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ScienceDirect L’évolution psychiatrique xxx (2016) xxx–xxx
Article original
La phénoménologie de langue allemande et la psychiatrie franc¸aise夽 Phenomenology in German literature and French Psychiatry Jean Garrabé (Président d’honneur de l’Évolution psychiatrique. Membre à titre personnel de l’Association mondiale de Psychiatrie (Yokohama)) ∗ 7, place Pinel, 75013 Paris, France Rec¸u le 1er mars 2016
Résumé Objectif. – Le présent travail se propose de rechercher les textes de la littérature psychiatrique franc¸aise du XXe siècle faisant référence à l’approche phénoménologie de la psychopathologie développée à l’époque avant tout par des auteurs de langue allemande. Méthode. – Il repose sur l’analyse des textes sur cette question publiés au cours de ce siècle dans les principales revues franc¸aises de psychiatrie, et notamment dans l’Évolution psychiatrique, à partir de 1925. Résultats. – Les idées directrices pour une phénoménologie pure formulées par le philosophe allemand Edmund Husserl avant la Grande Guerre vont influencer dans l’entre-deux-guerres les travaux de plusieurs psychiatres franc¸ais, notamment ceux d’Eugène Minkowski, puis ceux d’auteurs des générations suivantes. Discussion. – Les travaux publiés par Minkowski vont à leur tour marquer l’histoire de la psychopathologie et de la psychiatrie dans notre pays après la Seconde guerre mondiale avec en particulier les travaux d’Arthur Tatossian et de ses élèves ainsi que ceux du philosophe Paul Ricœur. Conclusion. – Nous allons retracer à partir de la lecture de ces travaux les étapes successives de l’introduction de la phénoménologie en psychiatrie, notamment à travers les relations établies au cours de cette période
夽 Toute référence à cet article doit porter mention : Garrabé J. La phénoménologie de langue allemande et la psychiatrie franc¸aise. Evol Psychiatr 2017;82(1):pages (pour la version papier) ou URL [date de consultation] (pour la version électronique). ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected]
http://dx.doi.org/10.1016/j.evopsy.2016.05.003 0014-3855/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´eserv´es. EVOPSY-990; No. of Pages 21
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entre la psychiatrie franc¸aise et celle de langue allemande pour pouvoir présenter l’état de la question au début de 2016 au niveau international. © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´eserv´es. Mots clés : Histoire de la psychiatrie franc¸aise ; XIXe siècle ; Phénoménologie ; Élan vital ; Temps vécu ; Schizophrénie
Abstract Aims. – This work set out to search for texts in the French psychiatric literature of the 20th century referring to the phenomenological approach to psychopathology mainly developed at the time by German authors. Method. – The method used was based on the analysis of texts on this subject published in the course of the 20th century in the main French psychiatric journals, in particular Évolution Psychiatrique, from 1925. Results. – The guiding threads for pure phenomenology set out by the German philosopher Edmund Husserl before the first World War influenced the work of several French psychiatrists in the period between the two World Wars, in particular Eugène Minkowski, as well as the work of subsequent generations. Discussion. – The work published by Minkowski was, in turn, to have an impact on the history of psychopathology and psychiatry in France after the Second World War, in particular with the work by Arthur Tatossian and his followers, and the philosopher Paul Ricoeur. Conclusion. – Thus, from the perusal of this corpus, we will retrace the successive stages of the introduction of phenomenology in psychiatry, in particular via the relations established in the course of the century between French and German-language psychiatric writings, in order to present the state of the question internationally at the start of 2016. © 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Keywords: History of French psychiatry; 20th century; Phenomenology; Vital impulse; Lived time; Schizophrenia
1. Eugène Minkowski (1885–1972) 1.1. Avant la Grande Guerre Rappelons d’abord quelques données de la biographie d’Eugène Minkowski qui sont importantes pour notre présente étude. Il est né en 1885 à Saint-Pétersbourg dans une famille juive de Varsovie et c’est dans cette ville qu’il entreprend d’abord ses études de médecine mais la fermeture de cette université, à la suite de la révolution manquée de 1905 en Pologne, le contraint d’aller les achever à Munich où il obtient son diplôme en 1905, diplôme qu’il lui faut à nouveau valider à la faculté de Kazan pour pouvoir exercer la médecine en Russie. Il revient ensuite à nouveau à Munich cette fois pour étudier la philosophie ; notons qu’Edmund Husserl (1856–1938) professeur à Halle, puis à Göttingen avait déjà publié dans la première décennie du siècle ses principaux ouvrages et, notamment les Idées directrices pour une phénoménologie et une philosophie pure (1912) que Minkowski a donc pu lire en allemand lorsqu’il étudiait à Munich, alors que ces textes ne seront traduits en franc¸ais que beaucoup plus tard comme nous le verrons. Mais, en 1914, à la déclaration de guerre Minkowski, sujet russe, doit quitter Munich et il parvient à se réfugier en Suisse, pays neutre, où Eugen Bleuler (1857–1939) lui offre un poste d’assistant au Burgölzli de Zurich ; cependant en mars 1915, considérant qu’il ne peut rester neutre dans le conflit mondial en cours, il s’engage volontairement dans l’armée franc¸aise, participe comme médecin de bataillon
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aux batailles de la Somme et de Verdun recevant plusieurs décorations, dont la Légion d’Honneur, à titre militaire ; cette expérience le ramène définitivement, a-t-il dit, à l’exercice de la médecine. 1.2. L’entre-deux-guerres Après la Grande guerre, Minkowski s’installe définitivement avec sa femme Franc¸oise, ellemême médecin et aussi élève d’Eugen Bleuler, et ses enfants à Paris ; il a du fait de son engagement volontaire acquis la nationalité franc¸aise mais doit, pour pouvoir exercer dans notre pays, refaire une partie de ses études de médecine et présenter en 1926 une nouvelle thèse qu’il consacre à la schizophrénie, dont le texte fera l’objet de plusieurs éditions dont nous allons parler. Le docteur Minkowski qui est alors dans la quarantaine est chargé d’une consultation de psychothérapie à l’hôpital Henri-Rousselle, établissement qui venait de s’ouvrir à Paris à l’intérieur de l’Asile Sainte-Anne, consultation qu’il conservera jusqu’à son départ en retraite de ce poste après la Seconde Guerre mondiale. 1.3. L’Évolution psychiatrique Après son installation à Paris, Minkowski intègre un groupe de médecins, d’origine et de formations très variées qui se sont tous retrouvés dans la capitale entre les deux guerres et qui publient en 1925 et 1926 sous la direction d’Angelo Hesnard et René Laforgue les deux tomes d’un ouvrage collectif intitulé L’Évolution psychiatrique. Psychanalyse-Psychiatrie clinique [1]. Dans le premier des deux figure un texte d’Eugène Minkowski sur La genèse de la notion de schizophrénie et ses caractères essentiels ; une page d’histoire contemporaine de la psychiatrie ([1], tome 1, p. 192–236). Les références bibliographiques données dans cet article sont intéressantes : ce sont, en effet, celles à la 8e édition du Traité de Kraepelin (1913), à un article d’Alfred Binet (1857–1911) et Théodore Simon (1873–1961), les concepteurs du fameux test, sur cette édition, à l’ouvrage d’Eugen Bleuler publié en allemand Dementia praecox oder Gruppe der Schizophrenien en 1911 et qui ne sera traduit en franc¸ais que beaucoup plus tard, aux Eléments de sémiologie et de clinique mentales de Philippe Chaslin (1857–1923) publié en 1913, à un article de Minkowski lui-même publié en 1921 dans L’Encéphale sur « la schizophrénie et la définition de maladie mentale » et enfin, ce qui est à souligner pour mon propos d’aujourd’hui, à un article publié en allemand par Ludwig Binswanger Psychoanalyse und klinische Psychiatrie intitulé qui est, notons-le, quasi identique au sous-titre du recueil de l’Évolution psychiatrique. Ce psychiatre suisse, alors très proche de Freud, va être en effet un des hérauts de la psychopathologie phénoménologique de langue allemande en même temps qu’un ami proche de Minkowski. Dans ses textes de cette époque, ce dernier compare, en les opposant, la conception de Bleuler du groupe des psychoses schizophréniques et celle des schizoses de l’École de Sainte-Anne conduite par Henri-Claude (1869–1945), titulaire depuis 1922 de la Chaire de Clinique des maladies mentales et de l’encéphale à l’hôpital Sainte-Anne. L’Évolution psychiatrique se transforme à partir de 1931 en une revue trimestrielle qui va être éditée jusqu’à nos jours après une interruption de la publication pendant l’Occupation. Au cours de celle-ci, la famille Minkowski échappera par miracle à la déportation car arrêtée par la police franc¸aise qui laissera échapper leur jeune fille Jeannine celle-ci parviendra à alerter un ami de la famille médecin à l’Infirmerie spéciale de la Préfecture de Police qui obtint du Préfet de Police qu’Eugène Minkowski et sa femme Franc¸oise Minkowska ne soient pas remis aux autorités allemandes. Par une des bizarreries de l’absurde « statut des juifs », Minkowski ne fut pas interdit d’exercer car cette interdiction ne concernait pas les anciens combattants de la
