La communication intercellulaire par l’intermédiaire des jonctions gap : un nouveau mécanisme dans la physiopathologie de la migraine avec aura. Applications thérapeutiques

La communication intercellulaire par l’intermédiaire des jonctions gap : un nouveau mécanisme dans la physiopathologie de la migraine avec aura. Applications thérapeutiques

Pathologie Biologie 60 (2012) 392–398 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Revue ge´ne´rale La communication intercellulaire par l’interm...

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Pathologie Biologie 60 (2012) 392–398

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Revue ge´ne´rale

La communication intercellulaire par l’interme´diaire des jonctions gap : un nouveau me´canisme dans la physiopathologie de la migraine avec aura. Applications the´rapeutiques Gap junctional intercellular communication: A new mechanism in pathophysiology of migraine with aura. Therapeutic applications D. Sarrouilhe a,*, C. Dejean b a b

Institut de physiologie et de biologie cellulaire, FRE CNRS 3511, universite´ de Poitiers, 40, avenue du Recteur-Pineau, 86022 Poitiers cedex, France Service de pharmacie, Pavillon Janet, centre hospitalier Henri-Laborit, 370, avenue Jacques-Cœur, 86021 Poitiers cedex, France

I N F O A R T I C L E

R E´ S U M E´

Historique de l’article : Rec¸u le 19 mars 2012 Accepte´ le 12 avril 2012

La migraine est un type de ce´phale´e primaire a` la fois fre´quent, pe´riodique et invalidant, touchant jusqu’a` 20 % de la population. Environ un tiers des patients migraineux ont des crises avec aura, une perturbation neurologique focale se manifestant par des symptoˆmes visuels, sensitifs ou moteurs. La de´pression corticale propage´e, une vague d’activite´ e´lectrique se de´plac¸ant au travers du cortex ce´re´bral par l’interme´diaire des jonctions gap entre neurones et cellules gliales, serait implique´e dans le de´clenchement de l’aura. De plus, la de´pression corticale propage´e active dans le ne´ocortex les affe´rences trige´minales pe´rivasculaires, ce qui par des re´flexes centraux et pe´riphe´riques entraıˆne une inflammation me´ninge´e ge´ne´rant la ce´phale´e. Le tonabersat, un nouveau benzopyrane, a e´te´ se´lectionne´ pour des essais cliniques sur ses activite´s inhibitrices de la de´pression corticale propage´e et de l’inflammation neuroge`ne en utilisant des mode`les animaux de migraine. De plus, le tonabersat inhibe les jonctions gap entre les neurones et les cellules gliales du ganglion trige´minal, sugge´rant que ce compose´ pourrait pre´venir la sensibilisation pe´riphe´rique au sein du ganglion. En phase clinique, le tonabersat a montre´ un effet pre´ventif sur les crises de migraine avec aura mais aucune efficacite´ sur les crises sans aura ainsi que dans le traitement imme´diat de la crise de migraine. En conclusion, la communication intercellulaire par jonction gap entre neurone et cellule gliale semble implique´e dans la physiopathologie de la migraine avec aura et apparaıˆt comme une prometteuse nouvelle cible the´rapeutique pour le traitement prophylactique des patients pre´sentant des crises chroniques. ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

Mots cle´s : Aura Connexine De´pression corticale propage´e Junction gap Tonabersat Trigeminovasculaire

A B S T R A C T

Keywords: Aura Connexin Cortical spreading depression Gap junction Tonabersat Trigeminovascular

Migraine is a common, recurrent and disabling primary headache disorder, which affects up to 20% of the population. About a third of patients with migraine have attacks with aura, a focal neurological disturbance that manifests itself as visual, sensitive or motor symptoms. Cortical spreading depression, a wave of electrical activity that moves across the cerebral cortex through neuronal-glial cell gap junctions, would be involved in the triggering of migraine aura. Moreover, cortical spreading depression activates perivascular trigeminal afferents in the neocortex, that through central and peripheral reflex, cause inflammatory reaction in the meninges to generate the headache. Tonabersat, a novel benzopyran compound, was selected for clinical trial on the basis of its inhibitory activity on cortical spreading depression and neurogenic inflammation in animal models of migraine. Moreover, tonabersat inhibited trigeminal ganglion neuronal-glial cell gap junctions, suggesting that this compound could prevent peripheral sensitization within the ganglion. In clinical trial, tonabersat showed a preventive effect on attacks of migraine with aura but had no efficacy on non-aura attacks and in the acute treatment of migraine. In conclusion, neuronal-glial cell gap junctional intercellular communication seems to be

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Sarrouilhe). 0369-8114/$ – see front matter ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.patbio.2012.04.002

