Antibiotique (2010) 12, S10—S12
CHAPITRE II
Infections virales Martine Lenoble* Groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil, 10, rue du Général-Leclerc, 93370 Montfermeil
Vaccin anti-CMV dans la greffe allogénique Dans deux cas sur trois environ, l’allogreffe hématopoïétique se complique chez les receveurs séropositifs pour le CMV d’une réactivation virale dans les 6 mois qui suivent la greffe. Aucun vaccin efÀcace n’avait jusqu’à présent été mis au point. Dans un essai de phase II en double aveugle, un vaccin ADN (Transvax®) a été administré à 42 patients allogreffés à risque de réactivation CMV et comparé à un placebo [1]. Une réduction signiÀcative de l’incidence, de la prévalence, du taux de récidive et de la durée des épisodes de virémie CMV a été observée parmi les sujets ayant reçu le vaccin. Le nombre de patients ayant reçu un traitement antiviral a été de 48 % contre 62 %, mais la différence n’est pas signiÀcative. Ces résultats préliminaires justiÀent la poursuite des recherches.
Vaccins contre le rotavirus : une année mouvementée D’après T. Vesikari, Symposium Hot topics in vaccines, 1264. En mars 2010, GSK et la FDA annonçaient que le vaccin Rotarix® contenait un circovirus ADN ubiquitaire chez le porc, PCV-1, détecté par PCR. Ni PCV-1 ni aucun autre PCV n’a été décrit dans une infection humaine, en dépit d’une large exposition dans les produits alimentaires. En application du principe de précaution, la FDA a demandé un moratoire sur l’utilisation de vaccin, tout en encourageant la poursuite des vaccinations par l’autre vaccin disponible, Rotateq®. L’Agence européenne du médicament et l’Organisation mondiale de la santé ont indiqué que ces constatations ne devaient pas remettre en cause la politique de vaccination * Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M. Lenoble). © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
des nourrissons vis-à-vis du rotavirus. Six pays européens, dont la France, ont néanmoins suspendu la vaccination. Tandis que GSK s’engageait aussitôt à produire des vaccins décontaminés, le vaccin a continué à être utilisé dans de nombreux pays à risque, notamment au Brésil. En mai 2010, on apprenait que le vaccin Rotateq ® contenait lui aussi des fragments d’ADN viral de PCV-1 et de PCV-2… La FDA communiquait de nouveau sur cet événement et rappelait les bénéÀces de la vaccination, tandis que l’EMEA rappelait l’absence d’argument pour un risque sanitaire avec l’un comme l’autre des vaccins. Des recherches sur l’infectivité possible sont en cours, mais il est plus aisé de prouver la présence d’un effet que son absence… L’ADN de PCV et des anticorps anti-PCV vont être recherchés chez les sujets vaccinés.
Grippe A/H1N1 Une étude pilote de phase II sur l’immunogénicité d’une dose unique de 15 õg de vaccin A/H1N1 inactivé sans adjuvant chez la femme enceinte a été menée en France. Les résultats présentés en session orale portent sur 107 femmes vaccinées entre 22 et 32 semaines de gestation [2]. Des prélèvements ont été réalisés à j0, j21, j42, lors de l’accouchement (prélèvement maternels et du sang de cordon ombilical) et trois mois après l’accouchement. À j21, toutes les femmes avaient des titres d’anticorps hémagglutinants et neutralisants spéciÀques élevés, quel que soit le terme de la grossesse. Aucun effet indésirable grave n’a été rapporté. La grossesse est considérée comme une situation à haut risque de formes graves de grippe A/H1N1v. Les résultats rapportés pour l’Espagne pourraient remettre en cause cette notion, du moins dans un contexte de diagnostic et de traitement précoce [3]. Une cohorte prospective
Infections bactériennes
