Intérêts et limites de la détection des clonalités lymphoïdes par PCR en histopathologie hématologique

Intérêts et limites de la détection des clonalités lymphoïdes par PCR en histopathologie hématologique

ANATOMIE ET CYTOLOGIE THÉMATIQUE PATHOLOGIQUES À TAPER Intérêts et limites de la détection des clonalités lymphoïdes par PCR en histopathologie hémat...

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ANATOMIE ET CYTOLOGIE THÉMATIQUE PATHOLOGIQUES À TAPER

Intérêts et limites de la détection des clonalités lymphoïdes par PCR en histopathologie hématologique Thierry Jo Molinaa,*, Agnès Le Tourneaua, Diane Damottea, Jacques Diebolda, Josée Audouina

RÉSUMÉ La détection de la clonalité lymphoïde B ou T par PCR est devenue indispensable dans de rares cas de lésions lymphoïdes d’interprétation difficile sur le seul plan histologique et immunohistochimique. Le programme européen BIOMED-2 a permis d’importantes avancées à la fois dans l’augmentation de la sensibilité des techniques et la standardisation à un niveau multicentrique impliquant 47 laboratoires européens. Toutefois, il importe de bien connaître les limites de ces techniques afin de les interpréter au mieux dans le cadre du diagnostic d’une lésion lymphoïde. Dans ce cadre, un dialogue concerté entre cliniciens, histopathologistes, hématologistes et molécularistes est crucial pour permettre le diagnostic optimal nécessaire à la prise en charge adaptée du patient. PCR – BIOMED-2 – lymphome – clonalité.

1. Introduction Une des caractéristiques principales des cancers et donc des lymphomes est lié au fait que dans la très grande majorité des cas, les cellules tumorales de lymphome sont dérivées de la prolifération d’une cellule maligne transformée. Les tests moléculaires permettant d’affirmer la monoclonalité d’une prolifération lymphoïde de phénotype B ou T reposent depuis maintenant plus de 20 ans sur des techniques de PCR ciblant les gènes du récepteur T et le gène de la chaîne lourde des immunoglobulines (plus récemment les gènes des chaînes légères) et font partie de l’arsenal diagnostique dont dispose le pathologiste pour confirmer ou affirmer un diagnostic de lymphome B ou T. Ils permettent sur le plan théorique de faire la part entre une prolifération monoclonale correspondant le plus souvent à un lymphome et une prolifération lymphoïde polyclonale qui est le plus souvent réactionnelle. Les lymphomes hodgkiniens classiques et ceux

Service d’anatomie et de cytologie pathologiques Université Paris-Descartes – Faculté de médecine Hôtel-Dieu (AP-HP) 1, place du Parvis Notre-Dame 75181 Paris cedex 04 a

* Correspondance [email protected]

article reçu le 5 octobre, accepté le 13 octobre 2009. © 2009 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

SUMMARY Interest and limit of lymphoid clonality assays by PCR in hematopathology. Lymphoid clonality detection using PCR is becoming crucial in rare cases of lymphoid lesions difficult to interprete at the histo- and immunohistopathogical level. European Concerted Action “BIOMED-2” developed highly efficient PCR protocols as well as standardized methods and reagents involving 47 european Laboratories. However, it is important that these test results are interpreted with the full knowledge of the limits of these techniques. Therefore, close cooperation between clinician, pathologist, haematologist and molecularist are important to optimize the diagnostic and to further adapt the treatment. PCR – BIOMED-2 – lymphoma – clonality.

à prédominance lymphocytaire nodulaire sont d’histogenèse complexe et, quoique le plus souvent dérivés d’une cellule lymphoïde B du centre germinatif, ils ne relèvent pas d’une approche diagnostique claire par tests de clonalité lymphoïde. Enfin, les lymphomes à cellules NK n’ont par définition pas réarrangé les gènes du récepteur T. Une approche de clonalité pour les différencier des populations polyclonales NK, notamment dans les phases sanguines, est basée sur les analyses d’inactivation du chromosome X (test HUMARA) comme pour les proliférations épithéliales. Cette approche a montré son intérêt dans des études récentes, notamment dans le cas des LGL [1].

