (n = 344) et ceux de l’année 2000 (n = 545) du département de l’Hérault, un recueil exhaustif des données épidémiologiques, clinico-pathologiques et du traitement a permis de comparer les prises en charge des CCR de ces 2 périodes. Résultats : La mortalité postopératoire avait diminué de façon non significative (4 % en 1992 et 2,8 % en 2000). La répartition par stade anatomopathologique de Dukes et le taux de résection à visée curative n’étaient pas différents durant ces 2 périodes. Pour les CC (n = 244 en 1992 et n = 396 en 2000), 11 % des malades en 1992 et 27 % en 2000 avaient au moins 12 ganglions examinés (p < 0,001). Une chimiothérapie était plus souvent réalisée pour les stades C et D de Dukes après la conférence de consensus : 45 % en 1992 et 55 % en 2000 pour les stades C, 37 % en 1992 et 67 % en 2000 pour les stades D. Pour les CR (n = 100 en 1992 et n = 149 en 2000), 59 % des malades en 1992 et 53,4 % en 2000 ont eu une radiothérapie (p = 0,14). Elle était réalisée en pré-opératoire dans 63 % des cas en 1992 et dans 75 % des cas en 2000 (p = 0,7). Conclusion : Les recommandations ont permis une modification, modérée, des pratiques de la prise en charge du CCR. Une meilleure diffusion et une évaluation systématique pourraient en améliorer l’impact. Mots-clés : Côlon. Rectum. Pronostic. Cancer. Conférence de consensus. Impact of the French consensus guidlines on the management of colonic and rectal cancer: A population-based study

F. Borie, M. El Nasser, A. Herrero, C. Gras-Aygon, CRISAP-LR, J.-P. Daures, B. Tretarre Aim: To compare the management of colorectal cancer (CRC) before and after the French consensus conferences of rectal cancer (RC) in 1994 and colonic cancer (CC) in 1998. Methods: From 344 CCR incident cases in 1992 and 545 in 2000, patient characteristics, tumor data, and diagnostic and treatment modalities were collected to compare the management of CRC. Résults: Post-operative mortality did not change significantly (4% in 1992 and 2.8% in 2000). No trends were observed in disease stage at diagnosis or rate of resection. For patients with CC (n=244 in 1992 and n=396 in 2000), the number of resection specimens with at least 12 lymph nodes increased from 11% in 1992 to 27% in 2000 (p<0.001). For CC with Dukes stage C and D, the use of chemotherapy increased significantly: for Dukes Stage C from 45% in 1992 to 55% in 2000; for Dukes Stage D from 37% in 1992 to 67% in 2000. J Chir 2008,145, N°3 • © 2008. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Matériel et méthodes

Patients Trois cent quarante-quatre cas incidents de CCR de patients vivant dans le département de l’Hérault ont été recensés en 1992 avec une moyenne d’âge de 69 ans et 545 cas en 2000 avec une moyenne d’age de 72 ans. Les caractéristiques des patients, la topographie de la tumeur (côlon ou rectum), le mode de diagnostic, le bilan d’extension, l’étude anatomopathologique et les modalités thérapeutiques et

247

Diagnostic et traitement du cancer colorectal

F. Borie et al.

For patients with RC (n=100 in 1992 and n=149 in 2000), no change in use of adjuvant radiotherapy was observed: 59% in 1992 versus 53.4% in 2000. Preoperative radiotherapy for RC was performed in 63% in 1992 and 75% in 2000 (p=0.7). Conclusion: The consensus guidelines appear to have moderately influenced management practices. A better diffusion of guidelines to practitioners and a systematic evaluation of actual practices would be helpful to improve their impact.

nécessitent une résection locale importante (T3-T4, N- N+) en raison du risque de récidive locale. Les indications de radiothérapie postopératoire sont limitées aux cas exceptionnels des tumeurs sous-estimées avant la chirurgie ou dans le cas de chirurgie en première ligne.

