Injections de toxine botulique et responsabilité médicale : le patient est-il suffisamment informé ?

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Article original

Injections de toxine botulique et responsabilité médicale : le patient est-il suffisamment informé ? Botulinum toxin and medical liability: is the patient sufficiently informed? P. Foucault *, H. Meklat, D. Vial CRRF villa Richelieu, rue Philippe-Vincent, 17028 La Rochelle, France Reçu le 1er juillet 2004 ; accepté le 23 août 2004

Résumé Introduction. – L’usage thérapeutique de la toxine botulique connaît un essor important malgré des effets secondaires bien connus. Les objectifs de cet article sont d’analyser les pratiques médicolégales mises en place par les médecins injecteurs, principalement l’information apportée au patient et d’essayer de dégager une pratique commune quant à la délivrance de celle-ci. Méthode. – Nous avons adressé un questionnaire à 340 injecteurs « potentiels » (médecins rééducateurs, neurologues, ophtalmologistes, ORL et chirurgiens plasticiens) exerçant en milieu hospitalier et dans des établissements de médecine physique en France. Outre la mention de survenue éventuelle d’effets secondaires post-injection, ce questionnaire était particulièrement centré sur les modalités de transmission de l’information apportée au patient avant la réalisation des injections. Résultats. – Le recueil et l’analyse des données ont été effectués à l’aide d’un logiciel tableur. Cent vingt-huit questionnaires dûment remplis ont pu être analysés concernant notamment 44 médecins physiques et 43 neurologues. Pour des raisons de méthodologie, nous avons préféré écarter l’analyse des items se référant aux effets secondaires. Soixante-cinq pour cent des médecins répondeurs déclarent injecter dans des indications hors AMM. Seulement 31 % délivrent une note d’information écrite et détaillée et 12 % demandent un consentement signé. Les plaintes sont rares, évaluées à 12 %, écrites ou verbales, toujours classées sans suite. Discussion. – Les effets secondaires après injection de toxine botulique sont bien décrits dans la littérature médicale. Il est primordial que le produit reste principalement à usage thérapeutique et soit en tout cas utilisé par des injecteurs expérimentés, soucieux de respecter ses règles d’utilisation et d’informer au mieux leurs patients. La délivrance d’une note d’information écrite, complète, détaillée et commentée, mentionnant la survenue possible d’effets indésirables, parfois graves même si cela reste rare, nous paraît nécessaire. Nous proposons un modèle de note d’information telle qu’elle est fournie au patient susceptible de recevoir des injections de toxine botulique dans notre établissement. Conclusion. – La toxine botulique est un produit intéressant dans de nombreuses pathologies, au prix parfois d’effets secondaires, le plus souvent locorégionaux et transitoires. Il nous paraît ainsi impératif de bien informer le patient des possibles risques encourus en lui fournissant une note d’information complète sur la toxine botulique. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Introduction. – The use of botulinum toxin injection therapy is soaring significantly today, with an ever-wider field of applications despite well-known side effects of the treatment. This article aims at analysing the medicolegal practices of practitioners who use this therapy, especially the information given to patients and finding a common practice for providing that information. Methods. – We sent a questionnaire to 340 practitioners who might use the therapy (physiatrists, neurologists, ophthalmologists, ENT specialists, plastic surgeons) working in hospitals and in physical therapy and rehabilitation centres in France. Besides mentioning the possible side effects of the therapy, the questionnaire focused on how such information was transmitted before the injection. Results. – Data collection and analysis were performed by use of a spreadsheet software programme. A total of 124 questionnaires were analysed. We did not analyse the items dealing with side effects. Sixty-five percent of the responders said they did not seek statutory autho* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Foucault). 0168-6054/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annrmp.2004.08.006

