La chirurgie bariatrique améliore les troubles de la statique pelvienne chez la femme

La chirurgie bariatrique améliore les troubles de la statique pelvienne chez la femme

Journal de Chirurgie Viscérale (2016) 153, 98—103 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com ARTICLE ORIGINAL La chirurgie bariat...

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Journal de Chirurgie Viscérale (2016) 153, 98—103

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

ARTICLE ORIGINAL

La chirurgie bariatrique améliore les troubles de la statique pelvienne chez la femme夽 Bariatric surgery improves female pelvic floor disorders T. Knepfler a,∗, E. Valero a, E. Triki a, N. Chilintseva a, S. Koensgen b, S. Rohr a a b

Service de chirurgie générale et digestive, CHU de Strasbourg, 67000 Strasbourg, France 67000 Strasbourg, France

ecembre 2015 Disponible sur Internet le 4 d´

MOTS CLÉS Chirurgie bariatrique ; Troubles de la statique pelvienne ; Incontinence urinaire

Résumé Objectifs. — L’obésité a une incidence sur les troubles de la statique pelvienne chez la femme. L’amaigrissement améliorerait ces troubles. Le but de cette étude était d’évaluer l’évolution des troubles de la statique pelvienne chez les femmes ayant bénéficié d’une chirurgie bariatrique. Patientes et méthodes. — Étude prospective monocentrique de décembre 2012 à février 2014. Les paramètres étudiés en rapport avec l’obésité et les troubles de la statique pelvienne étaient le diabète, l’IMC, la perte d’excès de poids, la multiparité, le mode d’accouchement. Les troubles vésicosphinctériens et anorectaux étaient étudiés à l’aide du questionnaire PFDI20 rempli en préopératoire à 1 mois puis tous les 6 mois. Résultats. — Au total, 116 patientes étaient opérées. Soixante-dix questionnaires étaient remplis en préopératoire et en postopératoire. La perte de poids était significative avec une perte d’excès de poids de 57,1 %. L’indice de masse corporel moyen passait de 44,5 ± 6,31 (35,0—63,23) kg/m2 à 31,83 ± 5,83 (20,9—49,6) kg/m2 . Le recul moyen était de 11,3 ± 5,2 (5—25) mois. La prévalence de symptomatologie urinaire était améliorée en postopératoire (p = 0,003) ainsi que le score UDI-6 (Urogenital Distress Inventory) (p = 0,009). Il n’y avait pas d’amélioration des autres symptômes (prolapsus et colo-recto-anal).

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.jviscsurg.2015.11.011. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Journal of Visceral Surgery, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : thomas.knepfl[email protected] (T. Knepfler). 夽

http://dx.doi.org/10.1016/j.jchirv.2015.08.005 1878-786X/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Conclusion. — La prévalence des troubles de la statique pelvienne est élevée chez la femme obèse avec dans cette étude des troubles colorectaux dans 53 % et urinaires dans 71,5 %. Les troubles de la continence urinaire ont été améliorés après amaigrissement par chirurgie bariatrique après un délai moyen de 11 mois. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Bariatric surgery; Pelvic floor disorders; Urinary incontinence

