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Insuffisance surrénale et syndrome de Cushing : exploration de l’axe corticotrope Les pathologies de la corticosurrénale sont rares. Le diagnostic d’une insuffisance corticosurrénalienne ou d’un syndrome de Cushing repose en première intention sur des dosages statiques et des tests dynamiques simples permettant d’évaluer la sécrétion cortisolique.
La glande corticosurrénale fonctionne sous un double contrôle : la synthèse et la production de cortisol et d’androgènes sont sous la dépendance de l’ACTH, celle de l’aldostérone est contrôlée par le système rénine-angiotensine. L’activité de l’axe corticotrope est très sensible au rythme circadien et au stress ; de fait, les dosages de cortisol de base sont à interpréter en fonction des horaires de prélèvement et du rythme de vie du patient.
Explorations du cortisol en première intention Lorsque l’on suspecte une insuffisance corticosurrénalienne (IS) ou un syndrome de Cushing, les dosages à réaliser sont les suivants : • cortisolémie : le cortisol circule lié à la Cortisol Binding Globulin (CBG), stimulée par les estrogènes (le cortisol est élevé chez les femmes sous pilule estroprogestative). La cortisolémie est mesurée en basal à 8 h du matin, ou stimulée à 9 h après Synacthène®, ou encore freinée à 8 h après dexaméthasone (DXM) 1 mg à minuit ; • cortisol salivaire : basal à 24 h, ou postSynacthène® ou DXM (hors nomenclature) ; • cortisolurie des 24 h (contrainte d’un recueil de 24 h « parfait ») : ce dosage a peu d’intérêt pour le diagnostic d’IS car il existe un recouvrement important des valeurs entre sujets sains et sujets en IS.
Insuffisance surrénale
Insuffisance surrénale : clinique Les manifestations chroniques peuvent être invalidantes. Le symptôme qui prédomine est
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Elle peut être d’origine surrénalienne (IS primaire par destruction de la glande surrénale) : c’est la maladie d’Addison. Le déficit touche alors tous les stéroïdes surrénaliens : cortisol, androgènes, minéralocorticoïdes. Ou bien elle peut être secondaire (d’origine centrale) : le déficit touche les glucocorticoïdes et les androgènes (les minéralocorticoides sont préservés).
| Syndrome de Cushing
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endocrinologie
l’asthénie, souvent associée à un amaigrissement, une anorexie, des nausées, des douleurs abdominales… Les risques sont réels : IS aiguë, hypotension artérielle, collapsus (déshydratation), hyponatrémie / hyperkalimie, hypoglycémie.
Étiologies de l’IS cf tableau I. Diagnostic biologique En cas de suspicion clinique d’insuffisance surrénale lente (en dehors de l’IS aiguë) : • Doser la cortisolémie à 8 h : > 210 ng/mL : normale 50-210 ng/mL : test au Synacthène® < 50 ng/mL : IS • Test au Synacthène® immédiat : 0,25 mg IM ou IV, cortisolémie (F) mesurée à 60 min : F > 210 ng/mL : test normal, pas d’insuffisance surrénale (en cas de suspicion de déficit corticotrope partiel, faire un test à la métopyrone ou, plutôt en pédiatrie, un test d’hypoglycémie insulinique) ; F < 210 ng/mL : insuffisance surrénale ACTH normale : insuffisance corticotrope : corticothérapie ? En l’absence de corticothérapie, faire une IRM hypophysaire ; ACTH élevée (rechercher un déficit en aldostérone : hyponatrémie, hyperkaliémie ; doser l’aldostérone et la rénine) : insuffisance surrénale périphérique (faire un scanner surrénalien).
