Journal de thérapie comportementale et cognitive (2013) 23, 17—23
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ARTICLE ORIGINAL
Intérêt et limite des appareils de biofeedback dans un environnement bruyant Interest and limits of biofeedback devices in noisy environments Alain Mouchès ∗, Auguste Morille , Isabelle Grangereau , Véronique Dubreil , Noëlle Zendrera EA 4050, laboratoire multisite, LUNAM université, université catholique de l’Ouest — UCO, institut de psychologie et sociologie appliquées (IPSA), 3, place A.-Leroy, BP 10808, 49008 Angers cedex 01, France Rec ¸u le 30 avril 2012 ; rec ¸u sous la forme révisée le 20 novembre 2012 ; accepté le 20 novembre 2012 Disponible sur Internet le 23 f´ evrier 2013
MOTS CLÉS Biofeedback ; Cohérence cardiaque ; Activité électrodermale ; Typologie circadienne ; Bruits de fond
KEYWORDS Biofeedback; Cardiac coherence; Electrodermal activity; Circadian typology; Background noise
∗
Résumé Ce travail analyse deux paramètres psychophysiologiques associés aux émotions, en considérant l’écart entre la réalité du terrain et la maîtrise des situations expérimentales. En prenant comme indices la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC) et l’activité électrodermale (RED), une expérience est réalisée en considérant les périodes de la journée et un environnement bruyant. Une nouvelle méthodologie est proposée, et les résultats obtenus montrent des différences de réactivité à des épreuves émotionnelles chez des sujets présentant des variations du cycle du sommeil. © 2013 Association franc ¸aise de thérapie comportementale et cognitive. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary Introduction. — Health, work and sports medicine psychology sometimes use measuring tools to quantify physiological responses and the adaptation of the individual to environmental demands. However, these studies are difficult and there is often a gap between ‘‘natural’’ observations and the experiment. This work suggests a simplified methodology using two types of biofeedback equipment adapted to semi-natural situations. The experiment consisted of analyzing the regulation of emotional reactions in a group of students in a noisy environment (laughter, exclamations, etc.) and focuses on daily fluctuations. Method. — The participants (81 psychology students aged from 19 to 22) were tested either in the morning or afternoon. The students were invited to handle two biofeedback devices for heart rate variability (HRC) and electrodermal response (EDR). These devices, designed for practical psychophysiological work, consisted of a sensor, an analogue/digital converter
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (A. Mouchès).
1155-1704/$ – see front matter © 2013 Association franc ¸aise de thérapie comportementale et cognitive. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
http://dx.doi.org/10.1016/j.jtcc.2012.11.001
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A. Mouchès et al. and software. The HRC test identified cardiac coherence following breathing exercises, differentiating the students’ responses into two groups: ‘‘chaos’’ group and ‘‘coherence’’ group. The EDR test measured the emotional response of the participants to the word ‘‘pretty’’ while listening to a group of words, indicating whether EDR was zero, low or high. After the session, each participant provided information indicating whether they were ‘‘morning’’ (‘‘early birds’’ group) or ‘‘evening’’ (‘‘night owls’’ group). Results. — Comparisons between participants tested in the morning or afternoon indicated a significant difference during the cardiac coherence test (Chi2 = 6.08; P < 0.02). In addition, according to the two periods of the day and typologies (‘‘early bird’’ or ‘‘night owls’’), there was a significant difference in the ‘‘chaos’’ group (Fisher’s exact test, P = 0.02). With regard to the electrodermal activity, there was also a significant difference between participants tested in the morning or the afternoon. (Chi2 = 5.49, P < 0.02). There was a