Annales Médico Psychologiques 161 (2003) 220–226
Communication
La folie de Lucie de Lammermoor Lucia di Lammermoor’s madness J. Verdeau-Pailles * Domaine de Boyer, 11333 Saint-Martin-de-Villereglan, France
Résumé L’une des plus touchantes expressions de la folie à l’opéra est présentée par le personnage de Lucie dans l’opéra emblématique du Romantisme italien, Lucia di Lammermoor, de Donizetti. La musique lui donne une présence et une âme, renforçant le pouvoir du texte du livret inspiré du roman de Walter Scott, The bride of Lammermoor. Nous nous proposons d’étudier la vérité clinique et psychopathologique du cas de Lucie, dans les versions italienne et française de l’opéra. Nous analyserons la façon dont son expression littéraire et musicale parvient à faire passer l’émotion et à provoquer en nous la « jouissance lyrique ». Parmi les héroïnes de l’opéra atteintes de folie, nous évoquerons celles dont le cas peut se rattacher à celui de Lucie. Nous envisagerons à leur propos la place de la folie dans l’opéra du XIXe siècle, à l’époque où de grands psychiatres étudient la clinique des maladies mentales, établissent les bases de la nosographie psychiatrique et prônent le « traitement moral de la folie ». © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Summary One of the most moving expressions of madness in operas is given by the character of Lucy in Lucia di Lammermoor by Donizetti, representative of italian Romanticism. The musical score gives her a presence and a soul, reinforcing the power of the libretto drawn from the novel The bride of Lammermoor by Walter Scott. We intend to study the clinical and psychopathological trueness of Lucia’s case, in the italian and french version of the opera. We shall analyse the way its literary and musical expression succeed in passing on emotion and in arousing the lyrical pleasure. Among the heroines of operas hit by madness, we shall evoke those whose case may be connected with Lucia’s. We shall consider the importance of madness in the operas of the nineteenth century, at the time when great psychiatrists study mental disease, set up the basic knowledge of psychiatric nosography and recommend the « moral treatment of madness ». © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Folie à l’opéra ; Jouissance lyrique ; Lucia di Lammermoor de Donizetti ; Psychose hystérique ; The bride of Lammermoor de Walter Scott Keywords: Hysterical psychosis; Lucia di Lammermoor by Donizetti; Lyrical pleasure; The bride of Lammermoor by Walter Scott; The madness in operas
1. Introduction À partir d’un fait divers qui s’est déroulé, en Écosse, au XVIIe siècle, le drame de la folie meurtrière de Miss Jeannette Dalrymple fut à l’origine du roman de Walter Scott The bride of Lammermoor [28]. À son tour, le roman de Walter Scott inspira à Victor Ducange une « pièce héroïque » en 3 actes, la Fiancée de Lammermoor créée en 1828, et à Cammarone le livret de l’opéra qui est généralement consi* Auteur correspondant. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. DOI: 10.1016/S0003-4487(03)00049-0
déré comme l’œuvre maîtresse de Donizetti, Lucia di Lammermoor, créée au théâtre San Carlo de Naples en 1835. L’intérêt de l’étude de la folie de Lucie de Lammermoor nous paraît triple : • elle nous permet de mettre en évidence ce que l’art apporte à l’histoire, comment la littérature enrichit l’événement, et ce qu’apporte la musique au texte, en quoi l’expression de la folie se trouve renforcée par la transposition musicale ; • elle nous met en présence d’un cas clinique parfaitement vraisemblable, d’un état psychotique aigu dans son
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contexte familial et social pathogène et nous fournit assez d’éléments pour que la discussion du diagnostic soit possible ; • enfin, elle nous permet d’évoquer la nature du plaisir musical, de la « jouissance lyrique » partagée. Lucie de Lammermoor est l’une de ces héroïnes de l’univers lyrique victimes d’une accumulation de malheurs qui ne peuvent que nous émouvoir ; elles suscitent tellement la compassion de l’amateur d’art lyrique qu’elles détournent son attention des personnages masculins ; si bien qu’à l’ouvrage de Catherine Clément L’Opéra ou la défaite des femmes [8], Michel Parouty oppose le contenu de son article : L’Opéra ou la victoire des femmes [21] où il écrit ceci : « Entre trahisons amoureuses et morts violentes, suicides spectaculaires ou phtisie galopante (les héroïnes lyriques) se débattent comme elles le peuvent. Personne n’en doute : leur plus farouche ennemi, c’est l’homme, souvent inconstant, et presque toujours terriblement macho. Tant pis pour lui... car, outre que son destin n’est pas forcément des plus désirables, ce n’est pas pour lui, la plupart du temps, que bat le cœur du public. Le ténor a beau tenter de prendre sa revanche chaque fois qu’il le peut, celle que le public adule, c’est la diva, et, à travers elle, le personnage qui revient hanter ses souvenirs. » C’est bien là le contexte dans lequel évolue la pauvre Lucie de Lammermoor, victime des événements, brisée par la cruauté des hommes de son entourage et n’ayant d’autre issue que de sombrer dans la folie, accès confusomélancolique aigu, délire social qui se terminera par la mort.