Summary Objectives. — Obesity aggravates pelvic floor disorders in women. Weight loss improves these disorders. The purpose of this study was to assess the evolution of pelvic floor disorders in women who have undergone bariatric surgery. Patients and methods. — A prospective single-center study was conducted from December 2012 to February 2014. The parameters studied were diabetes, BMI, excess weight loss, multiparity, mode of delivery and their relation to obesity and pelvic floor disorders. We evaluated anorectal and urethral sphincter disorders using the PFDI-20 questionnaire preoperatively, at one month and then every six months thereafter. Results. — A total of 116 patients underwent bariatric surgery. Seventy questionnaires were completed preoperatively and postoperatively. Weight loss was significant with an excess weight loss of 57.1%. The mean body mass index (BMI) decreased from 44.5 ± 6.31 kg/m2 (range: 35.0—63.23) to 31.83 ± 5.83 kg/m2 (range: 20.9—49.6). The average length of follow-up was 11.3 ± 5.2 months (range: 5—25). The incidence of urinary symptoms improved after surgery (P = 0.003), as did the UDI-6 score (Urogenital Distress Inventory) (P = 0.009). There was no improvement in other symptoms such as prolapse and colorectal-anal dysfunction. Conclusion. — The prevalence of pelvic floor disorders is high among obese women; in this study, colorectal disorders were present in 53% and urinary disorders in 71.5%. Bariatric surgeryinduced weight loss led to improvement in urinary continence disorders when assessed over an average follow-up of 11 months. © 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Les troubles de la statique pelvienne dans la population générale comprennent de nombreux symptômes incluant l’incontinence urinaire, l’incontinence anale, les symptômes de prolapsus génito-urinaire et rectaux, les difficultés mictionnelles, les difficultés d’exonération et les troubles de la sexualité [1]. Il n’est pas rare que plusieurs de ces symptômes coexistent chez un même patient. Dans la population générale âgée de 15 à 64 ans, 10 à 30 % des femmes et 1,5 à 5 % des hommes sont incontinents urinaires et environ une femme sur quatre âgées de 30 à 59 ans a eu un épisode d’incontinence [2]. Par ailleurs, 10 % de la population générale souffrent d’une incontinence anale (IA) quels que soient son type (selles solides ou liquides, gaz) et sa gravité (fréquence, port de protection, retentissement sur la vie personnelle, familiale, sociale) [3]. Ces troubles ont des facteurs de risque communs, comme l’âge, les grossesses et le surpoids [4]. L’obésité est définie par un indice de masse corporel supérieur à 30 kg/m2 . La prise en charge de l’obésité est un véritable enjeu de santé publique car c’est un facteur de risque pour de nombreuses maladie chronique (maladies cardiovasculaires, troubles musculo-squelettiques, certains cancers). De plus, la prévalence de l’obésité a plus que doublé au niveau mondial entre 1980 et 2014 avec 600 millions de personnes obèses soit 13 % de la population mondiale en 2014 [5]. L’obésité aggravant les troubles de la statique pelvienne a un impact négatif sur la qualité de vie avec

un retentissement dans le domaine social, émotionnel et comportemental [6,7] il est donc important de prendre en charge ces deux pathologies. L’objectif principal de l’étude était d’évaluer l’évolution des troubles de la statique pelvienne chez les femmes obèses (indice de masse corporelle [IMC] > 35) ayant bénéficié d’une chirurgie bariatrique de type by-pass gastrique ou gastrectomie longitudinale.

Patientes et méthodes L’étude de cohorte prospective portait sur les patientes obèses ayant bénéficié d’une intervention de chirurgie bariatrique de décembre 2012 à janvier 2014 dans le service de chirurgie générale et digestive du CHU de Hautepierre à Strasbourg. L’indication d’une intervention de chirurgie bariatrique [8] était posée chez les patientes avec un IMC supérieur à 40 ou un IMC supérieur à 35 associé à au moins une comorbidité susceptible d’être améliorée après la chirurgie (hypertension artérielle, apnée du sommeil, diabète de type 2, stéatohépatite non alcoolique, troubles musculosquelettiques). Les patientes avaient bénéficié d’un by-pass gastrique ou d’une gastrectomie longitudinale réalisés par laparoscopie. Les patientes étaient interrogées par l’intermédiaire du questionnaire PFDI-20 [9] (Pelvic Floor Distress Inventory). Le PFDI-20 est un questionnaire validé explorant les troubles de la statique pelvienne chez la femme comprenant

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T. Knepfler et al.

