j Pddiatr Pudriculture 1999 ; 12 : 451-6 © 1999 l~difions scientifiques et mddicales Elsevier SAS. Tous droits rdservds
PI~DIATRIEGI~NI~RALE
la maladie caeliaque: donn es r centes, diagnostic et prise en charge J.R Olives, A. Breton, B. Mahjoub Gastroent~rologie, h4patologie et nutrition p6diatriques, d6partement de p~diatrie, H6pital des Enfants, BP 3119, 31026 Toulouse cedex
Re~u le 31 mai 1 9 9 9 ; acceptd le 26 a o f i t
L
e terme de maladie coeliaque a 6te utilis6 pour la premiere fois par Gee en 1888; I'effet d~16t~re du gluten, la notion d'intoI~rance et I'effet positif du r6gime d'exclusion ont 6t~ d~couverts par Dicke en 19S0. PrOs d'un demi-si~cle plus tard, la maladie coeliaque est plus que jamais d'actualit6.
La physiopathologie de l'intol&ance au gluten reste toujours une dnigme, cependant les facteurs immunologiques humoraux et cellulaires ont dtd ddmontrds comme jouant un r61e prdpond&ant. Les facteurs gdn&iques semblent quant ~ieux d&erminants puisque l'association de la maladie coeliaque avec les gSnes et les moldcules du complexe majeur d'histocompatibilitd sur le chromosome 6 est tr~s &roite. Les phdno~ types HLA sont trSs caractdristiques, les antigSnes B8, DR3 et/ou DR7 sont retrouvds chez prSs de 80 % des patients alors que DQW2 est identifid chez 90 ~t 100 % des sujets atteints. Ce sont certaines des diff& rences ph~notypiques qui expliquent le caract~re dminemment variable de la sensibilisation au gluten de m4me que l'expression clinique et sdrologique [1]. Uapparition de nouvelles mdthodes d'investigation de la rdactivitd aux peptides de la gliadine (anticorps de classe IgA et IgG antigliadine, antir&iculine et antiendomysium et maintenant antitransglutaminase) a JOURNAL DE PE~DIATRIEET DE PUERICULTUREn° 8 - 1999
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conduit fi discuter et fi proposer de nouveaux crit~res de diagnostic simplifids n'imposant plus la pratique de trois biopsies systdmatiques apr~s dpreuve d'exclusion et de rdintroduction du gluten. Ces techniques biologiques ont permis de mettre en dvidence des formes atypiques et real connues de maladies cmliaques latentes ou silencieuses ou associ&s ~ d'autres affections (diab~te, convulsions...). La pr&alence de l'intoldrance au gluten (symptomatique et non symptomatique) est estimde fi environ 1 personne sur 200 au sein de la population gdndrale [2]. La prise en charge par un rdgime sans gluten ~ la phase de ddcouverte ne se discute pas. En revanche, la dur& du rdgime (transitoire ou ~ivie), son acceptation au long cours par les patients, les possibilit& de gudrison, l'incidence de l'affection sur la croissance staturale et enfin le risque de cancer restent des sujets de prdoccupation permanente pour les pddiatres et les gastroent&ologues [5].
