Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 102 (2016) 609–613
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Mémoire original
Intérêt diagnostique de l’échographie dans les traumatismes du coude chez l’enfant : étude prospective à propos de 34 cas夽 Diagnostic value of ultrasonography in elbow trauma children: A prospective study about 34 cases M. Burnier a,∗ , G. Buisson b , A. Ricard c , V. Cunin a , J.P. Pracros b , F. Chotel a a
Service de chirurgie orthopédique, hôpital Femme-Mère–Enfant, hospices civils de Lyon, 69500 Bron, France Service de radiologie, hôpital Femme-Mère–Enfant, 69500 Bron, France c Service d’urgences pédiatriques traumatologiques, hôpital Femme-Mère–Enfant, 69500 Bron, France b
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : ´ 2015 Rec¸u le 16 fevrier ˆ 2016 Accepté le 30 aout Mots clés : Échographie Fracture occulte Traumatisme du coude Lipo-hémarthrose Signe de la graisse
r é s u m é Introduction. – Parmi les nombreux traumatismes du coude de l’enfant avec radiographies initiales interprétées comme normales, il existe un certain nombre de fractures occultes dont le diagnostic n’est souvent redressé que rétrospectivement en consultation de suivi. Objectif. – Cette étude évalue l’apport diagnostique de l’échographie dans la prise en charge aiguë des traumatismes du coude de l’enfant, l’impact stratégique et économique de l’utilisation de cet outil combiné à la radiographie. Matériel et méthodes. – Au cours de ce travail prospectif, portant sur la période du 1er janvier au 1er avril 2014, une échographie du coude a été réalisée dans les 6 jours à tous les enfants de moins de 15 ans avec une suspicion de fracture occulte. L’échographie recherchait une lipo-hémarthrose, un signe de la graisse et une rupture de la corticale. En l’absence de fracture à l’échographie, une attelle amovible à visée antalgique était mise en place et aucun contrôle radio-clinique n’était programmé. Les patients étaient recontactés au minimum 15 jours plus tard pour rechercher une fracture passée inaperc¸ue. Nous avons évalué le coût d’une prise en charge sans et avec échographie dans les cas où aucune fracture n’avait été diagnostiquée. Résultats. – Dans 13 cas, l’échographie a mis en évidence une lipo-hémarthrose et un signe de la graisse associés 11 fois à une rupture de corticale. Dans 2 cas le diagnostic a été posé devant la seule présence d’une lipo-hémarthrose et du signe de la graisse postérieur. Il y avait 7 fractures du condyle latéral, 2 fractures de l’épicondyle médial et 2 fractures supracondyliennes. Parmi les 21 patients avec une échographie normale, aucun diagnostic de fracture n’a été fait a posteriori. En l’absence de fracture, la différence de coût entre une prise en charge avec ou sans échographie était de 29,10 D par patient en faveur de l’échographie. Conclusion. – Dans notre série, l’échographie est un examen sensible pour le diagnostic de fracture occulte du coude de l’enfant. Un bilan combiné radiographique et échographique normal permettrait d’éliminer définitivement le diagnostic de fracture et par conséquent d’alléger l’immobilisation, le suivi et le coût de prise en charge. Les données de cette étude préliminaire devront être validées par un travail prospectif de plus grande échelle. ´ ´ es. © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv
1. Introduction
DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.otsr.2016.07.009. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M. Burnier). http://dx.doi.org/10.1016/j.rcot.2016.09.013 ´ ´ 1877-0517/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv es.