20 questions explorant les symptômes de prolapsus génital (POPDI-6 ; Pelvic Organ Prolapse Distress Inventory), colorecto-anaux (CRADI-8 ; Colorectal-Anal Distress Inventory) et urinaires (UDI-6 ; Urogenital Distress Inventory). Chaque question demande une réponse par oui ou non. En cas de réponse positive, une gradation selon 4 niveaux est demandée, de pas du tout (1) à beaucoup (4). Dans chaque groupe de questions, il existe une échelle permettant d’établir un score chiffré de 0 à 100. La somme de ces scores donne un score global de 0 à 300. Le questionnaire était rempli par la patiente en préopératoire au moment de l’hospitalisation. Le deuxième questionnaire était rempli en consultation de contrôle en postopératoire à 1 mois puis tous les 6 mois. Étaient exclus les hommes (le questionnaire PFDI20 n’ayant été validé que pour les femmes), les patientes perdues de vue et celles n’ayant pas rempli le questionnaire en préopératoire. L’objectif principal de l’étude était l’étude de la corrélation des troubles de la statique pelvienne et la perte de poids. Les objectifs secondaires étaient la mesure de la prévalence des troubles de la statique pelvienne dans une cohorte de patientes opérées d’une chirurgie bariatrique, l’appréciation des troubles de la statique pelvienne chez les femmes obèses primipares et multipares et selon le mode d’accouchement (voie basse ou césarienne). Étaient étudiés l’âge, l’IMC, le pourcentage de perte d’excès de poids, les comorbidités à type de diabète, les antécédents d’hystérectomie et l’évolution du POPDI-6, du CRADI-8, de l’UDI-6 et du PFDI-20. L’analyse statistique était faite selon le student t test, le test Chi2 et le test exact de Fisher utilisant le logiciel BiostaTGV.

Tableau 1 Prévalence des troubles de la statique pelvienne et leur évolution chez les 70 patientes.

POPDI-6 = 0 POPDI-6 > 0 CRADI-8 = 0 CRADI-8 > 0 UDI-6 = 0 UDI-6 > 0 PFDI-20 = 0 PFDI-20 > 0

Valeur p

50 20 33 37 13 57 8 62

49 21 25 45 29 41 17 53

0,852

(71,4 %) (28,6 %) (47,1 %) (52,9 %) (18,5 %) (81,5 %) (11,4 %) (88,6 %)

(70,0 %) (30 %) (35,7 %) (64,3 %) (41,4 %) (58,6 %) (24,2 %) (76,8 %)

0,169 0,003 0,047

L’indice de masse corporelle (IMC) moyen était en préopératoire de 44,5 ± 6,31 (35,0—63,23) kg/m2 et en postopératoire de 31,83 ± 5,83 (20,9—49,6) kg/m2 . Le pourcentage moyen de perte d’excès de poids (écart type—extrêmes) était de 57,15 ± 17,0 (17,1—103,2) %. La prévalence des symptômes urinaires (UDI-6) passait de 57/70 en préopératoire à 41/70 en postopératoire (p = 0,003). La prévalence des troubles de la statique pelvienne (PFDI-20) passait de 62/70 à 53/70 (p = 0,047) (Tableau 1). Il n’y avait pas d’amélioration significative entre le préopératoire et le postopératoire pour les symptômes de prolapsus génital (POPDI-6) et les symptômes colo-rectoanaux (CRADI-8) et il y avait une majoration non significative de la prévalence des symptômes colo-recto-anaux qui passait de 37/70 à 45/70 (p = 0,169). Le score UDI-6 baissait de fac ¸on significative passant de 19,34 ± 20,36 à 12,38 ± 18,27 (p = 0,009) (Tableau 2). Les score POPDI-6 et PFDI-20 n’évoluaient pas durant cette période (p > 0,05). Par contre le score CRADI-8 montrait une tendance à la majoration passant de 8,16 ± 10,75 à 11,02 ± 11,87 (p = 0,0786). La comparaison des troubles de la continence entre les femmes nullipares et celles ayant déjà accouché (primimultipares) ne montre pas de différence significative entre les deux groupes (Tableau 3) hormis la différence d’âge (33,3 ans pour les nullipares et 44,2 ans pour les primimultipares, p = 0,0002). La comparaison des troubles de la statique pelvienne en fonction du mode d’accouchement (accouchement uniquement par césarienne vs accouchement par voie basse) ne montrait pas de différence significative entre les deux groupes (Tableau 4).