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involved in the pathophysiology of migraine with aura and is emerging as a new promising therapeutic target for prophylactic treatment of patients with chronic attacks. ß 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction La migraine est une affection invalidante et chronique, touchant d’apre`s des estimations entre 10 et 20 % de la population ge´ne´rale [1]. Chez les adultes, les femmes sont trois fois plus souvent concerne´es par cette maladie que les hommes, le profil type du patient e´tant une femme d’aˆge compris entre 20 et 50 ans. La se´ve´rite´ des crises (intensite´, fre´quence, dure´e) repre´sente un handicap important pour certains patients, alte´rant leur qualite´ de ˆ t socioe´conomique de cette maladie est e´leve´, de l’ordre du vie. Le cou milliard d’euros par an en France. La migraine se manifeste par des ce´phale´es re´currentes et douloureuses qui peuvent eˆtre pre´ce´de´es et accompagne´es par diverses manifestations visuelles, sensitives ou digestives. Des crite`res diagnostiques ont e´te´ de´finis par la Socie´te´ internationale des ce´phale´es (IHS) permettant de se´parer avec pre´cision les deux formes cliniques principales de migraine, la migraine commune, la plus fre´quente, de la migraine avec aura, repre´sentant environ un tiers des cas. L’aura est un ensemble complexe de manifestations neurologiques transitoires pre´ce´dant certaines crises migraineuses. Ces signes sont le plus souvent ophtalmiques, avec des modifications ou des pertes du champ visuel, mais peuvent aussi eˆtre somatosensitifs au niveau d’un he´micorps, comme des engourdissements ou des picotements et plus rarement les patients peuvent pre´senter des troubles du langage. D’autres formes beaucoup moins fre´quentes de migraine peuvent en eˆtre distingue´es, comme la migraine he´miple´gique familiale [2]. Re´cemment, une implication des jonctions gap dans la physiopathologie de la migraine avec aura a e´te´ propose´e. Apre`s des essais pre´cliniques encourageants, le (-)-cis-6-acetyl-4S-(3chloro-4-fluoro-benzoylamino)-3,4-dihydro-2,2-dimethyl-2Hbenzo[b] pyrane-3S-ol (SB-220453, tonabersat) a e´te´ de´veloppe´ en phase clinique comme antimigraineux. Ce compose´ pouvait inhiber sur des mode`les animaux la de´pression corticale propage´e (CSD) qui est propose´e comme e´tant a` la base de l’aura et aussi des ce´phale´es migraineuses. La cible du tonabersat s’est re´ve´le´e eˆtre les jonctions communicantes entre neurones et cellules gliales ; ces dernie`res permettent au niveau cortical la propagation de la CSD mais e´galement la sensibilisation pe´riphe´rique au niveau du ganglion trige´minal, a` la base d’une sensibilisation centrale pouvant entretenir la douleur. Lors des essais en phase clinique, le tonabersat s’est montre´ actif comme agent pre´ventif de la migraine avec aura mais pas de la migraine sans aura. Cette revue se propose de faire une mise au point sur l’avance´e des connaissances sur ce sujet, en montrant comment les jonctions communicantes sont devenues des cibles potentielles du traitement pre´ventif de la migraine avec aura. 2. Les jonctions communicantes dans le syste`me nerveux Les jonctions communicantes ou jonctions « gap » sont constitue´es par l’agre´gation de canaux reliant directement le cytoplasme de deux cellules adjacentes et permettant l’e´change de mole´cules hydrophiles dont la masse mole´culaire n’exce`de pas 1 kDa, comme des ions, des seconds messagers (AMPc, IP3), divers me´tabolites, acides amine´s, sucres, siARN. Il s’agit d’un mode de communication retrouve´ dans la plupart des tissus a` l’exception du tissu musculaire squelettique adulte, de certaines cellules sanguines circulantes, des spermatozoı¨des maˆtures et de certains neurones. Au niveau des jonctions communicantes, l’espace entre les cellules (gap) est re´duit a` 2–3 nm. Les canaux jonctionnels transmembranaires reliant les cytosols de cellules adjacentes, sont

constitue´s par l’accolement dans l’espace extracellulaire de deux he´micanaux (connexons), chacun e´tant pre´sent dans les membranes respectives des cellules en contact. Chaque connexon est compose´ de six sous-unite´s prote´iques, les connexines (Cx), organise´es autour d’un pore central aqueux de 1 a` 1,5 nm de diame`tre. A` ce jour 21 ge`nes de Cxs ont e´te´ identifie´s dans l’espe`ce humaine, codant pour des prote´ines avec des masses mole´culaires variant entre 25 et 62 kDa [3]. Les Cxs pre´sentent une topologie commune avec quatre segments transmembranaires sous forme d’he´lices alpha, relie´s par une boucle cytoplasmique et deux boucles extracellulaires ; les parties N- et C-terminales e´tant cytoplasmiques. Les extre´mite´s C-terminales sont tre`s variables en taille et se´quence et pre´sentent pour la plupart des Cxs des sites potentiels de phosphorylation par des prote´ine-kinases et des sites d’interaction avec des prote´ines partenaires [4]. Des e´quivalents fonctionnels des Cxs, les innexines (Inx), sont exprime´s chez les verte´bre´s. De plus, des ge`nes homologues aux Inxs, codant pour les pannexines (Panx), ont e´te´ identifie´s chez les mammife`res ; leur capacite´ a` former des canaux jonctionnels in vivo n’a pas encore e´te´ clairement montre´e. La communication jonctionnelle est implique´e dans des processus fondamentaux comme la propagation du potentiel d’action, la synchronisation des activite´s e´lectriques entre certains neurones. De nombreux facteurs sont connus comme pouvant moduler la communication jonctionnelle : les ions Ca2+ intracellulaires, le pH intracellulaire, des substances lipophiles (alcools, acides gras insature´s, de´rive´s ste´roı¨diens, . . .), le potentiel transjonctionnel, des hormones, facteurs de croissance, cytokines, neurotransmetteurs [5,6]. Onze Cxs diffe´rentes coexistent dans le syste`me nerveux central, formant des canaux jonctionnels pre´sentant une grande complexite´ dans leurs compositions et proprie´te´s, dont la signification biologique est encore imparfaitement connue [7]. Ces canaux jonctionnels sont abondants entre les astrocytes, sont moins souvent observe´s entre les oligodendrocytes et les astrocytes ou entre certains neurones (fonction de synapse e´lectrique) et beaucoup plus rarement entre les oligodendrocytes ou entre les neurones et les cellules gliales [8]. Certaines Cxs et la Panx1 peuvent former des he´micanaux hors des jonctions communicantes dans les cellules nerveuses ; leurs roˆles dans la physiologie et la physiopathologie du syste`me nerveux restent a` de´terminer [9]. Au cours de ces dernie`res anne´es, des e´tudes concluantes ont montre´ un lien entre des mutations des ge`nes codant pour certaines Cxs, les pertes de fonction des canaux jonctionnels en de´coulant, des neuropathies centrales (maladie de Pelizaeus-Merzbacher-like de type 1 et Cx47 ; dysplasie oculodentodigitale et Cx43) et pe´riphe´riques humaines (maladie de Charcot-Marie-Tooth de type 1 et Cx32) [10]. Des variations d’expression des Cxs et du couplage intercellulaire ont e´te´ rapporte´es dans un certain nombre de le´sions et de dysfonctions ce´re´brales comme l’inflammation, l’e´pilepsie et les maladies neurode´ge´ne´ratives [11]. Les jonctions gap sont ainsi progressivement apparues comme des cibles the´rapeutiques potentielles pour traiter un certain nombre de pathologies [12].