physiopathologie et g~n~tique de la maladie ceeliaque Les cdrdales toxiques pour les patients coeliaques sont le bld, le seigle, l'orge mais pas l'avoine. Ces cdr&les appartiennent ~i la famille des gramindes; d'un point de rue gdndtique les grains de bl8 peuvent &re t&ra451
plo'ides ou hexaplo'fdes (triticum durum) alors que le seigle et l'orge sont diplo'/des. Le riz et le ma'is ne sont pas toxiques pour les sujets coeliaques et sont souvent utilisds comme substituts dans le rdgime sans gluten. Les gliadines sont les fractions solubles du gluten dans l'alcool, leur poids mol&ulaire varie entre 30 000 et 45 000 Da. Suivant leur migration dlectrophor&ique, on distingue quatre groupes : 06, [~, 8 et 03 ; l'o~-gliadine contient l'A-gliadine qui est la fraction la plus toxique pour la muqueuse au cours de la maladie cceliaque. Les sdquences peptidiques qui sont statistiquement les plus nombreuses dans les fractions toxiques et toujours absentes dans les fractions non toxiques sont : Pro - Ser - Gin - Gin et Gin - Gin - Gin - Pro [5]. Le mdcanisme exact de l'effet ddldt~re des peptides sur la muqueuse n'est pas connu: un ddficit en peptidases ent&ocytaires a dtd dvoqud mais ffa pas dtd prouvd. Une action cytotoxique directe est en cause comme l'attestent les travaux expdrimentaux de culture organotypique d'intestin grele: la pr&ence des peptides toxiques dans le milieu de culture emp&he la rdgdn&ation de fragments de muqueuse de patients codiaques alors que ceux-ci retrouvent une morphologie normale s'ils sont cultivds dans un milieu sans fraction toxique. Cet effet cytotoxique est annuld par l'incorporation de cortico'rdes dans le milieu de culture. Des r&ultats similaires ont dtd obtenus avec des cultures d'intestin foetal de rat ou de poulet : les fractions d'o~-gliadine inhibent la morphogen~se du tissu intestinal avant le 17c jour alors qu'elles sont inacfives sur ce meme intestin apr~s le 21 e jour prouvant ainsi leur caract~re dminemment cytotoxique sur les cellules jeunes immatures ~ifort renouvellement. Un trouble primaire de la permdabilitd intestinale a dtd dvoqud en utilisant rEDTA chrome 51 qui persistait lors de la rdmission des patients mais celui ci n'a pas dtd retrouvd par d'autres auteurs en utilisant le test cellobiose-mannitol. Les autres mdcanismes impliquds au cours de la maladie codiaque sont essentiellement de nature immunologique. Le transport intramuqueux de la gliadine est assurd par des ent&ocytes possddant les fonctions de pr&entation des antig~nes. Les protdines prdsentdes ~t ces cellules sont codees par les g~nes du complexe majeur d'histocompatibilitd (CMH) : les moldcules de ce complexe les plus frdquemment retrouvdes chez les patients coeliaques concernent les rdgions DR, D Q et DP du syst~me HLA de classe II. Ces rdgions contiennent deux g~nes A et B qui codent respectivement les classes o~ et 13 de l'h&drodim~re o~/J3 exprimd ~t la surface des cellules prdsentant l'antig~ne. Le r61e de ces cellules est de rendre l'antig~ne reconnaissable par les lymphocytes T. Ces derniers pourraient &re activds par une nouvelle moldcule crdde par transcompl~mentation des chalnes 0~ et [3. I2&ude immunohistochimique des 452
sous-populations lymphocytaires dans la muqueuse des sujets coeliaques montre que le phdnotype le plus souvent retrouvd est CD 8 + 7 8 + alors que, chez les sujets tol&ant la gliadine, les lymphocytes intramuqueux sont CD 8 + o~ 13 +. La prdsence de ces lymphocytes activds persiste m~me chez les patients coeliaques en rdmission lorsque ces lymphocytes sont stimul& ils sdcr&tent des facteurs cytotoxiques comme des cytokines, des prostaglandines ou des facteurs solubles comme le T-interf& ron. Au niveau humoral, la rdponse immune ~t la gliadine est exacerbde comme en tdmoignent la prdsence de tr&s nombreux plasmocytes fi IgA, IgG et IgM et les titres dlevds d'anticorps IgA et IgG antigliadine, antirdticuline et antiendomysium. D'autres thdories ont dtd avancdes comme le declenchement en deux temps de la maladie et le r61e possible joud par l'addnovirus 12. Les facteurs gdn&iques jouent un r61e prdpond&ant dans la physiopathologie de la maladie coeliaque: 8 ~t 10 % des apparent& de premier degrd prdsentent une atrophie villositaire sensible au rdgime sans gluten. Le taux de concordance entre les jumeaux monozygotes est de 70 %. La participation de un ou plusieurs g~nes situds au sein du complexe majeur d'histocompatibilitd (syst~me HLA) est maintenant