2. L’expression littéraire et musicale du drame et de la folie de Lucia di Lammermoor dans l’opéra de Donizetti Nous condenserons l’argument et nous y intégrerons des éléments de l’analyse musicale qui serviront de base à l’observation clinique. 2.1. Acte I 2.1.1. Scène 1 L’action se déroule vers 1700 en Écosse dans le district de Lammermoor, en période de guerre. Lucia, sœur de Lord Enrico Ashton, aime en secret Edgardo di Ravenswood ; mais depuis de longues années, une rivalité oppose les deux familles. Enrico a décidé de donner sa sœur en mariage à Lord Arturo Bucklaw, pour servir ses ambitions personnelles. Lucia va être la victime du clan, subir les conséquences de cette rivalité et les contraintes d’un univers uniquement masculin. Son isolement affectif est total : la mort récente de sa mère la laisse désemparée ; la présence de sa suivante Alisa ne lui apporte pas la douceur féminine dont elle aurait besoin. La violence de la partition musicale annonce l’accomplissement d’un drame et souligne le désir de domination d’Enrico, substitut paternel intransigeant, vindicatif et cruel, incapable de pitié.
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2.1.2. Scène 2 Dans la scène 2, en compagnie de sa suivante Alisa, Lucia attend Edgardo dans le parc du château auprès d’une fontaine. La scène est introduite par un très beau prélude en mi bémol majeur ; le changement de tonalité et le choix des instruments, la harpe, à peine soutenue par les pizzicati des cordes, traduisent la douceur et l’amour. Mais les premiers traits de la harpe sont interrompus un instant par les tutti à l’orchestre, qui rappellent le conflit de la scène précédente. Ce lieu a été le théâtre autrefois d’un drame : dans un accès de jalousie, un Ravenswood tua sa jeune femme et jeta son cadavre dans la fontaine. Lucia évoque son destin tragique qu’un rêve vient de lui rappeler : elle a vu le fantôme de la malheureuse victime qui semblait lui faire signe, elle a entendu ses gémissements ; puis l’eau de la fontaine s’est teintée de sang. La Cavatine « Regnava il silenzio... », un larghetto, un superbe nocturne, au début dans la tonalité de mi bémol mineur, est l’un des plus beaux passages de l’opéra ; dans un climat de mélancolie, Lucia accueille ce rêve comme un présage funeste. C’est un épisode onirique délirant si l’on raisonne en psychiatre... ceux qui adhèrent à la légende y voient la manifestation du surnaturel. Mais l’amour va entraîner Lucia dans « Les Vocalises de la passion » [7], chant brillant exprimant l’extase et l’aspiration à la joie éternelle. La mélodie traduit son trouble et la certitude que son amour ne pourra se réaliser que dans la mort, loin de ce monde cruel qui l’opprime. On comprend dès lors que Richard Wagner, le compositeur de Tristan et Isolde, ait été fasciné par l’opéra de Donizetti. Lorsque Lucia chante l’eau ensanglantée de la fontaine, les arpèges, avec des intervalles de dixième de l’aigu au grave, et les trilles peuvent être considérés comme l’expression musicale du délire ou comme l’expression des manifestations occultes selon l’interprétation à laquelle on se réfère. On se rend compte dès cette deuxième scène : • que l’expression des émotions, confiée de manière spécifique aux instruments fait intervenir : C la harpe qui traduit la douceur ; C le duo flûte-clarinette qui traduit les états d’âme de Lucia ; la flûte pour la folie et la clarinette pour l’affectivité ; • que l’expression vocale de l’exaltation amoureuse est variable selon la qualité de la voix des cantatrices en étendue du registre vocal, timbre et puissance ; • et que la structure musicale a le pouvoir de suggérer et de soutenir l’expression : C les gammes ascendantes et descendantes évoquent le ciel qui s’ouvre ; C l’opposition musicale entre les scènes 1 et 2 du 1er acte souligne la différence entre le monde réel hostile et le monde du rêve qui seul permet à l’amour de s’épanouir. 2.1.3. Scène 3 Edgardo vient prendre congé de Lucia. Il ne fera taire ses idées de vengeance contre la famille Ashton que si Lucia lui