3. La migraine avec aura 3.1. Physiopathologie Des progre`s importants dans la compre´hension des me´canismes physiopathologiques de la migraine ont e´te´ re´alise´s ces

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dernie`res anne´es et ont fait l’objet d’articles de synthe`se re´cents auxquels le lecteur pourra se reporter [13,14]. Meˆme si la physiopathologie de la migraine avec aura n’est pas encore totalement e´lucide´e dans l’espe`ce humaine, des re´sultats expe´rimentaux obtenus chez les rongeurs corrobore´s par des observations cliniques chez des patients ont permis de proposer une chronologie de me´canismes faisant un lien entre l’aura et les ce´phale´es [15]. Une activite´ e´lectroence´phalographique, la CSD, en se propageant au niveau d’aires particulie`res du cerveau, serait le me´canisme a` la base de l’aura migraineuse ainsi que des ce´phale´es (Fig. 1). La CSD correspond a` la propagation lente (2 a` 3 mm/min) d’une vague de de´polarisation neuronale et gliale corticale, partant d’un lobe occipital et associe´e a` une bre`ve augmentation du flux sanguin ce´re´bral. Cette hyperactivite´ e´lectrique neuronale est suivie par une repolarisation durable (correspondant a` une suppression de l’activite´ ce´re´brale) de ces e´le´ments accompagne´e d’une diminution du flux sanguin ce´re´bral. La CSD entraıˆne la libe´ration au niveau des fluides extracellulaires corticaux d’ions (H+, K+), divers me´tabolites (monoxyde d’azote, acide arachidonique) et neurotransmetteurs (glutamate). Ces substances vont diffuser localement, de´polariser ou sensibiliser les affe´rences nociceptives trige´minales pe´rivasculaires au niveau de la pie me`re (sensibilisation pe´riphe´rique, par augmentation de l’excitabilite´ neuronale et abaissement du seuil d’excitation) et ainsi activer et sensibiliser ipsilate´ralement le ganglion trige´minal, ou` sont localise´s les corps cellulaires de ces neurones affe´rents de premier ordre, et le noyau trige´minal caudal du tronc ce´re´bral (sensibilisation centrale associe´e a` une amplification de la douleur). Dans le meˆme temps, des collate´rales axonales des neurones du ganglion trige´minal venant d’eˆtre active´s, libe`rent au niveau de la dure me`re des peptides pro-inflammatoires (neurokinine A, calcitonin gene related peptide [CGRP], substance P) provoquant une re´action inflammatoire ste´rile (sans agent infectieux) locale a` l’origine des ce´phale´es. De plus, un re´flexe trige´minovasculaire a` l’origine d’une

vasodilatation des vaisseaux sanguins de la dure me`re (et de la pie me`re) se met en place. En effet, l’activation du noyau trige´minal caudal conduit aussi a` une stimulation du noyau salivaire supe´rieur du tronc ce´re´bral et une activation des voies effe´rentes parasympathiques pe´rivasculaires des vaisseaux de la dure me`re, avec un relais au niveau du ganglion sphe´nopalatin. Cette activation des voies parasympathiques entraıˆne la libe´ration d’agents vasoactifs (vasoactive intestinal polypeptide, monoxyde d’azote, ace´tylcholine), une vasodilatation et une hypere´mie et permettrait e´galement d’expliquer les symptoˆmes autonomes accompagnant les crises de migraine. A` partir des neurones de second ordre du noyau trige´minal caudal (sujets a` une sensibilisation centrale), des influx nerveux sont envoye´s via le thalamus vers diverses aires corticales, permettant une perception de la douleur. Il a e´te´ propose´ qu’au cours de la crise migraineuse avec aura les informations nociceptives proviendraient initialement de terminaisons trige´minales pe´rivasculaires de la pie me`re avec une contribution plus tardive de celles de la dure me`re [13]. Le caracte`re familial de la migraine est connu depuis longtemps, laissant soupc¸onner une composante ge´ne´tique, qui n’avait jusqu’a` re´cemment e´te´ e´tablie que pour des formes rares comme la migraine he´miple´gique familiale. Quatre ge`nes viennent d’eˆtre identifie´s, pour lesquels une variation ge´ne´tique est associe´e a` un risque accru de migraine dans la population ge´ne´rale. Dans une de ces e´tudes, des associations entre les variants des ge`nes TRPM8 (codant pour un thermore´cepteur implique´ dans les neuropathies douloureuses), LRP1 (codant pour un re´cepteur qui pourrait moduler la transmission synaptique glutamatergique), PRDM16 (dont la fonction potentielle dans la migraine est encore mal comprise) et diffe´rentes formes de migraines sont observe´es, sugge´rant l’existence de me´canismes physiopathologiques communs [16]. Dans une autre e´tude, un lien particulier a e´te´ sugge´re´ entre des variants d’un ge`ne (rs1835740) implique´ dans l’home´ostasie du glutamate et la migraine avec aura, confortant

Fig. 1. Physiopathologie de la migraine avec aura. Une vague d’activite´ e´lectrique se de´plac¸ant le long du ne´ocortex, la de´pression corticale propage´e (CSD), serait a` l’origine de l’aura migraineuse. De plus, la propagation de la CSD s’accompagne d’une libe´ration au niveau des fluides extracellulaires d’ions, me´tabolites et neurotransmetteurs, qui vont diffuser vers la pie me`re pour y activer ou sensibiliser (sensibilisation pe´riphe´rique) les affe´rences nociceptives du syste`me trige´minovasculaire. Cette activation et cette sensibilisation se transmettent au ganglion trige´minal (TGG) puis au noyau trige´minal caudal du tronc ce´re´bral (TGN, sensibilisation centrale). Les neurones du TGG active´ provoquent une re´action inflammatoire ste´rile au niveau de la dure me`re a` l’origine des ce´phale´es. Le TGN est a` l’origine d’un re´flexe trige´minovasculaire, me´die´ par le noyau salivaire supe´rieur (SSN) et le ganglion sphe´nopalatin (SPG) et se traduisant par une vasodilatation des vaisseaux sanguins de la dure me`re. La perception de la douleur migraineuse se fait au niveau cortical a` partir d’informations issues du TGN, la douleur pouvant eˆtre amplifie´e par sensibilisation centrale [15].

