Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 100 (2014) 295–302
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Mémoire original
Influence du système optique et des points anatomiques dans les prothèses totales de genou assistées par ordinateur夽 Influence of the optical system and anatomic points on computer-assisted total knee arthroplasty B. Schlatterer a,b,∗ , J.-M. Linares a , P. Chabrand a , J.-M. Sprauel a , J.-N. Argenson a,c a
Aix-Marseille Université, CNRS, ISM UMR 7287, 13288 Marseille cedex 09, France Institut Monégasque de médecine et chirurgie du sport, 98000 Monaco, Monaco c Institut du Mouvement et de l’appareil locomoteur, hôpital Sainte-Marguerite, CHU de Marseille, 13274 Marseille, France b
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : Accepté le 22 janvier 2014 Mots clés : Prothèse totale de genou Navigation Chirurgie assistée par ordinateur Repères anatomiques Système optique infrarouge
r é s u m é Introduction. – Dans l’arthroplastie totale de genou, la chirurgie assistée par ordinateur se définit depuis plus de 10 ans comme l’outil de précision pour aligner les implants dans le plan frontal. Notre hypothèse a été qu’une imprécision sur les repères squelettiques pendant la phase d’acquisition et/ou une variabilité de mesure du système optique infrarouge pouvaient remettre en question la pertinence des informations numériques qui guident le geste opératoire. Matériel et méthode. – Une modélisation géométrique d’un système de navigation, sans acquisition d’imagerie préopératoire, a permis de simuler les étapes du processus d’acquisition. Le centre de chaque réflecteur optique et les points anatomiques d’acquisition ont été bruités aléatoirement de manière multidirectionnelle dans une sphère d’incertitude dont le diamètre a été préalablement fixé. Trente mille simulations réalisées selon la méthode statistique de Monte-Carlo ont permis à partir du modèle géométrique virtuel et du processus de navigation de calculer la variabilité des référentiels anatomiques qui guident les coupes osseuses. Les variabilités en rotation (␣,  et ␥) des repères squelettiques fémoral et tibial ont traduit respectivement les erreurs de positionnement des implants en flexion–extension, valgus–varus et rotation. Résultats. – En considérant les incertitudes du système de mesure optique infrarouge 3D et de l’acquisition des points anatomiques, les repères fémoral et tibial ont montré une erreur maximale alpha (flexion–extension), bêta (valgus–varus) et gamma (rotation axiale) respectivement de 1,65◦ (0,9◦ ) ; 1,51◦ (0,98◦ ) et 2,37◦ (3,84◦ ). La variabilité du système de mesure optique infrarouge n’a pas eu d’influence significative sur les angles d’alignement fémoro-tibiaux. Conclusion. – Sur la base d’une simulation de Monte-Carlo, les systèmes de navigation démontrent une certaine vulnérabilité pour le guidage en rotation mais une robustesse pour le contrôle de l’alignement frontal et coronal. Niveau de preuve de l’étude. – IV. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
1. Introduction
DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.otsr.2013.12.029. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (B. Schlatterer). http://dx.doi.org/10.1016/j.rcot.2014.01.016 1877-0517/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Depuis plus de 30 ans, les ancillaires conventionnels pour la mise en place des prothèses totales de genou (PTG) permettent, avec l’utilisation des guides intra- ou extra-médullaires, un positionnement plus ou moins précis des guides de coupes osseuses [1–4]. Malgré un avenir prometteur, les ancillaires personnalisés n’ont pas encore suffisamment fait la preuve de leur précision pour devenir une procédure de référence [5–9]. Avec un recul de plus de 10 ans,
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Fig. 1. Référentiels utilisés par le système optique de mesure tridimensionnel au cours de la mise en place d’une PTG.