Cent quarante-sept patients avaient bénéficié dans le service d’une chirurgie bariatrique entre décembre 2012 et janvier 2014. Parmi ces 147 patients, il y avait 116 femmes dont 101 avaient rempli le questionnaire PFDI-20 en préopératoire et 70 en postopératoire. Les questionnaires étaient tous intégralement remplis. L’âge moyen (écart type—extrêmes) était de 41,4 ± 11,4 (22—65) ans. Soixante sept patientes avaient bénéficié d’un by-pass gastrique, 2 d’une gastrectomie longitudinale et une d’une résection gastrique complémentaire pour perte de poids insuffisante après by-pass gastrique. Il y avait 13 patientes diabétiques et 4 avaient bénéficié d’une hystérectomie. Le recul moyen était de 11,3 ± 5,2 (5—25) mois.

Évolution des troubles de la statique pelvienne avant et après chirurgie chez les femmes (n = 70). Score préopératoire

POPDI-6 CRADI-8 UDI-6 PFDI-20

Postopératoire

POPDI : Pelvic Organ Prolapse Distress Inventory ; CRADI-8 : Colorectal-Anal Distress Inventory ; UDI-6 : Urogenital Distress Inventory ; PFDI-20 : Pelvic Floor Distress Inventory.

Résultats

Tableau 2

Préopératoire

4,34 8,16 19,34 31,86

± ± ± ±

9,07 10,75 20,36 33,80

Score postopératoire 4,82 11,02 12,38 28,22

± ± ± ±

9,05 11,87 18,27 31,59

Valeur p

95 % IC

0,746 0,0786 0,009 0,426

−3,3 ; 2,4 −6,0 ; 0,3 1,7 ; 12,1 −5,4 ; 12,6

POPDI : Pelvic Organ Prolapse Distress Inventory ; CRADI-8 : Colorectal-Anal Distress Inventory ; UDI-6 : Urogenital Distress Inventory ; PFDI-20 : Pelvic Floor Distress Inventory.

La chirurgie bariatrique améliore les troubles de la statique pelvienne Tableau 3

101

Comparaison entre les femmes nullipares et les femmes primi-multipares.

Âge BMI POPDI-6 CRADI-8 UDI-6 PFDI-20

Femme (n = 70)

nullipare (n = 18)

Primi-multipare (n = 52)

Valeur p

41,43 44,52 4,34 8,16 19,34 31,86

33,3 44,58 3,70 5,38 14,12 23,20

44,23 44,49 4,56 9,13 21,15 34,85

0,0002 0,955 0,720 0,130 0,243 0,204

POPDI : Pelvic Organ Prolapse Distress Inventory ; CRADI-8 : Colorectal-Anal Distress Inventory ; UDI-6 : Urogenital Distress Inventory ; PFDI-20 : Pelvic Floor Distress Inventory.

Tableau 4

Comparaison des troubles de la statique pelvienne selon le mode d’accouchement.

Âge IMC préopératoire POPDI-6 CRADI-8 UDI-6 PFDI-20

Césarienne (n = 8)

Voie basse (n = 44)

Total (n = 52)

Valeur p

42,37 45,37 6,77 9,77 18,23 34,76

44,56 44,33 4,17 9,02 21,69 34,87

44,23 44,49 4,56 9,13 21,15 34,85

0,478 0,725 0,636 0,863 0,626 0,993

POPDI : Pelvic Organ Prolapse Distress Inventory ; CRADI-8 : Colorectal-Anal Distress Inventory ; UDI-6 : Urogenital Distress Inventory ; PFDI-20 : Pelvic Floor Distress Inventory.

Tableau 5 Corrélation entre le diabète et les troubles de la statique pelvienne.