Key-words: Colon. Rectum. Prognostic. Cancer. Consensus conference.

• Analyse statistique

diagnostiques ont été collectées rétrospectivement en utilisant les informations de registre des tumeurs dans l’Hérault. La qualité de la résection n’a pu être évaluée, en prenant en compte les marges radiaires des pièces de résection rectale, car elles n’étaient pas précisées dans les comptes rendus anatomopathologiques durant ces 2 années (1992 et 2000). En 1992, 257 (75 %), 58 (17 %) et 29 (8 %) patients étaient respectivement traités dans un secteur privé, dans un secteur spécialisé et dans un secteur non spécialisé. En 2000, 358 (68 %), 120 (23 %) et 45 (9 %) patients étaient respectivement traités dans un secteur privé, dans un secteur spécialisé et dans un secteur non spécialisé. 248

Méthodes Une comparaison des prises en charge des patients ayant un CCR avant et après les recommandations de la conférence de consensus de 1998 pour le CC et celle de 1994 pour le CR a été réalisée à partir des cas incidents de 1992 et 2000. • Principales recommandations de la conférence de consensus du CC en 1998 [3]

Diagnostic et bilan d’extension : la coloscopie associée à des biopsies est l’examen de référence du diagnostic. L’opacification radiologique doit se limiter aux occlusions aiguës. Le bilan préthérapeutique standard à effectuer, en l’absence de signe clinique évocateur de métastases à distance, est limité à la recherche d’antécédents familiaux, à l’examen clinique, à l’échographie abdominale à la recherche de métastases hépatiques et à la radiographie pulmonaire. La TDM et l’IRM ne sont pas des examens de première intention, malgré l’amélioration de leurs performances. Histologie : les éléments figurant dans la conclusion de l’examen anatomopathologique doivent préciser l’état

des limites d’exérèse chirurgicale, le type histologique du cancer, son niveau d’invasion pariétal et le nombre de ganglions métastatiques selon la classification TNM. L’analyse de tous les ganglions lymphatiques présents sur la pièce est indispensable, leur nombre ne devrait pas être inférieur à 8 (dans notre étude, l’analyse a été réalisée sur 12 ganglions). Traitement : après chirurgie à visée curative, une chimiothérapie adjuvante doit être réalisée au stade C de Dukes chaque fois qu’il n’y a pas de contre-indication. Il n’y a pas d’indication à prescrire de chimiothérapie adjuvante pour les stades B de Dukes, hors essais thérapeutiques. Une chimiothérapie palliative pour les stades D doit être systématique. • Principales recommandations de la conférence de consensus du CR en 1994 [4]

Diagnostic et bilan d’extensions : le toucher rectal permet d’apprécier le siège de la tumeur par rapport à la marge anale. L’échographie endo-rectale précise le degré d’extension pariétale surtout dans le bilan d’extension des tumeurs des 2/3 inférieurs. La TDM et l’IRM ne sont envisagées qu’en seconde intention, en cas de sténose tumorale ou de volumineuse tumeur. Un coloscopie complète est nécessaire pour éliminer des lésions coliques synchrones. Histologie : le grade de la tumeur, l’état des marges inférieure et latérale de la résection, le nombre et le siège des ganglions envahis par rapport aux ganglions examinés, l’envahissement vasculaire et périnerveux doivent être détaillés. La conférence n’a pas donné de recommandations concernant le nombre de ganglions analysés ou sur les marges de résection (R0/R1). Traitement : pour les tumeurs atteignant le tiers moyen du rectum, le sphincter doit être préservé autant que possible. La radiothérapie pré-opératoire est indiquée pour les cancers qui

L’analyse statistique a étudié les liaisons entre les principales variables anatomo– cliniques et thérapeutiques. Les tests statistiques utilisés sont le test du chi2, le test t de student et le test de KruskallWallis pour les variables non paramétriques. Le seuil de rejet de l’hypothèse nulle est de 0,05.