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Grande Guerre, surtout ceux décorés à titre militaire ; il continuera donc à assurer les vacations de sa consultation de psychothérapie à Henri-Rousselle où il recevait de nombreux malades souffrant de schizophrénie. L’interdiction qui lui sera faite par les autorités d’Occupation dont il se plaindra le plus ensuite est celle de publier des travaux scientifiques ! Le choix du titre donné au recueil de 1925–27 est une référence explicite à l’œuvre du philosophe franc¸ais Henri Bergson (1859–1941) qui avait publié en 1906 L’évolution créatrice et qui s’intéressait aux progrès que faisait à cette époque la psychologie en particulier sous l’influence de la psychanalyse qui s’introduisait alors progressivement en France ; plusieurs des médecins du groupe de l’Évolution psychiatrique sont d’ailleurs parmi les fondateurs de la Société Psychanalytique de Paris. Bergson venait de recevoir en 1927 le Prix Nobel de littérature ce qui lui conférait une notoriété mondiale. 1.4. La psychopathologie des schizoïdes et des schizophrènes En 1927, Minkowski publie, d’après le texte de sa thèse de médecine, La Schizophrénie. Psychopathologie des schizoïdes et des schizophrènes [2] dont il publiera en 1953 une nouvelle édition [3] augmentée d’un nouveau chapitre sur les « perspectives ». Il est intéressant de comparer ces deux éditions séparées d’un quart de siècle mais dès la première, après avoir décrit comme le trouble essentiel de la schizophrénie, la perte de contact de l’Élan vital avec la réalité, Minkowski rappelle l’opposition fondamentale entre l’intelligence et l’instinct établie par Bergson : « tandis que l’instinct est moulé sur la forme même de la vie, l’intelligence est, au contraire, caractérisée par une incompréhension naturelle de celle-ci. . . Nous ne pensons pas le temps réel, nous le vivons » ([3], pp. 69–70). Il rappelle ensuite ce qu’Eugen Bleuler dit de l’autisme dans son volume de 1911 pour le Traité de Gustav Aschaffenburg, puis dans un texte ultérieur où le psychiatre suisse préfère parler de pensée « déréistique » plutôt que de pensée « autistique », avant de traiter de ce qu’il nomme la cycle de l’élan personnel qui, dit-il, : « apparaît alors dans sa nudité effarante ; le schizophrène plante là son acte ou son œuvre dans le monde ambiant, sans se préoccuper des exigences de celui-ci comme si, au fond il n’existait pas du tout ». Minkowski consacre ensuite un chapitre aux « Attitudes schizophréniques et aux stéréotypies psychiques », chapitre qu’il conclut en disant que ces « attitudes doivent être considérées comme des réactions de défense de nature phénoménologique (et non pas uniquement de nature affective) contre la désagrégation schizophrénique ». Dès 1927, il écrit pour souligner le mot « phénoménologique » en italique au moment donc où ce terme prend en France le sens philosophique que va utiliser peu après JeanPaul Sartre (1905–1980). Celui-ci, alors qu’il était étudiant à l’Ecole Normale Supérieure, a, avec Nizan, mis au point et corrigé les épreuves de la traduction en franc¸ais de la 3e édition (1922) de la Psychopathologie générale de Karl Jaspers (1883–1969) [4], traduction qui s’est avérée fort délicate en particulier pour ce qui est du vocabulaire philosophique utilisé par cet auteur allemand. Lorsqu’il écrit, en 1911, son ouvrage sur le groupe des psychoses schizophréniques Eugen Bleuler ne connaissait certainement pas les écrits philosophiques d’Edmund Husserl dont le nom ne figure pas parmi les nombreux auteurs des 830 textes cités dans la copieuse bibliographie. Rappelons que ce philosophe allemand sera rayé en 1936 de la liste des professeurs de l’université de Fribourg-en-Brisgau en raison de sa judéité et ses œuvres interdites en Allemagne nazie ; elles ne seront traduites en franc¸ais que beaucoup plus tard par Paul Ricœur (1913–2005), alors que celui-ci était pendant la Seconde Guerre mondiale en captivité dans un Oflag en Allemagne. Dans le dernier chapitre sur les « perspectives » de cette 2e édition de La Schizophrénie [3], Eugène Minkowski revient sur l’associationnisme sur lequel, dit-il, Bleuler a fondé la
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psychopathologie de la schizophrénie en distinguant les symptômes primaires et secondaires et en faisant de la Spaltung le signe pathognomonique de la schizophrénie. Pour lui, la Spaltung se différencie de notions telles que dissociation ou désagrégation. « Là nous dirons que la pensée et même le cas échéant la personne se dissocient ou se désagrègent, mais nous n’userons à son égard des verbes actifs : dissocier ou désagréger dont il serait le sujet. De sorte que la dissociation et la désagrégation visent avant tout un état de fait que nous constatons directement et qui est une manifestation du processus morbide dont la nature reste à déterminer encore, tandis que la Spaltung va, si l’on peut dire, dans une autre direction en faisant intervenir une activité spécifique de ces malades qui situe et engage bien davantage leur personnalité morbide » ([3], p. 210). Minkowski emploie toujours le terme allemand Spaltung dont la traduction exacte en franc¸ais pose de redoutables problèmes. Il ajoute qu’« au terme de recherches plus récentes, la Spaltung. . . s’est imposée avec plus de force . . .en raison même des faits qu’elle contribuait à mettre à jour. Cela est confirmé par l’ouvrage récent de M.J. Wyrsch Die Person der Schizophrenen (Berne, 1949) ». Cette référence est particulièrement intéressante car, outre qu’elle montre que Minkowski intègre dans cette deuxième édition de La schizophrénie des données apparues depuis la première, la traduction en franc¸ais du livre de Wyrsch [5] par Jacqueline Verdeaux, qui sera la grande traductrice dans notre langue des textes phénoménologiques publiés en allemand, venait de paraître. Or cette « étude clinique, psychologique et anthropo-phénoménologique » est considérée comme une des premières dans le domaine de la psychiatrie de la personne, courant de pensée qui s’est développé après la Seconde Guerre mondiale sous l’influence de plusieurs courants philosophiques. En France, le personnalisme sera surtout représenté par les travaux du philosophe Emmanuel Mounier (1905–1945) qui, influencé lui aussi par les travaux de Bergson, publiera en 1947 Le personnalisme. Il faut rappeler ici que Mounier est le fondateur de la revue Esprit qui a publié après la Seconde Guerre mondiale plusieurs numéros importants consacrés à la psychiatrie, dont un en décembre 1952 Misère de la psychiatrie dénonc¸ant l’état où elle se trouvait encore en France sept ans après la fin de la Deuxième Guerre mondiale et le sort misérable que connaissaient encore les malades mentaux après l’hécatombe qui les avait frappés pendant les hostilités. Nous pensons que si Minkowski ne traduit pas ici Spaltung c’est pour marquer qu’il ne s’agit pas là pour lui d’un simple mécanisme comme pour Eugen Bleuler mais bien d’un « phénomène » propre à la schizophrénie ou mieux à la personne du schizophrène pour parler comme Wyrsch. 1.5. Le Temps vécu Dans le livre I de son deuxième ouvrage important publié avant la Seconde Guerre mondiale, à savoir Le temps vécu. Études phénoménologiques et psychopathologiques [6], Minkowski étudie les caractères essentiels de l’élan personnel, le synchronisme vécu et les phénomènes à base de parallélisme et en particulier le contact vital avec la réalité, l’avenir, la mort et le passé. Dans le livre II, il traite du double aspect des troubles mentaux qui l’a amené à une conception d’une nouvelle forme de « compensation » dont il avait déjà regroupé les diverses modalités dans son ouvrage sur la schizophrénie sous le nom d’attitudes schizophréniques. Il étudie ensuite la structure spatio-temporelle des troubles mentaux revenant en particulier sur ce qu’il nomme la compensation phénoménologique. Dans le dernier chapitre intitulé Vers une pathologie de l’espace vécu, il cite un autre article en allemand de son ami Ludwig Binswanger Das Raumproblem in der Psychopathologie ([6], p. 366) et précise, à propos de l’espace visuel qu’il en parle au sens