divergence between the emotional results and the cardiac coherence groups (Chi2 = 8.74; P < 0.01). This difference was especially noticeable when the test was taken in the morning: ‘‘high’’ EDR was more frequent in the ‘‘chaos’’ group, while ‘‘zero’’ EDR could be observed in the ‘‘coherence’’ group (Chi2 = 12.59; P < 0.002). Finally, comparing the two periods of the day and the number of participants producing ‘‘strong’’ EDR, we saw a significant difference between the ‘‘night owls’’, ‘‘indifferent’’ and ‘‘early birds’’ (Fisher’s exact test: P = 0.02). Discussion. — Despite the simplification of the material and procedure, the results obtained were interesting as they confirmed that daily rhythms have an influence on the emotions and concentration of young students. The association between emotion, cardiac coherence training and the spontaneous activity of sudoriferous glands seems to be physiologically dependent on circadian rhythms. There are currently numerous studies concerning chronobiology or chronotypes, but rhythmic classifications should not generalized as the student population is not representative of the general population. Certain students are more dependent on periods of the day and ‘‘respond’’ more to emotional stimulations, regardless of the defined chronotype. However, many students claim to be ‘‘evening’’ people and the results showed that these rhythmic modifications affect their attention levels and their capacity to concentrate, for example when they are tested in the morning. In conclusion, we can use this simplified methodology to explore biological rhythms in several areas (clinical, ergonomic, prophylactic) using larger sample groups and suggesting further traits such as impulsivity, tobacco consumption, etc. © 2013 Association franc ¸aise de thérapie comportementale et cognitive. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction Depuis longtemps des psychologues expérimentalistes se sont penchés sur les rythmes élémentaires et leurs impacts dans l’activité physique, la vigilance, ou encore la charge émotionnelle en utilisant de nombreux instruments psychophysiologiques (on trouve par exemple un article de Binet [1] écrit en 1896 qui s’intitule « Les changements de forme du pouls capillaire aux différentes heures de la journée »). Plus récemment, il existe maintenant de nombreux outils de mesure reflétant la capacité d’un individu à produire des réponses physiologiques et l’adaptation du sujet aux demandes environnementales. La clinique comportementale, la psychologie de la santé, la médecine du sport, la psychologie ergonomique, utilisent fréquemment des mesures physiologiques : rythme cardiaque, fréquence respiratoire, électroencéphalographie (EEG), réponse électrodermale (RED), pression artérielle, etc. Toutes ces réactions physiologiques toniques et phasiques en lien avec l’émotion ont été discutées par Damasio [2] et ses « marqueurs somatiques ». L’analyse des émotions fait appel à plusieurs indices physiologiques complexes et non conscients et chaque indicateur reflète l’accès à une expérience passée, elle-même fac ¸onnée par l’apprentissage et les états émotionnels.
Nous nous sommes intéressés à la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC) et la RED en utilisant deux appareils de biofeedback, tout en intégrant à la fois la spontanéité d’une observation comportementale non standardisée, et la maîtrise des variables physiologiques étudiées. La VFC (également appelée variabilité sinusale VS, ou arythmie sinusale respiratoire ASR) est un bon indicateur pour évaluer la balance entre les deux branches du système nerveux autonome (sympathique et parasympathique) [3]. Cette variabilité correspond au fait que les intervalles de temps entre les battements cardiaques successifs ne sont pas constants. La fréquence cardiaque oscille également avec la respiration et dépend de l’activité du nerf vague [4]. Lorsque cette VFC est « chaotique », cela traduit l’activation du système nerveux autonome sympathique et notamment du système physiologique de réponse au stress [5]. De nombreuses études montrent qu’une dysrégulation émotionnelle est liée à une diminution du tonus vagal [6]. Une faible variabilité sinusale peut être un indicateur de risque chez certains patients (hypertension, insuffisance cardiaque etc.) [7], ou de traits émotionnels (anxieux, agressifs, dépressifs) [8]. Cependant l’augmentation de l’arythmie sinusale par une respiration lente (5 et 6 cycles par minute) peut entraîner une « cohérence cardiaque ». Cette cohérence consiste à mettre en résonance les variations dues à la respiration