Les traumatismes du membre supérieur sont un motif fréquent de consultations aux urgences pédiatriques. Parmi les nombreux traumatismes du coude de l’enfant avec radiographies initiales interprétées comme normales, on retrouve un certain nombre de fractures occultes dont le diagnostic n’est souvent redressé que rétrospectivement en consultation de suivi. Selon certaines études,
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Fig. 1. Échographie normale du coude gauche : a : coupe longitudinale postérieure : absence de signe de la graisse postérieur, c’est-à-dire absence de graisse en arrière de la ligne distale de l’humérus (pointillés). GP : graisse postérieure ; CL : condyle latéral ; b : coupe longitudinale antéro-externe : absence d’épanchement articulaire.
les fractures occultes représenteraient 2 à 18 % des fractures de l’enfant [1,2]. L’interprétation du signe de la graisse radiographique est parfois difficile et devant la persistance d’une suspicion de fracture occulte, l’immobilisation plâtrée est souvent privilégiée. Des études récentes ont montré l’intérêt de l’échographie ostéoarticulaire pour le diagnostic des fractures chez l’adulte [3] et chez l’enfant [4,5] par l’identification d’une rupture de corticale, même s’il est parfois difficile de visualiser directement le trait de fracture. La présence de signes indirects comme la lipohémarthrose ou le signe de la graisse [6] postérieur permet alors de faire le diagnostic de fracture [7,8]. C’est pourquoi l’échographie est qualifiée « d’examen diagnostique idéal pour les enfants ». Cette étude évalue l’apport diagnostique de l’échographie dans la prise en charge aiguë des traumatismes du coude de l’enfant ainsi que l’impact stratégique et économique de l’utilisation de cet outil combinée à la radiographie dans la prise en charge des suspicions de fracture occulte. 2. Matériel et méthodes Cette étude prospective a été menée du 1er janvier au 1er avril 2014, chez tous les enfants de moins de 15 ans se présentant aux urgences chirurgicales de l’hôpital pédiatrique universitaire de Lyon avec une suspicion de fracture occulte dans un contexte traumatique. Ces patients présentaient une impotence fonctionnelle avec douleurs de l’avant-bras ou du coude nécessitant une immobilisation et pour lesquelles aucune lésion osseuse n’était objectivée à la radiographie. Ont été exclus : les patients avec une lésion osseuse diagnostiquée sur les clichés radiographiques initiaux ou avec une
déformation du membre supérieur, les pronations douloureuses, les infections ostéoarticulaires et les patients sans suspicion de fracture occulte après le bilan clinique et radiographique initial. Tous les patients sélectionnés étaient immobilisés par une attelle coude au corps jusqu’à l’échographie (échographe standard Philips IU 22 et sonde 12,5 Hz) pratiquée sur le coude traumatisé et le coude controlatéral dans les 6 jours. Le coude était positionné à 90◦ de flexion lorsque cela était possible. La sonde était placée sur la partie postérieure puis antérieure de l’humérus distal. Les coupes échographiques suivantes étaient réalisées : transversale postérieure de l’humérus, longitudinale postérieure interne et externe de l’humérus, longitudinale latérale centrée sur l’articulation huméro-radiale (Fig. 1), puis médiale centrée sur l’articulation huméro-ulnaire, enfin transversale antérieure de l’articulation huméro-ulnaire. Les coupes longitudinales pouvaient également être réalisées coude en extension afin de mettre en évidence un signe de la graisse postérieur. L’échographiste cherchait des signes indirects de fracture comme une lipo-hémarthrose et un signe de la graisse échographique (Fig. 2). La lipo-hémarthrose correspond à la graisse intra-médullaire hyperéchogène libérée dans la cavité articulaire et suspendue au-dessus du liquide articulaire hémorragique hypoéchogène (Fig. 2b). Le signe de la graisse est défini par la présence de graisse au-dessus de la ligne distale de l’humérus sur la vue longitudinale postérieure ou sur la ligne reliant les deux lèvres de la fossette olécranienne sur la vue transversale. Ensuite, était recherché un signe direct de fracture comme une rupture corticale. Le diagnostic de fracture était retenu lorsqu’il existait une rupture corticale ou une lipo-hémarthrose ou un signe de la graisse. Les images échographiques pertinentes étaient enregistrées.