Résultats

Diagnostic et bilan d’extension (tableau 1) La coloscopie complète a été réalisée dans 73 % des cas en 1992 et 83 % en 2000. Dans le bilan d’extension, la TDM et l’échographie étaient respectivement 2 fois plus et 10 fois plus demandés en 2000 qu’en 1992. L’utilisation de l’IRM pelvienne et de l’échographie endoanale a augmenté : respectivement 1 patient sur 3 et 1 patient sur 2 ayant un CR ont eu ces examens en 2000, soit 3 et 7 fois plus qu’en 1992.

Examen anatomopathologique (tableaux 2 et 3) Les stades anatomopathologiques n’ont pas changé significativement entre 1992 et 2000 pour les 2 types de cancer. Les stades A de Dukes des CR de 2000 ont augmenté significativement (34 %) par rapport à ceux de 1992 (20 %). Les stades tumoraux étaient inconnus chez 5,5 % des patients en 1992 et 4,5 % des patients en 2000 (patients n’ayant pas été opérés). Une augmentation du nombre de ganglions examinés entre 1992 et 2000 a été constatée, mais seulement 27 % dans les CC et 18 % dans les CR avait au moins 12 ganglions en 2000.

Traitement chirurgical Le taux de formes compliquées (péritonite, occlusion ayant nécessité une prise en charge chirurgicale en urgence) était de 12 % (n = 41) en 1992 et de 10,5 %

J Chir 2008,145, N°3 • © 2008. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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1992 n (%)

2000 n (%)

251 (73)

439 (83)*

ayant un CR et une radiothérapie ont eu une radiothérapie pré-opératoire versus 75 % (n = 60) en 2000 (p = 0,7). En 1992, 45 % des patients de stade A de Dukes ayant un CR ont eu de la radiothérapie versus 33 % en 2000 (autres stades, tableau 5).

Aucun

109 (27,5)

90 (17)*

Discussion

Échographie abdominale

187 (54,5)

313 (59,5)

86 (25)

196 (37)

Scanner TAP

86 (25)

309 (59)*

ACE

162 (47)

337 (64)*

1 (0,5)

47 (9)

11 (11)

46 (32)*

5 (5)

20 (38)*

Tableau 1 Examens diagnostiques et bilan d’extension du cancer colorectal (CCR).

Diagnostic du CCR Coloscopie complète Bilan d’extension du CCR

Radio thoracique

Lavement baryté Cancer du rectum Écho endo-rectale IRM pelvienne TAP : Thoraco-abdomino-pelvien. ACE : Antigène Carcino Embryonnaire. * p < 0,05.

Tableau 2 Stades anatomopathologiques du cancer colique (CC) et rectal (CR). Dukes

1992 n (%)

2000 n (%)

CC

CR

CC

CR

A (T1-2N0M0)

60 (25)

20 (20)

86 (22)

51 (34)

B (T3-4N0M0)

74 (30)

34 (34)

120 (30)

23 (15)

C (TxN1-2M0)

53 (22)

15 (15)

91 (23)

29 (19.5)

D (TxNxM1)

48 (20)

19 (19)

86 (22)

Non connu

19

(n = 57) en 2000. Le taux de résection à visée curative a augmenté entre 1992 et 2000, pour le CC : 65 % (n = 224) en 1992 versus 73 % (n = 288) en 2000 (p < 0,05). En revanche, pour le CR ces taux étaient de 68 % (n = 68) en 1992 et 64,5 % (n = 91) en 2000. Le taux de conservation sphinctérienne a augmenté significativement : 77 % en 1992 versus 89,5 % en 2000 (p < 0,05). La mortalité postopératoire a légèrement diminué : 4 % en 1992 versus 2,8 % en 2000.