Intérêt et limite des appareils de biofeedback dans un environnement bruyant spontanée (hautes fréquences) avec les variations de basses fréquences dues à l’activité baroréflexe (système de rétroaction négative permettant de compenser les variations de la pression artérielle avec action cardiomodérateur du tonus parasympathique et inhibition du tonus sympathique vasomoteur) [4]. D’abord appliquée dans la prévention des maladies cardiovasculaires [7] la VFC est régulièrement utilisée en clinique [8,9] ou plus généralement dans les techniques de gestion du stress (par exemple en ergonomie) [10], ou encore en entraînement sportif de haut niveau [11,12]. La RED est une manifestation électrophysiologique qui rend compte de l’activité du système nerveux sympathique, et elle apparaît également comme un bon indice du traitement affectif des stimulations dans la mesure où elle est un reflet de la mise en jeu des structures limbiques [13]. La RED est liée au fonctionnement des glandes sudoripares eccrines innervées par la chaîne sympathique du système nerveux. Un stimulus émotionnel excite les centres responsables des décharges sudorales entraînant en surface de l’épiderme une microquantité de liquide, qui se traduit sur le plan électrique par une augmentation de la conductance de la peau. Cette variation transitoire survenant deux à trois secondes après le stimulus est différente des fluctuations spontanées, et son amplitude peut être quantifiée. Si les mesures de la RED sont parfois exploitées par des charlatans (on peut citer le fameux « électromètre » utilisé par les scientologues), on trouve un grand nombre de travaux étudiant scientifiquement ces réactions inconscientes [13—15]. L’application clinique englobe une variété de travaux expérimentaux, tels que l’évaluation de la douleur [16,17], les troubles d’anxiété [18] et plus généralement des troubles de l’humeur [19—21]. La RED est également largement utilisée en ergonomie comme indicateur de la charge mentale de l’opérateur [22,23] ou du conducteur [24,25]. Pourtant ces explorations physiologiques sont délicates et il faut théoriquement maîtriser plusieurs paramètres pour obtenir des analyses de qualité [26]. La plupart des experts demandent que ces enregistrements s’effectuent de fac ¸on standardisée et rigoureuse en suivant plusieurs consignes telles que le contrôle thermique, l’isolement phonique, et un appareil étalonné [27]. Cela suppose une complexité du dispositif d’acquisition ou d’analyse, et souvent des équipements onéreux. De plus si ces protocoles scientifiques sévères évitent les conclusions hâtives, ils peuvent aussi entraîner un décalage entre les observations « naturelles » et l’expérimentation. Cette étude propose une méthodologie adaptée aux situations semi-naturelles, et en utilisation des appareils de biofeedback, c’est-à-dire des instruments plus accessibles à la clinique appliquée qu’à la recherche physiologique. Le travail propose d’analyser la régulation des réactions émotionnelles d’un groupe d’étudiants en s’intéressant aux variations journalières, et dans un cadre « spontané » c’està-dire dans un environnement bruyant.
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Dans le cadre d’un TP de psychophysiologie qui se déroule pendant un semestre, les participants sont soumis à plusieurs situations d’apprentissage soit le matin (9—12 h), soit l’après-midi (14—17 h) dans une salle de laboratoire, et à température variant de 20 à 23 ◦ C.