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accorde sa main. Le cri qu’elle pousse, souligné par une progression chromatique ascendante, exprime son émotion et son angoisse. Puis, ce sont surtout les accents de la passion que les deux amants vont traduire dans le seul et magnifique duo d’amour de l’opéra, par un superbe thème mélodique en si bémol majeur « Verranno a te sul l’aure i miei sospiri ardenti »... d’abord chanté par Lucia, puis par Edgardo. À la troisième reprise, les deux voix chantent à l’octave, introduites par les instruments représentatifs des deux aspects de la personnalité de Lucia, la flûte et la clarinette ; puis les deux voix s’envolent vers l’aigu, un contre-ut pour Lucia, un mi bémol pour Edgardo. Le tempo s’accélère jusqu’aux adieux, qu’une fin brusque nous fait comprendre définitifs. En gage de leur serment, ils ont échangé leurs anneaux. 2.2. Acte II 2.2.1. Scène 1 Elle est une entrevue dramatique entre Enrico et Lucia. Décidé à vaincre l’opposition de sa sœur à épouser Bucklaw, Enrico a intercepté les lettres d’Edgardo et a rédigé un faux destiné à lui prouver l’infidélité de ce dernier. Une cantilène en si mineur accompagne l’entrée de Lucia, confiée dans la version originale à la clarinette qui exprime sa vie émotionnelle. La voix de Lucia traduit sa révolte par une chute du sol aigu au fa grave ; dans une phrase musicale proche de celle de ses aveux à Edgardo au premier acte, elle met son frère au courant du serment qui les a unis. Alors Enrico va lui montrer la fausse lettre ; la structure musicale renforce les effets du choc que provoque la soidisant trahison d’Edgardo : brusques variations de tempo et altérations de l’harmonie ; deux accords de triton, le « diabolus in musica » ; puis des passages des violons en pizzicati d’où se détache un cor d’harmonie qui annonce la plainte de Lucia résignée à mourir. La dernière phrase « quel core infedele ad altra si dié » (Ce cœur infidèle à une autre s’est donné), soutenue par la flûte, instrument de la folie de Lucia, annonce que sa raison est en train de basculer. Comme dans un état second, elle répète machinalement cette phrase. Nullement ému par le désespoir de sa sœur, Enrico se livre à un odieux chantage : il lui dit que, si elle refuse d’épouser Arturo Bucklaw, il en mourra et que son fantôme viendra la hanter. Le chapelain conseille à Lucia de se soumettre, invoque sa mère morte et lui promet le soutien de Dieu : l’aria moderato en fa majeur se voudrait rassurant mais son rythme à 4 temps en fait une marche au supplice. Lucia cède à la pression. Certains commentateurs voient dans l’attitude de Lucia un désir inconscient de mortification [29] ; d’autres, parmi lesquels des interprètes du rôle, n’acceptent pas cette interprétation. 2.2.2. Scène 2 Dans la grande salle du château, les invités suivis d’Arturo et d’Enrico se préparent à célébrer les noces de Lucia et d’Arturo ; l’intervention de la flûte et de la clarinette évoque Lucia bien qu’elle ne soit pas présente pendant le duo entre
