© Masson, Paris. Ann Fr Anesth R&anim, 8 : 75-76, 1989
Indicateurs d'activit
COMMUNICATION
BREVE
pour un service d'anesthdsiologie
Activity indicators for an anaesthesiology department M. KOBEL
Service d'Anesthesiologie-R6animation, HSpital Cantonal, 1700 Friboug 8, Suisse
L'anesth6siologie est un service clinique de soutien qui n'a pas de r61e direct dans le contr61e de l'activit6 th6rapeutique. Elle peut donc servir de miroir de la consommation m6dicale, dont l'intensit6 est largement d6termin6e par l'6tat de l'offre (de prestations chirurgicales e n particulier). Elle refl~te aussi l'6volution de la population-cible des sp6cialit6s qui font appel ~ nos services. L'av~nement de l'informatique permet de traiter rapidement de grandes quantit6s de donn6es. C'est un moyen d'6valuer de mani~re it6rative les actes document6s d'un service d'anesth6siologie-r6animation. Malgr6 tousles al6as que cela comporte, une appr6ciation chiffr6e de l'activit6 d'un service est int6ressante pour plusieurs raisons : - - des donn6es fiables et rapidement accessibles, d6crivant les activit6s et les patients concern6s, permettent un contr61e de la qualit6 des soins administr6s ; dans le contexte actuel d'6conomie financibre en matibre de sant6, il est important de pouvoir d6montrer la mani~re dont on combine les moyens disponibles pour effectuer le travail demand6. Le m6decin doit en effet accepter d'examiner l'efficacit6 de ses actes ; l'expansion d'un service et l'am61ioration des 6quipements d6pendaient jusqu'ici largement de l'int6r6t, de l'6nergie et du savoir-faire politique individuel ou d'un groupe de pression plut6t que de la valeur intrins~que d'une proposition ou d'un projet. I1 est probable qu'avec l'appui de chiffres refl6tant les activit6s r6elles les revendications des anesth6sistes auront beaucoup plus de poids. Lors d'une analyse comparative de 5 187 cas document6s pour 1974 et de 6 354 dossiers informatis6s pour 1987, nous avons d6couvert un certain nombre d'indicateurs d'activit~ qui permettent d'appr6hender de mani~re chiffr6e l'6volution de notre sp6cialit6 en mati~re de service sollicit6. Nous les pr6sentons ici, assorti~ de leur interpr6tation. La distribution des Glasses d'dge en 1987 montre deux maximums de fr6quence (~ 20-29 ans et h 8089 ans), alors qu'en 1974 la r6partition des flges suivait une distribution de Poisson avec un seul -
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Requ le 14 juin 1988 ; accept6 apr~s r6vision le 21 novembre 1988.
maximum. L'6chantillon de 1974 provient d'une seule population. L'6chantillon de 1987 sugg6re que les patients anesth6si6s proviennent de deux ensembles distincts, caract6ris6s par le type d'intervention qu'ils subissent. I1 y a d'une part les interventions classiques corrigeant une pathologie cong6nitale ou acquise : herniotomie, chol6cystectomie, correction de strabisme. D'autre part, il existe une deuxi~me population-cible, celle des patients se pr6sentant pour la correction d'une pathologie li6e au vieillissement: cataracte, coxarthrose, insuffisance art6rielle. Les modifications de la distribution des classes d'~ge t6moignent donc de l'importance croissante de la g6ronto-chirurgie. La r6partition des durdes d'anesthdsie en classe de frdquence rend mieux compte de l'6volution du temps moyen d'une intervention que le simple calcul de la dur6e moyenne des anesth6sies. On note un d6placement global de la courbe vers la droite. La dur6e la plus fr6quente est de 60 min en 1974 et de 90 min en 1987. On remarque aussi une disparition des anesth6sies br~ves (classes de 15 et 30 min). Pour expliquer l'allongement de la dur6e moyenne d'une anesth6sie, on ne peut invoquer la seule multiplication des interventions (longues) de g6ronto-chirurgie. I1 faut aussi consid6rer la disparition des anesth6sies br~ves. Cela est dO ~ l'appareillage syst6matique des patients (sphygmomanom6tre, ECG, voie veineuse), au recours ~ l'anesth6sie locor6gionale (une anesth6sie 6pidurale s'installant moins vite qu'une anesth6sie par inhalation) et aux contraintes d'enseignement (le m6decin assistant de 1987 