la chirurgie assistée par ordinateur s’est révélée être plus précise que l’instrumentation classique dans le plan frontal [10–16]. Cependant, certaines erreurs liées au système de détection infrarouge et à l’imprécision de l’opérateur pour palper certains points anatomiques peuvent passer inaperc¸ues [17,18]. Sur la base d’une modélisation géométrique caractérisant un système de navigation de PTG, des simulations numériques en intégrant les différentes étapes du processus d’acquisition ont été effectuées. Notre hypothèse était que la précision des navigateurs était soumise à épreuve en tenant compte de la variabilité du système de mesure optique et des points anatomiques mis en place par l’opérateur en cours d’intervention. 2. Matériel et méthodes 2.1. Mise en place du modèle géométrique
géométriques distincts constitués par les centres des réflecteurs optiques de chaque corps rigide (Fig. 2). En prenant pour exemple le tibia, le référentiel RT qui lui était rattaché, était composé de 3 vecteurs orthogonaux unitaires tx , ty et tz avec pour origine, le point T1 . À chaque instant t, les coordonnées de tx , ty et tz étaient exprimés dans le repère du navigateur RN en fonction des coordonnées des points T1 (XT1 , YT1 , ZT1 ), T2 (XT2 , YT2 , ZT2 ) et T3 (XT3 , YT3 , ZT3 ) selon les équations : − →(t) t
y/RN
=
−−→ T T
−−→ −−→ T T ∧T T
1 2 1 3 →(t) →(t) −−1 →2 , −→t (t) , −→t (t) = =− ∧− t t x/RN y/RN z/RN −−→ T1 T2 z/RN −T−1 → T2 ∧ T1 T3
avec t : instant de calcul. La même méthode était utilisée pour définir en temps réel, les référentiels RF F1 , fx , fy , fz et Rs S1 , S x , S y , S z liés, respectivement, au fémur et au palpeur mécanique d’acquisition
La construction géométrique du système de navigation (Fig. 1) s’est inspirée de la Nanostation de chez Praxim. Elle a reproduit le membre inférieur squelettique gauche d’un patient installé en salle d’opération après exposition chirurgicale du genou et positionnement des 2 référentiels fémoral et tibial. Les différentes variables et grandeurs anatomiques utilisées sont résumées dans les Tableaux 1a et 1b. Les corps rigides fémoral en « F » et tibial en « T » étaient supposés être chacun arrimés au squelette à l’aide de 2 fiches bicorticales de fixation externe de type Hoffman sur lesquelles s’articulait un raccord orientable ayant permis le positionnement et la fixation du corps rigide face à la caméra. 2.2. Construction des référentiels squelettiques Chaque référentiel comprenait 3 balises optiques réfléchissantes solidarisées à un corps rigide en titane. La construction des repères liés à chaque référentiel a été effectuée à partir de 3 points
Fig. 2. Construction du référentiel squelettique tibial.
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Tableau 1a Synoptique des points et des repères ayant été utilisés pour la modélisation géométrique du système de navigation dans la mise en place d’une PTG. Acquisition des points anatomiques d’intérêt Épiphyse fémorale H N CM CL C’M C’L F
Centre de la tête fémoralea Centre de l’épiphyse fémorale distale au niveau du sommet de l’échancrure antérieureb Condyle fémoral médial (algorithme) Condyle fémoral latéral (algorithme) Projection orthogonale de CM CL dans le plan (algorithme) Plan perpendiculaire à l’axe fémoral mécanique (algorithme)
Épiphyse tibiale S T MM ML A
Centre de l’épiphyse tibiale proximale au niveau de la surface pré-spinale antérieureb Tubérosité tibiale antérieureb Malléole médialeb Malléole latéraleb Centre de la cheville correspondant au milieu du segment MM ML (algorithme)
Réflecteurs optiques infrarouges matérialisés par les points correspondants qui ont été localisés par leurs coordonnées spatiales Réflecteurs optiques (3 points) du référentiel squelettique fémoral F1 , F2 , F3 Réflecteurs optiques (3 points) du référentiel squelettique tibial T1 , T2 , T3 Réflecteurs optiques (3 points) du référentiel palpeur S1 , S2 , S3 Repères de chaque référentiel RF (F 1 , fx , fy , fz ) RT T1 , tx , ty , tz
RS S1 , sx , sy , sz
x, n y, n z R N ON , n
Repère du référentiel attaché au fémur Repère du référentiel attaché au tibia Repère du référentiel attaché au palpeur
Repère du référentiel au navigateur
Repères anatomiques F, X F, Z F R N,X F
T, X T, Z T RT S,X
a b
Repère anatomique fémoral
Repère anatomique tibial
Méthode d’acquisition cinématique. Méthode d’acquisition à l’aide de la pointe à bille du palpeur navigué.