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l’hypothe`se d’une perturbation de la transmission glutamatergique dans la migraine [17]. Ainsi, les sujets pre´dispose´s ge´ne´tiquement pre´senteraient une hyperexcitabilite´ corticale (i.e. un seuil de de´clenchement bas) permettant l’apparition de de´charges corticales aberrantes, premier e´ve`nement de la CSD. Les facteurs de´clenchant pre´cipiteraient ces de´charges corticales, en particulier en modifiant les flux ioniques au travers des membranes cellulaires [18]. Toutefois, les importances respectives des influences environnementales et ge´ne´tiques dans le de´veloppement de cette pathologie multifactorielle restent a` de´terminer. 3.2. Traitements de la migraine Souvent sous-e´value´e (seuls environ 25 % des patients migraineux sont identifie´s et traite´s) et conside´re´e comme une fatalite´, la migraine be´ne´ficie pourtant maintenant de traitements efficaces permettant de soulager la ce´phale´e et de re´duire la fre´quence des crises. De plus, des centres d’urgences pour les ce´phale´es, accessibles 24 heures sur 24 et aptes a` re´aliser rapidement un diagnostic diffe´rentiel de la migraine primaire, ont e´te´ ouverts dans les grands centres urbains franc¸ais. Ces centres proposent des traitements symptomatiques efficaces permettant de soulager rapidement les patients. La prise en charge me´dicamenteuse repose sur deux objectifs : controˆler les crises et assurer une prophylaxie. Le traitement des crises implique des me´dicaments qui ne peuvent eˆtre utilise´s que temporairement pour re´pondre a` la vasodilatation et a` la douleur. Les crises sont controˆlables sept fois sur dix, mais il faut toutefois e´galement penser a` un traitement de fond de cette maladie. De plus, l’efficacite´ des me´dicaments de la crise serait variable en fonction de la nature du traitement de fond instaure´. La prophylaxie est continue sur des pe´riodes pouvant de´passer largement une anne´e, suivant l’e´volution de la pathologie. 3.2.1. Traitement de la crise Il vise a` diminuer la dure´e et l’intensite´ des symptoˆmes et ne´cessite une administration pre´coce des me´dicaments (Tableau 1). Les triptans sont de puissants agonistes se´rotoninergiques se´lectifs des re´cepteurs postsynaptiques 5-HT1B et 5-HT1D. Ils induisent, par l’agonisme 5-HT1B, une vasoconstriction des vaisseaux me´ninge´s dont la vasodilatation est a` l’origine des douleurs. Ils inhibent, par agonisme 5-HT1D, la libe´ration de neuropeptides pro-inflammatoires algoge`nes au niveau des voies nerveuses trige´minales. Les triptans sont actifs sur l’ensemble des symptoˆmes de la crise. En ce qui concerne l’aura, leur activite´ reste controverse´e [19]. Selon des hypothe`ses, la barrie`re he´matome´ninge´e serait imperme´able aux triptans pendant l’aura et l’incorporation des re´cepteurs 5-HT1D ve´siculaires aux membranes

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synaptiques s’effectue seulement apre`s le de´but des ce´phale´es (e´tude sur le sumatriptan, [20]). Il y a peu de diffe´rence en termes d’efficacite´ et de tole´rance entre les diffe´rentes mole´cules de cette famille. Les de´rive´s de l’ergot de seigle sont e´galement des vasoconstricteurs, agonistes se´rotoninergiques, mais aussi antagonistes dopaminergiques et adre´nergiques. Ils agissent a` la pe´riphe´rie en induisant une vasoconstriction prolonge´e et sur les arte`res ce´re´brales. Leur voie d’administration (orale, nasale, injectable) joue sur la rapidite´ de l’effet. L’ergotamine est re´serve´e au traitement des crises migraineuses. Divers anti-inflammatoires peuvent eˆtre prescrits en fonction des symptoˆmes douloureux. Ainsi, l’aspirine (orale ou injectable) ou les anti-inflammatoires non ste´roı¨diens (AINS) ont de´montre´ leur efficacite´ sur les crises d’intensite´ faible a` mode´re´e (ke´toprofe`ne, ibuprofe`ne, diclofe´nac). Leur effet est directement lie´ a` leur me´canisme d’action re´duisant la libe´ration de me´diateurs pro-inflammatoires. Le parace´tamol, antalgique tre`s utilise´, reste pourtant peu e´value´ dans cette indication. Le telcage´pant est un antagoniste des re´cepteurs du CGRP implique´s dans la dilatation des arte`res ce´re´brales (lors des essais, le CGRP de´clenche des crises sans aura). Il a un me´canisme d’action diffe´rent de celui des triptans avec une meilleure tole´rance [21]. Des associations entre me´dicaments de crise peuvent ame´liorer l’efficacite´. Ainsi, il est possible d’administrer un triptan en cas d’e´chec d’un AINS (deux heures apre`s). L’ajout d’un anti-e´me´tique antidopaminergique (me´toclopramide, dompe´ridone) ame´liore la re´sorption des analge´siques [22]. 3.2.2. Traitement de fond Lorsque les crises deviennent trop fre´quentes (une crise plus de deux fois par mois) et/ou trop intenses, que l’aura est prolonge´e, un traitement de fond est prescrit (Tableau 2). L’objectif the´rapeutique est de diminuer la fre´quence des crises, leur intensite´ et leur dure´e. Des mole´cules de familles chimiques, pharmacologiques (avec indications autres que la migraine) et de me´canismes d’action tre`s varie´s sont indique´es (certaines hors AMM), toutes par voie orale [23,24]. Les cibles pharmacologiques dans ce contexte sont nombreuses : les re´cepteurs se´rotoninergiques (pizotife`ne, me´thysergide, dihydroergotamine, oxe´torone), les canaux calciques et sodiques voltage-de´pendants (flunarizine, des anti-e´pileptiques comme gabapentine, acide valproı¨que, topiramate, lamotrigine) la transmission glutamatergique (lamotrigine). L’amitriptyline, un antide´presseur tricyclique, agirait comme modulateur des canaux calciques et pre´viendrait ainsi la libe´ration de neurotransmetteurs [25]. La lamotrigine a de´montre´ une activite´ pre´ventive des migraines avec aura [26]. Une action protectrice de la re´ponse neuronale a` la CSD par antagonisme glutamatergique est une voie de recherche [24]. Une action