son frère et son futur époux. Lorsque enfin elle se montre, elle apparaît désespérée, et sa plainte Gran Dio ! est accompagnée par un magnifique motif élégiaque joué alternativement aux violoncelles, aux premiers violons, au hautbois et repris à l’orchestre. L’arrivée inopinée d’Edgardo accroît la tension dramatique, et Lucia s’évanouit. Le passage qui va suivre est l’un des plus beaux du répertoire lyrique : quatuor puis sextuor, il préfigure Verdi et il influença Wagner. À l’aide de sublimes phrases mélodiques qui se déploient et s’entremêlent, chacun des personnages s’exprime : Edgardo, ému, contient sa colère ; Enrico est partagé entre sa haine vis-à-vis d’Edgardo, la satisfaction de ses intérêts et sa pitié trop tardive vis-à-vis de Lucia ; Raimondo exprime sa compassion, et Alisa son attachement. Le chant de Lucia, désespéré, plane au-dessus des autres voix. Edgardo apprend que Lucia a signé son contrat de mariage. Il refuse d’écouter ses explications et lui réclame son anneau, gage de leur serment. Elle est comme obnubilée lorsqu’elle le lui rend ; elle tombe à genoux, en appelant la mort, s’offrant en sacrifice pour sauver la vie d’Edgardo menacée par le clan adverse. Edgardo part, laissant Lucia effondrée. Elle a subi tant de pressions que l’on ne peut que s’attendre à un passage à l’acte. 2.3. Acte III Passons sur la scène 1 qui ne concerne pas directement Lucia, pour insister sur la scène 2 qui est celle de la folie. Les festivités du mariage sont interrompues par le chapelain qui vient de découvrir le cadavre d’Arturo, baignant dans son sang ; Lucia a manifestement perdu la raison ; elle serre dans ses mains le poignard avec lequel elle vient de tuer son époux. Elle fait son entrée sur scène, échevelée, son vêtement de nuit taché de sang, en plein délire. Nous assistons à la scène de la folie la plus célèbre de l’histoire de l’opéra ; elle est introduite par une transition harmonique qui fait alterner l’exaltation, l’abattement et les silences. Lucia va revivre « l’envers de sa destinée » ; dans une sorte de rêve éveillé, elle vit en imagination et dans le bonheur toutes les étapes de son histoire qui dans la réalité étaient marquées par les échecs et les frustrations, depuis la scène de la fontaine jusqu’à son mariage avec cette fois Edgardo pour époux, soutenu par un larghetto tendre et exalté. La voix et la flûte se répondent en d’éblouissantes vocalises. L’arrivée d’Enrico va la faire retomber dans la réalité. Dans un récitatif émouvant Lucia accuse son frère, en une longue phrase ascendante, d’avoir fait d’elle une victime. Ses dernières paroles sont pour Edgardo : elle priera pour lui au ciel en attendant qu’il la rejoigne. Le tempo, un allegro moderato en fa majeur, suivi d’une modulation en la bémol majeur, traduisent la transfiguration de Lucia que la mort va libérer. Sa voix monte au ré aigu, avec des traits chromatiques ascendants, et termine sur un si aigu, s’envolant au-
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dessus des voix d’Enrico, de Raimondo, du chœur et de l’orchestre. La dernière scène se déroule au cimetière. Edgardo, atterré, apprend que Lucia est morte en prononçant son nom. Plusieurs éléments musicaux l’évoquent : la mélodie qui double à la tierce la voix d’Edgardo, l’intervention de la flûte et de la clarinette, et le thème de l’aria qui reprend la ligne mélodique de l’aria de Lucia au premier acte « Regnava il silenzio ». Le glas sonne, annonçant le cortège funèbre. Une deuxième fois la flûte et la clarinette se répondent, accompagnées par un thème élégiaque aux violoncelles. Edgardo se poignarde en appelant Lucia [4].
