Incontinence fécale et constipation chez l'enfant : une prise en charge adaptée ?

Incontinence fécale et constipation chez l'enfant : une prise en charge adaptée ?

Table ronde Incontinences fécales chez l’enfant Incontinence fécale et constipation chez l’enfant : une prise en charge adaptée ? J.-P. Chouraqui Gas...

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Table ronde Incontinences fécales chez l’enfant

Incontinence fécale et constipation chez l’enfant : une prise en charge adaptée ? J.-P. Chouraqui Gastroentérologie, Hépatologie et Nutrition Pédiatriques, CHU et Université Joseph-Fourier, Grenoble, France

L

es critères diagnostiques des incontinences fécales et de la constipation ont été revus par un comité d’experts dit de Rome III  [1]. L’incontinence fécale est définie comme le passage involontaire après l’âge de 4  ans de selles dans les sous vêtements et sa prévalence serait (aux Pays-Bas) de 4,1 % chez les enfants de 5 à 6 ans et de 1,6 % entre 11 et 12 ans, avec une prédominance chez les garçons  [2]. Sont distinguées les incontinences dites rétentionnelles, complications fréquentes de la constipation fonctionnelle chronique, des incontinences nonrétentionnelles dont la prévalence exacte n’est pas connue  [1]. Cette distinction conditionne la prise en charge. Au moins 95 % des encoprésies sont de type rétentionnelle et 84 % des enfants se présentant à une consultation spécialisée pour constipation le font du fait de l’existence de souillures [1,3].

1. La constipation La constipation représente le motif de 3 à 10 % des consultations de pédiatrie, de 25  % des consultations de gastro-entérologie pédiatrique  [1,4]. Dans la très grande majorité des cas, il s’agit d’une constipation fonctionnelle qui peut être prise en charge en ambulatoire par le médecin traitant. Elle correspond à un retard d’évacuation de matières dont le séjour dans l’intestin a de ce fait été prolongé. De cette rétention résultent douleurs abdominales, exonération difficile et douloureuse, fissure anale, souillures et encoprésie,  [1,3-7]. L’encoprésie est la survenue de souillures fécales, secondaires à l’accumulation de selles dures dans le rectum (fécalome) et à l’insensibilisation progressive de ce dernier par modification des propriétés visco-élastiques du muscle lisse.

2.1. L’interrogatoire Il s’enquiert des antécédents familiaux  ; de l’heure d’émission du premier méconium (pathologique si > 48 h) ; de la date de début de la constipation et des événements concomitants ; de la fréquence, de l’aspect et de la consistance des selles ; des éventuelles raisons de non fréquentation des toilettes ; des habitudes et modalités de la défécation (lieu, position, rites…)  ; des habitudes alimentaires et du régime ; des signes d’accompagnement (douleurs, vomissements, épisodes sub-occlusifs, débâcle diarrhéique, épisodes de rectorragies, fissures, prolapsus, souillures fécales), de l’appétit et de la croissance staturo-pondérale (courbes) ; de l’éventualité d’infections urinaires associées ; du contexte psychosocial (situation scolaire, contexte familial, âge et modalité d’apprentissage de la propreté)  ; des traitements déjà essayés (type, doses, durée).

2.2. L’examen Il recherche une cassure de la croissance staturo-pondérale, voire des signes de dénutrition, un retard psychomoteur  ; au niveau de l’abdomen, un météorisme, un ou des fécalomes palpables ; au niveau de l’anus : une antéposition, un prolapsus, sans gravité propre, et en déplissant la marge anale une ou plusieurs fissures ; par le toucher rectal, la tonicité du sphincter, la présence de matières dans l’ampoule rectale, l’existence d’une douleur ou d’une sténose. Ce toucher doit être réalisé au moins une fois [6].

2.3. Les examens complémentaires Aucun n’est systématiquement nécessaire.

2. Les données sémiologiques Pour mieux cerner la problématique présentée et distinguer une constipation fonctionnelle à l’origine de l’incontinence d’une constipation secondaire ou organique.

3. Le diagnostic est celui d’une constipation fonctionnelle [1] L’examen retrouve la présence de fécalomes. Ces enfants ont très souvent une qualité de vie médiocre avec une mauvaise image de soi, une exclusion sociale plus ou moins nette et une grande anxiété vis-à-vis du sujet et tout ce qui concerne la propreté, interférant avec un déni assez prononcé.