Tableau 1 Me´dicaments de la crise de migraine (avec ou sans aura). Me´dicaments

Voies d’administration

Me´canismes d’action

Acide ace´tylsalicylique Anti-inflammatoires non ste´roı¨diens Parace´tamol Triptans Almotriptan, e´le´triptan Frovatriptan, naratriptan Rizatriptan, sumatriptan Zolmitriptan

Orale, injectable

Inhibiteurs de la libe´ration de me´diateurs de l’inflammation

Orale Orale, injectable, nasale

Agonistes des re´cepteurs se´rotoninergiques 5-HT1B et 5-HT1D

De´rive´s de l’ergot de seigle Ergotamine Dihydroergotamine

Orale, injectable, nasale

Agonistes des re´cepteurs se´rotoninergiques 5-HT2

Telcage´panta

Orale

Antagoniste re´cepteurs CGRP

a

Mole´cule n’ayant pas d’AMM en France dans l’indication de la migraine.

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396 Tableau 2 Me´dicaments du traitement de fond de la migraine. Me´dicaments prophylactiques

Me´canismes d’action

Anti-e´pileptiques

Inhibiteurs canaux sodiques, calciques et glutamate a

Topiramate, lamotrigine Acide valproı¨quea, gabapentine Flunarizine Amitriptyline Propranolol, me´toprolol Telmisartan, candesartan Lisinopril Naproxe`ne, aspirine Pizotife`ne Me´thysergide Dihydroergotamine Indoramine Oxe´torone

Toxine botulique de type Aa a

Inhibiteur calcique Modulateur canaux calciques Antagonistes adre´nergiques b1 bloquants Inhibiteurs de l’enzyme de conversion Inhibiteur de l’angiotensine II Inhibiteurs de la libe´ration de me´diateurs de l’inflammation Antagoniste des re´cepteurs se´rotoninergiques 5-HT1C et 5-HT2 Antagoniste des re´cepteurs se´rotoninergiques 5-HT1 et 5-HT2 Agoniste des re´cepteurs se´rotoninergiques 5-HT1A et 5-HT2A Antagoniste adre´nergique a bloquant, antihistaminique, agoniste PGF2a Antagoniste adre´nergique a bloquant, antagoniste se´rotoninergique, antihistaminique Inde´termine´

Mole´cule n’ayant pas d’AMM en France dans l’indication de la migraine.

vasculaire (vasoconstriction) est exerce´e par des a bloquants (oxe´torone, indoramine), des b1 bloquants (antihypertenseurs : propranolol, me´toprolol), des modulateurs de la re´activite´ vasculaire comme les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (lisinopril) et les inhibiteurs de l’angiotensine II (telmisartan, candesartan). Un AINS, le naproxe`ne, est utilisable en prophylaxie par sa modulation de la libe´ration de me´diateurs de l’inflammation et l’aspirine dans la prophylaxie des migraines avec aura a` crises fre´quentes. La toxine botulique inhibe la libe´ration d’ace´tylcholine, son me´canisme d’action dans la pre´vention de la migraine n’est pas e´lucide´ et son efficacite´ a e´te´ controverse´e dans des e´tudes multicentriques re´centes [27,28]. 4. E´mergence des jonctions gap comme cibles the´rapeutiques Les avance´es re´alise´es dans la compre´hension des me´canismes physiopathologiques de la migraine avec aura sugge`rent qu’une inhibition de la CSD devrait faire avorter l’aura migraineuse et pre´venir la ce´phale´e douloureuse. Au cours d’une e´tude de relation structure-activite´ portant sur une nouvelle famille d’agents potentiellement antimigraineux, le SB-220453 (tonabersat, Fig. 2), un cis benzopyrane, a e´te´ se´lectionne´ sur la base de ses capacite´s a` inhiber sur des mode`les de rongeur, l’hyperexcitabilite´ neuronale ainsi que l’inflammation neuroge`ne trige´minale [29]. Ce compose´, administre´ a` des chats anesthe´sie´s en intrape´ritone´al a` 10 mg/kg, s’est e´galement re´ve´le´ comme un puissant inhibiteur de

Fig. 2. Structure du tonabersat.