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Fig. 2. Exemple de fracture supracondylienne de stade 1 : a : radiographie vue de profil : signe radiographique de la graisse antérieur ; b : vue échographique en coupe transversale : signe échographique de la graisse postérieur et d’une lipo-hémarthrose ; c : vue échographique en coupe longitudinale : fracture supracondylienne (flèche). CL : condyle latéral.
Les radiographies initiales ont été relues indépendamment et en aveugle par trois chirurgiens orthopédistes pédiatriques seniors. Ils recherchaient un signe de la graisse radiographique (qu’il soit antérieur ou postérieur) et une rupture de corticale. En l’absence de fracture diagnostiquée à l’échographie (groupe sans fracture), les patients étaient immobilisés à titre antalgique par une attelle coude au corps pendant 15 jours sans contrôle radio-clinique. En cas de fracture à l’échographie (groupe avec fracture), le diagnostic de fracture occulte était posé et une prise en charge habituelle était réalisée par une immobilisation plâtrée brachio-anté-brachio-palmaire, suivi d’un contrôle radio-clinique à 15 jours. Les contrôles radiographiques ont été relus à la recherche d’un cal osseux confirmant la présence d’une fracture. Pour les patients sans diagnostic de fracture à la radiographie ni à l’échographie, une attelle amovible était mise en place et aucun contrôle radio-clinique systématique n’était réalisé. Les patients étaient recontactés au minimum 15 jours plus tard pour rechercher une fracture passée inaperc¸ue et pour évaluer la durée du port de l’attelle. Le coût moyen de la prise en charge des patients du groupe sans fracture a été comparé dans les groupes avec ou sans l’utilisation de l’échographie. Les parents étaient informés oralement de l’étude.
3. Résultats Trente-quatre patients ont été inclus sur la période étudiée (3 mois). Aucun d’entre eux n’a été perdu de vue. Le délai moyen de réalisation de l’échographie était de 3 jours (de 0 à 6 jours), il était de 2,5 jours pour le groupe avec fracture et de 3,3 jours pour le groupe sans fracture. Il y avait 19 garc¸ons et 15 filles ; la moyenne d’âge des patients était de 8 ans (de 3 à 14 ans) (7,4 ans pour le groupe avec fracture et 8,3 ans pour le groupe sans fracture). Le membre supérieur droit était atteint dans 17 cas dont 5 fractures. Nous n’avons retrouvé aucune atteinte bilatérale. Le groupe avec fracture comprenait 13 patients, pour lesquels le diagnostic de fracture du coude a été redressé à l’échographie alors que la radiographie initiale était interprétée comme normale (Tableau 1). Dans 11 cas, l’échographie a mis en évidence une lipo-hémarthrose et dans 13 cas un signe de la graisse postérieur, associés 11 fois à une rupture de corticale dont 7 fractures du condyle latéral (Tableau 1), 2 fractures de l’épicondyle médial et 2 fractures supracondyliennes de stade 1 (Tableau 1). Dans 2 cas, le diagnostic de fracture a été posé par l’association d’une lipo-hémarthrose et du signe de la graisse postérieur avec un coude douloureux dans les suites du traumatisme. Au contrôle
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Tableau 1 Caractéristiques échographiques des fractures. Numéro cas
Délai traumatisme–échographie (jours)
Localisation de la fracture
Épanchement articulaire
Lipo-hémarthrose
Signe de la graisse
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
1 2 4 4 0 4 1 0 1 6 2 4 0
Condyle latéral Non Condyle latéral Condyle latéral Condyle latéral Non Supracondylienne stade 1 Condyle latéral Condyle latéral Condyle médial Condyle latéral Supracondylienne stade 1 Condyle médial
Échogène Échogène Échogène Échogène Échogène Échogène Échogène Échogène Échogène Anéchogène Échogène Échogène Échogène
Non Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Non Oui Oui Oui
Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui
Tableau 2 Interprétations radiographiques comparatives du signe de la graisse (antérieur ou postérieur).