bien &ablie. I2association de la maladie coeliaque avec les alleles DR3 ou DR7 est retrouv& chez 90 % des patients, parmi les 10 % resrants c'est l'antig~ne DR4 qui est le plus frdquemment retrouvd. Cette forte liaison avec DR3-DR7 a dtd prdcisde ~il'dchelon mol&ulaire : les patients coeliaques exprimant DR3 ou DR5/DR7 sont porteurs du meme hdt& rodim~re 06o 13o (0to &ant code par le g&ne DQAI*O501 et 13o par le g~ne DQBI*O201). I1 est probable que cet h&drodim&re reconnalt une sdquence particuli~re des peptides de la gliadine. Ces peptides &ant ensuite prdsent& aux lymphocytes T de la lamina propria, les T lymphocytes seraient ainsi sp&ifiquement stimul& et entralneraient les ldsions intestinales typiques de la maladie cceliaque. Les porteurs de l'h&&odim~re qui ont 13o en double dose pr&enteraient un risque sup& rieur de developper une maladie coeliaque. La decouverte du ou des g&nes de la maladie coeliaque est probablement pour bientSt mais un certain nombre de donndes plaident pour l'existence d'autres facteurs de risque fi l'intdrieur du syst~me HLA, mais aussi en dehors de la rdgion HLA. Tout d'abord, le taux de concordance pour les paires de germains HLA identiques est de 30 % alors qu'il est de 70 % pour les jumeaux monozygotes; ce qui indique l'implication d'autres facteurs extdrieurs associ& ou non aux g~nes du syst~me HLA. Ces g~nes non associds au complexe HLA pourraient jouer un r61e d&erminant dans l'expression dinique de la maladie (symptomatique ou J O U R N A L DE PE~DIATRIE ET DE PUE~RICULTURE n ° 8 - 1999
silencieuse) alors que les g~nes associds au complexe HLA seraient responsables de la susceptibilitd ou du risque prddisposant au d&eloppement de la maladie. Les &udes gdn&iques seront donc certainement dans qudques anndes un outil de ddpistage discriminant [5].
MALADIESC(ELIAQUES ^SYMPTOMATIQUES
~
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Les dtudes dpiddmiologiques multicentriques mendes rdcemment en Europe estiment, pour la maladie codiaque symptomatique, une prdvalence d'un sujet pour 1 000 naissances vivantes. Les formes cliniquement muettes seraient beaucoup plus nombreuses : les rdsultats de plusieurs enqu&es de ddpistage au sein d'importants &hantillons de population permettent fi prdsent d'avoir la certitude qu'un nombre consid&able d'individus (1/250) souffrent d'une maladie coeliaque asymptomatique, totalement silencieuse, ou sont porteurs des marqueurs gdndtiques de prddisposition caract&isant une forme latente. Si l'on cumule les taux de pr&alence avancds par ces dtudes pour les sujets symptomatiques et non symptomatiques et qu'on les applique ~i la population fran~aise, on obtient les chiffres ahurissants de 50 000 maladies coeliaques symptomatiques et 200 000 maladies coeliaques asymptomatiques et pour la Communautd europdenne plus d'un million de citoyens qui souffriraient d'une intol&ance au gluten, qu'elle soit symptomatique ou silencieuse, c'est-~-dire 1 sujet sur 200 [1, 2]. Aucune donnde &olutive n'est disponible sur l'ensemble des patients asymptomatiques qui constituent la partie immerg& de l'iceberg de la maladie coeliaque (figure 1). Les risques encourus par les maladies coeliaques latentes ou potentielles (sans atrophie villositaire intestinale) et l'effet que l'on pourrait esp&er d'un rdgime sans gluten dans ces situations ne sont pas connus. La question est donc posee: faut-il ddpister systdmatiquement ces sujets et surtout faut-il les contraindre ~ suivre un rdgime sans gluten strict et prolongd ?
d6finitions et formes cliniques L'expression clinique de l'intoldrance au gluten s'est modifide ces derni~res ann&s, se traduisant par des changements portant 5 la lois sur l'fige du diagnostic et sur les diff&ents tableaux symptomatiques. En fonction de l'intensitd des signes cliniques, les intoldrances au gluten peuvent &re classdes en diff&entes formes (tableau I) [4]. JOURNAL DE PEDIATRIE ET DE PUERICULTURE n° 8- 1999
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GENETIQUE DR3-DQ2 oR ,7-.Q, DR4-DQ8
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ATROPHIE [RE
SU S C ~ T I Z
6pid6miologie
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INTOLERANCES
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AUGLUTEN \ ASYMPTOMATIOUES \ -
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/ MUQUEUSE / INT(ESTINLALE
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Figure 1. IJicebergdes intol6rancesau gluten.