la libe´ration de monoxyde d’azote associe´e a` une CSD induite par l’application de KCl sur le parenchyme cortical [30]. Le monoxyde d’azote pouvant activer les affe´rences des fibres nociceptives trige´minales, cela conforte l’ide´e que le tonabersat pourrait avoir un pouvoir antimigraineux inte´ressant. En utilisant le meˆme mode`le animal, ce compose´ a produit de fac¸on dose de´pendante une forte re´duction du nombre de de´polarisations et de la dure´e totale de l’activite´ CSD au niveau du cerveau, ainsi qu’une re´duction du nombre de vasodilatations des arte`res de la pie me`re induites par la CSD [31]. De plus, contrairement aux agonistes se´rotoninergiques comme le sumatriptan, le tonabersat ne semble pas avoir d’effet secondaire au niveau du syste`me cardiovasculaire [32]. Le tonabersat a ensuite e´te´ e´value´ chez le chat anesthe´sie´ sur le re´flexe neurovasculaire parasympathique, de´clenche´ en stimulant le ganglion du nerf trige´minal et provoquant une vasodilatation de la carotide. Un re´flexe du meˆme type, mais a` destination des vaisseaux sanguins de la dure me`re, est implique´ dans la physiopathologie de la crise migraineuse avec aura. La perfusion intraveineuse du tonabersat (3,4 mmol/h) produit une inhibition maximale de ce re´flexe de 30 % a` quatre heures et son administration intraduode´nale (10 mg/kg) une inhibition de 55 % a` deux heures [33]. Ce compose´, en de´pit de son large spectre d’activite´, semble bien tole´re´ meˆme a` fortes doses et ne pre´sente pas d’effet secondaire au niveau du syste`me nerveux central. Une se´duisante e´tude re´alise´e chez le rat a permis de proposer un me´canisme d’action pour le tonabersat [34]. Dans cette e´tude, une stimulation pe´riphe´rique des neurones trige´minaux s’est accompagne´e d’une augmentation de la communication jonctionnelle entre neurones et cellules gliales satellites au sein du ganglion trige´minal, phe´nome`ne propose´ comme pouvant maintenir l’excitabilite´ neuronale et la sensibilisation pe´riphe´rique. Les auteurs montrent e´galement que le tonabersat (10 mg/kg en intrape´ritone´al) est un inhibiteur du couplage jonctionnel entre ces cellules, probablement en diminuant l’expression de la Cx26. Ces re´sultats sugge`rent tout d’abord, que le site de fixation se´lectif, ste´re´o-spe´cifique et a` forte affinite´ du tonabersat mis en e´vidence au niveau du cerveau de plusieurs espe`ces dont l’humaine, pourrait-eˆtre localise´ plus pre´cise´ment sur les sites de jonctions gap entre neurones et cellules gliales [29]. De plus, le tonabersat pourrait pre´venir la sensibilisation pe´riphe´rique au niveau du ganglion trige´minal. Apre`s ces observations initiales re´alise´es sur des mode`les animaux, les premie`res e´tudes cliniques ont de´bute´. Une e´tude multicentrique (Danemark, Grande-Bretagne) randomise´e en double insu contre placebo, a e´te´ entreprise en utilisant comme mode`le les crises provoque´es par une perfusion de glyceryltrinitrate [35]. Cette e´tude a inclus 15 patients de 18 a` 55 ans, souffrant de migraine sans aura et ayant de six a` 36 crises par an. La prise de 40 mg de tonabersat, ou de placebo, e´tait suivie par une perfusion de glyceryltrinitrate pendant 20 minutes comme inducteur. Cette e´tude a e´te´ stoppe´e pre´mature´ment, apre`s l’apparition totalement inattendue chez certains patients d’une hypotension, sugge´rant une interaction entre le tonabersat et le glyceryltrinitrate. Pour les neuf patients dont les re´sultats ont pu eˆtre exploite´s, le tonabersat n’a pas pre´sente´ d’activite´ antimigraineuse statistiquement significative par rapport aux patients sous placebo. Toutefois, le nombre de patients e´tait trop faible pour pouvoir en tirer des conclusions de´finitives. Une deuxie`me e´tude multicentrique (Danemark, Hongrie, Afrique du Sud) randomise´e de phase II en double insu contre placebo, a e´te´ mene´e afin de mieux appre´hender le pouvoir prophylactique potentiel du tonabersat dans la migraine [36]. Les patients inclus dans cette e´tude e´taient aˆge´s de 18 a` 55 ans, souffraient de migraine avec ou sans aura et pre´sentaient de deux a` six crises par mois. Les re´sultats obtenus sur 123 patients ont pu eˆtre exploite´s (58 traite´s par le tonabersat, 65 par un placebo). Apre`s une pe´riode d’observation d’un mois, les