POPDI > 0 POPDI = 0 CRADI > 0 CRADI = 0 UDI > 0 UDI = 0 PFDI > 0 PFDI = 0

Diabétique (n = 13)

Non diabétique (n = 57)

Valeur p

5 8 8 5 11 2 11 2

15 42 29 28 46 11 51 6

0,497 0,550 0,7433 0,635

POPDI : Pelvic Organ Prolapse Distress Inventory ; CRADI-8 : Colorectal-Anal Distress Inventory ; UDI-6 : Urogenital Distress Inventory ; PFDI-20 : Pelvic Floor Distress Inventory.

La corrélation entre le diabète et les troubles de la statique pelvienne ne montre pas de différence significative entre les patientes diabétiques et non diabétiques (Tableau 5).

Discussion Les troubles de la statique pelvienne retentissent sur la qualité de vie des patients. La mesure par des instruments spécifiques de ce retentissement est indispensable pour quantifier la gêne et son évolution, ainsi que pour corréler la symptomatologie fonctionnelle avec la réalité anatomique. Le développement de questionnaires prenant en compte les symptômes dans leur globalité est fondamental pour

comprendre l’évolution de ces symptômes lors de la normalisation de l’IMC. À ce jour, il existe un questionnaire validé et publié concernant les symptômes et la qualité de vie dans les troubles de la statique pelvienne « PFDI » (Pelvic Floor Distress Inventory). Ce questionnaire élaboré par Barber et al. [10] a été publié en anglais en 2001, puis validé et publié en 2005 en franc ¸ais. Il reprend un questionnaire de mesure de la qualité de vie pour l’incontinence urinaire (Urogenital Distress Inventory [UDI]) qui a été développé en anglais puis en franc ¸ais [11], auquel ont été ajoutées des questions afin de mesurer la qualité de vie pour le prolapsus « POPDI » (Pelvic Organ Prolapse Distress Inventory) et l’incontinence anale « CRADI » (Colorectal-Anal Distress Inventory). De cette version longue est née une version courte « PFDI20 » [9] dont la version franc ¸aise a été validée en 2007 [12]. Ce score a été utilisé dans notre étude. Mais ce score n’explore pas les causes des troubles de la statique pelvienne comme les troubles du transit (diarrhée, constipation) qui influent directement sur la continence et la qualité de vie. L’obésité est un facteur de risque connu pour plusieurs pathologies comme le diabète, l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie, la coronaropathie ou l’apnée du sommeil. Les troubles de la statique pelvienne qui associent des troubles urinaires, colorectaux et des prolapsus sont sous-estimés et ont cependant des conséquences psychologiques et sociales importantes chez les patients. Deux méta-analyses de Eslick [13] et Poylin et al. [14] montrent que l’obésité est un facteur de risque pour les symptômes gastro-intestinaux avec augmentation de la prévalence de patients souffrant de diarrhée ainsi qu’une augmentation des troubles de la continence. Peu d’études ont étudié l’évolution de ces troubles après une chirurgie bariatrique [15—17].