Intoldrances au gluten symNomatiques: elles sont l'expression d'une ent&opathie sdvSre (la maladie cceliaque) avec syndrome de malabsorption regroupant les signes cliniques classiques (diarrhde chronique, ballonnement abdominal, cassure de la courbe de poids). Elles peuvent cependant parfois ne s'exprimer que par un ou deux sympt6mes isolds. [ntoldrances au gluten asymptomatiques (ou silencieuses) : elles sont cliniquement totalement muettes ou simplement limitdes ~iquelques signes non spdcifiques, en particulier chez l'adulte (asthdnie, troubles dyspeptiques). Intolgrances au gluten latentes : dies regroupent les sujets pr&entant des taux significatifs d'anticorps antigliadine et/ou antir&iculine ou antiendomysium, des marqueurs gdndtiques de susceptibilitd et une muqueuse intestinale sans atrophie villositaire. Intoldrances au gluten potentielles : elles se caractdrisent par un statut gdn&ique et immunologique particuller qui constituerait une prddisposition ~t d&elopper, dans certaines conditions favorisantes, une maladie coeliaque active.
diagnostic les m(~thodes de d6pistage s6rologiques Les r&ents ddveloppements des techniques sdrologiques ont permis la commercialisation de tests possddant ~i la lois une grande sensibilitd et une forte sp&itick& 453
Tableau I. kes diff~rentes formes cliniques de I'intol~rance au gluten (IG).
Atrophie villositaire
Marqueurs jndtiques
IG symptomatique (Maladie coeliaque)
+
+
+
+
IG asymptomatique IG ]atente
-
+ +
+ -
+
IG potentielle
-
-
-
+
Signes cliniques
Auto-anticorps
Ces dix derni~res ann&s, ce sont surtout les mdthodes de d&ection des anticorps antigliadine qui ont dtd d&elopp&s, essentiellement par technique Elisa. La mesure des anticorps antigliadine de type IgA a une sensibilitd qui approche 100 % (exceptd chez les patients qui ont un ddficit en IgA) et une tr~s haute sp&ificitd (98 %). La recherche des anticorps de type IgG est aussi tr~s sensible mais la spdcificitd est plus faible (70 %). I1 est donc prdf&able d'utiliser les deux anticorps conjointement. Chez les enfants plus ~tgdset chez les adultes qui prdsentent une maladie coeliaque silencieuse, les r&ultats sont moins fiables avec une sensibilit~ de 50 ~i 80 % seulement, ce qui signifie que seule la biopsie intestinale permet de confirmer le diagnostic et que ces sujets &happent aux enqu&es de ddpistage sdrologique. La d&ection des anticorps antir&iculine de type IgA par la m&hode d'immunofluorescence indirecte sur coupes de rein de rat est dgalement sensible (60 ~i91%) et tr~s spdcifique (99 %) pour le diagnostic de la maladie cceliaque. Les anticorps antiendomysium rdagissent avec la fibre musculaire lisse, en particulier de l'oesophage de singe: les tests disponibles actuellement donnent une sensibilitd et une sp&ificitd tr~s proche de 100 %. I2utilisarion d'un nouveau substrat ~i partir de coupes de cordon ombilical a dtd r&emment validde avec les m~mes r&ultats pour un cofit bien moindre. En ddfinitive, en mati~re de ddpistage non invasif, la combinaison offrant la sensibilitd et la spdcifidtd les plus dlevdes semble &re obtenue en pratiquant simultandment la recherche des anticorps antigliadine de type IgA et IgG associde aux anticorps antiendomysium de classe IgA [1]. Plus r&emment, la transglutaminase a dtd identifide comme l'un des autoantig~nes de la maladie coeliaque, les anticorps antitransglutaminase seront tr~s bient6t un outil s&ologique de choix pour le diagnostic et le ddpistage.