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phénoménologique et non physiologique du mot ([6], p. 371). Minkowski cite les travaux d’E. Straus distinguant le temps du moi (Icht-Zeit) et le temps du monde (Welt-Seit) et ceux de von Gebsatell, pour conclure par une psychopathologie de l’espace vécu. Ce problème est, nous dit-il, d’apparition récente, mais il signale déjà cette étude aussi à ce propos publiée en 1933 par son ami Ludwig Binswanger. Pour Minkowski l’analyse aboutit à mettre en évidence un phénomène qu’il nomme l’ampleur de vie : « La vie qui se déroule autour de nous et dont nous faisons partie a de l’ampleur ». Notons que dès 1936 Binswanger publie, lui, dans l’Évolution psychiatrique un article La conception de l’homme dans l’œuvre de Freud, à la lumière de l’anthropologie philosophique [7]. 2. Joseph Lévy-Valensi (1879–1943) Lorsqu’en 1941, sous l’Occupation, le conseil de faculté proposera au départ en retraite du dernier titulaire de la chaire de Clinique des maladies mentales de Sainte-Anne, la nomination à ce poste du professeur agrégé Joseph Lévy-Valensi, ce qu’interdisait le statut des juifs de 1941, celui-ci dut se réfugier dans la clandestinité en Zone Sud avant d’être arrêté au cours d’une rafle par l’armée allemande en gare de Nice et d’être déporté à Auschwitz où il mourut dès son arrivée au camp ; cette mort ne fut connue à Paris qu’en 1945 lors de la libération du camp par l’Armée Rouge. Le professeur Lévy-Valensi était, comme Minkowski, un ancien combattant de la Grande Guerre, ce qui ne l’a pas sauvé de la déportation ; il avait publié dans l’entre-deux-guerres dans diverses revues franc¸aises de très nombreux articles en associant à ces publications de jeunes psychiatres de l’époque dont plusieurs vont rejoindre ensuite le groupe de l’Évolution psychiatrique, le plus connu de nos jours étant Jacques Lacan (1901–1981). Il est regrettable qu’aucune thèse n’ait été consacrée à l’œuvre de ce psychiatre franc¸ais qui a pourtant joué un rôle important dans la pédagogie de notre discipline et a eu une grande influence sur ses compatriotes, les jeunes médecins qui se sont formés à la psychiatrie à Paris dans l’entre-deuxguerres, comme nous l’avons rappelé dans une notice du Dictionnaire biographique des Annales médico-psychologiques que nous avons consacré à Lévy-Valensi [8]. 3. Viktor Emil von Gebsatell (1883–1970) et Hubertus Tellenbach(1914–1994) Ce sont surtout ces travaux de Viktor Emil von Gebsatell sur la mélancolie, dont parle déjà Minkowski dans Le Temps vécu, qui seront ensuite le plus souvent cités par les auteurs allemands, par exemple par Hubertus Tellenbach dans Melancolie : Problemgeschiche, Endogenitât, Typologie, Pathogenese, Klinik, ouvrage qui a été traduit en franc¸ais en 1979, avec une présentation d’Yves Pélicier [9] et dont la bibliographie comprend deux articles sur le sujet publiés par Minkowski en 1923 et 1931. Les échanges entre psychiatres franc¸ais et allemands abordant la psychopathologie d’un point de vue phénoménologique étaient donc déjà relativement fréquents avant la Seconde Guerre mondiale. Dans la présentation de cet ouvrage, Yves Pélicier mentionne le nom de deux autres psychiatres franc¸ais plus jeunes concernés plus tard eux aussi par cet abord comme nous le verrons : • René Ebtinger qui en rendant compte du livre de Tellenbach et de celui de Binswanger sur la mélancolie dans l’Évolution psychiatrique (1963;2:327–364) [10] a, dit Pélicier, amorcé le dialogue des psychiatres franc¸ais avec le professeur d’Heidelberg ; • Arthur Tatossian qui a fait toute sa carrière à Marseille d’où il a largement contribué à diffuser en France la psychiatrie phénoménologique allemande. C’est personnellement dans la cité
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phocéenne que j’ai découvert un volet de la phénoménologie « à la franc¸aise » au cours des journées d’études qu’y organisait le professeur Tatossian ; ses élèves ont continué à suivre cette ligne de réflexion comme nous allons le voir quand nous exposerons ses travaux, après avoir parlé auparavant des derniers ouvrages importants d’Eugène Minkowski et des auteurs franc¸ais auxquels il s’est alors référé. 3.1. Vers une cosmologie Minkowski publie encore avant la Seconde guerre mondiale sous le titre Vers une cosmologie [10] les « fragments » des notes qu’il avait prises lorsqu’il rédigeait Le temps vécu et dont il nous dit que cette forme fragmentaire correspond à l’aspect général de la vie contemporaine. . .qui a aussi un caractère fragmentaire. . . Un cataclysme vient de secouer le monde et l’humanité. L’échafaudage sur lequel reposait la vie semble s’être écroulé, et nous ne voyons pas encore aucune idée nouvelle, aucune idée « pacificatrice » se dégager des décombres ([11], p. 10). En écrivant ceci, en 1933, Minkowski se doutait-il de ce que serait cette vie contemporaine après le nouveau cataclysme qui allait à nouveau frapper le monde et l’humanité ? Il acceptera que ces « fragments » soient republiés en 1999, sans qu’il s’agisse là d’une nouvelle édition revue et corrigée comme pour La schizophrénie. Paul Ricœur dira que l’étude métaphysique du monde physique « suppose le contexte général d’une cosmologie, d’une doctrine fondamentale de la nature qui étend un système commun de déterminations aux sujets et aux choses, mêlant des déterminations de choses, comme l’idée de nature et des déterminations de sujet comme l’idée d’appétit » (Philosophie de la volonté [12], p. 180). Le plus important de ces fragments est, selon moi, le no 13 L’homme et ce qu’il y a d’humain en lui (Biologie et anthropologie) ([11], p. 142–153). À propos de la « méthode biologique », Minkowski dit qu’elle « tend à remplacer les notions statiques par des notions dynamiques tendant à mettre partout à la place des choses toutes faites des processus qui, en partant de processus élémentaires aboutissent par une évolution progressive, à des effets de la plus haute complexité, chargés toujours de toute la phylogénese ainsi que l’ontogénese du sujet. . . Les manifestations le plus élevées de la nature humaine, comme la conscience, se trouveraient ainsi préformées dans la série des êtres vivants (Syneidesis de von Monakow » ([11], p. 153). 3.2. La syneidesis chez les auteurs de langue fran¸caise Minkowski cite ici l’Introduction biologique à l’étude de la neurologie et de la psychiatrie publiée en 1928 par Constantin von Monakow et Raoul Mourgue qui, constatant que le terme « conscience » ne saurait être choisi pour désigner le principe régulateur des instincts choisissent celui, probablement d’origine stoïcienne, de syneidesis, qui signifie étymologiquement « conscience morale ». Les travaux de von Monakow (1853–1930) et de Mourgue (1886–1950) ont eu beaucoup d’influence sur certains psychiatres franc¸ais de l’entre-deux-guerres, notamment les membres de l’Évolution psychiatrique. Von Monakow, d’origine russe, enseignait la neurologie à Zurich alors que Raoul Mourgue qui avait fait des études de philosophie était avant-guerre médecin des asiles d’aliénés. Mourgue a publié seul en 1932 un Essai sur la désintégration de la fonction. Neurobiologie de l’hallucination [13] où, à propos de la « réalité extérieure », il cite la « perte de contact de l’élan vital avec la réalité » d’Eugène Minkowski. Il y avait donc de fructueux échanges d’idées entre les psychiatres franc¸ais qui étaient plus phénoménologues et ceux qui étaient plus neurobiologistes.
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3.3. Les derniers travaux d’avant-guerre de Minkowski Minkowski continue jusqu’à la Seconde Guerre mondiale à publier des articles sur des sujets variés dans des revues franc¸aises ou suisses, articles qui seront pour certains repris après la guerre dans des recueils, notamment sur les orientations de la psychopathologie. Mais son dernier travail important d’avant-guerre publié à Paris est constitué par les trois chapitres rédigés pour Le Tome VIII La vie mentale, dirigé par Henri Wallon (1879–1962) de L’Encyclopédie fran¸caise publié en 1938 qui sera le dernier à paraître puisque la publication de cette encyclopédie interrompue pendant la guerre ne sera pas reprise après. Il contribue aussi au « Centenaire de Théodule Ribot » avec un Essai sur Pierre Janet, lequel avait succédé à Ribot au Collège de France ; enfin, en 1939, il apporte une contribution aux Mélanges offerts à Pierre Janet avec un Essai sur la droiture (Phénoménologie du droit chemin) ([14], p. 169–181) où il indique qu’il a montré dans Le temps vécu que « devant » dans ses applications temporelles, loin d’être une simple figure de rhétorique, est un des éléments constitutifs de l’avenir vécu. Cet avenir se recrée, s’épanouit devant nous. . . et droit devant ne font qu’un ici » ([12], p. 173). Un autre pont est ainsi jeté avec cet autre penseur, professeur de philosophie avant de devenir psychopathologue lorsqu’il a rejoint l’École de Charcot à la Salpêtrière. En écrivant ces lignes en 1939, Minkowski pensait-il à l’avenir qui s’ouvrait alors « droit devant » les êtres humains ?