Observateur 1 Observateur 2 Observateur 3
Vrai positif
Faux positif
Vrai négatif
Faux négatif
12 13 13
2 5 6
19 16 15
1 0 0
radiographique à 15 jours, un cal osseux était visible dans les 13 cas de fracture. Le groupe sans fracture comprenait 21 patients, pour lesquels l’échographiste avait conclu à l’absence de fracture. Il y avait deux épanchements articulaires sans trait de fracture ni lipohémarthrose. Aucune lipo-hémarthrose ni aucun signe de la graisse n’étaient retrouvés dans ce groupe. La durée moyenne du port de l’attelle était de 9 jours. Au recul moyen de 45 jours (15 à 74 jours), aucun diagnostic de fracture n’avait été manqué et tous les patients du groupe sans fracture avaient retrouvé l’usage de leur membre supérieur sans limitation. La relecture des radiographies initiales en aveugle par 3 observateurs entraînés retrouvait une bonne voir excellente concordance inter-observateur (Tableau 2) avec un coefficient kappa à 0,77 pour les observateurs 1 et 2 ; à 0,71 pour les observateurs 1 et 3 et à 0,94 pour les observateurs 2 et 3. Concernant l’analyse du coût de prise en charge des patients du groupe sans fracture, les deux stratégies étaient évaluées. Dans le cas d’une prise en charge habituelle sans échographie, le coût moyen pour le système de soin comprenait la réalisation d’une radiographie initiale facturée à 24,30 D , la mise en place d’un plâtre brachio-anté-brachio-palmaire à 34,50 D et une consultation en suite de traumatologie à 23 D ainsi qu’une radiographie de contrôle à 24,30 D , soit un total de 106,10 D . Pendant la période d’étude, et dans le cadre d’une programmation échographique systématique, la prise en charge incluait une radiographie initiale à 24,30 D , une échographie du membre supérieur à 37 D , et une attelle facturée à 15,70 D , soit un total de 77 D. La différence de coût entre les 2 stratégies était donc de 29,10 D de moins dans le groupe avec échographie. Sur une période de trois mois, avec 21 patients chez lesquels un traitement par attelle à visée antalgique a été instauré devant l’absence de fracture, cela représentait une différence de coût de 611,10 D en faveur de la prise en charge associant l’échographie à visée diagnostique. 4. Discussion Une des faiblesses de notre étude est que l’échographie est un examen « opérateur dépendant ». Or notre étude n’a été réalisée
que par un seul opérateur expérimenté, ce qui a pu optimiser l’approche diagnostique et ne nous a pas permis d’étudier sa reproductibilité. D’autres études ont cependant montré la reproductibilité de l’échographie dans ce contexte. Dans l’étude de Rabiner et al., 26 médecins urgentistes sont impliqués et seule une fracture n’avait pas été diagnostiquée à l’échographie [9]. De plus, l’échographie reste un examen rapide, comme l’ont montré Rabiner et al., avec une durée moyenne de 95 secondes dans le bilan diagnostique des traumatismes du coude chez l’enfant. Une autre limite de notre étude est le caractère différé de l’échographie. Le résultat de ce travail préliminaire devrait plaider pour une évaluation échographique immédiate au service accueil urgence chirurgical de notre hôpital dans l’avenir. Contrairement à l’IRM, l’échographie est un examen simple, peu coûteux [10] ; de plus aucune sédation n’est nécessaire chez le jeune enfant. Dans notre série, l’utilisation de l’échographie a permis de préciser le diagnostic de fracture occulte avec la confirmation de fracture dans 13 cas. L’amélioration de la démarche diagnostique liée à l’apport échographique a eu un impact direct sur le traitement. Dans cette étude, il était proposé une attelle amovible à visée antalgique sans contrôle radio-clinique lorsqu’il n’était pas décelé de fracture. Cette stratégie a permis d’éviter une immobilisation plâtrée ainsi qu’une radiographie de contrôle chez 21 patients (62 % des cas). Il est souvent recommandé en traumatologie de l’enfant de plâtrer par excès plutôt que pas assez ; mais cette philosophie n’est pas satisfaisante quand elle conduit à de nombreuses immobilisations injustifiées, au renouvellement de radiographies et enfin à la surcharge de la consultation de traumatologie. Sur une courte période de 3 mois et