+
SUSPICION OU SYMPTOMATOLOGIE CLINIQUE EVOCATRICE Anticorps Antigliadine, Antireticuline, Antiendomysium POSITIFS
Biopsie dejunale : Atrophie villositaire totale ou subtotale
MISE AU REGIME SANS GLUTEN en quelques sernaines ou mois
R6mission nette des signes cliniques Reprise ponderale N~gativation des ar~tieorps
BIOSPIE DE CONTROLE SUPERFLUE Arrive & ce stade la contr'epreuve (dite de rechute) par r~introduction du gluten n'est pas obligateire
JAMAIS DE REGIME SANS GLUTEN SANS PREUVE HISTOLOGIGUE N B : Dans tous les autres c a s d e figure et chaque lois que F~volution ne paralt pas typique, le recours h la biopsle jdjunale pour connMtre l'6tat de [a m u q u e u s e est fortement recommand6
Figure 2. Procedure de diagnostic simplifi~e de la maladie
ceeliaque.
ten de plusieurs mois et enfin la troisi~me apr~s rdintroducrion du gluten, soit ~ la rdapparition des sympt6mes, soit an moins un an plus tard quand les signes histologiques sont supposds &re rdapparus. Rdcemment, la m~me soci&d et le Groupe francophone d'hdpato-gastroentdrologie et nutrition pddiatriques (GFHGNP) ont reconsiddrd ces crit~res et ont proposd une procddure de diagnostic simplifide utilisant largement les tests sdrologiques (figure 2). Les deux rdquisits qui sont indispensables pour le diagnostic de maladie coeliaque restent: la pratique d'une biopsie intestinale montrant les stigmates histologiques caractdristiques ; une rdmission clinique complete apr~s exclusion du gluten du rdgime alimentaire. I2existence de taux dlev~s d'anticorps antigliadine, antir&iculine et antiendomysium au moment du diagnostic et leur disparition avec le rdgime sans gluten sont un argument suppldmentaire en faveur du diagnostic. Une biopsie de contr61e pour v&ifier la rdmission des signes histologiques n'est exigible que pour les formes atypiques ou asymptomatiques (ce qui est le cas le plus frdquent dans les -
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crit~res de diagnostic En 1969, la Soci~td europdenne de gastroentdrologie et nutrition pddiatriques (ESPGAN) recommandait trois biopsies pour affirmer le diagnostic de maladie coeliaque chez l'enfant: la premiere faite au moment des signes cliniques &ocateurs, la deuxi~me apr~s un rdgime sans glu454
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programmes de ddpistage ou chez les apparentds de premier degrd). I2dpreuve de rdintroduction du gluten n'est pas jug& obligatoire sauf pour exclure dans certains cas douteux une entdropathie aux protdines du lait de vache, une giardiase ou un syndrome postent&itique [4].