3. De l’analyse psychologique de la personnalité de Lucia à l’étude psychiatrique de sa folie 3.1. La personnalité de Lucia La Lucia de Cammarano et Donizetti, comme la Lucie de Walter Scott, est réservée, douce et soumise ; elle a été nourrie de légendes. Elle fuit la réalité pour se réfugier dans l’imaginaire et elle vit ses rêves. Elle évolue dans un environnement uniquement masculin où s’affrontent l’amour et la haine, les élans de la passion et les interdits d’une morale rigide, les aspirations idéologiques et les intérêts matériels, politiques et sociaux. Les interdits, la froideur affective, le caractère intéressé qui, dans le roman de Walter Scott étaient partagés entre le père, la mère et le frère de Lucie sont ici condensés en un seul personnage, celui de son frère Enrico. Les relations affectives entre le frère et la sœur ne sont cependant pas que de haine et d’hostilité ; c’est sans doute en fonction de leur affection mutuelle que Lucia acceptera de se sacrifier. Mais elle aura essayé de l’affronter avec beaucoup plus de détermination et d’énergie que n’en manifestait la Lucie de Walter Scott vis-à-vis de sa famille. Lucia est l’héroïne romantique par excellence ; au-delà d’un personnage de théâtre, elle est un être sensible, émouvant et vrai. On peut admettre que la personnalité de Lucia correspond à la description par Magnan et Legrain du terrain propice aux bouffées délirantes avec une fréquence particulière chez les personnalités « hystériques ou passives-dépendantes » [14]. Faut-il également faire référence à la notion de « sensitivité » prédisposant au « délire de relation » introduite par Kretschmer, dont Adès rappelle la description [1] ? P. Pichot résume ainsi les conceptions de Kretschmer sur la genèse du tableau psychotique délirant : il serait la résultante : • du caractère sensitif ; • d’un milieu favorisant : une situation sociale considérée comme humiliante ; • d’un événement vécu déclenchant. Ce qui est bien le cas pour Lucia. La nosographie moderne et les DSM-III et DSM-IV n’ont gardé des travaux de Kretschmer que la description du caractère sensitif [22].
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3.2. La folie de Lucia Elle se présente comme une crise psychotique spectaculaire de par l’intensité et la soudaineté des symptômes ; son acuité remplit une fonction de communication et d’appel [6]. L’importance du traumatisme psychique, tel qu’il a été mis en évidence par Kammerer [18], se double d’un vécu de menace émanant du monde extérieur [20] qui permet de parler de « délire social » ; d’où une situation de débordement psychique, de déstructuration qui nécessite la mise en place d’un système de défense : cela rend compte des élaborations oniriques au cours desquelles Lucia revit dans un bonheur rêvé les épisodes récents qu’elle a vécus dans une atmosphère de drame réel. Le passé est aboli et les notions temporelles sont bouleversées. Le facteur de stress va entraîner des réactions d’expression psychotique confusionnelles et délirantes [10] avec ces deux critères bien mis en évidence par Crocq : • absence de conscience de l’état morbide ; • dangerosité du comportement [11]. La symptomatologie présentée par Lucia dans la scène de la folie peut être résumée comme suit : [12] • début soudain ; • précipitation par un événement extérieur ; • dépersonnalisation ; • perturbation des affects ; • inhibition intellectuelle ; • vécu anxieux et dépressif ; • impulsion agressive ; • état crépusculaire ; • amnésie d’une période courte et définie, portant sur son mariage avec Enrico et sur l’acte meurtrier, permettant de faire de cet accès psychotique une « psychose hallucinatoire de désir » selon l’expression de Follin [16]. La désorganisation de la vie psychique suit une « spirale descendante » [32] qui aboutit à l’irréversibilité, à la mort psychique et physique. Si l’on tient compte de tous les détails de l’histoire, de tous les éléments d’information que nous avons sur la personnalité de Lucia, et du regard clinique porté sur les manifestations pathologiques depuis l’épisode onirique de la fontaine jusqu’au meurtre, la folie de Lucia correspond à la description d’une « psychose hystérique ». Le diagnostic, « délire hystérique » selon Janet [17] et selon Freud [15], « psychose hystérique » pour Follin, est une réalité clinique qui doit être conservée, alors que les nouvelles classifications l’ignorent [3]. Franco Zefirelli, mettant en scène Lucia di Lammermoor à la Scala, a voulu renforcer l’impression de désorganisation psychique et de comportement hystérique : il a imposé à l’actrice de se rouler par terre en déchirant ses vêtements [33]. La folie de Lucia ne pose guère de diagnostic différentiel. Son acte meurtrier apparaît bien comme une pulsion agressive non préméditée, perpétrée au cours d’un état aigu de désorganisation.