Tableau 1b Spécification géométrique en millimètre du squelette fémoral et tibial. Longueur du fémur Distance CM CL Longueur du tibia Distance M1 M2 Distance S1 S2
468 60 401 56 150
en utilisant les centres des réflecteurs optiques (F1 , F2 , F3 ) et (S1 , S2 , S3 ). 2.3. Modélisation de la phase d’acquisition des points anatomiques. L’enchaînement des procédures d’acquisition utilisait 3 étapes principales (voir Annexe électronique pour le détail des équations) pour calculer en fonction du temps les coordonnées d’un point Mi d’acquisition dans chaque base référentielle. Les coordonnées du point Mi au temps d’acquisition étaient dans un premier temps calculées dans la base référentielle du système de navigation en utilisant le palpeur navigué. La seconde étape permettait le calcul instantané des coordonnées de ce même point d’acquisition dans le référentiel squelettique du fémur. Les coordonnées de Mi dans ce référentiel local ne variaient pas, quelle que soit la position du fémur et le degré de flexion du genou. La troisième étape consistait à récupérer les nouvelles coordonnées du point anatomique Mi après chaque manipulation du membre inférieur. 2.4. Construction des repères anatomiques À partir de la connaissance instantanée de la position de l’ensemble des points anatomiques Mi , les repères anatomiques fémoral et tibial pouvaient être construits (Fig. 3).
2.5. Simulation selon la méthode statistique de Monte-Carlo Les coordonnées des centres des réflecteurs optiques et des points d’acquisition anatomiques étaient distribuées dans des sphères de bruitage dont les diamètres de dispersion étaient propres pour chacun de ces points (Tableau 2). Le générateur de valeurs pseudo-aléatoires utilisait l’algorithme de Mersenne Twister1 pour obtenir un tirage équiprobable des points bruités dans la sphère d’incertitude. La variation du système de mesure optique infrarouge était choisie dans une étendue de 0 à 1 mm de diamètre. Pour chaque point anatomique palpé, les coordonnées des 3 capteurs optiques (S1, S2, S3) du palpeur numérique et celles des 3 capteurs optiques (T1, T2, T3) des référentiels du tibia ou du fémur (F1, F2, F3) étaient simulées. Dans un premier temps, les coordonnées des 6 points des réflecteurs optiques impliqués dans le calcul de chaque point anatomique d’acquisition étaient bruitées pour étudier l’effet de la variabilité du système optique infra rouge sur la précision des repères squelettiques mis en place. Ensuite, ces mêmes points anatomiques étaient chacun dispersés combinant ainsi les dispersions du système de mesure optique tridimensionnel et celles associées au défaut de reproductibilité des points d’acquisition.
1 Un générateur de nombres pseudo-aléatoires est un algorithme qui génère une séquence de nombres présentant certaines propriétés du hasard. Inventé par Makoto Matsumoto et Takuji Nishimura en 1997, Mersenne Twister est un algorithme générant des nombres pseudo-aléatoires particulièrement réputé pour sa qualité et sa robustesse. La méthode statistique de Monte-Carlo (nom d’une méthode qui fait allusion aux jeux de hasard pratiqués à Monte-Carlo), a été inventée en 1947 par Nicholas Metropolis. Un grand nombre de valeurs issues d’un générateur de nombres pseudo-aléatoires permet de couvrir tous les scénarios de mesure possibles selon une technique probabiliste. L’analyse statistique descriptive utilisée, après simulation de Monte-Carlo, permet une interprétation du comportement du système étudié.
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Fig. 3. Construction des repères anatomiques avec les points d’acquisition.
2.6. Variabilité des repères anatomiques Les rotations alpha, bêta et gamma autour respectivement de chaque axe z, x et y constitutif des repères anatomiques étaient exprimés en rapport avec le pilotage des coupes osseuses l’imprécision d’alignement respective en flexion-extension, valgusvarus et rotation des implants. Les écarts 3D entre le repère fémoral et tibial étaient projetés chacun dans le plan anatomique fémoral adéquat pour interpréter l’alignement du membre inférieur
prothésé. Une analyse statistique descriptive fixant l’incertitude à 3 écarts-types avec un risque de 0,3 % a été réalisée sur 30 000 simulations ayant permis chacune l’extraction des paramètres angulaires ␣,  et ␥ de chaque repère. 3. Résultats La progression de chaque erreur ␣,  et ␥ pour le repère fémoral RF (Fig. 4) suivait une progression linéaire malgré le bruitage
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Tableau 2 Paramétrage de la dispersion des points qui participent à la construction des repères squelettiques. Méthode d’acquisition
Points d’acquisition des repères squelettiques
Dispersion au diamètre (mm)
Commentaire
Références Siston, Picard
Centre hanche
H
Méthode d’acquisition cinématique
3
Algorithme de précision
Centre épiphysaire fémoral distal
N
7
Zone anatomique très facilement repérable après exposition chirurgicale
Sommets des 2 condyles postérieurs Centre épiphysaire tibial proximal
CL et CP
Pointage manuel 1cm au-dessus du sommet de l’échancrure antérieure au niveau de la ligne de fond de la trochlée Acquisition à partir d’un nuage de points obtenus par numérisation surfacique des 2 condyles postérieurs Pointage manuel de la partie postérieure de la surface pré-spinale antérieure. Positionnement du palpeur navigué qui matérialise l’orientation du vecteur XT
2
L’algorithme détermine les 2 sommets des condyles postérieurs par rapport à l’axe mécanique fémoral Zone anatomique bien encadrée par les 2 épines tibiales.