d pistage et prise en charge les populations a risque Les membres des families de patients atteints de maladie coeliaque et particuli&rement les apparent& de premier degrd constituent un groupe ~i risque dlevd. Dans une &ude flnlandaise, 42 families ont dtd &udides avec diffdrents marqueurs s&ologiques et un groupage HLA. Une atrophie villositaire a dtd d&ouverte chez 13 des 122 apparentds. Au cours des 3 anndes qui ont suivi, trois nouveaux cas ont dtd ddpistds avec apparition d'une muqueuse atrophique chez des sujets qui avaient initialement une muqueuse normale. La premitre biopsie avait dtd pratiqude en raison de la positivitd des anticorps antir&iculine. A u total, le pourcentage de sujets affectds est de 10,8 % parmi les membres prdsum& en bonne santd des families de sujets symptomatiques. Une importante &ude multicentfique incluant plusieurs pays a retrouvd une prdvalence de 8,7 % de maladies cceliaques chez les parents de premier degrd, la presque totalitd dtant des formes totalement asymptomatiques. Une revue rdcente des facteurs environnementaux et gdndtiques concern& dans la maladie cceliaque dvalue ~i 10 % le pourcentage moyen de parents atteints dans les familles nucldaires. Si le ddpistage ne s'int&esse qu'aux seuls fr&res et sceurs de patients atteints, ce pourcentage est encore plus important, la prdvalence dans les fratries atteignant 18,3 % dans une &ude italienne. Les sujets pr&entant un ddflcit isold en IgA constituent dgalement une population ~i risque: la prdvalence de la maladie coeliaque &ant dix fois plus dlevde chez eux que dans la population gdndrale. La dermatite herp&iforme doit 8tre consid&de comme une variante clinique de la maladie coeliaque : 60 % des patients ont une atrophie villositaire subtotale, 30 % ont une atrophie villositaire partielle, mais les sympt6mes intestinaux sont le plus souvent absents. La maladie cceliaque est une des atteintes intestinales ddcrites chez les enfants trisomiques 21 ; cette anomalie chromosomique &ant prdsente chez 1,6 % des sujets coeliaques. Les troubles de l'auto-immunitd qui accompagnent la trisomie 21 pourraient expliquer le lien entre les deux affections. JOURNAL DE PEDIATRIE ET DE PUERICULTURE n° 8 - 1999
Tableau II. Pathologies associ~es 6 la maladie coeliaque. Dermatite herpdtiforme Ddflcit en IgA Trisomie 21 Convulsions Troubles neuropsychiques Diab~te insulinoddpendant ThyroYditeauto-immune Maladie d'Addison Syndrome de Sj6gren Scl&odermie Lupus &ythdmateuxdissdmind Vascularites Hdpatites auto-immunes Cirrhose biliaire Purpura thrombocytopdnique Andmies hdmolytiques Gastrites atrophiques Ndphropathies ~iIgA Sarco'l"dose Fibrose interstitiellechronique
De tr~s nombreuses affections, dites auto-immunes, peuvent s'associer fi la maladie coeliaque (tableau II): les thyro'idites, la maladie d'Addison, certaines andmies hdmolytiques, le purpura thrombocytopdnique et la sarco'/dose. I2association entre maladie coeliaque et diab~te insulinoddpendant est l'une des plus remarquables chez l'enfant. Une revue de la litt&ature portant sur le ddpistage systdmatique chez des enfants diab&iques montre une prdvalence de cette association de 1 fi 1 1 % [3].
d~pistages au sein de la population normale La mise ~i disposition de moyens de ddpistage tr~s fiables, non invasifs, ~ un coCtt relativement faible (environ 60 francs pour chaque anticorps) a dvidemment suscitd la mise en place d'enqu~tes de grande envergure. 12enqu&e de Catassi et al., mende en Italie centrale dans des dcoles secondaires, a recherchd la pr& sence des anticorps antigliadine IgG et IgA chez 3 351 dl~ves fig& de 11 ~i 15 ans [2]. En cas de positivitd de l'un des anticorps, un dosage des immunoglobulines et une recherche d'anticorps antiendomysium ont dtd pratiquds : une biopsie intestinale a dtd rdalisde chez 18 des enfants qui avaient au moins deux anticorps positifs et une atrophie villositaire a dtd retrouvde chez 11 d'entre eux. La pr&alence estimde de la maladie codiaque infraclinique est donc de 3,28 pour 1 000 soit 1 sujet sur 305. Une autre &ude italienne, conduite avec le mSme protocole dans la rdgion de Brescia par Ravelli et al. dans une population d'enfants scolarisds ~gds de 11 ~l 15 ans a permis de ddcouvrir une maladie coeliaque chez neuf d'entre eux soit une prdvalence de 9,2 pour 1 000 ou de 1 personne sur 109. 455
Tabteau !lli Evolution ~ long terme : complications de la maladie c0eliaque non trait~e.