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Nous devons mentionner cependant le point de vue d’un autre metteur en scène, Pier Luigi Pizzi [23], qui affirme la préméditation. Pour lui, c’est la malédiction d’Edgardo qui la pousse au meurtre. Elle doit tuer Arturo pour échapper à la souillure d’un rapport sexuel ; elle ne peut vivre son rêve d’un bonheur absolu qu’après avoir tué. Pier Luigi Pizzi estime illogique que Lucia arrive en scène en chemise de nuit maculée de sang ; il ne lui paraît pas crédible qu’elle se soit déshabillée pour tuer.
4. Les apports de la musique à l’expression de la folie de Lucia. La voix d’opéra et la jouissance lyrique Au pouvoir de la musique s’ajoute la magie de la voix. Au pouvoir émotionnel du texte littéraire, la musique apporte un renforcement de l’émotion en donnant corps et âme aux personnages ; Balzac parlait du « pouvoir magique de la musique, le plus sensuel des arts pour les âmes amoureuses » [5]. De même que, selon Balzac, Mozart était « le rival heureux de Molière » avec Don Giovanni, de même pourrions-nous prétendre que dans les grandes scènes de Lucia di Lammermoor Donizetti apparaît comme « le rival heureux de Walter Scott ». Les voix jouent un rôle essentiel dans le retentissement émotionnel de la musique d’opéra, entraînant l’auditeur– spectateur dans une sorte d’envoûtement [2,9,13,30,31]. C’est dans l’opéra romantique, dont Lucia est l’une des grandes héroïnes, que la « jouissance lyrique » se manifeste avec le plus d’intensité ; les voix de l’opéra romantique permettent la mise en jeu de processus d’identification. Ce sont les « voix de la passion » [7]. Lucia, soprano assoluta, a la voix de la jeunesse ; elle exprime la pureté, la chasteté, les sentiments élevés ; les vocalises traduisent à la fois son innocence et sa fragilité ; lorsqu’elle s’élance vers les hauteurs, les paroles importent peu, elle est du registre des voix célestes ; dotées de pouvoirs magiques, elle envoûte l’auditeur et l’entraîne à sa suite au-delà du réel [24]. Pour M. Poizat, « l’opéra constitue un rituel de mise à mort », la voix qui renvoie à la mort et à la folie étant l’une des formes de ce rituel [25]. L’expression de la folie évolue de la parole chantée au cri musical et au cri tout court. La qualité de l’interprétation vocale du rôle de Lucia modifie la façon dont le spectateur évalue sa personnalité et se laisse émouvoir. Les qualités vocales requises pour le rôle de Lucia sont un timbre clair, un aigu et un suraigu faciles et une voix expressive. L’air de la folie est bien autre chose qu’un air de bravoure pour soprano coloratura. Si les interprétations virtuoses ont été très en vogue au moment de la création, confiées à des « soprano-rossignols », voire à des « soprano-rossignols mécaniques », ce sont les interprétations dramatiques qui jouent le plus sur l’émotion en donnant au rôle une densité inhabituelle et un caractère de vérité. Chaque interprète imprime sa marque. Dans cette catégorie des Lucia dramatiques, on rencontre : • des héroïnes pathétiques et puériles ;
