Dossier thématique Génétique Le coin biblio de la SFD
Marqueurs génétiques du diabète de type 2 : quel impact métabolique ? Dimas, et al. Impact of type 2 diabetes susceptibility variants on quantitative glycemic traits reveals mechanistic heterogeneity. Diabetes 2013;december2.
L
e diabète de type 2 (DT2) se caractérise par une résistance à l’insuline et une anomalie de sa sécrétion. On sait aujourd’hui que des facteurs environnementaux et génétiques sont impliqués dans le développement de cette pathologie complexe. Cependant, les défauts métaboliques primaires à l’origine du DT2 ne sont pas encore bien définis. Récemment, des études pangénomiques ont permis de mettre en évidence des polymorphismes génétiques associés au risque de DT2 [1]. Mieux comprendre les défauts fonctionnels associés à ces marqueurs permettrait d’en savoir plus sur physiopathologie de la maladie. Plusieurs études, ont précédemment montré que la plupart (mais pas tous) des marqueurs génétiques du DT2 étaient associés à un défaut de sécrétion de l’insuline plutôt qu’à une insulinorésistance, en se basant essentiellement sur des mesures de la glycémie et de l’insulinémie à jeun [1]. Dans cette étude, les auteurs ont analysé l’impact de 36 variations génétiques associées au risque de DT2, non seulement sur des mesures basales de traits métaboliques intermédiaires chez 58 614 sujets non diabétiques, mais aussi des mesures dynamiques chez 17 327 individus non diabétiques, tous issus de 15 études du consortium MAGIC (« Metaanalyses of glucose and insulin-related traits consortium ») [2]. Les auteurs ont considéré un modèle additif et ont ajusté leurs analyses sur l’âge, le genre et l’indice de masse corporelle. Les paramètres étudiés permettent d’évaluer l’impact des variations génétiques sur les précurseurs de l’insuline (taux de proinsuline à jeun et de proinsuline clivée en 32-33), sur la
sécrétion d’insuline (indice insulinogénique, réponse insulinique aiguë), sur la sensibilité à l’insuline (indices dérivés de l’hyperglycémie provoquée par voie orale, du clamp euglycémique hyperinsulinémique, de la tolérance au glucose intraveineux, et du test de suppression insulinique), et sur la clairance de l’insuline (taux de peptide C). Ces résultats ont ensuite été combinés avec les données obtenues précédemment sur l’insulinémie à jeun, la glycémie à jeun et les indices HOMA (« homeostasis model assessment ») [2]. Les auteurs ont ainsi pu observer qu’il existait 5 grandes catégories d’effets métaboliques associés aux marqueurs génétiques du DT2. Les loci associés à l’insulinorésistance (mesurée au niveau basal mais aussi après stimulation) sont PPARG, KLF14, IRS1 et GCKR. Les porteurs de ces variations génétiques semblent avoir une meilleure fonction bêta-pancréatique que les non porteurs, alors que cela reflète juste le mécanisme compensatoire du pancréas en présence d’insulinorésistance. A l’exception de PPARG, les autres loci sont plutôt faiblement associés au risque de DT2. Ces résultats suggèrent qu’il est possible que d’autres marqueurs puissent avoir un effet modeste sur l’insulinorésistance (comme par exemple HMGA2 [3]) même si cela n’a pas été détecté dans cette étude. Un seul locus (ARAP1) a été associé à une diminution du taux de proinsuline plasmatique. Contrairement à ce qu’ont pu mettre en évidence certaines études épidémiologiques, les porteurs des allèles à risque (si on combine tous les marqueurs génétiques du DT2) ont non seulement une diminution de la sécrétion d’insuline (basale