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patients recevaient 20 mg/jour de tonabersat par voie orale (ou un placebo) pendant deux semaines, puis 40 mg/jour pendant dix semaines (ou un placebo). Le premier crite`re a` e´valuer dans cette e´tude e´tait l’effet du tonabersat sur le nombre moyen de crises par mois. En comparant la pe´riode initiale d’observation a` la situation apre`s trois mois de traitement, aucune diffe´rence significative n’a e´te´ trouve´e entre le groupe de patients traite´s par le tonabersat et le groupe de patients sous placebo. Dans cette e´tude, les expe´rimentateurs ont e´te´ surpris par le fort taux de patients re´pondant a` la prise du placebo. Le nombre de patients inclus e´tant conside´re´ comme encore trop faible, et d’autre part, le tonabersat ayant eu des effets significatifs sur certains des seconds crite`res a` e´valuer dans cette e´tude (comme la consommation de me´dicaments de secours) et e´tant bien tole´re´ par les patients, les essais cliniques sur le tonabersat ont e´te´ poursuivis par le groupe d’e´tude constitue´ pour de´velopper l’utilisation de cette mole´cule dans le traitement de la migraine. Dans une troisie`me e´tude clinique unicentrique de phase IIb re´alise´e aux E´tats-Unis (TEMPUS) randomise´e en double insu contre placebo, 500 patients migraineux avec ou sans aura ont e´te´ inclus. Ils ont e´te´ traite´s par le tonabersat a` 40 ou 80 mg, ou par placebo, en une prise journalie`re pendant 20 semaines. Le premier crite`re d’e´valuation dans cette e´tude, a` savoir une re´duction significative par le tonabersat du nombre de crises de migraine chez les patients pendant les huit dernie`res semaines de traitement, par rapport a` la pe´riode d’observation initiale, n’a pas e´te´ atteint et les re´sultats de´taille´s n’ont pas e´te´ publie´s. Une e´tape importante a e´te´ franchie, avec une quatrie`me e´tude clinique unicentrique de phase II re´alise´e au Danemark, randomise´e, croise´e et en double insu contre placebo. En effet, contrairement aux e´tudes pre´ce´dentes, celle-ci a inclus uniquement des patients souffrant de migraine avec aura [37]. Les patients, aˆge´s de 19 a` 65 ans, devaient avoir pre´sente´ au moins une crise avec aura par mois pendant les trois mois pre´ce´dant l’e´tude. Ils ont e´te´ traite´s par le tonabersat a` 40 mg ou un placebo en une prise journalie`re suivant un sche´ma classique d’essai croise´ (tonabersat puis placebo ou placebo puis tonabersat, 12 semaines pour chaque condition de traitement avec quatre semaines de de´lai entre les deux traitements). Sur les 39 patients inclus, les re´sultats de 31 ont pu eˆtre analyse´s. Dans cette e´tude, un des deux premiers crite`res d’e´valuation a e´te´ valide´, a` savoir une re´duction significative par le tonabersat (par rapport au placebo) du nombre moyen de crises d’aura (avec ou sans ce´phale´es) et du nombre moyen de crises d’aura suivies d’une ce´phale´e pendant les 12 semaines de traitement. En revanche, concernant l’autre premier crite`re d’e´valuation a` valider dans cette e´tude, les re´sultats sont plus contraste´s. Si le nombre de jours de ce´phale´e (avec ou sans aura) n’est pas statistiquement diffe´rent, une diminution significative du nombre moyen de crises de ce´phale´e (avec ou sans aura) est observe´e pendant les 12 semaines de traitement. Meˆme si ces re´sultats demandent a` eˆtre confirme´s dans le cadre d’une e´tude a` plus grande e´chelle, le tonabersat semble avoir un effet pre´ventif vis-a`-vis de la migraine avec aura, en rapport avec l’observation pre´clinique d’une inhibition de la CSD par le tonabersat, mais pas vis-a`-vis de la migraine sans aura. Ces re´sultats affaiblissent aussi par la` meˆme l’hypothe`se selon laquelle une CSD asymptomatique serait implique´e dans la physiopathologie de la migraine sans aura. Restait a` e´tudier l’utilisation du tonabersat en traitement aigu de la migraine. Deux articles publie´s en 2009 dans le meˆme nume´ro de la revue Cephalalgia, de´crivent les re´sultats obtenus lors de trois e´tudes cliniques multicentriques de phase II. Ces e´tudes randomise´es et en double insu contre placebo ont inclus des patients migraineux avec ou sans aura. Pour eˆtre inclus dans ces e´tudes, les patients devaient eˆtre aˆge´s de 18 a` 65 ans et devaient souffrir de crises de migraine depuis au moins un an au de´but de l’e´tude, avec de une a` six crises par mois. Dans ce qui aura e´te´ la

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cinquie`me e´tude clinique sur le tonabersat, les patients ont e´te´ suivis dans 53 centres re´partis entre 12 pays [38]. Ils ont e´te´ traite´s par le tonabersat a` 20 ou 40 mg, du sumatriptan a` 50 mg utilise´ comme controˆle positif, ou sous placebo en une prise orale au de´but d’une crise mode´re´e ou se´ve`re de migraine. Les re´sultats ont pu eˆtre analyse´s pour 406 des patients ayant participe´ a` cette e´tude. Le tonabersat a` 20 ou 40 mg n’a montre´ aucune action significative jusqu’a` quatre heures apre`s la prise comme traitement de la migraine en phase aigue¨, en comparaison avec les patients sous placebo. Les sixie`me et septie`me e´tudes cliniques ont e´te´ de´crites dans un meˆme article [39]. Dans ces deux e´tudes, le tonabersat a e´te´ utilise´ a` des doses de 15 a` 80 mg en une seule prise orale en de´but de crise mode´re´e ou se´ve`re. Une de ces e´tudes e´tait internationale (Europe, Australie, Afrique du Sud) et l’autre limite´e a` l’Ame´rique du nord (E´tats-Unis, Canada). Les re´sultats ont pu eˆtre analyse´s pour 438 des patients ayant participe´ a` l’e´tude internationale et 413 pour l’e´tude nord ame´ricaine. Dans l’e´tude internationale, le tonabersat s’est montre´ significativement plus efficace que le placebo pour soulager des migraines mode´re´es a` se´ve`res. Il s’est montre´ efficace deux heures apre`s le traitement (pour 15 et 40 mg de tonabersat), quatre heures apre`s (pour 40 mg) et pour faire comple`tement disparaıˆtre les ce´phale´es (pour 40 mg). Dans l’e´tude nord ame´ricaine, aucune diffe´rence significative n’a e´te´ montre´e. Les re´sultats de ces deux e´tudes et plus particulie`rement la nord ame´ricaine, pourraient eˆtre fausse´s par un traitement ante´rieur par le sumatriptan d’un certain nombre de patients. De plus, les analyses pharmacocine´tiques re´ve`lent une absorption relativement lente du produit. En se basant sur l’ensemble de ces donne´es, les auteurs des trois dernie`res e´tudes cliniques en arrivent a` la meˆme conclusion, l’utilisation du tonabersat semble plus approprie´e en traitement prophylactique, avec des prises journalie`res. Les re´sultats d’autres essais cliniques sont en attente [40].