fait le travail de l'infirmi6re de 1974). Le prix de cette progression peut s'appr6cier pleinement par l'6volution des dur6es d'anesth6sie. L'analyse du nombre de cas simultan~ment actifs (fig. 1) par tranche horaire soul~ve la question de la cadence de travail adopt6e par les salles d'op6rations. Sachant que tout le personnel est en poste d~s 7 h 15, cet indicateur r6v61e un potentiel de forces de travail inutilis6es en d6but de matin6e op6ratoire, soumises par la suite ~ une sollicitation aigu6 et maximale. La planification et la dotation en personnel tiennent compte, en g6n6ral, d'une activit6 moyenne. Ce principe doit 6tre remis en question ici. Une classification des cas urgents par leur heure de mise en route (fig. 2) et le d6compte des jours ayant
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un m~me nombre total d'heures d'anesthdsie (fig. 3) donnent deux histogrammes (nombre de cas par tranche horaire et fr6quence des totaux journaliers d'heures d'anesth6sie), p e r m e t t a n t une 6valuation de la gestion des files d'attente. Les modifications de structures des services d e m a n d e u r s d'anesth6sie sont responsables d'une 6volution d6favorable, d6montr6e par l'6talement de l'heure de prise en charge des urgences et l'in6galit6 de l'activit6 journali~re mise en 6vidence par le classement des journ6es selon leur n o m b r e total d'heures de prestation. En 1974, en pr6sence d'un n o m b r e moindre d'op6rateurs, une int6gration des interventions urgentes dans la file des op6rations r6gl6es 6tait r6alisable. En 1987, la fragmentation de la chirurgie en sous-sp6cialit6s et la multiplication des op6rateurs agr66s entralnent, par l'in6galit6 et la fluctuation de la demande de service (chaque op6rateur d6sirant une liquidation ~ hic et nunc ~ de son p r o g r a m m e op6ratoire), des problames consid6rables de main-d'oeuvre et de gestion. L'alternance de journ6es op6ratoires courtes et excessivement longues en t6moigne. Lors de cette 6tude, les descripteurs statistiques usuels (moyenne, 6cart type) des logiciels standards de gestion de bases de donn6es se sont montr6s insuffisants. En effet, le simple calcul d'une m o y e n n e (sur l'~ge et le risque, ou sur la dur6e et le n o m b r e de cas) ne p e r m e t pas une appr6ciation fiable des param~tres d6terminant la charge de travail d'un service clinique de soutien. Celui-ci doit 6tre dimensionn6 en fonction des besoins d e pointe et g6r6 en fonction des p6riodes creuses. Les indicateurs d'activit6 les plus repr6sentatifs sont les suivants. Un histogramme repr6sentant les classes de fr6quence d'glge et de dur6e d'anesth6sie rend compte de la complexit6 des t~ches. La repr6sentation du n o m b r e de cas simultan6ment actifs par tranche horaire refl~te le taux d'utilisation des ressources. Le n o m b r e d'heures d'anesth6sie effectu6es par jour et la r6partition des heures de mise en route des cas urgents t6moignent de l'efficacit6 de la gestion d'un bloc op6ratoire. Une analyse qui se bornerait ~ 6tablir un taux m o y e n de croissance par le n o m b r e de cas ou le n o m b r e d'heures d'anesth6sie donnerait des r6sultats peu flatteurs p o u r la majorit6 des services, compte tenu de l'accroissement des moyens mis h leur
M. KOBEL
Nombre de cas
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1
6
9
12
15
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24 h
Tranche horaire
Fig. 1. - - Nombre de cas actifs simultan6ment. Ligne continue : 6chantillon de 1974 ; ligne pointill6e : 6chantillon de 1987. Nombre de cas 100
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15
18
24 I..
ii
horaim
Fig. 2. - - Heure de d6but des cas urgents. Ligne continue: 6chantillon de 1974 ; ligne pointillde : 6chantillon de 1987.
Nombre de jours
1
10
20 30 40 Total journalier (h)
50
>50
Fig. 3. - - Fr6quencc des heures de prestation en 24 h. Colonne blanche : 6chantillons de 1974 ; colonne noire : 6chantillons de 1987.
disposition. La mise au point et la validation d'indicateurs d'activit6 doivent 6tre poursuivies p o u r faire de l'informatique un outil de gestion utilisable.