de 98 femmes enceintes hospitalisées avec un diagnostic de grippe A/H1N1v a été comparée à 112 femmes non enceintes vues dans l’un des 13 centres hospitaliers participant à une enquête épidémiologique. Les deux groupes n’étaient pas totalement appariés et différaient notamment par l’âge, les comorbidités, le tabagisme et le poids corporel. L’hospitalisation était justiÀée par les signes cliniques pour 1 femme enceinte sur 3, contre 2 sur 3 en l’absence de grossesse. Malgré un taux de traitement par Oseltamivir® de 75 % chez les femmes enceintes contre 97 % parmi les témoins, aucun décès n’a été observé parmi les femmes enceintes, contre 6 dans la cohorte témoin. Le traitement a toutefois été plus précoce chez les femmes enceintes. Il y a eu 2 accouchements prématurés. L’analyse multifactorielle ne fait apparaître que 2 facteurs de mauvais pronostic : une maladie respiratoire chronique et l’obésité morbide. Dans une étude prospective en réanimation à l’hôpital Bichat, la persistance d’une PCR positive dans les sécrétions trachéales a été recherchée chez 21 patients, dont 11 sous ventilation mécanique, admis pour une pneumonie grippale H1N1v grave [4]. Le virus est resté détectable pendant une durée moyenne (DS) de 16 (11) jours, avec des extrêmes de 7 et 43 jours. Cette durée n’était pas corrélée au pronostic. Une forme intraveineuse de Zanamivir® a été délivrée à titre compassionnel et utilisée à la dose de 600 mg deux fois par jour chez 34 patients admis en réanimation pour une grippe A/H1N1v grave [5]. L’indication du traitement était l’absence de réponse à l’Oseltamivir® par voie orale ou au Zanamivir® inhalé, ou l’impossibilité de recourir à l’une de ces deux voies d’administration. Évaluable chez 23 patients, le taux de négativation de la PCR a été de 83 % à 10 jours. Une guérison a été obtenue dans 62 % de l’ensemble des cas. Il y a eu 12 décès, dont 3 des 4 patients qui avaient gardé une PCR positive à 10 jours.
Infection par le VIH Dans un essai randomisé chez 157 patients (ROCKET 1), l’évolution du proÀl lipidique a été évaluée après le remplacement de la combinaison d’Abacavir® et de Lamivudine® par Ténofovir® et Emtricitabine®, en association à l’Efavirenz® [6]. Tous les patients étaient en réponse virologique complète stable depuis au moins 6 mois et avaient à l’entrée dans l’étude un taux de cholestérol total (CT) 2 g/l. À 12 semaines, la modiÀcation du traitement a été suivie d’une diminution signiÀcative des taux de CT et de triglycérides, dont l’amplitude médiane était respectivement de – 0,29 et – 0,37 (p < 0,001). Il a été rapporté que les inhibiteurs du récepteur CCR5 avaient pour propriété de permettre une ascension plus rapide du taux de CD4 que d’autres agents antirétroviraux (ARV). Cette afÀrmation ne reposant que sur des données limitées, une méta-analyse des essais cliniques randomisés publiés ou présentés depuis 2003 a été réalisée [7]. Elle a inclus tous les essais ayant comparé un nouvel agent à un placebo chez des patients déjà traités antérieurement, soit 10 études, dont 4 avec un inhibiteur de CCR5, représentant 6401 patients inclus. Dans toutes les études, la réponse cellulaire CD4 à la semaine 48 a été meilleure avec les nouveaux agents, sans supériorité des inhibiteurs de CCR5
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(Maraviroc® ou Vicriviroc®) sur les autres nouveaux ARV (Enfuvirtide®, Raltégravir®, Etravirine®, Tipranavir® ou Darunavir®). L’essai randomisé de phase III ODIN (once-daily darunavir in treatment-experienced patients) a comparé chez 590 patients déjà exposés aux ARV un schéma d’administration du Darunavir® en une prise par jour (800/100 mg, schéma recommandé chez les sujets naïfs) au schéma de référence en deux prises par jour de 600/100 mg. L’essai a permis de conclure à la non-infériorité en termes de délai avant perte de réponse virologique. Aucun patient n’avait de mutation associée à une résistance au Darunavir® à l’entrée dans l’étude. À 48 semaines, le taux de réponse virologique complète a été similaire dans les deux groupes (71 % contre 72 %). Les cas d’échec virologique ont été analysés [8]. Un seul patient en échec virologique dans le groupe en une prise par jour a développé des mutations de résistance au Darunavir® (V32I, M46I, L76V et I84V). Parmi les patients en échec virologique, il a été observé 2 cas contre 0 de résistance à un inhibiteur de protéase et 7 contre 4 à un inhibiteur nucléosidique de la transcriptase inverse (INTI) faisant partie du traitement optimisé associé, 8 contre 4 