sur le seul coude traumatique, 21 consultations ont ainsi pu être évitées. Dans notre expérience, l’échographie a donc permis de combler le « vide diagnostique » et donc thérapeutique de ces fractures occultes du coude de l’enfant. De plus, l’absence de traitement précoce chez ces enfants peut augmenter le taux de complications [7]. Dans notre étude, le diagnostic de fracture était corrélé au signe de la graisse radiographique dans 92 % des cas de fracture (12 patients) chez l’observateur 1 et 100 % des cas pour les observateurs 2 et 3, ce qui est en accord avec la littérature [8]. Par contre, si le signe de la graisse radiographique semble être fortement corrélé à la présence d’une fracture, il était également présent dans environ un quart des cas de notre étude en l’absence de fracture. En effet, concernant l’interprétation des radiographies sans fracture des trois observateurs nous retrouvons un signe de la graisse radiographique en l’absence de fracture dans 10 %, 24 % et 29 % des cas respectivement pour les observateurs 1, 2 et 3. Ces résultats sont en accord avec l’étude de Skaggs et al. qui retrouvait 24 % de signe de la graisse en l’absence de fracture. L’échographie offre une meilleure sensibilité. Dans notre étude nous retrouvons une sensibilité du signe de la graisse
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échographique de 100 % et de la lipo-hémarthose de 92 %. Nos résultats sont en accord avec ceux de Rabiner et al. qui retrouvaient une sensibilité de 98 % pour une échographie confirmant le diagnostic de fracture avec une seule fracture manquée sur une cohorte de 130 patients. Il existait également une bonne concordance interobservateur pour l’échographie dans les traumatismes du coude chez l’enfant ( = 0,77) [9]. Contrairement à l’adulte, l’évaluation clinique en urgence de l’enfant traumatisé est souvent complexe et limitée par ses difficultés à participer à l’anamnèse et à l’examen physique. Des radiographies sont souvent réalisées à titre systématique [1,11]. C’est ainsi que sur 1386 radiographies réalisées chez l’enfant pour une suspicion de fracture, Alzen et al. [12] retrouvent seulement 17,2 % de fracture. Ce nombre élevé d’examen négatif peut également s’expliquer par la difficulté d’interprétation des clichés radiographiques d’un squelette immature. En effet, une fracture peu ou pas déplacée est alors souvent masquée par des structures qui se chevauchent et par des faisceaux de rayons X non perpendiculaires au trait de fracture. L’interprétation des radiographies est d’autant plus difficile en regard des articulations avec la présence de noyaux d’ossification et d’os composé de cartilage de croissance non minéralisé [1,13–15]. Le recours aux radiographies comparatives est peu contributif et n’est plus recommandé [13]. C’est dans ce contexte qu’un examen non irradiant, portatif, rapide et peu coûteux comme l’échographie trouve sa place. De plus, la comparaison de l’interprétation radiographique des 3 observateurs retrouve des résultats discordants chez 4 patients dans le groupe sans fracture. Il apparaît donc que l’évaluation du signe de la graisse radiographique dans un contexte d’urgence n’est pas toujours aisée. Il est donc parfois difficile de conclure formellement et c’est pourquoi une immobilisation plâtrée est souvent privilégiée. Soixante-deux pour cent des patients de notre étude auraient été plâtrés par excès en l’absence d’échographie. C’est pourquoi, dans notre étude, avec une spécificité de 100 % du signe de lipo-hemarthrosis pour le diagnostic de fracture du coude et une sensibilité du signe de la graisse également de 100 %, l’échographie semble être un examen utile dans la prise en charge des suspicions de fractures occultes du coude. Enfin, ce travail montre que la stratégie échographie combinée à la radiographie était moins onéreuse que l’immobilisation et le suivi systématique des patients. La différence de coût serait de 29,10 D en faveur de la première option, mais pour être totalement exact, il faudrait encore ajouter à la seconde option, le coût d’une demijournée de congé nécessaire à un des parents pour accompagner son enfant à la consultation de contrôle.