4. L’avant-guerre et la Seconde Guerre mondiale 4.1. Les réfugiés et exilés allemands en France avant-guerre Déjà, avant la Seconde Guerre mondiale, plusieurs médecins et philosophes de langue allemande d’Europe centrale ont dû se réfugier un temps à Paris pour fuir la persécution nazie avant de partir ensuite aux États-Unis. Nous pouvons citer parmi les premiers Rudolph Loewenstein (1898–1976) qui, né en Pologne, a fait ses études de médecine à Zürich et Berlin, où il a été analysé par Hanns Sachs (1881–1947) qui finit, comme Minkowski, par les refaire à Paris où il s’installe dans l’entre-deux-guerres avant, ayant acquis la nationalité franc¸aise d’être mobilisé en 1939, puis en 1941 ayant pu après la débâcle se réfugier à Genève et quitter l’Europe pour les États-Unis où il a fini sa carrière et où il est mort. Notons que Rodolphe Loewenstein a publié trois articles en franc¸ais dans l’Évolution psychiatrique entre 1927, le premier dans le recueil collectif déjà mentionné et le dernier en 1948. Parmi les seconds, il faut citer Günter Anders Stern (1902–1992) qui a fait lui ses études de philosophie en Allemagne soutenant sa thèse sous la direction de Husserl en 1924 ; il dut ensuite avec son épouse qui était à l’époque Hannah Arendt (1906–1973), se réfugier à Paris où il a publié en 1936 dans la revue Recherches philosophiques un article intitulé « Pathologie de la liberté » avant que le couple ne parte aussi pour les États-Unis. Henri Ey reprendra après la Deuxième Guerre mondiale cette formule d’Anders-Stern en définissant, dans ses Études psychiatriques la pathologie mentale comme la pathologie de la liberté. La Seconde Guerre mondiale interrompit pendant plusieurs années tout échange international dans le domaine de la psychopathologie, seuls les psychiatres suisses continuant à pouvoir publier librement dans les revues helvétiques. L’Évolution psychiatrique suspendit, comme je l’ai déjà dit, sa publication jusqu’à la Libération. Minkowski qui a, plus tard, dans un discours à l’OSE intitulé Du temps de l’étoile jaune, décrit avec une ironie noire sa vie et son activité pendant
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l’Occupation, sera élu, après la Libération, président de la Société médico-psychologique pour l’année 1948. 5. Après la Seconde Guerre mondiale 5.1. Les Congrès mondiaux de psychiatrie Dès la fin de la guerre, les principales sociétés franc¸aises de psychiatrie dont la Société médicopsychologique et l’Évolution psychiatrique qui, elle, avait repris ses activités et l’édition de sa revue, ainsi que la Société de Psychanalyse de Paris, envisagèrent d’organiser dans la capitale un grand congrès international pour renouer les relations internationales interrompues en invitant les autres sociétés nationales de psychiatrie à y participer. Ce projet était encouragé entre autres par l’Unesco fondée en 1948 par l’ONU et dont le siège avait été installé à Paris. Ce premier Congrès mondial dont le secrétaire général était Henri Ey et le président Jean Delay (1907–1987) put finalement avoir lieu dans la capitale franc¸aise en 1950 et il connut un grand succès donnant naissance à l’Association mondiale de Psychiatrie qui organise depuis régulièrement des Congrès mondiaux dans les grandes capitales. Rappelons que le WPA XVIII World Congress of Psychiatry doit se tenir à Berlin du 8 au 12 octobre 2017 sur le thème Psychiatry of the 21st Century: Context, Controversies and Commitment. On vit ainsi revenir en Europe à l’occasion du premier congrès mondial de 1950 beaucoup de ces médecins allemands ou austro-hongrois qui s’étaient exilés en Amérique du Nord et du Sud mais la représentation venue des deux Allemagnes fut relativement limitée car plusieurs psychiatres s’étaient gravement compromis avec le régime nazi, quelques-uns furent même inculpés pour crimes contre l’humanité devant le tribunal de Nuremberg. À cette occasion, Ludwig Binswanger fit à Paris une conférence sur La Daseinanalyse en psychiatrie où il prit ses distances avec Jean-Paul Sartre devenu célèbre après la publication pendant l’Occupation de L’Être et le néant (1943), en disant que « s’il est un terme équivoque, c’est bien le terme ‘existence’, c’est pourquoi je le rejetterais et je le remplacerais par le terme allemand « Dasein » ; l’« analyse existentielle devenant alors la « Daseinanalyse » [15], ce mot est presque intraduisible : nous pourrions à la rigueur proposer ‘analyse anthropologique phénoménologique’ si nous ne craignions pas que cette expression ne se présente un peu lourdement en franc¸ais ». Les rapports et les actes du Premier Congrès Mondial de Psychiatrie de 1950 ont été publiés chez l’éditeur Hermann & Cie, 6 rue de la Sorbonne ; on y retrouve les noms de psychiatres de différentes nationalités franc¸ais, suisses alémaniques ou romands que nous venons de citer soit comme rapporteurs, soit comme auteurs de communications et on peut y lire les textes de leurs interventions traduits en plusieurs langues. 5.2. Hommage à Eugène Minkowski En 1956, L’Évolution psychiatrique consacre le numéro 1 de l’année à un « Hommage à Eugène Minkowski » réunissant 36 articles signés d’auteurs franc¸ais, suisses et belges. Deux d’entre eux sont importants pour mon propos d’aujourd’hui car ils témoignent de la réception à l’étranger des travaux de l’introducteur de la phénoménologie en France ses travaux. Dans ses Réflexions sur le temps et l’éthique (À propos de l’œuvre de Marcel Proust) [14], Ludwig Binswanger qui y parle du Congrès de Paris de 1950, note que l’affirmation par Minkowski dès 1920 que le problème du temps est un problème éthique lui avait fait se poser la question si « tout homme
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génial doit nécessairement avoir un grain » avant qu’il ne fasse amende honorable : « En tant que disciple de Husserl et de Heidegger, le temps est et demeure en effet pour moi un problème phénoménologique et ontologique primordial. Aussi, je crois encore aujourd’hui qu’il serait plus juste de dire à l’inverse de vous, que le problème éthique est au fond un problème du temps » ([14], p. 38). Binswanger illustre son propos de la description par Marcel Proust dans À l’ombre des jeunes filles en fleur « d’une forme de ce que l’on appelle euphorie alcoolique, qui permet déjà à elle seule de reconnaître à son auteur un premier rang parmi les phénoménologues » [16], p. 38). Les auteurs qui comme Binswanger associaient Husserl et Heidegger dans l’élaboration de la phénoménologie philosophique n’avaient pas au XXe siècle la même vision que nous qui savons que le second qui devait sa carrière au premier rompit ses relations avec lui dès que sa carrière académique fut assurée sous le régime nazi, ne se rendant même pas aux obsèques de son maître juif. Le second texte important de l’ « Hommage à Eugène Minkowski » est celui de H. Steck sur Les attitudes schizophréniques [17]. Celui-ci dit que le mérite d’avoir signalé l’importance des attitudes schizophréniques (l’attitude ironique et ludique) et de les avoir analysées comme des compensations revient à Eugène Minkowski qui le premier les a bien décrites en 1925 (Dans une communication au Congrès des Aliénistes et neurologistes de France et des pays de langue franc¸aise), puis dans la « récente édition de son livre classique La schizophrénie (il s’agit donc de la 2ème ). Steck écrit : « nous voudrions ajouter une contribution à ce chapitre aujourd’hui très actuel, puisqu’il vient s’insérer dans la conception phénoménologique et existentielle (La Daseinanalyse de L. Binswanger) et décrire une autre attitude assez fréquente et bien caractéristique, l’attitude ironique et ludique du schizophrène. Il est, en effet, assez aisé de montrer que l’attitude ironique dans laquelle rentre la tendance à la dérision, à la moquerie agressive, est une forme de cette réaction de compensation contre le sentiment de diminution et d’angoisse devant l’invasion du processus morbide décrite par Klaesi, L. Binswanger, R. Kuhn pour la fonction du délire et que nous avons résumé dans notre rapport ‘Die Psychopathologie des Wahns’ » (Archives suisses de Neurologie et Psychiatre 1951) ([17], p. 362). Nous retrouvons donc dans ce texte de Steck des références au courant phénoménologique développé en Suisse dans les années cinquante. Nous trouvons aussi dans ce numéro de L’Évolution psychiatrique sous le titre Aspects secrets de la psychiatrie, une contribution de Manfred Bleuler (1903–1994) qui conclut que : « Des considérations très simples d’ordre clinique ou procédant des sciences naturelles nous ont menés à des problèmes qui, en dernier ressort, ne sauraient être envisagés uniquement sur ces deux plans ; ils les dépassent. Ils demandent à être abordés dans une perspective empreinte de valeurs spirituelles, propres aux sciences humaines, perspective qu’Eugène Minkowski a défendu avec succès, en psychiatrie. La portée de son œuvre réside en ce que qu’il a repris toutes ces questions là où le clinicien, en s’arrêtant, les laisse en suspens » ([18], p. 50). La nécessité pour le psychiatre clinicien d’envisager la psychopathologie d’un point de vue envisageant le malade mental comme une personne au sens philosophique ou un être spirituel a été cruellement rappelée quand sont apparus en Allemagne et en France des ouvrages sur le sort tragique des malades mentaux pendant la seconde guerre mondiale.