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risation for injections. Only 31% provided written, detailed information and 12% required a signed consent form. Complaints were rare, approximately 12%, were written or verbal, and were always dismissed. Discussion. – Side effects after botulinum toxin injection are clearly described in the medical literature. Therefore, it is of utmost importance for this product to be used therapeutically and only by experienced therapists who will carefully respect the product’s standard rules of use and inform their patients to the best of their ability. Issuing a detailed letter of information describing all the side effects seems necessary. We suggest a model information letter such as that provided to the patients in our facility. Conclusion. – Botulinum toxin is a very worthwhile product for numerous abnormalities but has side effects, often brief, at the site of the injection. Therefore it is our duty to inform patients effectively. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Toxine botulique ; Responsabilité médicale ; Information ; Effets secondaires Keywords: Botulinum toxin; Medical responsibility; Information; Side effects

1. Introduction Le botulisme est une toxi-infection alimentaire due à l’ingestion d’aliments avariés où se développent une bactérie anaérobie, le Clostridium botulinum. Les souches de cette bactérie sécrètent sept sérotypes de neurotoxines libellés de A à G. La toxine exerce son effet sur les muscles squelettiques au niveau de la jonction neuromusculaire par inhibition de la libération présynaptique d’acétylcholine dans la fente synaptique empêchant l’activation des récepteurs cholinergiques responsables de la mise en activité des fibres musculaires provoquant ainsi une paralysie [18,25]. C’est cette propriété qui est à la source des effets thérapeutiques de la toxine botulique. Il existe actuellement sur le marché pharmaceutique deux préparations de toxine A : la toxine Botox® (Vistabel® pour l’esthétique) du laboratoire Allergan et la toxine Dysport® du laboratoire Ipsen Biotech. Plus récemment a été commercialisée une toxine de sérotype B, Neurobloc® du laboratoire Elan. Les premiers essais cliniques de la toxine botulique A datent maintenant de 25 ans dans le traitement du strabisme de l’enfant [29]. Les indications de ce produit se sont, depuis une dizaine d’années, multipliées et touchent de nombreuses spécialités médicales telles que la neurologie (torticolis spasmodique [5,8,20], hémispasme facial...), l’ophtalmologie (strabisme [22,29], blépharospasme,...), la gastroentérologie (fissure anale [23], achalasie de l’œsophage...), l’ORL (spasme laryngé [4]...), l’urologie (dyssynergie vésicosphinctérienne [14,27], hyperactivité vésicale...), la dermatologie et la chirurgie plastique (hyperhydrose [15], rides [15]). Le développement en France de la pratique des injections de toxine botulique par les praticiens de médecine physique et de réadaptation et de neurologie est réel. Cela est dû à l’efficacité démontrée de la toxine dans des indications telles que la dystonie [9,35] et la spasticité focalisée [2,6,7,9,12,13,31,34], domaines par ailleurs dénués de traitements de référence. Toutefois, en ce qui concerne la spasticité, le cadre de l’AMM (autorisation de mise sur le marché) est restreint, limité d’abord au pied équin de l’enfant infirme moteur cérébral, puis depuis 2002 au membre supérieur de l’adulte hémiplégique vasculaire. Si l’efficacité de la toxine botulique est maintenant reconnue grâce à de nombreux essais cliniques dans de nombreu-

ses indications, il n’en demeure pas moins que des effets secondaires ont été décrits. Ces effets secondaires sont toujours transitoires. Le plus souvent, ils sont locorégionaux notamment par excès de diffusion du produit en dehors des muscles cibles mais ils peuvent également être systémiques parfois très graves [11,21,24]. Il est donc primordial et du devoir de tout praticien injecteur de bien informer son patient des modalités d’action de ce produit et des éventuels risques encourus. Ce devoir d’information a été renforcé par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Actuellement, il n’existe pas de consensus sur le contenu de l’information donnée au patient avant la réalisation d’une injection de toxine botulique. En fait, aucun écrit n’a été publié sur ce sujet précis, les différents travaux portant surtout sur la technique elle-même ou sur les résultats en terme d’efficacité ou de tolérance. L’objectif de notre travail était donc d’essayer de préciser les habitudes des praticiens injecteurs en ce qui concerne les modalités de transmission de l’information apportée au patient en les comparant à notre propre pratique et ainsi de dégager une pratique commune quant à la délivrance de celle-ci. Nous nous sommes appuyés pour répondre à ces questions sur les réponses à un questionnaire ciblé envoyé à 340 injecteurs « potentiels » de toxine botulique.