• des Lucia ingénues et rêveuses ; • et des Lucia mélancoliques et bouleversantes dont Maria Callas est la représentante la plus célèbre. La virtuosité musicale existe mais n’est pas recherchée en soi. La tension dramatique atteint son point culminant dans la scène de la folie ; dans son dernier enregistrement, sa voix, exprimant une angoisse profonde, allait jusqu’au sanglot. Tout aussi bouleversante dans l’expression de la folie a été la Lucia de Natalie Dessay dans la version française de l’opéra. Nous avons souhaité rencontrer des interprètes du rôle pour avoir leur point de vue sur la place qu’elles lui attribuaient dans leur carrière et sur la façon dont elles vivaient la folie. Pour des raisons éthiques, nous avons renoncé à prendre contact avec Natalie Dessay. Nous avons eu un entretien avec deux interprètes : Chantal Bastide, qui a eu son prix à l’unanimité au conservatoire de Paris avec l’air de la folie de Lucia, et qui a beaucoup chanté Lucia à l’étranger ; et Christiane Eda-Pierre qui faisait partie de son jury et chantait le rôle à l’opéra Garnier de 1968 à 1970. Toutes deux estiment que Lucia les a beaucoup marquées : elles ont insisté sur leur identification au personnage, sur la personnalité fragile de l’héroïne, sur sa position de victime, la soudaineté du processus psychotique et la gravité du traumatisme affectif déclenchant. Elles ont parlé de la fonction libératrice du meurtre de son époux. Toutes deux ont dénié chez Lucia l’attrait du sacrifice. Pour Christiane Eda-Pierre surtout, la mort n’existe qu’en tant que passage vers un ailleurs, dans une sorte d’éblouissement. Elle a mis l’accent sur la performance vocale exigée par l’opéra romantique, dont la prise de conscience accroît sans doute la jouissance lyrique de l’auditeur... Nous dirons maintenant un mot des héroïnes romantiques proches de Lucia en littérature et dans l’opéra.
5. Héroïnes romantiques proches de Lucia en littérature et dans l’opéra 5.1. En littérature 5.1.1. Madame Bovary de Flaubert La parenté entre Lucia et Emma Bovary est d’autant plus intéressante à étudier que l’identification de la seconde à la première se produit à l’occasion d’une représentation de la version française de l’opéra au cours de laquelle Emma, bouleversée, se reconnaît en Lucia. Le parallèle littéraire et musical intervient : • dans le déroulement des événements de la vie d’Emma Bovary qui sont en correspondance avec ceux de l’histoire de Lucia ; • dans la construction de l’opéra et du roman ; • dans la façon dont Flaubert a transposé la musique dans l’écriture.
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La jouissance lyrique entraîne Emma dans un état second, jusqu’au moment où elle va retomber dans la réalité et s’enfuir du théâtre pour aller rejoindre son amant. 5.1.2. Stilla L’héroïne du roman de Jules Verne Le Château des Carpates, dont l’histoire troublante s’articule autour de la magie de la voix. 5.2. Dans l’opéra Dans l’opéra, d’autres héroïnes atteintes de folie, victimes de leur amour, sont très proches de Lucia. 5.2.1. Ophélie Ophélie, dans Hamlet d’Ambroise Thomas, et sa folie douce au milieu des fleurs qui se termine par son suicide par noyade. 5.2.2. Marguerite Marguerite du Faust de Gounod responsable du meurtre de son enfant dans un accès confusionnel. L’acte de la prison commençait, dans la première version de l’opéra, par une scène de la folie qui a été supprimée dans la version définitive... De la folie, il reste, du moins dans la mise en scène de Lavelli, la camisole de force, cet accessoire qui a disparu des hôpitaux psychiatriques pour réapparaître sur les scènes lyriques.