Guide ALD syndrome de Cushing : protocole national de diagnostic et de soins (2008) Le syndrome de Cushing peut être : ACTH-dépendant : maladie de Cushing (65-70 % des cas ; 3 femmes pour un homme) ou sécrétion ectopique d’ACTH (tumeur non hypophysaire sécrétant de l’ACTH : 10 % des cas) ; ACTH-indépendant (20-25 % des cas) : tumeur unilatérale (adénome, corticosurrénalome) ou, dans 1 à 2 % des cas, une tumeur bénigne bilatérale des surrénales (hyperplasie macronodulaire ou dysplasie micronodulaire pigmentée). Il est indiqué dans le protocole national de diagnostic et de soin défini par la HAS en 2008, d’explorer à la recherche d’un syndrome de Cushing devant : • des signes évocateurs : une prise de poids, en particulier une surcharge faciotronculaire et une bouffissure du visage. Les signes fréquemment associés sont une diminution de la libido, des
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Tableau I - Causes d’insuffisance surrénalienne. Périphériques
Centrales
Auto-immune
Corticothérapie (+++)
Tuberculose
Tumeurs hypothalamo-hypophysaires
Hémorragie
Hypophysite
Infections
Syndrome de Sheehan
Maladies infiltratives
Traumatisme/chirurgie
Médicaments
Maladies infiltratives
Surrénalectomie bilatérale
Radiothérapie
Génétiques (hypertrophie congénitale des surrénales,…)
Génétiques
Selon les données de J. Bertherat.
signes d’hypercatabolisme (une peau fine et fragile, des ecchymoses, une faiblesse musculaire liée à l’amyotrophie), des troubles des règles, une hypertension artérielle, un hirsutisme, une dépression ou une labilité émotionnelle… ; • une maladie atypique (pour l’âge ou en l’absence de cause évidente) : diabète, HTA, ostéoporose, trouble psychologique… ; • un incidentalome surrénalien ; • un ralentissement de la croissance chez l’enfant avec prise de poids et pseudopuberté précoce.
Stratégie diagnostique du syndrome de Cushing Les tests de première intention, réalisables en ambulatoire sont (dans l’idéal, combiner au moins deux de ces trois items) : • 2 ou 3 mesures du cortisol libre urinaire (CLU) avec créatininurie, • 2 ou 3 mesures du cortisol salivaire à minuit, • 1 freinage minute (1 mg de DXM à minuit) avec dosage de la cortisolémie à 8 h le lendemain matin. En cas de suspicion clinique de syndrome de Cushing (ou dépistage d’un sujet appartenant à un groupe à risque), il convient en premier lieu d’éliminer une prise de corticoïdes de synthèse, puis d’effectuer les dosages recommandés. Il s’agit d’un syndrome de Cushing si : • la cortisolurie des 24 h (2 à 3 recueils) est augmentée • et/ou la cortisolémie est > 50 nmol/l (18 ng/ml) • et/ou le cortisol salivaire après DXM 1 mg à minuit (2 à 3 recueils) est augmenté. Attention, le test de freinage n’est pas totalement spécifique. Son seuil diagnostique est > 50 nmol/L, mais environ 10 % des sujets entre 50 et 150 nmol/L sont des « faux positifs ».
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Diagnostic étiologique d’un syndrome de Cushing Une fois le diagnostic de syndrome de Cushing posé, il convient de rechercher son étiologie par un dosage d’ACTH, éventuellement associé à un dosage de CRH ou un test de freinage fort à la dexaméthasone. ACTH < 10 pg/mL : ACTH-indépendant. Faire un scanner surrénalien : adénome corticosurrénalien, corticosurrénalome. ACTH > 20 pg/mL : ACTH-dépendant. Faire les tests dynamiques (test de freinage fort ± DD-AVP-test), éventuellement un dosage de CRH, et demander une IRM et/ou un scanner : maladie de Cushing, sécrétion ectopique d’ACTH.
Conclusion Une analyse clinique est nécessaire pour appréhender la probabilité de l’IS ou du Cushing et les pièges possibles (diagnostics différentiels, biais prévisibles dans les explorations biologiques). Des explorations « simples » et « judicieuses » suffisent en première intention (statique +/- dynamique : Synacthène®, dexaméthasone). Il peut être utile de répéter ces premiers examens si les résultats sont limites ou peu concordants avec la clinique. Dans un deuxième temps, seront réalisées des explorations étiologiques si le diagnostic d’IS ou de Cushing est posé.| Déclaration d’intérêt : l'auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
CAROLE EMILE biologiste, rédactrice scientifique
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source D’après une communication de Jérôme Bertherat, lors des Journées de biologie clinique, Paris, 17 janvier 2017.
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