5. Conclusions Plusieurs enseignements peuvent eˆtre tire´s des e´tudes pre´cliniques et cliniques du tonabersat. Tout d’abord, concernant les me´canismes physiopathologiques de la migraine. Les jonctions gap semblent implique´es a` plusieurs moments cle´s de la physiopathologie de la migraine avec aura. Premier niveau, les jonctions gap entre cellules gliales et neurones permettent la propagation corticale de la CSD. Second niveau, le ganglion trige´minal, ou` les jonctions gap entre neurones et cellules gliales satellites semblent implique´es dans la sensibilisation pe´riphe´rique, a` la base de la sensibilisation centrale et donc de la douleur. De plus, le tonabersat n’e´tant actif que sur la migraine avec aura, cela a remis en cause l’hypothe`se de l’implication d’un me´canisme de CSD sous-jacent dans la physiopathologie de la migraine sans aura. D’autres enseignements, concernant le traitement de la migraine, peuvent e´galement eˆtre tire´s de ces e´tudes. Les essais pre´cliniques et cliniques ont montre´ que le tonabersat est bien tole´re´ et sans effet cardiovasculaire ; de plus son profil pharmacocine´tique sugge`re une utilisation comme agent prophylactique. Au vu des me´canismes d’action des me´dicaments pre´cite´s dans le traitement de fond de la migraine, le tonabersat offre une nouvelle cible pharmacologique et affranchirait des effets inde´sirables lie´s a` la vasoconstriction. Meˆme si le tonabersat ne semble pre´venir que les crises de migraine avec aura, le nombre de patients concerne´s n’est pas ne´gligeable. De plus, le risque d’infarctus ce´re´bral est double´ chez les personnes souffrant de migraine avec aura, plus particulie`rement chez les jeunes femmes, ce risque augmentant avec la fre´quence des crises [41]. Avoir a` disposition dans le panel the´rapeutique un traitement qui pourrait non seulement pre´venir les de´sagre´ments imme´diats associe´s a` la crise migraineuse mais e´galement les se´quelles potentielles a` long terme de crises

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re´pe´te´es, serait une avance´e importante. Les traitements prophylactiques sont encore peu utilise´s par les patients souffrant de ˆ t de cette maladie pour notre socie´te´ est migraine alors que le cou tre`s e´leve´. Or, le de´veloppement d’une me´dication pre´ventive permettrait de diminuer la consommation de me´dicaments lors des crises ainsi que le nombre de consultations en cabinet me´dical ou en urgence hospitalie`re. La physiopathologie de la migraine avec aura impliquant le couplage jonctionnel par jonctions gap entre neurones et cellules gliales, la caracte´risation des Cxs pre´sentes au niveau de ces canaux jonctionnels et le de´veloppement de mode`les permettant de les e´tudier, sont des pistes a` explorer a` l’avenir. Cela permettrait de de´velopper de nouveaux outils the´rapeutiques afin de traiter efficacement la migraine avec aura en supprimant ou diminuant spe´cifiquement le couplage jonctionnel dans des sous-populations cellulaires du syste`me nerveux. De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article. Re´fe´rences [1] Haut SR, Bigal ME, Lipton RB. Chronic disorders with episodic manifestations: focus on epilepsy and migraine. Lancet Neurol 2006;5:148–57. [2] Headache Classification Committee of the International Headache Society. Classification and diagnostic criteria for headache disorders, cranial neuralgias and facial pain. Cephalalgia 2004;24(Suppl. 1):9–160 [2nd ed.]. [3] Rackauskas M, Neverauskas V, Skeberdis VA. Diversity and properties of connexin gap junction channels. Medicina 2010;63:1–12. [4] Herve´ JC, Derangeon M, The´veniau-Ruissy M, Miquerol L, Sarrouilhe D, Gros D. Connexins and junctional channels. Roles in the spreading of cardiac electrical excitation and heart development. Pathol Biol 2008;56:334–41. [5] Budunova IV, Williams GM. Cell culture assays for chemicals with tumorpromoting or tumor-inhibiting activity based on the modulation of intercellular communication. Cell Biol Toxicol 1994;10:71–116. [6] Herve´ JC, Sarrouilhe D. Connexin-made channels as pharmacological targets. Curr Pharm Des 2005;11:1941–58. [7] Nakase T, Naus CC. Gap junctions and neurological disorders of the central nervous system. Biochim Biophys Acta 2004;1662:149–58. [8] Orthmann-Murphy JL, Abrams CK, Scherer SS. Gap junctions couple astrocytes and oligodendrocytes. J Mol Neurosci 2007;35:101–16. [9] Thompson RJ, MacVicar BA. Connexin and pannexin hemichannels of neurons and astrocytes. Channels 2008;2:81–6. [10] Zoidl G, Dermietzel R. Gap junctions in inherited human disease. Pflugers Arch 2010;460:451–66. [11] Rouach N, Avignone E, Meˆme W, Koulakoff A, Venance L, Blomstrand F, et al. Gap junctions and connexin expression in the normal and pathological central nervous system. Biol Cell 2002;94:457–75. [12] Alldredge B. Clinical connexions. J Clin Pathol 2008;61:885–90. [13] Olesen J, Burstein R, Ashina M, Tfelt-Hansen P. Origin of pain in migraine: evidence for peripheral sensitisation. Lancet Neurol 2009;8:679–90. [14] Goadsby PJ, Charbit AR, Andreou AP, Akerman S, Holland PR. Neurobiology of migraine. Neurosci 2009;161:327–41. [15] Bolay H, Reuter U, Dunn AK, Huang Z, Boas DA, Moskowitz MA. Intrinsic brain activity triggers trigeminal meningeal afferents in a migraine model. Nat Med 2002;8:136–42. [16] Chasman DI, Schurks M, Anttila V, de Vries B, Schminke U, Launer LJ, et al. Genome-wide association study reveals three susceptibility loci for common migraine in the general population. Nat Genet 2011;43:695–9. [17] Antilla V, Stefansson H, Kallela M, Todt U, Terwindt GM, Calafato MS, et al. Genome-wide association study of migraine implicates a common susceptibility variant on 8q221.1. Nat Genet 2010;42:869–73.

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