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et stimulée) mais aussi une diminution du taux de proinsuline [4]. Les loci associés à l’hyperglycémie sont MTNR1B et GCK. Ils sont aussi associés à une dysfonction importante de la cellule bêta-pancréatique (basale et stimulée). L’absence d’effet sur le taux de proinsuline suggère que l’effet délétère se situe plutôt au niveau de la sécrétion de l’insuline qu’au niveau de la maturation de l’insuline. Huit loci (DGKB/TMEM195, ADCY5, THADA, CDKAL1, CDKN2A/2B, PROX1, HHEX/IDE, SLC30A8 et TCF7L2) semblent quant à eux agir sur la fonction bêtapancréatique sans pour autant avoir un effet marqué sur la glycémie comme MTNR1B ou GCK. Enfin, aucun effet métabolique clair n’a pu être démontré pour les 20 loci restants. Ceci pourrait être expliqué en partie par le fait que la plupart de ces marqueurs sont modestement associés au risque de DT2. On peut aussi supposer que certains d’entre eux ne sont tout simplement pas associés directement à un défaut de l’homéostasie du glucose, telle qu’elle a été mesurée dans l’étude. Une étude précédente a par exemple montré que pour les loci du DT2, il existait une faible corrélation entre les niveaux d’association avec le risque de DT2 et les niveaux d’association avec la glycémie à jeun [3]. Ces résultats suggèrent donc que ces paramètres ne sont pas toujours directement reliés. Malgré le nombre très important d’individus analysés et les nombreux traits métaboliques étudiés, il existe certaines limitations à cette étude. Tout d’abord il n’a pas été possible d’évaluer prospectivement les effets métaboliques de ces variations
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Génétique Le coin biblio de la SFD génétiques sur le développement de la maladie. Les auteurs pensent aussi que la précision de certaines méthodes d’analyse des traits intermédiaires pourrait être imparfaite. D’autre part, afin de ne pas introduire de biais dus à la présence de DT2 ou d’un traitement, cette étude n’a été réalisée que chez des sujets non diabétiques. Une des conséquences de ce design est, par exemple, l’observation d’une apparente amélioration de la fonction bêta-pancréatique chez les porteurs des marqueurs associés à l’insulinorésistance. Il faut donc être prudent dans l’interprétation des résultats obtenus. De plus, les variations génétiques étudiées ne sont pas nécessairement causales. Elles peuvent être l’écho d’autres mutations causales ailleurs sur le locus. Or, on peut s’attendre à ce que l’effet sur les traits métaboliques soit plus fort et donc plus détectable si on étudie ces mutations. Enfin, plus d’une soixantaine de marqueurs
génétiques ont été identifiés chez les européens [1]. Il conviendrait donc d’étendre cette étude à d’autres polymorphismes génétiques, même si la plupart ont des faibles niveaux d’association avec le DT2. En conclusion, cette étude montre qu’il existe une certaine hétérogénéité dans les effets métaboliques associés aux marqueurs génétiques de DT2. Dans chacune des catégories listées, il existe aussi probablement des sous-catégories car les défauts métaboliques peuvent varier d’un gène à l’autre même si les conséquences observées sont similaires. Il reste néanmoins difficile d’étudier par ces méthodes à grande échelle les effets fonctionnels des marqueurs génétiques qui sont faiblement associés au risque de DT2. Stéphane Cauchi
Références [1] Morris AP, et al. Large-scale association analysis provides insights into the genetic architecture and pathophysiology of type 2 diabetes. Nat Genet 2012;44:981-90. [2] Scott RA, et al. Large-scale association analyses identify new loci influencing glycemic traits and provide insight into the underlying biological pathways. Nat Genet 2012;44:991-1005. [3] Voight BF, et al. Twelve type 2 diabetes susceptibility loci identified through large-scale association analysis. Nat Genet 2010;42:579-89. [4] Strawbridge RJ, et al. Genome-wide association identifies nine common variants associated with fasting proinsulin levels and provides new insights into the pathophysiology of type 2 diabetes. Diabetes 2011;60:2624-34.
• Mots-clés : marqueurs génétiques – diabète de type 2 – effets fonctionnels.
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