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249 © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2012;19:249-250

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4. Comment traiter les constipations fonctionnelles et l’incontinence secondaire ? Avant tout le clinicien doit démystifier le problème, vaincre les tabous et les peurs, déculpabiliser et expliquer les mécanismes et les mesures qui vont être entreprises en insistant sur la nécessité d’inscrire ces mesures dans la durée. Le principe de base est d’abord d’évacuer les selles impactées puis de prévenir la rétention avec comme objectif d’obtenir une selle facile à évacuer par jour ou tous les 2 jours [1,3,5,6,8]. Le traitement obéit à une stratégie en 3 étapes [1-3,5-9] : – évacuer les selles accumulées de longue date («  désimpaction  »)  : lavements hypertoniques (Normacol® enfant) ou à base d’huile minérale-sérum physiologique pendant 2 à 7 jours ou dose élevée pendant quelques jours (1 à 2 g/kg/j) de polyéthylène glycol (PEG) per os (Forlax®, Movicol®). Dans tous les cas, nécessité pendant cette phase de surveiller la perte de poids et de compenser les pertes hydro-électrolytiques ; – puis empêcher la réaccumulation des selles par l’utilisation de : • PEG (Forlax®) : la dose d’entretien efficace se situe entre 0,5 et 1 g/ kg/j. Ce traitement s’est avéré aussi, voire plus efficace et comporter moins d’effets indésirables (flatulence, douleurs abdominales) que le lactulose et constitue donc actuellement le traitement de choix ; • ou lubrifiants, huile minérale (1-3  ml/kg/j) (Lansoyl®, Lubentyl®) à donner en dehors des repas et plutôt contre-indiqués chez le sujet encéphalopathe ou présentant un RGO non contrôlé (risque d’inhalation lipidique) ; • en traitant éventuellement une fissure anale ; • les suppositoires de glycérine et les manipulations anorectales (thermomètre, doigt…) n’ont aucun intérêt. Ces traitements (PEG, laxatifs osmotiques ou lubrifiants) doivent être poursuivis au moins 6 mois. Mais très souvent ils nécessitent d’être poursuivis 1 à 2 ans. Ils seront diminués progressivement lorsque sera acquise une hygiène régulière. Le problème essentiel demeure l’observance. – Parallèlement sont mises en place des mesures de rééducation visant à obtenir une hygiène de défécation régulière : • explication et démystification des symptômes (surtout si souillures) ; • combattre le négativisme et le désespoir en abordant au fur et à mesure les difficultés rencontrées ; • lutter contre l’isolement de l’enfant ; • établir chez l’enfant en âge de le faire, des modalités de fréquentation régulière des toilettes en essayant de supprimer les causes de craintes et en éduquant enfant et parents ;

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• en cas d’échec ou d’asynchronisme abdomino-pelvien persistant, envisager, chez un enfant de plus de 7  ans, coopérant et motivé, dont le colon a été régulièrement vidé et après évaluation manométrique, une rééducation spécialisée par biofeedback. – L’approche diététique, même si très peu d’études pouvant en confirmer le bien-fondé ont été menées sur le sujet (niveau de preuve faible) s’envisage une fois la désimpaction obtenue et le traitement de fond instauré et suivi [4-6, 8] : • augmenter l’apport de boissons (eau, jus de fruits frais) ; • diminuer la consommation de lait et laitages si excessifs ; • rééquilibrer les apports en augmentant l’apport relatif en graisses, et en diminuant celui en glucides et protides si excessifs ; • augmenter l’apport en fibres cellulosiques (fruits, légumes, céréales).

Références [1] Rasquin A, Di Lorenzo C, Forbes D, et al. Childhood functionnal gastrointestinal disorders: child/adolescent. Gastroenterology 2006;130:1527-37. [2] van der Wal MF, Benninga MA, Hirasing RA. The prevalence of encopresis in a multicultural population. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2005;40:345-8. [3] Voskuijl WP, Heijmans J, Heijmans HS, et al. Use of Rome II criteria in childhood defecation disorders: applicability in clinical and research practice. J Pediatr 2004;145:213-7. [4] Montgomery DF, Navarro F. Management of constipation and encopresis in children. J Pediatr Health Care 2008;22:199-204. [5] Belamarich PF. Constipation. In: American Academy of Pediatrics Textbook of Pediatric Care. McInerny A, Adam MA, Campbell E, et al eds. American Academy of Pediatrics 2009: p1424-32. [6] Baker SS, Liptak GS, Colletti RB, et al. Constipation in infants and children: evaluation and treatment. A medical position statement of the North American Society for Pediatric Gastroenterology and Nutrition. J Pediatr Gastroenterol Nutr 1999;29:612-26. [7] Loening-Baucke V. Functional fecal retention with encopresis in childhood. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2004;38:79-84. [8] Carvalho RS, Michail S, Ashai-Khan F, et al. An update on pediatric gastroenterology and nutrition: a review of some recent advances. Curr Probl Pediatr Adolesc Health Care 2008;38:204-28. [9] Borowitz SM, Cox DJ, Kovatchev B, et al. Treatment of childhood constipation by primary care physicians: Efficacy and predictors of outcome. Pediatrics 2005;115:873-7.