Chimiothérapie du cancer du côlon (tableau 4) Ces résultats concernent les patients qui ont eu une résection tumorale avec un stade de Dukes connu. En 1992, la chimiothérapie adjuvante a été prescrite chez 5 % de tous les patients de stade A et 9 % pour les patients âgés de moins de 75 ans. En 2000, elle n’a jamais été

34 (23) 25

prescrite pour les stades A, quel que soit l’âge. La chimiothérapie adjuvante était plus utilisée chez les patients de moins de 75 ans atteints de CC de stade C en 1992 que ceux en 2000 (76 %) (tableau 4). Pour les stades D de CC, 36 % des patients ont eu une chimiothérapie palliative en 1992. Ce taux a progressé significativement en 2000 et spécialement pour les patients âgés de moins de 75 ans avec un taux de 86 %. Pour les patients ayant une forme compliquée non métastatique, l’indication d’une chimiothérapie n’a pas progressé.

Radiothérapie du cancer du rectum (tableau 5) En 1992, 59 % des patients (n = 59) ayant un CR ont eu une radiothérapie versus 53,5 % (n = 80) en 2000 (p = 0,14). En 1992, 63 % des patients (n = 37)

Les études de population reflètent les pratiques médicales dans une population donnée (patients traités dans une zone géographique) évitant le biais de sélection inhérent aux cohortes issues de centres spécialisés, universitaires ou non. Les études de population des registres des tumeurs sont les seuls outils d’évaluation mis à notre disposition. Ces registres collectent de façon exhaustive toutes les données anatomopathologiques et cliniques auprès des médecins référents et spécialistes. Leurs limites d’action et de leurs études sont le caractère rétrospectif du recueil des données et l’absence d’histologie de certains cancers, comme le cancer pancréatique métastatique ou non résécable. Ce handicap est grandement pallié par la bonne collaboration des médecins. L’étude de l’impact des recommandations en cancérologie est indispensable dans toute évaluation des bonnes pratiques. Devant le développement de recommandations, cette démarche devient incontournable. Actuellement, seules des études de registre peuvent prétendre le faire de façon exhaustive comme le montre notre étude. Dans le sud de la France, et spécialement dans l’Hérault 68 % de CCR sont diagnostiqués et pris en charge dans des centres privés. Au nord de la France, ce taux est d’un peu plus de 50 %, taux qui a augmenté depuis l’étude nationale conduite en 1990 [5]. Le stade tumoral du CCR au moment du diagnostic a peu évolué entre 1992 et 2000. Les stades A et B dans notre étude représentent 51 % des cas, une situation moins favorable que dans le département de la Côte-d’Or, où 56,5 % des CCR diagnostiqués entre 1990 et 1998 étaient de stade A et B [6]. Seules les méthodes de dépistage permettent d’arriver à des diagnostics précoces et ainsi améliorer la survie du CCR. Mais leurs limites (la participation de la population, la sensibilité du test Hémoccult, l’implication des médecins généralistes et des pouvoirs pu-

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Diagnostic et traitement du cancer colorectal

F. Borie et al.

Tableau 3 Nombre de ganglions examinés en cas de cancer colique (CC) ou rectal (CR). n ganglions examinés

1992 n (%)

2000 n (%)

CC

CR

CC

CR

< 12 ou ?

218 (89)

≥ 12

26 (11)*

47 (97)

189 (73)

124 (82)

3 (3)

107 (27)*

25 (18)

*p < 0,001.

Tableau 4 Administration d’une chimiothérapie dans les cancers du côlon. Tous Duke

Âge < 75 ans 1992 2000 n (%) n (%) 3 (9 %) 0

A

1992 n (%) 3 (5 %)

2000 n (%) 0

B

17 (23 %)

33 (28 %)

C

25 (46 %)

D

17 (36 %) 2 (9 %)

4 (8 %)

Formes compliquées

16 (42 %)

38 (46 %)

51 (57 %)

21 (58 %)

39 (76 %)*

60 (67,5 %)

17 (63 %)*

48 (86 %)*

*p < 0,05.