2. Méthode Afin de confronter notre propre expérience à celle de nos confrères, en particulier sur la notion d’information à apporter au patient dans le cadre des injections de toxine botulique, il a été adressé un questionnaire ciblé à des médecins injecteurs « potentiels », rééducateurs, neurologues, ophtalmologistes, ORL et chirurgiens plastiques, en octobre 2002. Il n’existe pas de fichier officiel recensant de façon précise les praticiens injecteurs. Les deux laboratoires pharmaceutiques plus particulièrement concernés possèdent sans doute un fichier des praticiens injecteurs mais nous n’avons pas eu accès à ces données, pour des raisons de confidentialité. Par ailleurs, le mode de délivrance du produit reste réservé aux établissements hospitaliers, le produit étant classé

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« réserve hospitalière ». Nous avons donc choisi d’adresser notre questionnaire aux praticiens des centres hospitaliers universitaires et aux principaux centres hospitaliers généraux de France dans les spécialités citées ci-dessus. Le questionnaire a également été adressé aux centres de rééducation fonctionnelle et enfin, nous nous sommes aidés de la liste des médecins injecteurs de l’Association des malades atteints de dystonie « AMADYS ». Le questionnaire que nous avons élaboré portait tout particulièrement sur deux aspects du domaine médicolégal : • le premier était la survenue d’effets secondaires après injection de toxine botulique en précisant la nature de ces effets et leurs conséquences ; • le second tentait de préciser les modalités de délivrance de l’information au patient avant la réalisation des injections. La dernière question « Pouvez-vous me préciser éventuellement des noms de médecins injectant la toxine botulique dans votre région quelle qu’en soit l’indication ? » visait à augmenter le panel et donc la représentativité de l’échantillon de médecins injecteurs de toxine botulique. Le questionnaire à proprement parler était libellé selon le Tableau 1. Le recueil et l’analyse des données ont ensuite été faits à l’aide d’un logiciel tableur type Excel© à compter de mai 2003.

3. Résultats Trois cent quarante questionnaires ont ainsi été diffusés par voie postale. Vingt-trois praticiens ont eu la courtoisie de répondre qu’ils ne pratiquaient pas ce type de traitement. Cent

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vingt-huit questionnaires (soit un taux de réponse de 38 %) correspondant à 128 sites différents ont été dûment remplis et ont pu être analysés. Ils concernent 44 médecins physiques et de réadaptation et 43 neurologues. Le reste de l’échantillon est composé d’ophtalmologistes, d’ORL et de chirurgiens plastiques (respectivement 30, 9 et 2 questionnaires analysables). Compte-tenu du taux de réponses au questionnaire, la représentativité de notre échantillon de praticiens injecteurs n’est pas établie. De plus, étant donnée la nature imprécise des questions concernant les effets secondaires, aucune méthodologie ne peut être utilisée pour comparer nos résultats avec ceux de la littérature. Nous avons donc choisi de ne pas publier l’analyse des résultats aux questions 2, 3 et 4. La grande majorité des praticiens utilisent uniquement la toxine botulique de sérotype A (91 %). Les résultats de ce questionnaire concernant les items cinq à neuf sont colligés dans le tableau 2. Peu des médecins ayant répondu (31 %) délivrent une note d’information écrite et complète et encore moins demandent un consentement signé (12 %). De plus, ce consentement signé n’est généralement pas exigé lors des séances de réinjections (sauf pour 4 praticiens). Par ailleurs, 65 % des praticiens injectent y compris dans des indications hors AMM. Les plaintes sont rares, ne concernant que 14 médecins, pour survenue d’effets secondaires, dont une associée à un défaut d’information. Aucune action de procédure amiable ou judiciaire n’a été déclenchée. Un seul confrère nous a toutefois signifié avoir effectué une mission d’expertise, il y a plus de dix ans, vraisemblablement pour survenue d’effets