Outils
Méthode
Les appareils conc ¸us pour les travaux pratiques n’ont pas fait l’objet d’une homologation, mais ils sont néanmoins suffisants pour mesurer ces réponses végétatives. Le matériel est toujours constitué d’un capteur, d’un convertisseur analogique/numérique et d’un logiciel (un software). L’interface qui transforme cet enregistrement en signal numérique est réalisée avec une carte Arduino® . Cette carte programmable avec un port série est très économique, et peut parfaitement récupérer les informations des capteurs. Les signaux numériques sont envoyés sur un ordinateur à l’aide d’un programme rédigé en VisualBasic. Pour enregistrer la VFC le capteur utilisé est un piézoélectrique fixé au bout du doigt par une bande Velcro et qui permet aisément d’enregistrer le pouls. La pulsatilité de la pression artérielle étant synchrone de l’activité cardiaque, le tachogramme affiche sur l’écran la pulsation cardiovasculaire en temps réel, ainsi que la VFC, en fonction du temps. Cet appareil permet de visualiser sur l’écran plusieurs types d’oscillations de la variabilité sinusale (Basse fréquence ou haute fréquence). Cependant dans la situation de biofeedback, il explore précisément la zone de basse fréquence (entre 0,04 et 0,15 Hz), liée à l’activité du système baroréflexe. Sur l’écran, la cohérence cardiaque recherchée est facilement identifiable par son aspect de sinusoïde. Concernant l’enregistrement des RED dans un environnement bruyant, nous avons dû abandonner certaines procédures habituellement conseillées lors des études expérimentales (tels que l’isolement phonique, le contrôle thermique, etc.) De même nous avons utilisé des électrodes argentées de gros calibre (diamètre 20 mm) fixées sur les paumes des deux mains (et non des électrodes posées sur les phalanges des doigts plus fiables mais aussi plus fragiles lors des manipulations effectuées par les étudiants). Ces électrodes sont branchées à un amplificateur opérationnel équilibré par un potentiomètre et relié à l’interface. Au final, si le signal obtenu a une réelle pertinence au niveau des variations émotionnelles, il faut noter que les réactions électrodermales sont très labiles, la valeur de la résistance cutanée présentant d’importantes variations interindividuelles. Aussi nous avons opté pour une analyse simplifiée des résultats en classant les RED « nulles » (absence de réponse), les RED « faibles » (= inférieures à la médiane), et les RED « fortes » (supérieures à la médiane). Précisons que cette analyse est proche d’une étude « éthologique » observant un groupe d’individus dans son contexte, et non une analyse de l’individu en tant que sujet clinique. Bien évidemment le contrôle des consignes serait plus exigeant et plus standardisé dans le cas d’une recherche psychophysiologique spécifique.
Participants
Procédures
Le nombre de sujets est de 81 étudiants en L2 de psychologie, âgés de 19 à 22 ans et majoritairement (85 %) féminins.
Les personnes testées (quatre individus dans un groupe) sont invitées à manipuler les deux appareils de biofeedback
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Analyses Dans ces conditions écologiques à faibles échantillons, non seulement les effectifs sont déséquilibrés et ne suivent pas une distribution normale, mais les mesures ne sont pas standardisées. Aussi nous avons choisi d’utiliser des tests non-paramétriques à variables nominales (test du Chi2 , ou encore le test exact de Fischer pour les petits échantillons). Bien évidemment, dans le cas d’une recherche spécifique plus standardisée, des analyses de variances multivariées seraient plus pertinentes.
Résultats Concernant le test de cohérence cardiaque (Fig. 1), la comparaison entre les sujets testés le matin ou l’après-midi conclut à une différence significative (Chi2 = 6,08 ; p < 0,02).