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5.3. Le sort des malades mentaux pendant la Deuxième Guerre mondiale en France et en Allemagne Le livre publié en Allemagne en 1948 par Alice Platen-Hallermund Die Tötung Greisteskranker in Deutschland où elle décrit l’extermination des malades mentaux dans l’Allemagne ne l’a été en France qu’en 2011 [19]. Notons que l’auteure, qui faisait partie de la commission de médecins allemands qui suivaient le procès de Nuremberg, dédicace son ouvrage au professeur Viktor von Weizsäcker dont nous allons reparler ; rappelons que le procès de Nuremberg devant le Tribunal militaire international s’est déroulé du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946. Celui d’Isabelle von Bueltzingsloewen où cette historienne a étudié L’Hécatombe des fous, c’est-à-dire la mort des malades dans les hôpitaux psychiatriques franc¸ais sous l’Occupation l’avait été en 2007 [20]. Elle y a montré que les rations alimentaires attribuées aux malades internés dans les hôpitaux psychiatriques ne pouvaient qu’entraîner leur mort par dénutrition à plus ou moins brève échéance, mais que le nombre de morts a varié considérablement d’un hôpital à l’autre selon que leur direction s’est bornée à appliquer strictement cette réglementation ou qu’elle a pu prendre des dispositions permettant d’assurer une ration suffisante. Par exemple à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris, la conversion des jardins d’agrément de l’établissement en jardins potagers a permis d’assurer l’alimentation des malades et des membres du personnel qu’il a abrités pendant la guerre. La situation y était d’autant plus étrange que plusieurs personnes, comme Eugène Minkowski et des résistants, étaient cachées dans l’établissement dont une partie était occupée par un hôpital militaire allemand où étaient aussi admis, venant de la Prison de la Santé proche, des résistants arrêtés par la Gestapo ; l’un d’entre eux André Postel-Vinay (1911–2007) a publié sous le titre Un fou s’évade. Souvenirs de 1941–1942 le récit de son évasion que le médecin-militaire allemand qui commandait cet hôpital, sur lequel on a peu de renseignements si ce n’est qu’il est mort plus tard sur le front de l’Est, n’a pas tenté d’empêcher. Soulignons seulement ici que ces sujets particulièrement dramatiques n’ont pas été abordés dans l’immédiat après-guerre en particulier lors de la reprise des échanges internationaux qui avait abouti à l’organisation à Paris en 1950 du Premier congrès mondial de psychiatrie. Celui-ci avait été par contre précédé et suivi de la publication de nombreux textes qui ont fait mieux connaître aux psychiatres franc¸ais la phénoménologie de langue allemande. 6. La Bibliothèque de Neuro-psychiatrie de langue franc¸aise PLF En 1948 avait été créée chez l’éditeur parisien Desclée de Brouwer, une Bibliothèque Neuropsychiatrique de langue franc¸aise dont le comité de direction international comprenait Manfred Bleuler de Zurich, Ludo van Bogaert d’Anvers, Henri Ey de Bonneval, Henri Flournoy de Genève, Étienne de Greef de Louvain et enfin Jacques Lacan, Jean Lhermitte et Eugène Minkowski tous trois de Paris. C’est dans cette BNPLF que vont être publiés pendant la seconde moitié du XXe siècle nombre d’ouvrages importants pour l’histoire de la psychopathologie et de la phénoménologie signés d’auteurs tant franc¸ais qu’étrangers, dont je signalerai certains ci-après : • Minkowski y publie, comme nous l’avons déjà dit en 1953, la 2e édition augmentée de La schizophrénie [3] ; • Après la mort de sa femme, Franc¸oise Minkowska, Eugène Minkowski publie, avec une introduction et sous le titre Le Rorschach. À la recherche du monde des formes [21] un recueil des études sur le test publiées par celle-ci seule ou avec d’autres auteurs dans plusieurs revues franc¸aises. La 9e de ces études est la discussion d’un « article posthume » d’Herman Rorschach
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qui est mort le 2 avril 1922, quelques semaines après avoir fait une conférence à la Société suisse de Psychanalyse dont le texte a été ainsi publié en France longtemps après. Franc¸oise Minkowska connaissait bien le test de Rorschach puisqu’elle était l’amie de la femme d’Herman Rorschach, elle-même d’origine russe, avec laquelle elle avait étudié à Zurich ; • Die Gestaltkreis de Viktor von Weizsäcker (1826–1957) est publié en 1958 sous le titre Le cycle de la structure [22] avec une préface d’Henri Ey qui avait confié la traduction de cet important ouvrage à deux jeunes professeurs agrégés de philosophie : Michel Foucault, dont nous reparlerons, et Daniel Rocher ; • Ey y publie les trois tomes de ses propres Études psychiatriques, puis les actes de deux des six Colloques qu’il a organisé à l’hôpital de Bonneval. Dans ceux de celui du VIe en 1960 sur L’inconscient figurent notamment les interventions d’Alphonse de Waelhens L’inconscient et la pensée philosophique, de Georges Lantéri-Laura (1930–2004) sur Les problèmes de l’inconscient et la pensée philosophique et de Paul Ricœur (1913–2010) sur Le conscient et l’inconscient. Eugène Minkowski est intervenu dans ce colloque à propos de Neurobiologie et inconscient ; • La phénoménologie du masque à travers le test de Rorschach de Roland Kuhn (1912–2005), alors privat-docent à l’université de Zurich, est publié dans la BNPLF dans une traduction de Jacqueline Verdeaux et avec une préface de Gaston Bachelard [23]. On relève surtout dans la bibliographie de cet ouvrage des références à des auteurs de langue allemande dont nous avons déjà cité la plupart des noms : outre Kuhn lui-même, Rorschach, Jung, von Gebsatell, Heidegger, Wyrsch, Binswanger, Jaspers, mais nous y retrouvons aussi des références à Bergson pour Le rire ainsi qu’ à Bachelard (1884–1962) pour La Psychanalyse du feu (1938). Comme je l’ai déjà signalé c’est également Jacqueline Verdeaux qui a traduit le livre de Wyrsch (publié dans une autre prestigieuse collection parisienne, la Bibliothèque de psychiatrie dirigée aux Presses universitaires de France par le professeur Jean Delay et dont le secrétaire était le professeur Pierre Pichot alors professeur agrégé et qui faisait connaître en France les nouveautés de la littérature internationale. 6.1. Le Traité de psychopathologie d’Eugène Minkowski L’histoire de ce texte est compliquée car cet ouvrage avait été commandé dès l’avant-guerre par un éditeur parisien à Minkowski qui ne pouvait le publier sous l’Occupation du fait de l’interdiction qui lui avait été faite ce qui n’empêcha pas l’éditeur d’annoncer l’ouvrage « à paraître » pendant ces années noires. Il paraîtra finalement en 1966 dans la collection Logos des Presses universitaires de France avec un avant-propos où Minkowski nous rappelle ces péripétie éditoriales et il fera l’objet en 1999 d’une nouvelle édition, avec une préface de Georges Lantéri-Laura ainsi qu’une post -face de David Allen dans la collection Les Empêcheurs de penser en rond [24]. De sorte qu’il nous apparaît aujourd’hui comme nous donnant une vision panoramique de l’évolution de la psychopathologie au cours des trente ans qui séparent le projet d’écriture et la publication du Traité. Il est d’ailleurs divisé en trois livres : • dans le premier « Les fondements et l’orientation de la psychopathologie » Minkowski traite de la position et de l’autonomie de la psychopathologie, du phénomène (drame) de la folie, et d’un aperc¸u sur l’évolution des idées en psychopathologie et enfin du biologique et de l’anthropologique ;
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• dans le second, il présente « Les assises de la personne humaine vues dans une perspective psychopathologique » il traite de l’affectivité et de l’expression ; • dans le troisième des « nouvelles voies d’approche et de l’évolution des anciennes » avec l’analyse phénoméno-structurale, le cheminement de nos notions et les confrontations des diverses voies d’approche ; • enfin les considérations finales portent sur le chemin d’une vie humaine. Le Traité de psychopathologie s’accompagne d’une importance bibliographie où figurent des textes écrits par des philosophes, des psychiatres et des psychanalystes. Henri Ey en fit une analyse dans l’Évolution psychiatrique [25]. Dans sa préface à l’édition de 1999 Georges Lantéri-Laura, que Minkowski considérait comme son héritier spirituel, fait le point sur la connaissance de la phénoménologie trente ans auparavant, soit en 1966 au moment de cette édition du Traité, en donnant les références bibliographiques des textes parus sur le sujet à cette date dont huit publiées par lui-même, notamment celle à son article « Philosophie phénoménologique et psychiatrie » paru dans l’Évolution psychiatrique [26]. Le professeur Pierre Pichot, devenu entre-temps professeur honoraire de psychiatrie à l’université Paris V.-René Descartes, dirige avec le psychiatre allemand Werner Rein la publication dans cette même collection des « Empêcheurs de penser en rond » d’un ouvrage collectif intitulé L’approche clinique en psychiatrie [27] dont nous reparlerons après avoir d’abord rappelé ce que nous ont dit pendant ces décennies plusieurs philosophes importants.
