Presse Med 2005; 34: 1315-16
Emmanuel Andrès
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© 2005, Masson, Paris
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Les chutes : un enjeu pour la société, un enjeu pour l’individu, un enjeu pour le médecin haque année,en France,plus de 2 millions de personnes âgées de plus de 65 ans présentent une 1,2 chute .Ainsi,une personne sur trois de plus de 65 ans va faire au moins une chute par an et une sur deux pour les plus de 85 ans. En nombre, ces accidents dépassent ceux de la circulation. Pour nos sociétés vieillissantes, ces chutes représentent ainsi un véritable enjeu de santé publique. À“l’autre bout de l’échelle”,au titre de l’individu,ces chutes présentent également un enjeu individuel, en étant un événement extrêmement grave dans la vie des seniors. Pour le médecin, ces chutes représentent également un enjeu, notamment leur prévention et leur prise en charge.
C Correspondance : Service de médecine interne, diabète et maladies métaboliques, Clinique médicale B, Hôpital civil, Hôpitaux universitaires de Strasbourg, 1, porte de l’Hôpital, 67091 Strasbourg Cedex Tél. : 03 88 11 50 66 Fax : 03 88 11 62 62
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Un enjeu pour la société… Selon la CNAMTS,les conséquences des chutes représentent environ 1 milliard d’Euros par an2.Mais,si on inclut les séquelles physiques et psychologiques, avec notamment une majoration du degré de dépendance dans 20 à 30 % des cas, avec notamment la nécessité d’entrer en institution, le véritable 1,2 coût est alors estimé entre 1,5 et 2,3 milliards d’Euros annuel . Les journées d’hospitalisation, consé3 quence des chutes sont, quant à elles, évaluées à un peu plus d’1 million de journées par an . Une 4 consultation auprès d’un médecin et/ou un bilan hospitalier est effectué dans 30% des cas . Ce dernier, souvent réalisé dans une certaine urgence et sans concertation, outre son coût et son intérêt discutable (en dehors de structures dédiées à l’exploration et à la prise en charge des chuteurs),est généralement source d’engorgement des Urgences et de dysfonctionnement des hôpitaux.
Un enjeu pour l’individu… Après une première chute, le risque de récidive est multiplié par 201,2. Les chutes sont la cinquième cause de mortalité chez les sujets de plus de 65 ans et sont un motif fréquent d’hospitalisation.La mortalité est multipliée par 4 pour les personnes âgées de plus de 65 ans ayant présenté au moins une 2 chute dans l’année par rapport aux sujets de la même tranche d’âge qui n’ont pas fait de chute . Cette mortalité est d’ailleurs fortement corrélée au temps passé à terre.Ainsi,la moitié des personnes restées 3,5 au sol plus d’une heure vont-elles décéder dans l’année . Concernant la morbidité, 6 à 8% des chutes 2 entraînent une fracture,dont un tiers sont des fractures du col du fémur .De plus,nombre de chuteurs vont présenter diverses atteintes psychologiques,notamment à type de perte de confiance en soi,aboutissant dans certains cas à un véritable syndrome de désadaptation psychomotrice (anciennement 5 dénommé syndrome de glissement) et à une institutionnalisation .
Un enjeu pour le médecin… Les chutes nécessitent de la part du médecin une démarche diagnostique rigoureuse à la recherche d’une explication médicale :iatrogénie,accident vasculaire cérébral,troubles neuro-sensoriels,arthrose, 2,3,6 désadaptation psychomotrice… .Elles nécessitent également une enquête pour appréhender le rôle de l’environnement. Surtout, elles nécessitent la mise en œuvre de mesures de prévention : aménagement de l’environnement (pour éviter et réduire les conséquences des chutes),mise en place de téléa3,4,7 larme,kinésithérapie avec exercices d’équilibre,apprentissage des techniques pour se relever du sol . La moitié des personnes âgées ayant chuté est incapable de se relever seules malgré l’absence de bles8 sure grave . Hors, la durée passée au sol conditionne la survenue de complications aiguës et la perte 5,7 d’autonomie .Ainsi,de nombres services de Gériatrie et structures apparentées proposent des séances 3 décembre 2005 • tome 34 • n°21
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de kinésithérapie apprenant aux chuteurs à se relever9. Toutefois le bien fondé de telles séances de kinésithérapie n’a-t-il pas été formellement évalué.C’est ce que s’est proposé de faire l’équipe de Loïc Capron dans un travail rap10 porté dans ce numéro de La Presse Médicale . Dans ce
travail préliminaire (qui demande donc confirmation), cette équipe montre qu’apprendre aux personnes âgées hospitalisées en médecine (ici médecine interne) à se relever à un intérêt médical manifeste, au moins à court terme. ■
Références 1 Duval C, Lebrun E, Nectoux M. Accidents de la personne âgée : le grand coupable reste la chute. Rev Prat (Médecine Générale) 1999; 13: 1289-92. 2 Nizard J, Potel G, Dubois C. Chutes et perte d’autonomie du sujet âgé. Concours Med 1999; 121: 397-402. 3 Berthel M, Kuntzmann F. Chutes et malaises du sujet âgé. Rev Prat (Médecine Générale) 1989; 74: 26-32. 4 Deschamps C, Bosson JL, Couturier P, Casset JC. Evaluation des chutes chez les personnes âgées en médecine ambulatoire. La Revue de Gériatrie 1995; 20: 302-7. 5 Masson I, D’Avigneau JM. Chute du sujet âgé. La moitié des patients ayant passé plus d’une heure au sol décède dans les 6 mois. Rev Prat (Médecine Générale) 1994; 263: 31-4.
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6 Martin-Hunyadi C, Heitz D, Demuynck C, Strubel D, Kuntzmann F. Troubles de la marche du sujet âgé. La Revue de Gériatrie 1998; 23: 741-7. 7 Tinetti ME, Williams CS. Falls, injuries due to falls, and the risk of admission to a nursing home. N Engl J Med 1997; 337: 1279-84. 8 Tinetti ME, Liu WL, Claus EB. Predictors and prognosis of inability to get up after falls among elderly personns. JAMA 1993; 269: 65-70. 9 Hofmeyer MR, Alexandre NB, Nyquist LV, Meddell JL, Koreishi A. Floor-rise strategy training in older adults. J Am Geriatr Soc 2002; 50: 1702-6. 10 Passeron A, Perreira Rocha E, Dammane L, Capron L. Apprentissage de la technique pour se relever du sol chez des patients âgés hospitalisés : étude prospective en médecine interne. Presse Med 2005; 34: 1623-7.
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