2. Les techniques de détection des clonalités lymphoïdes par PCR Ces techniques se sont considérablement développées ces dernières années, notamment grâce à l’action concertée européenne BMH4-CT98-3936 dite BIOMED2, dirigée par JJM Van Dongen (Rotterdam, Pays-Bas). En effet, avant cette action concertée, dont le premier travail a été publié en 2003 [2], chaque laboratoire dans le monde avait ses propres techniques de PCR avec son protocole, ses oligonucléotides consensus, ce qui faisait que la sensibilité des techniques dans la détection des clonalités lymphoïdes B REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JANVIER 2010 - N°418 //

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Tableau I – Type de réarrangement, cible de test de clonalité par PCR dans le programme BIOMED-2.

Clonalité lymphoïde B

Gène IgH (chaîne lourde immunoglobulines) Réarrangement VJ aux loci FR1, FR2, FR3 (3 tubes) Réarrangement DJ (1 tube) Gène Kappa Réarrangement VJ (1 tube) Réarrangement VKde ou Intron-Kde (1 tube) Gène Lambda Réarrangement VJ (1 tube)

Clonalité lymphoïde T

Gène TCRgamma Réarrangement VJ (2 tubes) Gène TCR Beta Réarrangement VJ (2 tubes) Réarrangement DJ (1 tube) Gène TCR Delta Réarrangements VJ, DJ, DD, VD (1 tube)

ou T était très variable d’un laboratoire à l’autre et globalement peu performante avec beaucoup de faux négatifs. En effet, la plupart des techniques n’étudiait que le réarrangement VJ du gène de la chaîne lourde des immunoglobulines et celui de la chaîne gamma du récepteur T. Le travail réalisé par l’action concertée a permis d’une part de cibler par PCR quasiment tous les segments de gènes fonctionnels des immunoglobulines et du récepteur T et d’autre part de valider un protocole standardisé de PCR impliquant 47 laboratoires européens.

Les tests de clonalité lymphoïde selon le programme BIOMED-2 Les tests moléculaires ont ainsi ciblé les gènes de la chaîne lourde des immunoglobulines (IgH, Immunoglobulin Heavy), des chaînes légères, des chaînes gamma, beta et delta du récepteur T avec des techniques de PCR multiplex. Nous n’aborderons pas dans cette revue les tests moléculaires ciblant les réarrangements IgH/bcl-2 ou IgH/bcl-1, également étudiés dans l’action concertée mais dont l’intérêt diagnostique par rapport aux techniques FISH actuellement développées semble peu important. Pour la détection de clones lymphoïdes B, 7 réactions de PCR ciblant les gènes des chaînes lourdes et légères des immunoglobulines sont proposées alors que 6 réactions de PCR permettent de cibler les gènes gamma, beta et delta du récepteur T (tableau I) [2]. Une démarche progressive est proposée [3] en commençant dans un premier temps par les réarrangements VJ de IgH et les réarrangements kappa pour les populations lymphoïdes B et par les réarrangements VJ et DJ de TCR beta et VJ de TCR gamma pour les populations lymphoïdes T matures. Pour les populations lymphoïdes T immatures ou de phénotype gamma-delta, les PCR ciblant les gènes gamma et delta seront indiquées en premier lieu. Ce ne sera qu’en cas de doute persistant que l’on étendra les techniques à l’ensemble des cibles BIOMED-2.

3. Intérêt La détection d’un réarrangement clonal des gènes des immunoglobulines ou du récepteur T est cruciale dans des cas de diagnostic histologique difficile ou douteux pour lesquels le pathologiste souhaite avoir des arguments additionnels