Andmie ferriprive Retard pond&ostatural Hypocalcdmie Ostdoporose Fractures pathologiques Avortements Stdrilitd Anomalies de l'dmail dentaire Troubles psychiatriques Convulsions Cancers
La recherche des anticorps antigliadine rdalisde en Suede par Grodzinsky et al. chez des adultes donneurs de sang a retrouvd une prdvalence de positivitd de 3,9 pour 1 000. Un chiffre extr~mement proche (3,98 pour 1 000) a dtd fourni par les dtudes conduites chez des dtudiants romains qui &aient explords primitivement pour microcytose.
faut-il faire un d6pistage s~rologique syst~matique ? I2expdrience quotidienne des pddiatres et particuli~rement de ceux impliqu& dans la gastroentdrologie, la diab&ologie et l'endocrinologie corrobore les donndes prdc& dentes : les tests sdrologiques sont un moyen de ddpistage tr~s performant de la maladie coeliaque chez les sujets prdsentant une symptomatologie atypique, une maladie auto-immune ou un retard statural isold. Faut-il les appliquer systdmatiquement au ddpistage de masse ? Le ddpistage n'a de raison d'&re, par ddfinition, que s'il s'adresse ~i des populations ~irisque et dans le but de mettre en oeuvre un traitement, qui est le plus souvent pr&entif. En la mati~re, le <,risque,~ ddpistd par les tests s&ologiques est reprdsentd par la possibilitd d'avoir une maladie coeliaque asymptomatique ou latente. Cette condition ne constituant pas un risque en sol, le probl~me est de savoir si les maladies cceliaques asymptomatiques ou potentidies sont exposdes aux m~mes complications ?i long, terme que les maladies coeliaques actives (tableau II[). Les risques dvolutifs encourus par les patients coeliaques non trait& ou faisant un rdgime mal suivi sont parfaitement connus: andmie ferriprive, retard statural et/ou pond&al, hypocalcdmie, ostdoporose, fractures pathologiques, anomalies dentaires, troubles psychiatriques, convulsions, st&ilitd et cancers. I1 est malheureusement dvident que tousles types de cancers (lymphomes et carcinomes digestifs, mais aussi cancers respiratoires, OR_L, osseux.., sont observ& ~ une fr& quence anormalement haute chez les sujets coeliaques). 456
I2efficacitd du rdgime sans gluten dans la prdvention de ces complications est prouv& pour toutes, sauf pour le risque de cancer pour lequel une seule &ude ~t ce jour montre le r61e protecteur de l'exclusion du gluten du rdgime alimentaire. Un autre ~ldment doit etre pr&ent ~ l'esprit: la compliance au rdgime sans gluten. M~me chez les patients symptomatiques cette compliance, y compris lorsque le suivi mddical est tr~s strict, n'est que de l'ordre de 30 ~i 50 % dans les sdries rapport&s. I1 paralt donc illusoire de vouloir contraindre un sujet asymptomatique ?i suivre un rdgime compliqud, cher (environ 800 francs de surcofit par tools) et pdnalisant pour la vie sociale. Plus encore, il semble pour l'instant, ddraisonnable d'inqui&er des milliers de families en les informant d'un risque potentiel de maladie canc&euse et d'imposer sans arguments scientifiques sufflsants un rdgime h vie ~ititre soit disant <
r~f~rences 1 Branski D, Troncone R. Celiac disease: a reappraisal. J Pediatr 1998; 133: 181-7. 2 CatassiC, R~tsch IM, Fabiani E, Rossini M, Bordicchia F, Candela F, et al. Coeliac disease in the year 2000: exploring the iceberg. Lancet 1994; 343: 200-3. 3 Dabadie A, De Kerdanet M, Bahon-Riedinger I, Lecornu M, Jouan H, Jezequel C. Association maladie eaeliaque et diab6te. Int6r~t des anticorps antigliadine, antir6ticuline et anti-endomysium. Ann Pediatr 1996 ; 43 : 147-51. 4 Olives JP, Breton A. Allergies et intol6rances alimentaires de I'enfant. Rev Prat 1998 ; 48 : 38%93. 5 Olives JP, Ghisolfi J. Donn6es r6centes sur la maladie coeliaque. Ann Pediatr 1996; 43: 224-31.
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