250

Tableau 5 Administration d’une radiothérapie dans les cancers du rectum en fonction du stade du cancer. Dukes/radiothérapie

1992 (%)

2000 (%)

A (T1-2N0M0)

45

33

B (T3-4N0M0)

38

50

C (TxN1-2M0)

40

48

D (TxNxM1)

42

31

blics et la continuité dans le temps) en diminuent l’effet attendu. Dans le département du Calvados, où une campagne de dépistage de masse avait été menée entre 1991 et 1994, faute de répétition des campagnes, le taux de Dukes A est resté inférieur à 20 % [7]. Dans le département de l’Hérault, l’échographie abdominale et la TDM abdomino-pelvienne ont été de plus en plus réalisées pour le bilan d’extension des CCR (54,5 % en 1992 et 59,5 % en 2000 pour l’échographie ; 25 % en 1992 et 59 % en 2000 pour la TDM). Pourtant seules l’échographie et la radiographie pulmonaire étaient recommandées et la TDM thoraco-abdominopelvienne était seulement une option. La prescription des examens complémentaires du bilan d’extension a suivi,

plus facilement et rapidement, l’évolution et les performances croissantes de certains examens radiologiques que les recommandations. La forte implantation de la TDM en France est un des exemples, facilitant l’accès et permettant un bilan radiologique complet en une seule procédure. En ce qui concerne le bilan d’extension propre du CR, l’évaluation de l’envahissement pariétal et ganglionnaire s’est affinée par l’utilisation croissante de l’écho endo-anale et de l’IRM pelvienne. Le taux de résection chirurgicale à visée curative en 2000 était plus important qu’en 1992 pour le cancer du côlon, et stable pour le cancer du rectum. Seul un diagnostic précoce du CCR pourrait améliorer ces taux. Dans les autres pays européens, le taux de résection a varié.

Les pourcentages les plus importants sont observés en France [8], Hollande et Italie. Les pourcentages les plus bas sont observés en Espagne, Pologne et Angleterre [8]. Dans notre population, 12 % des patients atteints de cancer colorectal avaient une forme compliquée (péritonite, occlusion) en 1992 et 10,5 % en 2000, et ont eu une chirurgie en urgence. Ce taux était inférieur à celui de la Côte-d’Or (13,7 %) pour la période 1976-1998 [6]. Pour les patients ayant eu un cancer du rectum réséqué à visée curative en 2000, le sphincter était préservé dans 89,5 % des cas. Ce taux était de 77 % en 1992 dans notre étude et de 70 % dans le début des années 90 dans le département de la Côte-d’Or [5]. Du fait de l’importance de la stadification dans le pronostic et le traitement des CCR, la conférence de consensus de 1998 a insisté sur les critères de qualité du compte rendu d’anatomopathologie. Le principal indicateur est le nombre de ganglions examinés. Ce taux a progressé de 1992 à 2000 : en 1992, 14 % des patients avaient plus de 12 ganglions examinés et 45 % en 2000. Cette amélioration se confirme, au niveau national où 59,7 % des rapports histologiques ont mentionné au moins 8 ganglions [9]. L’utilisation de la chimiothérapie adjuvante pour le stade C du CC est en constante progression depuis que son efficacité a été démontrée [10]. La chimiothérapie adjuvante a été utilisée tôt dans notre région et bien plus tôt dans la région de Côte-d’Or et du Calvados où 13,5 % des patients ont reçu une chimiothérapie entre 1989 et 1993 [6]. En comparaison avec d’autres pays, la chimiothérapie utilisée dans ces 3 départements reste toujours moins importante. Par exemple aux USA, 43 % des patients ont reçu une chimiothérapie durant la même période [11]. Comme les patients ayant un CCR avec métastases ganglionnaires, les patients avec occlusion ou péritonite sont à haut risque de récidive [12] et devraient avoir systématiquement une chimiothérapie. Dans notre étude, seulement 9 % des patients avec occlusion ou péritonite ont reçus une chimiothérapie. L’absence de chimiothérapie adjuvante est un facteur de mauvais pronostic [12]. L’âge reste le facteur limitant le plus important de prescription de chimio-