S
Vecteur sagittal tibial
S1 S2
Malléole médiale
MM
Malléole latérale
ML
Pointage manuel au milieu du bord médial de la malléole médial. Pointage manuel au milieu du bord latéral de la malléole latérale.
multidirectionnel des points. L’implantation virtuelle du bouclier fémoral montrait une erreur maximale et une plage de variation respectivement en flexion-extension de 1,65◦ (± 1,15◦ ), en valgus-varus de 1,51◦ (± 1,44◦ ) et en rotation axiale de 2,37◦ (± 2,37◦ ). Lorsque tous les points anatomiques tibiaux variaient dans le cas extrême dans une plage d’incertitude maximale, les déviations angulaires maximales pour le repère tibial étaient en flexion-extension de 0,9◦ , en valgus-varus de 0,98◦ et en rotation axiale de 3,84◦ (Fig. 5). Les valeurs des angles fémoro-tibiaux étaient exprimées après simulation en fonction de la valeur de dispersion du système de mesure infrarouge plus ou moins combinée à celle des points anatomiques (Tableaux 3 et 4). 4. Discussion 4.1. Principaux résultats et limites de notre étude En considérant les incertitudes du système de mesure et de l’acquisition des points anatomiques, les repères fémoral et tibial montraient une erreur maximale en rotation alpha (flexion-extension), bêta (valgus-varus) et gamma (rotation axiale) respectivement de 1,65◦ (0,9◦ ) ; 1,51◦ (0,98◦ ) et 2,37◦ (3,84◦ ) avec un retentissement au niveau des angles fémoro-tibial frontal, sagittal et rotatoire respectivement de 0,92◦ ; 1,13◦ et 4,24◦ . L’hypothèse que les systèmes de navigation intègrent des erreurs non négligeables liées à l’imprécision du système optique et de l’opérateur pour la palpation des points anatomiques s’est confirmée après
Tableau 3 Imprécision élargie à 3 écarts-types des angles fémoro-tibiaux exprimés en degrés en fonction de la dispersion du système de mesure optique en millimètre. Système de mesure optique (mm)
Flexion-extension (◦ )
Valgus-varus (◦ )
Rotation axiale (◦ )
0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1
0,0 0,0 0,1 0,1 0,1 0,1 0,2 0,2 0,2 0,2
0,0 0,1 0,1 0,1 0,2 0,2 0,2 0,3 0,3 0,3
0,2 0,3 0,4 0,6 0,8 0,9 1,0 1,2 1,4 1,5
6
15
4 6
Risque de mauvais positionnement du palpeur. Fait intervenir plusieurs repères anatomiques dans champ visuel. Palpation des 2 malléoles. Erreurs compensées par l’algorithme qui calcule le centre cheville.
Perrin
Siston
simulation numérique, en particulier pour les déviations rotationnelles. La variabilité du système de mesure optique infrarouge a eu une influence limitée sur les angles d’alignement fémoro-tibiaux avec une erreur maximale de 1,49◦ dans le plan horizontal. Dans notre étude, nous avons fait l’hypothèse d’une liaison solide entre les 2 corps rigides et le squelette fémoral ou tibial supposé indéformable. Cependant une mobilisation secondaire des référentiels peut toujours survenir au cours d’un mouvement malencontreux des opérateurs ou en cas d’ostéoporose et occasionner alors une erreur insidieuse qui peut passer inaperc¸ue [19]. Notre simulateur de navigation n’a pas pris non plus en compte les erreurs liées à la qualité de l’os et à la précision de la lame de scie guidée par les ancillaires de coupes. Plaskos[20] a montré qu’un flambage de la lame de scie ou un défaut de fixation des guides de coupes peut entraîner une déviation des coupes osseuses détectable par l’application d’une platine naviguée sur la tranche de section. Néanmoins, intégrer dans un premier temps trop d’erreurs de niveaux différents, risquerait de rendre l’analyse des résultats plus globale et moins pertinente.