à un INTI autre. Une formulation de Névirapine® à libération prolongée permettant l’administration en une prise par jour a été mise au point et son évaluation fait l’objet de l’étude randomisée VERxVE. Plus de 1 000 patients ont reçu, en association à la coformulation de Ténofovir® et d’Emtricitabine®, 200 mg deux fois par jour de Névirapine® ou 400 mg en une prise par jour de la forme à libération prolongée [9]. Après 48 semaines, le taux de réponse virologique était de 81 % (409/505) pour la forme à libération prolongée contre 76 % (384/506) pour la forme classique, sans différence selon le niveau initial de la charge virale. L’augmentation médiane du taux de CD4 était respectivement de 192 et 181/mm3. La non-infériorité est ainsi démontrée. Les données pharmacocinétiques montrent que le taux résiduel de Névirapine® reste stable et plus de 13 fois supérieur à la CI90 des virus sauvages. Aucun effet secondaire inhabituel par rapport à la forme classique n’a été rapporté et l’incidence des événements indésirables de grade 3-4 a été inférieure à 1 %. La Rilpivirine® ou TMC278 est un nouvel inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse (INNTI), administré à la dose de 25 mg en une prise par jour. Elle a fait l’objet de deux études randomisées en double aveugle, ECHO et THRIVE, dans lesquelles elle a été comparée à l’Efavirenz® chez des sujets naïfs de traitement antérieur, en association à Ténofovir® – Emtricitabine® (ECHO, n = 690) ou à 2 INTI au choix de l’investigateur (THRIVE, n = 678). Les résultats regroupés de ces deux études démontrent la non-infériorité de la Rilpivirine® en termes de réponse virologique : 84 % à 48 semaines contre 82 % [10]. La tolérance de la Rilpivirine® s’est révélée supérieure à celle de l’Efavirenz®, avec notamment 17 % d’effets indésirables neurologiques contre 38 %, 15 % de troubles psychiatriques contre 23 %, 3 % d’éruptions cutanées contre 14 %. Toutes ces différences sont très signiÀcatives. En revanche, le taux d’échappement virologique a été plus élevé dans le groupe Rilpivirine® : 10 % contre 6 % (p = 0,0014). Le défaut d’observance et le niveau initial de charge virale étaient des facteurs d’échec secondaire plus marqués avec la Rilpivirine® qu’avec l’Efavirenz®.
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Les sujets traités par la Rilpivirine® avaient également une probabilité plus élevée qu’avec l’Efavirenz® de développer des mutations de résistance aux INTI (68 % contre 32 %). Jusqu’à une date récente, le Ritonavir® était la seule molécule utilisée comme « booster » pour prolonger la demivie des ARV, notamment des inhibiteurs de protéase (IP) et permettre leur administration en une ou deux prises par jour. Le Cobicistat® est une molécule nouvelle qui, comme le Ritonavir®, prolonge la demi-vie des ARV, mais est dépourvu d’activité propre sur le VIH. Dans la formulation « Quad », le Cobicistat® a été associé à un inhibiteur d’intégrase, l’elvitégravir, au Ténofovir® et à l’Emtricitabine®. L’efÀcacité et la tolérance de cette nouvelle combinaison de médicaments en une prise par jour sans IP sont en cours d’évaluation dans un essai de grande envergure. Les données rapportées ici portent sur un nombre plus limité de patients [11]. Deux questions étaient posées : 1) comparer Quad à l’association de référence Ténofovir® – Emtricitabine® – Efavirenz® (Atripla®) en termes d’efÀcacité et de tolérance (n = 71) ; • 2) comparer le Cobicistat® et le Ritonavir® comme booster de l’Atazanavir®, en association aux mêmes INTI (n = 79). Le taux de suppression virologique complète a été de 90 % avec Quad contre 83 % avec Atripla®, avec une bonne tolérance. Pour l’Atazanavir®, le taux de réponse virologique complète a été de 86 % avec le Cobicistat® contre 82 % avec le Ritonavir® comme booster. L’incidence des effets indésirables a été de 36 % contre 48 %. Plus facile à introduire dans des coformulations d’ARV et mieux toléré que le Ritonavir®, le Cobicistat® est une alternative prometteuse. •
ConÁits d’intérêts Aucun.
Références [1]
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