7. Paul Ricœur (1913–2005) Paul Ricœur qui, comme nous l’avons dit, fit connaître en France la philosophie de Husserl après la Seconde Guerre mondiale en traduisant en franc¸ais, alors qu’il était prisonnier dans un Oflag, Ideen I, œuvre interdite en Allemagne nazie, était aussi marqué par l’existentialisme de Karl Jaspers (1883–1969). Il a publié après la guerre plusieurs textes qui auront à leur tour une influence sur l’histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse en France. Citons notamment : • en 1947, avec Mikel Dufrenne Karl Jaspers et la philosophie de l’existence, avec une préface de Jaspers lui-même [28] ; • en 1965, De l’interprétation. Essai sur Freud [29] ; • en 1986, La psychanalyse confrontée à l’épistémologie où ce philosophe dit que « la psychanalyse pourrait être purement et simplement placée sous l’égide des sciences historicoherméneutiques, parallèlement à la philosophie et à l’exégèse » ([30], p. 18) ; • enfin, en 2008, sera publié sous le titre Autour de la psychanalyse [31] un recueil posthume d’écrits et de conférences de Ricœur. La lecture de ces textes par de nombreux jeunes psychiatres franc¸ais formés après-guerre mais n’ayant pas fait d’études de philosophie fera qu’ils s’intéresseront particulièrement à des notions comme celle d’ipséité ou de « soi-même comme un autre », notamment dans l’analyse de phénomènes pathologiques observés dans l’évolution des psychoses schizophréniques ; notons que Ricœur sera membre de l’Évolution psychiatrique, société savante qui ne réunit pas que des médecins et qu’il est intervenu au Colloque de Bonneval.
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8. Maurice Merleau-Ponty (1908–1961) Plusieurs ouvrages importants pour notre étude du philosophe Maurice Merleau-Ponty ont été publiés après la Seconde Guerre mondiale à des décennies d’intervalle notamment : • en 1945, Phénoménologie de la perception où, après avoir dans l’avant-propos répondu d’un point de vue philosophique à la question « Qu’est-ce que la phénoménologie ? » il cite dans le texte lui-même de très nombreux psychiatres franc¸ais et allemands dont nous avons parlé comme Minkowski et même des neurologues ou des neuro-physiologistes de la première moitié du XXe siècle [32] ; • et, en 1964, celui posthume Le visible et l’invisible, qui est l’édition des notes manuscrites que Merleau-Ponty avait entrepris de prendre deux ans plus tôt pour l’écrire [33]. Ces ouvrages constituent autant de véritables ponts jetés entre la phénoménologie des philosophes et celle des psychopathologues. 9. L’approche clinique en Psychiatrie (1998) Un des chapitres de l’ouvrage dirigé par Pierre Pichot et Werner Rein L’approche clinique en psychiatrie [27] est spécifiquement consacré à la phénoménologie et à la psychopathologie. Il est composé de trois textes écrits respectivement par : • Arthur Tatossian sur Le problème du diagnostic dans la clinique psychiatrique ([27]. p. 171–88) avec 26 références à des ouvrages ou des articles sur la question dont celui de Tatossian luimême Qu’est-ce que la clinique ? paru dans la revue Confrontations psychiatriques, (1989, 30, 55–61) [34] ; • Yves Pélicier sur La relation de personne et l’approche clinique ([27], p. 189–198) ; • Et enfin par Bin Kimura sur Psychopathologie de l’aïda ou de l’interpersonnalité, traduit de l’allemand en franc¸ais ([27], p. 199–221). Cet article s’accompagne d’une vaste bibliographie internationale dans laquelle ce professeur à l’université de Kyoto fait figurer des auteurs franc¸ais comme Minkowski pour La schizophrénie ou bien pour l’article paru en 1948 dans L’Évolution psychiatrique [35] mais aussi des auteurs de langue allemande que nous avons déjà cités à plusieurs reprises ainsi que H.C Rümke pour son intervention au Congrès de Paris de 1950 Signification de la phénoménologie dans l’étude clinique des délirants. Ce texte de Bin Kimura est particulièrement intéressant car il marque en somme le retour du Japon en Europe de la phénoménologie et de l’approche phénoménologique de la psychopathologie telle qu’elle s’était développée en Allemagne, en Suisse et en France dans la première moitié du XIXe siècle. Ces trois textes illustrent le fait que désormais la phénoménologie a toute sa place dans l’étude de la clinique psychiatrique, ce que l’on va constater dans les traités de psychiatrie qui vont être publiés en France au cours des décennies suivantes. 10. Michel Foucault (1926–1984) Jacqueline Verdeaux qui a, comme nous l’avons dit, joué un grand rôle dans les échanges par ses traductions de textes allemands en a aussi joué un autre essentiel en accompagnant Michel Foucault quand celui-ci s’est rendu en 1954 à la clinique de Münsterlingen dirigée par Roland Kuhn
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(1912–2005), l’auteur de la Phénoménologie du masque, établissement proche de Bâle, ville suisse célèbre à la fois pour son carnaval et pour être le siège d’importantes industries pharmaceutiques. Malades et personnel soignant continuaient dans cette institution réputée à se déguiser et à se masquer pour la « fête des fous » du Carnaval conformément à la tradition moyenâgeuse mais le jeune philosophe qui avait vu d’abord dans ces mascarades, l’origine de l’histoire de la folie va en déplacer le début, dans la thèse qu’il est en train d’écrire sur Raison et Déraison, à ce « Grand Renfermement » de l’Âge classique qu’il a décrit dans son Histoire de la folie à l’âge classique [36]. Paradoxalement cet ouvrage sera considérée comme « antipsychiatrique » alors qu’aux dires de Foucault lui-même, il ignorait lorsqu’il rédigeait sa thèse que ce mouvement existait. L’Évolution psychiatrique organisera en 1972 un colloque sur l’antipsychiatrie auquel Michel Foucault ne participera pas, colloque dont les textes des interventions ont été publiés dans la revue [37]. L’œuvre de Foucault va prendre de l’importance auprès d’une partie des jeunes psychiatres franc¸ais qui vont paradoxalement découvrir dans cette thèse de philosophie l’histoire de cette discipline médicale qu’est la psychiatrie. L’antipsychiatrie sera surtout connue en France quand seront traduits en franc¸ais les ouvrages des auteurs anglais dont on a pu dire qu’ils abandonnaient toute référence à la psychopathologie classique alors que l’écossais Ronald Laing (1927–1989) fait, dans son étude sur des schizoïdes et des schizophrènes intitulé The Divided Self constamment référence à Eugène Minkowski dont il cite une phrase en exergue à son essai : « Je donne ici une œuvre subjective, œuvre cependant qui tend de toutes ses forces vers l’objectivité » qui résume bien son attitude [38]. Un ouvrage collectif vient d’être consacré à Foucault à Münsterlingen. À l’origine de l’histoire de la folie [39] qui est illustré de photographies prises par Jacqueline Verdeaux qui avait accompagné le jeune philosophe dans cette visite de cet établissement dirigé par Roland Kuhn lors de cette mémorable « fête des fous ». Parmi les documents de ce recueil nous notons particulièrement ceux concernant la traduction en franc¸ais par Foucault de Traum und existenz de L. Binswanger et la correspondance de Foucault avec celui-ci à ce propos en 1954–56 ([39], pp. 142–1996). On assiste de nos jours dans diverses capitales, dont Paris, à la résurrection sous le nom de Mad Pride de défilés de cortèges, comparables à ceux des fêtes des fous moyenâgeuses, de masques organisés pour « destigmatiser » l’image du malade mental mais je ne suis pas sûr que ce soit là le résultat obtenu par ces folles mascarades. 11. Arthur Tatossian (1929–1995) Ce psychiatre franc¸ais, dont toute la carrière s’est déroulée à Marseille, a joué un rôle primordial dans les échanges concernant la phénoménologie entre psychiatres franc¸ais et ceux de langue allemande au cours de la seconde moitié du XXe siècle à partir de sa thèse soutenue en 1957 dans cette ville Étude phénoménologique d’un cas de schizophrénie paranoïde [40], puis de son important rapport Sur la phénoménologie des psychoses présenté au LXXXVIIe Congrès de Psychiatrie et de Neurologie de langue franc¸aise d’Angers en 1979 dont le texte avait été publié selon l’usage alors pour être discuté pendant la session [41]. Une part importante des travaux d’Arthur Tatossian a été rassemblée après sa mort dans un recueil intitulé Psychiatrie phénoménologique avec une présentation de sa vie et de son œuvre [42]. Le titre choisi par les éditeurs nous a surpris, pour ne pas dire choqués, car il n’y pas de « psychiatrie phénoménologique » à proprement parler mais une approche ou une étude phénoménologiques des phénomènes psychopathologiques. Nous disposons néanmoins avec cet ouvrage d’un outil de travail précieux car nous pouvons lire ou relire l’ensemble des textes consacrés par Tatossian à la phénoménologie des psychoses. Ce recueil donne aussi les références à ses travaux sur la