Tableau 1 Questionnaire 1 – Quel type de toxine botulique utilisez-vous le plus fréquemment ? .... 2 – Avez-vous rencontré des effets secondaires locorégionaux après injection de toxine botulique ? ...... Si oui, lesquels ? ....... 3 – Avez-vous rencontré des effets secondaires systémiques après injection de toxine botulique ? ....... Si oui, lesquels ? ....... 4 – Quels éventuels effets secondaires avez-vous rencontré le plus fréquemment ? ....... 5 – Pratiquez-vous des injections de toxine botulique uniquement dans les indications AMM ? ....... 6 – Donnez-vous au patient systématiquement une note d’information sur la toxine botulique ? ....... Si oui, les effets secondaires y compris les plus graves sont-ils mentionnés ? ....... 7 – Faites-vous signer au patient un consentement éclairé ? ....... Si oui : a) uniquement à la première série d’injections ? ....... b) à chaque série de réinjections ? ....... 8 – Avez-vous eu des plaintes de patients après injection de toxine botulique ? ....... Si oui : a) pour survenue d’effets secondaires ....... b) pour défaut d’information ....... c) autre(s) ? ....... d) Y a-t-il eu règlement à l’amiable (exemple : conciliation...) ....... e) Y a-t-il eu procédure judiciaire ? ....... 9 – Connaissez-vous des confrères utilisant la toxine botulique ayant eu ou ayant en cours des procédures judiciaires liées aux injections de toxine ? ....... Si oui : a) pour défaut d’information....... b) pour survenue d’effets secondaires ....... c) autre(s) ? .......

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Tableau 2 Résultats du questionnaire portant sur les 128 réponses – Pratiquez-vous des injections de toxine botulique uniquement dans les indications AMM ? – Donnez-vous systématiquement une note d’information sur la toxine botulique ? Si oui, les effets secondaires y compris les plus graves sont-ils mentionnés ? – Faites-vous signer au patient un consentement éclairé ? Si oui, répétez-vous la procédure à chaque série de réinjections ? – Avez-vous eu des plaintes de patients après injection de toxine botulique ? (Sans réponse : 13)

– Connaissez-vous des confrères utilisant la toxine botulique ayant eu ou ayant en cours des procédures judiciaires liées aux injections de toxine ? (Sans réponse : 4)

secondaires inopinés et dont les suites ne nous ont pas été communiquées.

4. Discussion Le lien qui unit le médecin et le malade est une relation de nature contractuelle dans laquelle le médecin s’engage à fournir des soins consciencieux, attentifs, conformes aux données actuelles de la science (arrêt Mercier). Aussi, une information réciproque entre le praticien et son patient s’avère nécessaire. Cette information est définie comme devant être loyale, claire et appropriée (Article 35 du Code de déontologie médicale). Le droit à l’information du malade est donc primordial et a été renforcé par la récente loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (chapitre II : Droits et responsabilité des usagers). De plus, l’arrêt Hédreul du 25 février 1997 de la cour de cassation impose au praticien d’apporter la preuve qu’il a bien informé son patient des risques de la thérapeutique proposée. Cela peut donc s’avérer parfois très difficile et problématique et ouvre la voie à trois grands types de contestations possibles : • les contestations afférentes à l’existence de l’information ; • les contestations afférentes au contenu de l’information ; • les contestations afférentes au préjudice né du manquement au devoir d’information. Jusqu’où peut-on aller dans le contenu de l’information ? Il est conseillé de faire preuve de bon sens, une information totale paraissant irréaliste et néfaste d’autant plus qu’aucun médecin ne peut prévoir tous les risques inhérents à un traitement appliqué à un être humain particulier et unique. Il s’agit seulement de donner au patient des informations lui permettant d’apprécier les risques qui, par leur gravité, sont de nature à avoir une influence sur sa décision d’accepter ou de refuser les soins ou les investigations. Toutefois, par deux décisions du 5 janvier 2000, le conseil d’État a modifié sensiblement l’obligation d’information due par le médecin à son patient. Celui-ci doit être informé des risques de décès et d’invalidité de tout acte médical même lorsque ces risques ne se réalisent qu’exceptionnellement. Cela a été confirmé par l’Agence