35 30 25 effecf
dans un cadre peu propice à la concentration (rires, exclamations, etc.) car une vingtaine d’autres étudiants réalisent également des manipulations dans ce laboratoire. L’expérimentateur est l’enseignant responsable des travaux pratiques, habitué à l’enregistrement de l’appareil et du logiciel associé. Après la séance, chaque sujet complète certaines informations en indiquant subjectivement s’il est plutôt « du matin » (groupe : « lève-tôt »), ou « du soir » (groupe : « couche-tard »). Sur le total, 45 sujets jugent être des « couche-tard ». Précisons que ces étudiants, dans un autre contexte pédagogique, ont passé le questionnaire de typologie circadienne de Horne et Ostberg [28]. Toutefois, le test ne semble pas être discriminant dans cette expérience, puisque la majorité des sujets testés serait dans la classe « intermédiaire » ou « neutre ». Concernant le test VFC, après lecture du protocole, l’expérimentateur indique aux étudiants une technique de contrôle de la respiration. Ayant posé le capteur sur le bout de son index, le sujet doit observer sur l’écran l’alternance des accélérations et des décélérations de la fréquence cardiaque pendant quelques minutes. Par la suite, en situation de biofeedback, il doit tenter de se relaxer en se focalisant sur sa respiration. Après une minute d’auto-observation, on repère s’il y a eu une cohérence cardiaque (c’est-à-dire une ondulation sinusoïdale, de 3 à 8 pics/min), ou non. Ces données permettent de classer les effectifs en deux groupes : le groupe « chaos », et le groupe « cohérence ». Le test RED n’est pas à proprement un apprentissage de biofeedback, mais un simple enregistrement. L’expérimentateur pose les deux électrodes et ajuste le tracé en demandant au sujet de réaliser un hyperpnée. Après quelques secondes ce sujet est invité à se relaxer. Lorsqu’il n’y a plus de réaction, l’expérimentateur prononce aléatoirement un mot trouvé dans une liste. Après un intervalle allant de un à trois secondes — correspondant au temps de latence d’une RED après le début d’un motstimulus — l’expérimentateur note sur la fiche l’amplitude de la RED affichée sur l’écran. Une dizaine de mots sont utilisées aléatoirement dans l’expérience. Mais en pratique, afin de simplifier le traitement tout en éliminant les variations de fréquence lexicale des mots, seule la réponse au mot « joli » a été analysée.
A. Mouchès et al.
20
man
15
a-m
10 5 0 chaos
cohérence
Figure 1 Répartition des effectifs selon le moment du test dans la journée (matin ou après-midi) et la variabilité de la fréquence cardiaque (chaos ou cohérence). Number on participants based on time of test (morning vs. afternoon) and heart rate rariability (chaos vs. coherence).
Tableau 1 Nombre des sujets selon le chronotype (lèvetôt ou couche-tard), la variabilité de la fréquence cardiaque (chaos ou cohérence) et la période de la journée (test matin ou test après-midi). Number on participants based on chronotype (Early bird vs. Night owl), Heart Rate Variability (chaos vs. coherence) and time of day (morning vs. afternoon test). Groupe VFC
Groupe chronotype
Test matin
Test après-midi
Chaos
Lève-tôt Couche-tard
6 14
7 2
Cohérence
Lève-tôt Couche-tard
6 15
17 14
Suivant les groupes (35 % « chaos » et 65 % « cohérence ») associés aux typologies (« lève-tôt », ou « couche-tard »), l’analyse des effectifs montre également des différences selon les deux périodes de la journée (Tableau 1). Plus exactement la différence est significative dans le groupe « chaos » (test exact de Fisher ; p = 0,02), et peu significative dans le groupe « cohérence » (test exact de Fisher ; p = 0,06). Concernant l’activité électrodermale on trouve également une différence significative entre les sujets testés le matin ou l’après-midi, et leurs RED nulles ou fortes (Chi2 = 5,49 ; p < 0,02). De même on trouve une divergence entre les trois types de réponses (RED nulle, faible ou forte) et les groupes de cohérence cardiaque (Chi2 = 8,74 ; p < 0,01) (Fig. 2). Cette différence s’observe surtout lorsque le test est réalisé le matin : on constate que les RED « fortes » sont plus fréquentes dans le groupe « chaos », alors que les RED « nulles » s’observent surtout dans le groupe « cohérence » (Chi2 = 12,59 ; p < 0,002). On n’observe plus cette différence l’après-midi, la répartition des réponses étant très semblable selon les groupes (Chi2 = 3,88 ; NS). Enfin, la comparaison des RED entre les « couche-tard », « indifférenciés » et « lève-tôt » ne semble pas indiquer de différence (Chi2 = 0,76 ; NS). Cependant, en comparant
effecf
Intérêt et limite des appareils de biofeedback dans un environnement bruyant 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0
chaos cohérence
RED RED RED nulle faible forte
RED RED RED nulle faible forte
test man
test après-midi
Figure 2 Nombre des trois types de réponses électrodermales (nulle, faible, forte), selon la variabilité de la fréquence cardiaque (chaos ou cohérence) et la période de la journée (test matin ou test après-midi). Number of 3 types of electrodermal responses (zero, weak, strong), based on heart rate variability (chaos vs. coherence) and time of test (morning vs. afternoon).