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phénoménologie qui n’y ont pas été repris faute de place ; nous citerons l’un d’entre eux. Il comprend en outre une présentation, signée du professeur Guy Darcourt et de Jeanne Tatossian, ainsi qu’une bibliographie des travaux du professeur Tatossian sur d’autres sujets de psychiatrie, de médecine psychosomatique, de psychologie ou de neurologie. En 1989, Tatossian soulève dans le numéro de la revue Confrontations psychiatriques sur les Modèles expérimentaux et la clinique psychiatrique la question « Qu’est-ce que la clinique ? » ([34], p. 55–65) et propose en réponse deux modèles non forcément exclusifs : « Le premier de ces modèles de l’activité clinique, généralement accepté et suffisamment puissant pour s’imposer dans la construction de système experts d’aide ou de simulation du diagnostic humain est le modèle inférentiel. À l’usage il ne se révèle pas sans faille, et c’est alors que peut paraître plus adéquat un autre modèle de la clinique, de prime abord un peu énigmatique, le modèle perceptif . . . Dans un tel modèle, l’activité clinique apparaît comme une activité purement perceptive et la reconnaissance des entités psychiatriques comme un phénomène fondamentalement expressif. Comme le disait Minkowski, l’excitation est l’accessoire et c’est la manie qui est l’essentiel. C’est moins le contenu matériel du symptôme qui importe que la fac¸on dont il est assumé, c’est-à-dire le mode de vécu global, le style de vie essentiel dont la perception directe assure le diagnostic de manie, dépression, schizophrénie, etc. » Rappelons qu’Arthur Tatossian était aussi un grand bibliophile ou bibliomane capable de découvrir et d’acquérir à travers toute l’Europe des ouvrages rares publiés en différentes langues, franc¸ais, allemand, latin. . . consacrés à ses thèmes d’intérêt, principaux c’est-à-dire la médecine mentale et la philosophie. 12. La phénoménologie dans les Traités de psychiatrie franc¸ais modernes Comme nous l’avons dit la phénoménologie, que nous pouvons nommer clinique, va trouver sa place dans les manuels ou les grands traités franc¸ais de psychiatrie du dernier tiers du XXe siècle. 12.1. Le Manuel alphabétique de psychiatrie d’Antoine Porot Ce manuel comprend une entrée « Phénoménologie » ([43], p. 531–537) rédigée par Arthur Tatossian et J.-M. Azorin qui débute ainsi : « la psychopathologie phénoménologique s’inspire de la phénoménologie philosophique, telle qu’elle a été fondée par Husserl et reprise par Heidegger en Allemagne, comme par Merleau-Ponty et Sartre en France. Mais ce serait une erreur et même un contre-sens que d’y voir l’application à la psychopathologie d’une doctrine philosophique fut elle anthropologique, c’est-à-dire d’une théorie. Par définition, le phénoménologue ne fait appel qu’à l’expérience (Erfahrung) et ne peut admettre la théorie que dans le sens très particulier et étymologique de la théorie grecque comme « vision » (schauen) et non pas dans le sens usuel d’un système d’hypothèse concernant ce qui se passe derrière les phénomènes dans une démarche nécessairement réductionniste (Blankenburg) ». Nous ne saurions mieux dire ce qu’est la psychopathologie phénoménologique pour l’Ecole de Marseille. Les auteurs donnent deux références bibliographiques : l’une au rapport présenté par Tatossian sur la phénoménologie des psychoses au LXXVIIe Congrès de Psychiatrie et de
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neurologie de langue franc¸aise de 1979 et l’autre au livre de H. Spiegelberg Phenoménology in Psychology and Psychiatry. An historical introduction publié aux États-Unis en 1972, qui est la preuve de la découverte de la phénoménologie par les psychiatres de langue anglaise peu après d’ailleurs la publication du DSM-III de l’American Psychiatric Association qui supprime toute référence à des concepts psychopathologiques ou aux auteurs qui les auraient formulés. 12.2. Le Traité des hallucinations d’Henri Ey On trouve dans l’index des matières du Traité des hallucinations [44] d’Henri Ey de très nombreux renvois à des passages traitant de phénoménologie, en particulier à propos des relations entre délire et hallucination. Par exemple à propos du « processus primordial du Délire chronique » : « cette notion de processus (K. Jaspers) qui correspond à l’idée de « maladie délirante ». . .a été plus ou moins directement et explicitement reprise par la Daseinanalyse ou l’analyse phénoménologique (E. Minkowski, L. Binswanger, J. Zutt, etc.). À cet égard les travaux de K. Conrad, de W. Janzarik ou d’autres . . .méritent une particulière attention » ([44], p. 757). Plus loin, dans le chapitre consacré à la psychodynamique de la production du délire, Ey consacre plusieurs pages à exposer les travaux des auteurs de langue allemande qui l’ont le plus profondément étudiée : J. Berze, K. Conrad, Wyrsch, W. Janzarik, L. Binswanger et plus récemment J. Glatzell ([44], p. 795–800). Il rappelle à cette occasion quels sont ceux de ces travaux qui ont été traduits en franc¸ais. Soulignons qu’Henri Ey fait aussi figurer dans ce Traité des Hallucinations de nombreuses références aux écrits philosophiques de Merleau- Ponty et de Sartre mais pas à ceux de Paul Ricœur. 12.3. Le Traité de psychiatrie clinique et thérapeutique de l’EMC En 1970, l’Encyclopédie Médico-chirurgicale publie, sous la direction d’Henri Ey, la première édition de son Traité de psychiatrie clinique et thérapeutique qui est, comme les autres traités qui la composent, à révision périodique par le moyen des mises à jour qui modifient ou actualisent les textes antérieurs ; nous parlerons à la fin de notre article des dernières d’entre elles. 13. Georges Charbonneau En France, un collègue plus jeune Georges Charbonneau, psychiatre des hôpitaux et Directeur de Recherche à l’université Paris 7-Denis Diderot, formé à l’école d’Arthur Tatossian et à celle de Paul Ricœur fonde, à l’orée du XXIe siècle, une revue L’Art du Comprendre et publie une Introduction à la psychopathologie phénoménologique en deux tomes, ouvrage qui rec¸ut le Prix de L’Évolution psychiatrique [45] : • le tome I traite des fondements et principes généraux, de la corporéité et mienneté, des névroses et des personnalités pathologiques ainsi que de l’intersubjectivité ; • le tome II de l’ipséité et phenomenological mind, du délire et de l’expérience paranoïaques, des dépressions et des pathologies de la temporalité et de l’historialité humaine.
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Surtout l’auteur fait figurer à la fin du premier tome un abondant « index des auteurs des écoles de pensée se revendiquant principalement de la tradition phénoménologique, anthropologique ou existentielle », auteurs qui sont répertoriés en quatre générations, la première et deuxième allant de Jaspers à Jacques Schotte et à l’école belge de psychanalyse et les troisième et quatrième de l’école existentielle américaine à Georges Charbonneau ; nous nous y retrouvons nous-même en compagnie de Georges Lantéri–Laura et de l’École de l’Évolution psychiatrique parmi les représentants des 2e et 3e générations. Le tome II : l’ouvrage comprend en outre une « Bibliographie fondamentale de la psychopathologie phénoménologiques contemporaine (1970–2006) » ([45], p. 177–215) « qui se veut spécifiquement psychopathologique laissant volontairement de côté la phénoménologie philosophique ». On y retrouve tous les noms d’auteurs que nous avons cités, ainsi que ceux figurant dans l’index du tome I de cette introduction à la psychopathologie phénoménologique. 13.1. Les mises à jour du Traité de psychiatrie clinique et thérapeutique de l’Encyclopédie Médico-chirurgicale Ce Traité a publié successivement au cours de ces dernières décennies plusieurs mises à jour actualisées sur l’approche phénoménologique en psychiatrie : • en 1998, Phénoménologie et analyse existentielle par J. Naudin, D. Pringuey et J.