Oui : 45 (35 %) Oui : 40 (31 %) Oui : 33/40 (82,5 %) Oui : 15 (12 %) Oui : 4/15 (27 %) Oui : 14 (12 %) • pour survenue d’effets secondaires : 14 • pour défaut d’information : 1 Oui : 2

Non : 83 (65 %) Non : 88 (69 %) Non : 7/40 (17,5 %) Non : 113 (88 %) Non : 11/15 (73 %) Non : 101 (88 %)

Non : 122

nationale d’accréditation et d’évaluation de la santé (Anaes) en mars 2000 et complété par la Loi du 4 mars 2002, notamment les articles L. 11116-2 et L. 1111-4 confirmant la nécessité d’informer le patient sur le traitement proposé, son utilité, ses conséquences et risques éventuels y compris graves et d’obtenir son consentement libre et éclairé, celui-ci pouvant être retiré à tout moment. Aussi, dès lors qu’un manquement au devoir d’information est établi, la responsabilité du praticien peut être engagée si son patient est victime d’une conséquence néfaste de l’acte médical réalisé. En ce qui concerne l’utilisation thérapeutique de la toxine, aucun travail n’a encore été publié visant à préciser les modalités de l’information à délivrer au patient et à son entourage. Pourtant, les effets secondaires de la toxine botulique, principalement locorégionaux par diffusion, ne sont pas négligeables confirmant le fait que ce produit doit rester entre des mains expertes. Ainsi, Jankovic qui utilise la toxine A relève dans l’indication blépharospasme la survenue de 10 % de cas de ptosis, de diplopie, de troubles de l’accommodation ou de larmoiement ; dans l’indication torticolis spasmodique, la survenue de 20 % de cas de dysphagie ou de faiblesse de la nuque et la survenue de 54 % de faiblesse de la main pour injections dans le cadre de la crampe des écrivains [16]. Brashear [5], Brin [8] et Lew [20], dans des études après injections de toxine B pour dystonie cervicale, soulignent la survenue de dysphagie dans 16 à 28 % des cas et de douleurs persistantes dans 14 à 21 % des cas. Lingua, sur 99 injections de toxine B pour strabisme, relève la survenue de ptosis dans 44 % des cas avec une persistance pour deux patients pendant plus de six mois [22]. Le traitement des fissures anales par toxine B a engendré dans la série de Madalinski 5 % de survenue d’incontinence anale transitoire [23]. D’autres effets rarissimes ont été décrits telles une atteinte du plexus brachial [32,33] après injection de toxine pour torticolis spasmodique ou une amyotrophie de la main dans l’indication crampe de l’écrivain [30]. La douleur est également décrite après injection d’un membre spastique avec de la toxine dans 72 % des cas pour Pierson [28]. Plus anecdotique, un cas de fasciite nécrotique a été relaté par Latimer [19]. Il faut donc souligner que les effets secondaires sont particulièrement observés à la suite d’injections de la face ou du cou et beaucoup plus rares dans le cadre du traitement de la spasticité.