Tableau 2 Nombre de sujets testés ayant obtenu des réponses électrodermales fortes, selon les chronotypes (lève-tôt ou couche-tard) et la période de la journée (test matin ou test après-midi). Number of participants tested with strong electrodermal responses, by chronotype (Early bird vs. Night Owl) and time of test (morning vs. afternoon). Groupes
Test matin
Test après-midi
Lève-tôt Couche-tard
2 10
10 6
les deux périodes de la journée et le nombre de sujets qui ont produit des RED « fortes » on observe alors une différence significative (Tableau 2, test exact de Fisher : p = 0,02).
Discussion Dans un environnement riche en stimulations et en bruits de fond, l’association entre l’émotion, l’apprentissage de la cohérence cardiaque et l’activité spontanée des glandes sudoripares semble être sous la dépendance physiologique des rythmes journaliers, probablement corrélées à l’état d’éveil. Sans développer d’avantage les nombreux travaux chronobiologiques [29,30], rappelons que si l’entraînement général des organismes du cycle lumière-obscurité est principalement réalisé grâce au noyau suprachiasmatique chez les mammifères, il existe de nombreuses « horloges moléculaires » également fonctionnelles dans différents organes et tissus. En coordonnant de multiples paramètres biochimiques (mélatonine, sérotonine, cortisol, etc.) et comportementaux, cette horloge biologique permet à l’organisme de s’adapter aux modifications d’environnement liées aux alternances entre le jour et la nuit. Inversement des décalages des rythmes (par exemple, de la température corporelle) s’observent chez des sujets
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souffrant de troubles du sommeil [31] ou de dépression saisonnière, [32]. Par ailleurs, on peut observer des préférences individuelles d’heure de sommeil ou d’éveil (matinalité-vespéralité), ces chronotypes reflétant un trait de personnalité [33,34]. Dans certains cas, une tendance vespérale serait liée aux fluctuations de l’humeur, les « gens du soir » étant plus souvent des personnes extraverties et impulsives [35]. Toutefois, dans notre étude nous nous sommes intéressés à une population particulière, celle des étudiants, dont les rythmes circadiens ne sont guère stabilisés. Le choix pour un classement subjectif auto-estimé (être « couche-tard » ou « lève-tôt ») peut être discutable méthodologiquement puisque l’échelle validée de Horne et Ostberg indique surtout une population de sujets « intermédiaire » ou « neutre ». Pourtant beaucoup d’étudiants affirment être « du matin » ou « du soir » et considèrent cette typologie comme étant une réalité constatée. Ainsi ceux qui travaillent (veilleur de nuit, baby-sitting, etc.) ou encore ceux qui découvrent les fêtes nocturnes se rangent naturellement dans le groupe des « couche-tard », sans avoir réellement un chronotype défini. En revanche, il est possible que ces modifications rythmiques affectent leur niveau de vigilance [36] par exemple lorsqu’ils sont testés le matin. Il faut rester donc prudent dans ces classifications rythmiques car la population étudiante n’est pas représentative de la population générale, et comme le signale Apter [37] « dans le chronotype, on suppose qu’un individu reste identique à lui-même sur la durée, mais en fait, stéréotype et chronotype opèrent tous deux une généralisation à partir de peu d’informations. . . ». Toutefois, ces résultats obtenus montent que les « lèvetôt » réalisent plus fréquemment une cohérence cardiaque s’ils sont testés l’après-midi, alors que les « couche-tard » sont autant performants le matin que l’après-midi. Au contraire dans le groupe « chaos », ce sont surtout les « couche-tard » testés le matin qui n’arrivent pas à réaliser cette cohérence. Là encore, il faut rester prudent dans les interprétations car certains effectifs sont faibles ; néanmoins on peut admettre un lien entre la capacité de concentration et les variations circadiennes de la vigilance, ces mesures dépendant toutes les deux de l’activation du système sympathique. On peut supposer que cet effort pour