Tableau 4 Imprécision dans l’intervalle de confiance de 99,7 % des angles fémoro-tibiaux exprimés en degrés en fonction de la dispersion du praticien associée à la variabilité du système de mesure. Le système optique infrarouge et les points anatomiques ont varié progressivement dans leur propre plage d’incertitude qui s’est échelonnée entre 1 et 15 mm selon le point. Chaque point anatomique a été limité à sa variation maximale d’incertitude. La dispersion du système de mesure a été fixée à un maximum de 1 mm au diamètre. Système de mesure optique et praticien (mm)
Flexion-extension (◦ )
Valgusvarus (◦ )
Rotation axiale (◦ )
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
0,4 0,6 0,8 0,8 0,9 0,9 0,9 0,9 0,9 0,9 0,9 0,9 0,9 0,9 0,9
0,4 0,7 1,0 1,0 1,1 1,1 1,1 1,1 1,1 1,1 1,1 1,1 1,1 1,1 1,1
1,6 1,8 1,9 2,0 2,2 2,4 2,5 2,7 2,9 3,1 3,3 3,6 3,8 4,0 4,2
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Fig. 4. Étude de la variabilité du repère fémoral R’F en fonction de la dispersion du système optique infrarouge et de l’acquisition des repères anatomiques. La variation du système de mesure optique tridimensionnel infrarouge s’est propagée dans une étendue de 0 à 1 mm de diamètre. Le diamètre de dispersion des points d’acquisitions a progressé jusqu’à une valeur maximale propre. A, B et C. Respectivement progression de l’erreur ␣ (flexion-extension),  (varus-valgus) et ␥ (rotation). (MMT = machine à mesurer tridimensionnelle optique).
4.2. Variabilité du système de mesure optique tridimensionnel sur l’alignement du membre prothésé
4.3. Incidence de la dispersion des points anatomiques sur la précision des repères squelettiques
Les systèmes de mesure optique infrarouge issus de l’industrie ont une résolution affichée de l’ordre du dixième de millimètre. Cependant, des interférences lumineuses [17,21] en salle d’intervention peuvent avoir une influence défavorable sur le signal optique infrarouge et la mesure des coordonnées spatiales des capteurs réflecteurs. Dans notre étude, avec une dispersion des points réflecteurs infrarouges de 1 mm, le système de mesure optique a donné une erreur d’alignement du membre inférieur de 1,5◦ en rotation et inférieure à 0,5◦ dans le plan frontal. Le système de mesure tridimensionnelle optique n’est donc pas principalement en cause pour expliquer la variabilité des repères anatomiques que nous avons obtenus avec une dispersion combinée.
Dans une étude cadavérique, Yau [22] observe les variabilités des repères anatomiques intra et inter -observateurs dans la navigation des PTG ; les expérimentations menées donnent une erreur en rotation autour de l’axe trans-épicondylien de 9,1◦ . Galaud [23] montre dans une étude tomodensitométrique le manque de reproductibilité des épicondyles pour définir la rotation fémorale des PTG naviguées. Pour déterminer les 2 sommets des condyles postérieurs, nous avons considéré une série de points surfaciques issus de la région condylienne postérieure. Les nuages de points traités par algorithme offrent une bien meilleure précision qu’un pointage manuel [24] ce qui explique l’écart observé entre nos résultats et ceux des essais expérimentaux réalisés par Yau [25]. Pour le tibia,
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− → une erreur en rotation liée à un mauvais placement du vecteur X T peut générer un effet de plan oblique sur la coupe osseuse tibiale avec une répercussion défavorable sur l’alignement de l’embase tibiale dans le plan frontal. Dejour [26] observe qu’avec une pente tibiale de 7◦ , une erreur de positionnement en rotation de l’embase tibiale de 20◦ entraîne un varus additionnel tibial d’implantation de 2◦ . Le repère tibial RT a montré après simulation une variabilité en rotation axiale de prés de ±4◦ . Indiscutablement la numérisation à main levée de l’axe sagittal du tibia est dans la navigation des PTG un maillon faible dans la chaîne d’acquisition des repères squelettiques. Le bord postérieur des 2 plateaux tibiaux, la tubérosité tibiale antérieure, la crête antérieure du tibia, le centre de la cheville et l’axe du 2e métatarsien, sont autant de repères anatomiques qui s’imbriquent, à différents niveaux, dans le champ de vision de l’opérateur.