102 Dans notre étude, 88,6 % des patientes présentent des troubles de la statique pelvienne avec prédominance de la symptomatologie urinaire. Cependant les troubles sont mineurs pour la plupart des patientes puisque le score PFDI-20 moyen est de 31,8 ± 33,8 pour un score maximal théorique à 300. Seules 4 patientes présentent un score PFDI-20 supérieur à 100. L’incontinence anale est significativement plus présente chez l’obèse. La prévalence de l’incontinence anale est estimée à 11 % en France pour une population de plus de 45 ans. Dans la population obèse, cette prévalence varie de 16 à 68 % selon les études [13,14]. Dans notre étude, 37 patientes (52,9 %) présentaient des troubles colorectaux avec un score CRADI-8 moyen de 8,1 ± 10,7. Ce score ne s’améliore pas en postopératoire ; on note au contraire une aggravation du score (11 ± 11,8) bien que cette tendance ne soit pas significative (p = 0,078). Les troubles de la continence peuvent être expliqués par une augmentation de la pression intra-abdominale, avec altération du tonus du périnée [18]. La réalisation d’une chirurgie bariatrique peut se compliquer de diarrhée qui peut majorer les troubles de la continence anale [19], ce qui pourrait expliquer ces résultats. Une étude complémentaire avec un questionnaire évaluant les troubles du transit complètera ce premier travail. La thèse mécanique n’est pas la seule pouvant expliquer les troubles de la statique pelvienne. L’étude du coréen Kim de 2011 sur 984 femmes [20] montre une relation directe entre des troubles de la statique pelvienne et un syndrome métabolique. Ces troubles seraient expliqués par des neuropathies périphériques et des ischémies chroniques de la micro vascularisation nerveuse et musculaire. Nous avons comparé la prévalence des troubles de la statique pelvienne chez les patientes diabétiques et non diabétique (Tableau 5) et il n’y a pas de différence significative entre les deux groupes. Cela peut être lié à un manque de puissance de l’étude avec seulement 13 patientes diabétiques. La prévalence des troubles urinaires dans la population franc ¸aise est de 10 à 30 % chez les femmes de 15 à 64 ans. Dans notre étude en préopératoire, 57 patientes (71,5 %) avaient des troubles urinaires. Le score UDI moyen était de 19,3 ± 20,3. La perte de poids s’accompagne d’une amélioration de la symptomatologie, le nombre de patientes asymptomatiques avait augmenté et passait de 13 à 29 (p = 0,003) et le score UDI passait de 19,3 à 12,3 (p = 0,009). La littérature a montré des résultats analogues dans d’autres études [19—21]. La grossesse et le mode d’accouchement sont des facteurs de risque connus de troubles de la statique pelvienne [22,23]. La prévalence des troubles de la statique pelvienne passe de 12 % pour les nullipares à 32 % après 3 accouchements. Dans notre étude, l’accouchement n’apparaît pas comme un facteur de risque de trouble de la statique pelvienne (Tableau 3) bien qu’il y ait une tendance à l’aggravation des troubles urinaires et digestifs. Une cohorte plus importante pourrait rendre ces résultats significatifs. Les patientes ayant accouché par voie basse ont un risque deux fois plus important de développer des troubles de la statique pelvienne que celles accouchant par césarienne. La prévalence des troubles de la statique pelvienne 20 ans après l’accouchement est de 32 % pour les femmes ayant accouché par césarienne alors qu’elle est de 50 % pour celles ayant accouché par voie basse [23].

T. Knepfler et al. Dans notre étude, il n’y avait pas de différence significative sur les troubles de la statique pelvienne selon le mode d’accouchement (voie basse et césarienne), les deux groupes étant comparable en âge et en IMC préopératoire (Tableau 4). Cette absence de différence est probablement liée à la taille de la cohorte (seulement 8 patientes dans le groupe césarienne). Cette étude comporte des biais qui méritent d’être relevés. Seules 70 femmes sur 116 patientes avaient rempli le questionnaire pré- et postopératoire induisant un biais de non réponse. Il n’y avait pas d’évaluation clinique préopératoire des troubles de la statique pelvienne ce qui nous prive d’un élément de comparaison en postopératoire. Des examens complémentaires à type d’exploration fonctionnelle urinaire et de manométrie anorectale mériteraient d’être réalisés chez les patientes présentant des troubles de la statique pelvienne pour pouvoir mieux apprécier l’évolution des symptômes.

Conclusion Cette étude confirme la prévalence élevée des troubles de la statique pelvienne chez la femme obèse de troubles colorectaux (53 %) et urinaires (71,5 %). Elle a montré que les troubles de la continence urinaire sont améliorés après amaigrissement par chirurgie bariatrique après un délai moyen de 11 mois. Cette étude mérite d’être poursuivie en réalisant des épreuves urodynamiques chez les patientes présentant des troubles urinaires et des questionnaires évaluant le transit intestinal ainsi qu’une manométrie anorectale chez les patientes présentant des symptômes colo-recto-anaux.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts.

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