-M. Azorin [46] ; • en 2014, Psychiatrie phénoménologique et existentielle [47] par G. Charbonneau. Et enfin en janvier 2016 Approche phénoménologique en psychiatrie par M. Cermolacce, B. Martin et J. Naudin [48]. Ses auteurs après avoir soulevé la question « pourquoi une approche phénoménologique en psychiatrie ? » traitent de l’influence de la phénoménologie philosophique sur cette discipline médicale évoquant à ce propos des philosophe tels que Husserl, Heidegger, Scheler pour ceux de langue allemande et Merleau - Ponty et Ricœur pour les franc¸ais. Ils présentent ensuite quelques figures historiques de la psychiatrie phénoménologique des premières générations : Jaspers, Binswanger, Minkowski, Blankenburg, Tellenbach et Kimura Bin. Ils présentent ensuite quelques approches contemporaines de la psychiatrie phénoménologique : la phénoménologie et le processus ou rétablissement, cette « démarche personnelle par laquelle un sujet touché par une pathologie psychiatrique sévère se dégage de l’identité de malade psychiatrique, retrouve une inscription sociale et un sentiment durable de bien-être » ([48], p. 5). C’est selon eux le discovery des auteurs de langue anglaise car cette mise à jour de 2016 se réfère à des notions propres à la psychiatrie de langue anglaise comme celle-ci ainsi qu’aux rapports entre la phénoménologie et ce que l’on nomme « neuroscience ». Ils font aussi référence à un article publié par Francisco Varela en 1996 où ce dernier parle d’ailleurs de Neurophenomenology. Le nom de cet auteur figure aussi à propos d’autres ouvrages en anglais comme Naturalizing phenomenology: issues in contemporary psychiatry édité en 1999 par Stanford University Press. Les auteurs de cette récente « mise à jour » jugent que « la phénoménologie offre une perspective épistémologique particulièrement pertinente dans le contexte actuel de la recherche psychiatrique » ([48], p. 5), mais il semble s’agir ici de la recherche en psychiatrie biologique et soulignent dans leur conclusion qu’ : « aujourd’hui, la psychiatrie phénoménologique s’inscrit dans un projet de naturalisation dont on pourrait penser qu’il est contraire à l’esprit de la Daseinanalyse. Les plus heideggériens peuvent s’y opposer ou dénoncer non sans pertinence qu’un tel projet manque de rigueur philosophique », phrase que l’on pourrait comprendre comme un divorce entre l’abord du
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point de vue philosophique au moins heideggérien et d’un point de vue biologique de la clinique des phénomènes psychopathologiques. Nous sommes un peu surpris de ne pas voir donner plus d’importance dans cette récente mise à jour à Arthur Tatossian dans l’approche phénoménologique de la psychopathologie à la franc¸aise d’autant que deux de ses trois signataires sont eux-mêmes marseillais et que d’ailleurs la première référence donnée reste celle au rapport de Tatossian sur la Phénoménologie des psychoses au Congrès de Psychiatrie et de neurologie de langue franc¸aise. On retrouve dans les 96 autres références citées dans la bibliographie de cette mise à jour du Traité de psychiatrie clinique et thérapeutique nombre de celles en franc¸ais ou en allemand que nous faisons nous–même figurer pour celles, moins nombreuses, du présent article destiné à être publié dans L’Évolution psychiatrique où nous avons par contre maintenu celles relatives à l’intérêt de l’approche phénoménologique de la psychopathologie des psychoses du groupe des schizophrénies, notamment en raison pour leur abord psychothérapique comme l’indiquait déjà dès sa thèse Eugène Minkowski. 14. Phenomenology World-Wide Anna-Teresa Tyminiecka nous a demandé, pour le volume LXXX des Analecta Husserliana intitulé Phenomenology World-Wide dont elle a dirigé l’édition en 2002, d’écrire dans la partie consacrée à la Phenomenological Psychiatry un court chapitre Phenomenology in Henri’s Work and French Psychiatry ([49], p. 669–78) où nous avons mentionné dans la bibliographie la quasitotalité des textes publiés en franc¸ais sur le sujet jusque-là, mais aussi cette introduction historique à la phénoménologie en psychologie et en psychiatrie publiée par H. Spielberg en 1972 citée par Tatossian dans le Manuel de Porot. 15. Conclusion Nous avons, au cours de notre parcours de lecteur des textes publiés depuis quatre-vingt ans par des psychiatres franc¸ais sur la psychopathologie, à commencer par la thèse d’Eugène Minkowski sur la schizophrénie, pu voir notre discipline recevoir l’apport par des psychiatres-philosophes comme celui-ci ou le suisse Ludwig Binswanger, du courant philosophique de la phénoménologie allemande initié par Edmund Husserl. Cet apport va, après la Seconde Guerre mondiale et le Premier Congrès mondial de Paris en 1950, se développer en France avec les travaux de psychiatres franc¸ais des générations suivantes comme Henri Ey, Arthur Tatossian, Georges Lantéri-Laura ou Georges Charbonneau qui publieront eux-mêmes des travaux sur l’apport de l’approche de la phénoménologie à la clinique mentale dans des traités modernes de psychiatrie. Nous voyons ainsi se dessiner une généalogie de pensée phénoméno-psychiatrique avec deux branches parisiennes à partir d’Eugène Minkowski, Henri Ey et Georges Lantéri-Laura, branche dont j’ai eu personnellement la chance de faire partie dans le cadre de l’Évolution psychiatrique et une avec Yves Pélicier à la faculté de Necker-Enfants malades avec des contacts avec des psychiatres phénoménologues allemands mais aussi une autre branche marseillaise avec Arthur Tatossian et ses élèves que j’ai eu aussi la chance de fréquenter et même de rencontrer dans cette ville Bin Kimura. Un recueil de textes de celui-ci traduits en franc¸ais a été publié en 1992 aux PUF sous le titre Ecrits de psychopathologie phénoménologique [50]. Lorsque l’Association mondiale de Psychiatrie nous a confié l’organisation à Paris en 2000 d’un Congrès, dont le thème était « Penser la psychiatrie », pour commémorer son Jubilé, nous avons eu
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le plaisir de voir y participer nombre de représentants de ce courant de pensée phénoménologique venus du monde entier ; nous en avons retrouvé plusieurs lors du symposium organisé par les sociétés franco-japonaises de médecine de Paris et de Tokyo lors du 12e Congrès Mondial de Psychiatrie à Yokohama en 2002 puisque c’est sans doute au pays du Soleil levant que ce courant est actuellement le plus vivace dans le monde, le monde anglophone paraissant se consacrer davantage à la neurophenomenology et à son intérêt pour les recherches dans le domaine des neurosciences. Déclaration de liens d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Hesnard A, Laforgue R, editors. L’Évolution psychiatrique. Psychanalyse-Psychiatrie clinique. Paris: Payot; 1926–1927 [2 tomes]. [2] Minkowski E. La schizophrénie. Psychopathologie des schizoïdes et des schizophrènes. Paris: Payot; 1927. [3] Minkowski E. La schizophrénie. Psychopathologie des schizoïdes et des schizophrènes. Nouvelle édition revue et augmentée. Paris: Desclée de Brouwer; 1953. [4] Jaspers K. Psychopathologie générale. Paris: Félix Alcan; 1928 [Trad. d’après la 3ème éd. allemande]. [5] Wyrsch J. La personne du schizophrène. Études clinique, psychologique, anthropo-phénoménologique. Paris: PUF; 1966 [Trad. de l’allemand en franc¸ais par Jacqueline Verdeaux]. [6] Minkowski E. Le temps vécu. Études phénoménologiques et psychopathologiques. Paris: D’Artrey, coll. « l’Évolution Psychiatrique »; 1933. [7] Binswanger L. La conception de l’homme dans l’œuvre de Freud, à la lumière de l’anthropologie philosophique. Evol Psychiatr 1938;X(1):3–34. [8] Garrabé J, Lévy-Valensi J. Dictionnaire biographique. Ann Med Psychol 2013;1:54–6. [9] Tellenbach H. La mélancolie. Paris: PUF; 1979 [Trad. Fr. de la 3e édition; présentation Y. Pélicier]. [10] Ebtinger R. Analyse du livre de Tellenbach. Evol Psychiatr 1963;2:327–64. [11] Minkowski E. Vers une cosmologie. Fragments philosophiques. Paris: Aubier; 1936. [12] Ricoeur P. Philosophie de la volonté. Paris: Aubier; 1949. [13] Mourgue R. Neurobiologie de l’hallucination. Essai sur une variété particulière de désintégration de la fonction. Bruxelles: Maurice Lambertin; 1922. [14] Minkowski E. La droiture. In: Mélanges offert à Pierre Janet. Paris: D’Artrey; 1939. [15] Binswanger L. La Daseinanalyse. L’Encéphale 1951;40(1):108–13. [16] Binswanger L. Réflexions sur le temps et l’éthique. Evol Psychiatr 1956;XXI(1):37–44. [17] Steck H. Les attitudes schizophréniques. Evol Psychiatr 1956;XXI(1):363–78. [18] Bleuler M. Aspects secrets de la psychiatrie. Evol Psychiatr 1956;11(1):45–50. [19] Ricciardi von Platen A. L’extermination des malades mentaux dans l’Allemagne nazie. Ramonville-Saint-Agne: Erès; 2011. [20] von Bueltzingsloewen I. L’hécatombe des fous. La famine dans les hôpitaux psychiatriques franc¸ais pendant l’Occupation. Paris: Aubier; 2007. [21] Minkowska F. Le Rorschach. La recherche du monde des formes. Paris: Desclée de Brouwer; 1956. [22] Von Weizsäcker V. Le cycle de la structure (Der Gestaltkreiss). Paris: Desclée de Brouwer; 1958 [Traduit de l’allemand par M. Foucault et D. Rocher. Préface d’Henri Ey]. [23] Kuhn R. Phénoménologie du masque à travers le Test de Rorschach. Paris: Desclée de Brouwer; 1957. p. 17 [Préface de G. Bachelard. Traduit de l’allemand par J. Verdeaux]. [24] Minkowski E. Traité de psychopathologie (1966). 2e éd. Le Plessis-Robinson: Les Empêcheurs de penser en rond; 1999. [25] Ey H. Analyse du Traité de psychopathologie de Minkowski. Evol Psychiatr 1968;33(2):363–7. [26] Lantéri-Laura G. Philosophie phénoménologique et psychiatrie. Evol Psychiatr 1956;4:653–75. [27] Pichot P, Rein W, editors. L’approche clinique en Psychiatrie. Le Plessis-Robinson: Les empêcheurs de penser en rond; 1999.
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