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4.4. Comparaison avec les travaux cliniques des PTG assistées par ordinateur Nos résultats sont difficilement comparables à ceux de certaines études cliniques déjà publiées. Néanmoins, confirmant les 2 méta-analyses cliniques récemment publiées de Fu [14] et Cheng [13], nous constatons dans notre système de navigation virtuel, une robustesse certaine pour contrôler l’alignement dans le plan frontal avec une imprécision en varus-valgus de l’angle mécanique fémoro-tibial ne dépassant pas 1,5◦ . Les grands axes mécaniques restent en fait beaucoup moins vulnérables à la variabilité des points anatomiques constitutifs contrairement aux axes rotationnels épiphysaires plus courts. Pour un axe mécanique fémoral d’environ 40 cm de long, une erreur de 1 cm à une de ses extrémités, traduit après simple analyse trigonométrique une incertitude
Fig. 5. Évolution de la variabilité du repère tibial RT en fonction de la dispersion du système optique infrarouge et du praticien. A, B et C. Respectivement progression de l’erreur ␣ (flexion-extension),  (varus-valgus) et ␥ (rotation).
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B. Schlatterer et al. / Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 100 (2014) 295–302
de 0,57◦ . La même erreur vaut 5,7◦ pour un axe trans-épicondylien de 10 cm de longueur. Nos résultats obtenus par modélisation corroborent ces données qui montrent une plus grande vulnérabilité des navigateurs en rotation. Les troubles rotatoires des PTG implantées sous navigation ont sûrement été sous-évalués dans les récents travaux publiés [15,16,27] dont l’alignement prothétique a été analysé avec de simples radiographies conventionnelles. 5. Conclusion Notre étude originale de conception d’un navigateur virtuel de PTG montre par la simulation d’erreurs que la variabilité du système de mesure optique infrarouge a une influence négligeable sur la précision des repères anatomiques mise en place. Une dispersion surajoutée des points anatomiques d’acquisition rend, par contre, ces mêmes repères plus vulnérables pour le guidage rotationnel tout en restant robustes pour assurer le contrôle de l’alignement des implants dans les plans frontal et sagittal, ce qui accrédite la pertinence des données numériques qui guident le geste opératoire. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Annexe A. Matériel complémentaire Le matériel complémentaire (Fig. A) accompagnant la version en ligne de cet article est disponible sur http://www.sciencedirect. com et doi:10.1016/j.otsr.2013.12.029. Références [1] Jung WH, Chun CW, Lee JH, Ha JH, Jeong JH. The accuracy of the extramedullary and intramedullary femoral alignment system in total knee arthroplasty for varus osteoarthritic knee. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 2013;21:629–35. [2] Iorio R, Bolle G, Conteduca F, Valeo L, Conteduca J, Mazza D, et al. Accuracy of manual instrumentation of tibial cutting guide in total knee arthroplasty. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 2013;21:2296–300. [3] Lerat JL, Besse JL, Desme D, Kadi S, Chouteau J, Rollier JC, et al. Accuracy of total knee replacement bone cuts using a conventional ancillary system: 300 Innex total knee arthroplasties. Rev Chir Orthop Reparatrice Appar Mot 2006;92:248–56. [4] Reed SC, Gollish J. The accuracy of femoral intramedullary guides in total knee arthroplasty. J Arthroplasty 1997;12:677–82. [5] Lustig S, Scholes CJ, Oussedik SI, Kinzel V, Coolican MR, Parker DA. Unsatisfactory accuracy as determined by computer navigation of VISIONAIRE patient-specific instrumentation for total knee arthroplasty. J Arthroplasty 2013;28:469–73. [6] Barrack RL, Ruh EL, Williams BM, Ford AD, Foreman K, Nunley RM. Patientspecific cutting blocks are currently of no proven value. J Bone Joint Surg Br 2012;94(11 Suppl. A):95–9.
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