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à sa démarche morphologique et immunophénotypique. Toutefois l’intégration des données moléculaires de clonalité nécessite que le pathologiste connaisse bien l’intérêt et les limites de ces tests. Les indications les plus fréquentes des tests moléculaires sont dans des lymphomes de diagnostic histologique et immunophénotypique parfois difficile comme par exemple : r les lymphomes T de type angioimmunoblastique de diagnostic difficile parfois avec un ganglion de lymphadénite réactionnelle, r une localisation ganglionnaire de lymphome T de type mycosis fongoïdes, ou une biopsie cutanée suspecte de lymphome, r les lymphomes B de la zone marginale sans différenciation plasmocytaire de diagnostic difficile avec des lésions d’hyperplasie de la zone marginale expansive et de lymphocytose B sinusale floride, r les lymphomes folliculaires bcl2 négatifs de diagnostic difficile avec des hyperplasies lymphoïdes folliculaires. La combinaison des amorces et des cibles selon la technique BIOMED-2 a permis la détection d’une clonalité lymphoïde B dans 100 % des lymphomes folliculaires (109 cas) et dans 100 % des lymphomes de la zone marginale (41 cas). Toutefois la combinaison V-J IgH associée à IgK permet de détecter la clonalité B dans 100 % des lymphomes folliculaires et 97 % des lymphomes de la zone marginale [4]. Dans les lymphomes T angioimmunoblastiques [5], une clonalité T était détecté dans 95 % des cas, avec dans 27 % des cas une clonalité B associée. Toutefois dans 5 % des cas, seule une clonalité B était détectée. La clonalité par PCR est également très utile lorsque l’on veut évaluer la maladie résiduelle dans un prélèvement sanguin, médullaire osseux ou de greffon mais l’intérêt clinique reste encore à démontrer par de larges études prospectives. Il est capital de connaître les données moléculaires de clonalité de la tumeur initiale avant d’interpréter les résultats moléculaires sur la cible résiduelle. De plus, la sensibilité de chaque test de PCR est différente et la reproductibilité des tests BIOMED-2 pour la maladie résiduelle encore non évaluée à ce jour. Des techniques dédiées de PCR quantitative doivent être encore optimisées pour chaque cible.

4. Limites Avant d’interpréter un résultat moléculaire, il importe de bien connaître les limites de ces tests.

4.1. Lésion morphologique sur le prélèvement utilisé pour le test moléculaire Il importe lorsque la PCR est effectuée sur tissu congelé de faire une coupe au cryostat du fragment congelé afin de vérifier que les lésions morphologiques sur le tissu fixé soient identiques à celles retrouvées sur tissu fixé. Il est ainsi important de vérifier que le prélèvement congelé n’intéresse pas une zone totalement nécrosée ou indemne de lésion alors que le prélèvement fixé serait le siège de lésion suspecte de lymphome. Ceci est d’autant plus important que les prélèvements fixés et congelés auront été prélevés de façon différée dans le temps, sur des sites potentiellement différents (exemple de fibroscopie gastrique avec biopsies congelées et fixées).

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4.2. PCR sur tissu fixé et inclus en paraffine La fixation et l’inclusion en paraffine induisent une dégradation des acides nucléiques et des ponts nucléoprotéiques rendant difficile l’accessibilité de l’ADN aux amorces utilisées pour la PCR. Cette dégradation des acides nucléiques est majeure dans le Bouin et plus modérée dans les fixations au formol tamponné. L’interprétation des résultats sur tissu fixé doit tenir compte de la taille du témoin d’amplification [6]. Ainsi lorsque l’on peut amplifier un témoin de 600 pb, les résultats ciblant des PCRs de 100 à 300 pb peuvent être interprétés en sachant toutefois qu’il y a une baisse de sensibilité sur tissu fixé par rapport au tissu congelé (de l’ordre de 10-2 en moyenne) [6, 2]. En revanche, si seul un témoin de 100 pb est amplifiable, cela signifie que l’ADN est très dégradé et seules des PCR donnant des résultats clairement positifs à moins de 100 bp pourront être interprétées, le reste des techniques devant être interprété comme non significatif en raison de la dégradation des acides nucléiques. Le programme BIOMED-2 a évalué à plus de 76 % la concordance entre les résultats paraffine et congélation si le témoin de 300 pb était amplifiable, témoignant du fait que ces techniques sont applicables sur tissu fixé [2].