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5. Conclusion L’échographie est un examen simple, rapide, et peu coûteux qui trouve sa place dans l’organigramme de prise en charge du coude traumatique de l’enfant. Il est accessible et réalisable aux urgences en pratique courante. Il présente une bonne sensibilité et permet dans ce travail de faire le diagnostic de 13 fractures occultes chez 34 patients. Un bilan combiné radiographique et échographique normal permettrait d’éliminer définitivement le diagnostic de fracture et par conséquent d’alléger l’immobilisation, le suivi et le coût de prise en charge de 62 % des patients. Les données de cette étude préliminaire devront être validées par un travail prospectif de plus grande échelle. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Naranja R, Gregg J. Pediatric fracture without radiographic abnormality. Description and significance. Clin Orthop Relat Res 1997;342:141–6. [2] Sankar WN, Chen J, Kay RM, et al. Incidence of occult fracture in children with acute ankle injuries. J Pediatr Orthop 2008;28:500–1. [3] Marshburn TH, Legome E, Sargsyan A, et al. Goal-directed ultrasound in the detection of long-bone fractures. J Trauma 2004;57:329–32. [4] Hubner U, Schlicht W, Outzen S, et al. Ultrasound in the diagnosis of fractures in children. J Bone Joint Surg Br 2000;82:1170–3. [5] Williamson D, Watura R, Cobby M. Ultrasound imaging of forearm fractures in children: a viable alternative? J Accid Emerg Med 2000;17:22–4. [6] Yousefzadeh DK, Jackson JH. Lipohemarthrosis of the elbow joint. Radiology 1978;128:643–5. [7] Zuazo I, Bonnefoy O, Tauzin C, et al. Acute elbow trauma in children: role of ultrasonography. Pediatr Radiol 2008;38:982–8. [8] Skaggs DL, Mirzayan R. The posterior fat pad sign in association with occult fracture of the elbow in children. J Bone Joint Surg Am 1999;81:1429–33. [9] Rabiner JE, Khine H, Avner JR, et al. Accuracy of point-of-care ultrasonography for diagnosis of elbow fractures in children. Ann Emerg Med 2013;61:9–17. [10] Kan JH, Estrada C, Hasan U, et al. Management of occult fractures in the skeletally immature patient: cost analysis of implementing a limited trauma magnetic resonance imaging protocol. Pediatr Emerg Care 2009;25:226–30. [11] Furnival RA, Woodward GA, Schunk JE. Delayed diagnosis of injury in pediatric trauma. Pediatrics 1996;98:56–62. [12] Alzen G, Duque-Reina D, Urhahn R, et al. Radiographic examination of injuries in children: clinical and legal considerations about indications. Dtsch Med Wochenschr 1992;117:363–7. [13] Swischuk LE, Hernandez JA. Frequently missed fractures in children (value of comparative views). Emerg Radiol 2004;11:22–8. [14] Carson S, Woolridge DP, Colletti J, et al. Pediatric upper extremity injuries. Pediatr Clin North Am 2006;53:41–67. [15] Haddad-Zebouni S, Abi Khalil S, Roukos S, et al. [Limb fractures: ultrasound imaging features]. J Radiol 2008;89:557–63.