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vivait, il avait recréé l’atmosphère de son époque... Pour Donizetti également, Lucia, composée au cours d’une période dramatique de son existence, l’accompagnera dans ses derniers moments. Quelques jours avant sa mort, un orgue de barbarie joua sous ses fenêtres le finale de son opéra. On l’entendit murmurer « Ah ! Ma Lucia ! » (A. Duault, 1983). Ce furent ses dernières paroles. J.P. Remy exprime avec sensibilité et poésie la nature de la jouissance lyrique, de cet envoûtement que provoquent chez le spectateur la musique de l’opéra, renforçatrice du texte, et la voix de Lucia : « Lucia devient par l’air de la folie une image radieuse, bouleversante, qui hante nos rêves et revient sans cesse étendre ses grandes ailes blanches tachées du sang de la folie au-dessus des hommes qui auront su si mal l’aimer » [27]... Faut-il suivre M. Poizat quand il ajoute : « La folie n’est pas seulement présente sur scène, elle gagne le public des lyricomanes, tous renvoyés, du moins selon l’étymologie, au groupe des visionnaires délirants. »
Références [1] [2] [3]
5.2.3. Mireille de Gounod La courte folie qui précède sa mort est due à une insolation. Dans son délire, elle croit voir Jérusalem et le SaintSépulcre. Elle mourra dans les bras de Vincent, le pauvre vannier que son père ne voulait pas lui voir épouser.
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5.2.4. Senta Senta, du Vaisseau fantôme de Richard Wagner, Senta qui vit dans la fascination de la légende du Hollandais ; le metteur en scène Harry Kupfer a interprété l’opéra comme l’expression du délire onirique de Senta. L’héroïne meurt sacrifiée et rédemptrice.
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6. Conclusion
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Le drame de Lucia di Lammermoor est l’expression du romantisme qui caractérise la première moitié du dixneuvième siècle. Mais dans la littérature, les arts, la philosophie, la psychanalyse et la psychiatrie, le courant romantique est toujours perceptible [19]. De plus, le drame de Lucia reste actuel : il continue à nous émouvoir parce que son histoire tragique est celle d’une victime écrasée par le contexte social et que ce sont là des situations de tous les temps. Lucia n’est pas un personnage d’opéra conventionnel dont on attend les prouesses vocales ; elle n’est pas non plus une déséquilibrée prédestinée à la folie. Elle est un être sensible, courageux, capable de lutter, mais le combat est inégal et elle le perd. Le personnage de Lucia avait d’ailleurs pris pour Walter Scott une importance telle qu’au manoir d’Abbotsford où il
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Discussion ` la suite de la très intéressante communicaDocteur Ropert : A tion que vient de nous présenter Mme Verdeau-Pailles, je voudrais seulement ajouter deux remarques de détail. • Au triomphe de la création de Lucia di Lammermoor au théâtre San Carlo de Naples, il convient d’associer le génie de Donizetti (qui écrivit 1’œuvre en 2 mois et demi) à la grande qualité des chanteurs qui en furent les premiers interprètes (notamment Fanny Persiani et Gilbert Duprez) ainsi qu’au rôle décisif joué par Cammarano, le librettiste. Ce dernier eut le mérite de condenser une intrigue assez touffue, notamment en supprimant plusieurs personnages du roman de Walter Scott, rendant de cette façon 1’œuvre plus « opérante » du point de vue dramatique. Il fit disparaître le rôle joué dans le roman par les parents de Lucia, notamment par sa mère, la terrifiante lady Ashton. Ainsi, dans 1’opéra, toute 1’épouvantable contrainte familiale se trouve-t-elle reportée sur un seul personnage, Enrico Ashton, le frère de Lucia. • Parmi les particularités de la scène de la folie de Lucia, il y a le fait que celle-ci se place non pas à la fin de 1’œuvre et comme conclusion de celle-ci, mais aux deux-tiers de l’opéra : cette scène achève seulement le destin de 1’héroïne, mais ne termine pas le drame, ce qui est assez inhabituel. Cette scène de la folie est, comme on le sait, marquée notamment par 1’émergence du rôle de la flûte, dont les sons viennent s’entrelacer et répondre en écho à la voix de Lucia, accentuant le caractère distancié et quasi-irréel de cette folie. Il n’est pas sans intérêt, à ce sujet, de préciser qu’à 1’origine Donizetti avait prévu d’employer, non pas la flûte mais un « harmonica de verre » (Glassharmonika) au timbre insolite et presque immatériel ; ce n’est que pour des raisons de commodité, liées à la rareté de 1’instrument et des instrumentistes, qu’il dut y renoncer.