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thérapie, même en considérant que la toxicité induite peut conduire à soustraiter les patients plus âgés. D’après les données du registre des tumeurs digestives de la Côte-d’Or, la proportion des cancers colorectaux survenant chez des sujets de 75 ans et plus est passée de 38,4 % pour la période 1976-1979 à 45,2 % pour la période 1992-1995 [13]. Compte tenu de l’évolution démographique attendue au cours des prochaines années avec un vieillissement de la population, cette proportion va encore augmenter et la question de la prise en charge des cancers des sujets âgés va devenir un problème de santé publique essentiel. Les principes de la prise en charge des tumeurs digestives des malades de plus de 75 ans sont les mêmes que ceux des malades plus jeunes. Dans la littérature, peu d’études se sont intéressées spécifiquement aux malades âgés jusqu’à récemment [14]. Les malades âgés étaient exclus du seul fait de l’âge dans la plupart des essais prospectifs consacrés aux CCR [15]. Il est nécessaire de développer une conduite à tenir thérapeutique mieux adaptée aux personnes âgées. En revanche, l’inutilité de la chimiothérapie dans le stade B reste controversée [16]. Il n’a pas été démontré d’amélioration de la survie. Un patient sur cinq a reçu une chimiothérapie dans la période précoce des années 1990 [7]. Dans notre étude, les taux restaient élevés. Nous avons une situation paradoxale : d’un côté, une hausse lente de l’utilisation de la chimiothérapie pour des indications indiscutables et de l’autre, la persistance de prescriptions de chimiothérapie dans des situations où il n’existe aucune preuve scientifique. Dans notre étude, l’analyse de la prise en charge du CR doit être affinée spécialement en fonction de la localisation. Indépendamment de la localisation rectale du cancer, la radiothérapie pré-opératoire a été moins réalisée dans les stades A de Dukes en 2000 par rapport à 1992 (1/3 des patients). Une meilleure évaluation pré-operatoire

(IRM, écho-endoscopie) est certainement une réponse à cette modification des pratiques. Les nouvelles recommandations sur la prise en charge du rectum devront être évaluées. L’évaluation des pratiques professionnelles, une nécessité et une réalité incontournable, aura un intérêt seulement et seulement si l’ensemble des intervenants (professionnels de santé, réseaux de cancérologie, référentiels et évaluateurs) sont évalués de la même façon. La Haute Autorité de Santé peut imposer toutes les évaluations et recommandations qu’elle souhaite, à condition que les outils de mesure, les méthodes d’information et d’application des recommandations et les moyens de mise en œuvre existent et soient adaptés. Les divergences de décisions d’une réunion de concertation multidisciplinaire de cancérologie à l’autre et d’un référentiel à l’autre en fonction de son caractère local, territorial, régional ou national mesurent la difficulté de la tâche. Ce manque d’homogénéité et cette complexité d’organisation sont déjà des limites. En conclusion, dans le département de l’Hérault, certaines pratiques ont évolué selon les recommandations des 2 conférences de consensus (1994 et 1998). Mais certaines restaient encore peu influencées. Il est indispensable de continuer à évaluer la diffusion et la réelle efficacité de ces recommandations et des nouvelles. La place des réunions multidisciplinaires d’Oncologie est primordiale ; elles doivent insister sur leur application en tenant des conclusions thérapeutiques cohérentes et homogènes d’une réunion à l’autre (locale, territoriale, régionale). L’impact des recommandations sur le pronostic des CCR est en cours d’évaluation et fera l’objet d’une autre étude.

Références 1. Hill C, Doyon F. Fréquence des cancers en France. Bull cancer 2003;3:207-213.

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