réaliser une cohérence cardiaque dans un environnement bruyant est un facteur stressant, ou du moins nécessite plus de vigilance et de concentration chez certains sujets. Les niveaux faibles de VFC (comparable au groupe « chaos ») peuvent s’observer lors d’un stress interpersonnel [38]. Dans la situation « chaos », le système sympathique est dominant et empêche la régulation des émotions et la variabilité sinusale ; inversement la composante parasympathique est associée à une cohérence. Si la plupart des étudiants « couche-tard » sont capables durant la journée de réaliser une variabilité sinusale, 35 % en sont incapables s’ils sont testés le matin. Ces résultats soutiennent l’hypothèse d’une relation étroite entre l’éveil, le degré d’excitation physiologique, et le style de l’adaptation comportementale à des stresseurs environnementaux. De même dans le cas des réactions électrodermales, il semble que certains étudiants sont plus dépendants des périodes de la journée et « répondent » davantage aux stimulations émotionnelles. Des travaux plus spécifiques ont
22 montré que le niveau de l’activité électrodermale augmente progressivement durant la journée [39] avec un pic à 13—15 h. En s’intéressant précisément aux typologies circadiennes, on observe des variations entre le rythme circadien de la température corporelle et la conductance de la peau [40]. Et dans notre expérience, nous vérifions que les « couche-tard » testés le matin, ainsi que les « lèvetôt » testés l’après-midi, obtiennent plus souvent des RED « fortes ». Signalons que des travaux plus anciens avaient aussi montré l’existence de sujets « labiles » ou « stabiles ». Certaines personnes manifestent des valeurs plus élevées avec une habituation plus forte, et d’autres auront une faible fréquence au repos avec peu d’habituation aux stimuli [19]. Selon Lacey, les sujets labiles montrent une plus grande réactivité électrodermale et cardiovasculaire, ont de meilleures performances aux tâches exigeant une vigilance soutenue, et sont capables de focaliser leur attention plus longtemps.
Conclusion Bien que loin des situations expérimentales normalisées, cette analyse des données brutes vérifie des « tendances » intéressantes malgré la simplification du matériel et de la procédure. Cette approche écologique correspond à une situation « naturelle » intégrant aussi les artefacts et les habituels facteurs de stress lors d’un travail. Même en acceptant des réponses inappropriées, ces variations statistiques peuvent s’équilibrer naturellement, par un effet-tampon. Cette approximation des mesures est « temporisée » par le fait que tous les individus sont mis dans le même environnement perturbant. Au final la variabilité aléatoire de l’indice peut devenir un indicateur utile, du moins si l’on s’intéresse aux groupes d’individus. Les résultats obtenus vérifient que les rythmes circadiens peuvent avoir une certaine influence sur l’émotion et la concentration chez les jeunes étudiants. Plus généralement on peut envisager d’utiliser cette méthodologie « épurée » explorant les rythmes biologiques dans plusieurs applications : ergonomiques, prophylactiques, voire pédagogiques (organisation de la journée en lien avec la formation des étudiants, etc.). Et évidemment, nous pouvons aussi reprendre ce type d’expérience en utilisant des échantillons plus importants. Ainsi la population testée est essentiellement féminine : or, selon certains auteurs le continuum de matinalitévespéralité est aussi influencé par le genre, les femmes semblant avoir des différences de phase moins fortes que chez les hommes [41]. Enfin, plusieurs recherches sont possibles en employant d’autres outils de mesures, (capteur des variations thermiques, ou encore tests de temps de réaction selon la journée), tout en ajoutant des traits complémentaires certainement utiles, tels que l’impulsivité, ou encore la consommation de tabac ou de boissons excitantes chez certains étudiants.
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
A. Mouchès et al.
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