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Il est possible qu’il existe des effets musculaires au-delà du site d’injection puisqu’il a été retrouvé des modifications électromyographiques à distance dans certains cas [26]. Des études chez l’animal ont mis en évidence la présence de toxine au niveau de la moelle épinière [25]. Il est peu probable que la toxine botulique puisse exercer une action au niveau du système nerveux central mais fortement possible qu’une fraction de toxine aille dans la circulation sanguine [17] même si la signification et la durée de ses effets ne sont pas connues. Ainsi, Brashear, Lew et Brin notent dans leurs études concernant la toxine B la survenue de 21 à 25 % de syndrome grippal et 8 à 15 % de nausées [5,8,20]. Il est également décrit des cas de syndrome « botulism-like » [1,3,11,13]. Un cas de polyradiculonévrite à la suite d’une injection est publié [10]. L’asthénie est un effet systémique également rencontré. Il est fait de plus mention de la survenue de décès, après injections pour strabisme, achalasie et dystonie cervicale respectivement à 3, 21 et 56 jours postinjection à la suite de problèmes cardiaques [5,22,24]. Toutefois, l’imputabilité directe et certaine de la toxine botulique n’est pas établie, ces décès étant survenus chez des patients affaiblis ayant des antécédents cardiovasculaires. Le développement de la toxine botulique touche bien entendu le domaine de la rééducation fonctionnelle où les indications sont nombreuses, l’abondante littérature prouvant son efficacité avec un nombre de médecins physiques injecteurs croissant. Pourtant, peu d’indications rentrent encore dans le cadre de l’AMM ce qui ne semble pas représenter un obstacle dans leur usage courant pour la plupart de nos confrères interrogés (65 % des cas). Toutefois, en vertu du principe de liberté de prescription (Code de déontologie, Code de la sécurité sociale), du respect du principe d’assurer à son patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science et de ne pas lui faire courir de risques injustifiés (Code de déontologie), il est établi que la prescription de toxine hors AMM. est bien légale si le praticien pense apporter un bénéfice certain à son patient et s’il existe une accumulation de données scientifiques. Aussi, au vu de la possibilité de survenue d’effets secondaires assez fréquents, souvent mineurs et transitoires mais parfois graves, des indications fréquemment hors AMM, il est impératif à notre avis que le médecin injecteur de toxine botulique délivre à son patient une information éclairée, détaillée, au mieux écrite, indiquant l’existence de preuves scientifiques du bien-fondé de l’utilisation de ce traitement, mentionnant les principaux effets secondaires, accompagné d’un consentement signé. Dans notre questionnaire, la note d’information écrite n’est délivrée que dans 31 % des cas avec demande de consentement signé dans 12 % des cas. Il est sûr qu’une note d’information écrite, complète accompagnée d’un consentement signé fournis devant les tribunaux peuvent être utiles si le patient, pour défaut d’information et notamment du fait de la survenue d’effets secondaires, intente une procédure judiciaire. Toutefois, ces documents peuvent ne pas être suffisants s’il est jugé que le traitement n’était pas conforme aux données acquises ou

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actuelles de la science, autrement dit appliqué à des indications hors AMM encore expérimentales (lombalgie, céphalées...). Nous avons effectué une recherche la plus exhaustive possible de procédures judiciaires à l’encontre de médecins injecteurs de toxine y compris auprès de sociétés d’assurance professionnelle médicale, sur Medline, chez des avocats spécialisés en matière de droit médical... Il ne semble pas exister de procédures de cette sorte en dehors d’un procès en cours à Hollywood relayé par les médias pour persistance d’effets secondaires au long cours et défaut d’information après traitement de céphalées chez une patiente antérieurement traitée à plusieurs reprises pour rides. Nous pouvons penser que nos patients sont prêts à accepter la survenue d’un effet indésirable locorégional paraissant secondaire par rapport à leur pathologie souvent invalidante, à condition de les avoir suffisamment informés de leur possible survenue (12 % de plaintes orales ou par courrier restées sans suite).

5. Conclusion Les indications actuelles de la toxine botulique concernent des pathologies souvent démunies sur le plan thérapeutique et pour lesquelles l’efficacité de ce produit s’avère extrêmement intéressante. Ces indications, les doses à injecter, l’information à apporter au patient sont bien cernées, analysées par des praticiens compétents et spécialisés. Aussi, il n’est pas étonnant qu’il y ait à notre connaissance, une quasiabsence de procédures judiciaires envers le médecin injecteur dans ces indications médicales. Les effets secondaires notamment locorégionaux sont pourtant fréquents mais le plus souvent bénins et surtout transitoires et en général bien acceptés. En revanche, la responsabilité médicale du praticien injecteur risque d’être plus fortement engagée depuis l’autorisation récente d’injection pour le traitement de certaines rides donnée à quelques spécialistes formés à cette technique. En effet, cette clientèle ciblée entre autre cause du fait de l’absence de pathologie sous-jacente, risque d’accepter plus difficilement l’apparition d’un effet secondaire, rendant ainsi impérative la délivrance d’une note d’information écrite et détaillée.

Remerciements Nous tenons à remercier tous nos confrères ayant eu la gentillesse de répondre au questionnaire.

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