4.3. Faux négatifs et faux positifs de la PCR de clonalité lymphoïde à visée diagnostique de lymphome Une bonne connaissance de la pathologie moléculaire des lymphomes est impérative pour interpréter correctement les résultats moléculaires obtenus et éviter une interprétation erronée sous forme de faux positifs ou négatifs de ces tests. Ainsi, il est important de prendre en compte le fait que des clones B peuvent être détectés par PCR dans des maladies auto-immunes comme dans la thyroïdite de Hashimoto [7] ou les agrégats lymphoïdes médullaires osseux des arthrites rhumatoïdes [8], de même que dans les hyperplasies lymphoïdes folliculaires géantes ou des follicules en transformation progressive [9]. Des clones B sont également retrouvés dans des lymphomes hodgkiniens classiques [10, 11], des lymphomes T périphériques [5] (entre 10 et 30 % des cas et parfois seul marqueur moléculaire dans les lymphomes T angioimmunoblastiques), des sarcomes histiocytaires/à cellules dendritiques [12]. Il est également capital de noter que même avec une approche de type BIOMED-2 ciblant l’ensemble des gènes des immunoglobulines, 2 cas de lymphomes diffus à grandes cellules B sur 109 n’ont pu être détectés comme clonaux, liés pour un cas probablement à un excès de mutations somatiques des immunoglobulines et pour l’autre, probablement en rapport avec une stroma réaction très riche en lymphocytes T (lymphome à grande cellules B riche en lymphocytes T) [4]. Il est de plus important de noter que dans beaucoup de lymphomes B ganglionnaires ou extranodaux, entre 13 et 35 % de clones T sont retrouvés, probables témoins d’expansion clonale T associée au lymphome ou sélectionnés par le faible nombre de lymphocytes T persistant. L’interprétation des résultats doit également bien sûr tenir compte des tests moléculaires effectués. Ainsi, l’on sait qu’en raison de la fréquence des mutations somatiques des immunoglobulines dans les lymphomes folliculaires, les lymphomes de la zone marginale ou les lymphomes

diffus à grandes cellules B, les réarrangements kappa ou de la chaîne lourde des immunoglobulines ne détectent une clonalité que dans 85 à 90 % des cas [4]. Il est donc capital que le pathologiste connaisse exactement les tests effectués avant de les intégrer en association avec les lésions morphologiques et immunophénotypiques. Même en utilisant l’ensemble des cibles BIOMED-2, 75 % (sur 106 cas) des lésions réactionnelles ne montrent aucun profil clonal et 15 % une oligoclonalité T ou B de faible intensité [9]. En revanche, dans 10 % des cas (11 cas), il existait des témoins francs de clonalité sur au moins 2 des cibles B ou T avec pour 4 cas une nouvelle relecture montrant une population anormale T ou B suspecte de lymphome. Les autres cas correspondaient à des lésions d’hyperplasie lymphoïde sans lymphome avéré lors d’une relecture histologique multicentrique internationale. Enfin, dans le cadre de l’analyse moléculaire de la maladie résiduelle, il est capital de connaître les données moléculaires de la tumeur initiale. En effet, au décours de chimiothérapie, il est possible de retrouver des clones lymphoïdes sélectionnés par la chimiothérapie différents du clone initial et ne devant donc pas être pris en compte comme maladie résiduelle [13]. En l’absence de donnée initiale sur la tumeur, il n’est pas possible d’interpréter ce type de résultat moléculaire. De plus, sur une analyse de plus de 100 cas de lymphomes B, informatifs sur le plan moléculaire, nous avons comparé dans le cadre de la maladie résiduelle médullaire osseuse, l’histologie et la biologie moléculaire à partir de cellules médullaires fraîches. Nous avons pu montrer que des PCR ciblant les réarrangements VJ de IgH pouvaient être pris à défaut dans 5 cas d’atteintes focales sur la biopsie médullaire, traduisant l’existence de faux négatifs de la PCR même dans ce contexte de marqueur moléculaire connu sur la tumeur initiale. Il faut toutefois noter que ce n’était pas le cas pour le marqueur IgH/bcl2, nettement plus sensible que IgH VJ [13].

4.4. Interprétation des résultats Une bonne connaissance de la lecture des résultats (gel de polyacrylamide après heteroduplex ou profil de type « Genescan » utilisant des oligonucléotides fluorescents) est impérative et rend nécessaire la participation des équipes pratiquant ces tests à des contrôles de qualité nationaux ou internationaux afin de mieux garantir la validité des résultats produits.

5. Conclusions L’ensemble de ces données montre bien que la PCR à visée de clonalité lymphoïde est d’une aide cruciale dans les cas de diagnostic difficile mais qu’elle doit toujours s’interpréter en fonction des données cliniques, thérapeutiques, histopathologiques et immunophénotypiques. Ce ne sera que par un dialogue multidisciplinaire et un retour de chacun des acteurs sur leurs propres données en fonction du contexte, que le diagnostic sera optimisé pour la meilleure prise en charge du patient. Conflit d’intérêt : aucun REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JANVIER 2010 - N°418 //

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