Revue de Pneumologie clinique (2017) 73, 127—134
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ARTICLE ORIGINAL
La place de la chirurgie dans les bronchectasies bilatérales séquellaires The place of surgery in bilateral sequelae bronchiectasis I. Issoufou a,∗, S. Rabiou a, L. Belliraj a, F.Z. Ammor a, H. Harmouchi a, A.S. Diarra b, M. Lakranbi a, M. Serraj c, Y. Ouadnouni a, M. Smahi a a
Service de chirurgie thoracique, CHU Hassan II, BP 1893, Km 2.200, route de Sidi Harazem, 3000 Fès, Maroc b Laboratoire d’épidémiologie, recherche clinique et santé communautaire, faculté de médecine et de pharmacie de Fès, 3000 Fès, Maroc c Service de pneumologie, CHU Hassan II, BP 1893, Km 2.200, route de Sidi Harazem, 3000 Fès, Maroc Disponible sur Internet le 30 mars 2017
MOTS CLÉS Tuberculose ; Infection de voies respiratoire ; Hémoptysie ; Bronchectasies ; Lobectomy ; Chirurgie thoracique
∗
Résumé Introduction. — Le but de notre étude est de rapporté nos résultats de la chirurgie dans les bronchectasies bilatérales séquellaires et d’en évaluer l’impact sur la qualité de vie de nos patients. Méthode. — Il s’agit d’une étude rétrospective descriptive réalisée dans le service de chirurgie thoracique du CHU Hassan II de Fès au Maroc. Elle concernait tous les patients ayant une dilatation de bronches bilatérales prédominantes sur quelques lobes ou segments (localisées) et qui ont été opérés pendant la période 2010—2015. Les aspects épidémiologique, clinique, paraclinique, le résultat de la chirurgie, l’évolution et l’impact sur la qualité de vie ont été évalués. Résultats. — Sur un total de 47 patients présentant des bronchectasies bilatérales, 13 ont été opérés soit une fréquence de 27,6 %. L’âge moyen était de 32 ans avec des extrêmes allant de 15 à 54 ans. Les femmes étaient majoritaires (61,5 %) représentant un sex-ratio de 1,6. L’association bronchorrhée chronique—hémoptysie était le principal motif de consultation retrouvé chez 46,16 % des patients, suivi des bronchorrhées chroniques isolées chez 38,46 %. Les résections chirurgicales concernaient le côté gauche dans 61,5 % des cas. La lobectomie inférieure gauche était le geste le plus réalisé. Une amélioration de la symptomatologie
Auteur correspondant. 1, rue Nador, Hay Amal route de Sefrou, 30000 Fès Sais, Maroc. Adresse e-mail :
[email protected] (I. Issoufou).
http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2017.02.003 0761-8417/© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.
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I. Issoufou et al. est retrouvée chez 11 patients (84,6 %) marquée par une diminution de la bronchorrhée, des épisodes d’hémoptysie et une diminution des recours aux antibiotiques. Conclusion. — La chirurgie des bronchectasies bilatérales peut être réalisée avec une morbimortalité acceptable chez des patients bien sélectionnés avec une amélioration de la symptomatologie. © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.
KEYWORDS Tuberculosis; Respiratory tract infections; Hemoptysis; Bronchiectasis; Lobectomy; Thoracic surgery
Summary Introduction. — The aim of our study is to report our surgery results in bilateral sequelae bronchiectasis and to assess its impact on the life quality of our patients. Method. — This is a retrospective descriptive study in thoracic surgery department of Teaching Hospital Hassan II of Fez in Morocco. It involved all patients with bilateral bronchiectasis which is predominant on a few lobes or segments (localized) and who underwent surgery during the period 2010—2015. The epidemiological, clinical and paraclinical data, the surgery results, the evolution and the impact on life quality were assessed. Results. — From a total of 47 patients with bilateral bronchiectasis, 13 were operated, thus a frequency of 27.6%. The average age was 32 years, ranging from 15 to 54 years. Women were in majority (61.5%) representing a sex ratio of 1.6. The association of chronic bronchorrhea and hemoptysis was the main reason of medical consultation in 46.16%, followed by isolated chronic bronchorrhea in 38.46%. Surgical resection involved the left side in 61.5% of cases. The left lower lobectomy was the most accomplished gesture. An improvement in symptoms was found in 11 patients (84.6%) as a decrease in bronchorrhea, hemoptysis episodes and decreasing use of antibiotics. Conclusion. — Bilateral bronchiectasis surgery can be performed with acceptable morbidity and mortality in well-selected patients with an improvement in symptoms. © 2017 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction La bronchectasie se définit par une dilatation permanente et irréversible du calibre des bronches ayant pour conséquence une altération de leur fonction mucociliaire [1]. Sa prise en charge reste principalement médicale. Durant ces dernières décennies, l’amélioration de cette prise en charge a fait régresser de fac ¸on considérable le recours à la chirurgie dans les pays industrialisés [2]. Mais dans les pays en voie de développement, la récurrence des pneumopathies tuberculeuses et surtout celle de la tuberculose multirésistante et la mauvaise observance des traitements médicaux dans les infections respiratoires font encore de la bronchectasie un problème d’actualité. Elle s’observerait ainsi chez plus 75 % des femmes de plus de 50 ans [1]. Dans les formes bilatérales séquellaires, la place de la chirurgie n’est pas encore bien codifiée [3]. Le but de notre étude est de rapporter nos résultats de la chirurgie dans les bronchectasies bilatérales séquellaires et d’en évaluer l’impact sur la qualité de vie de nos patients.
au Maroc. Elle concernait les patients ayant une dilatation de bronches bilatérales prédominantes sur quelques lobes ou segments (localisées) et qui ont été opérés pendant la période 2010—2015. N’ont pas été pris en compte dans le cadre de cette étude, les patients présentant des bronchectasies bilatérales localisées mais dont le bilan fonctionnel ne permettait pas la résection parenchymateuse requise. Les données ont été recueillies sur les dossiers informatiques des patients quotidiennement mis à jour pendant la durée d’hospitalisation et au cours du suivi des patients. Les aspects épidémiologique, clinique, paraclinique, le résultat de la chirurgie, l’évolution et l’impact sur la qualité de vie ont été évalués. L’analyse s’est déroulée en deux étapes : • une analyse descriptive qui consistait à décrire notre échantillon. Les variables quantitatives ont été décrites par leur moyenne + extrêmes et les variables qualitatives en termes de pourcentage ; • une analyse univariée qui consistait à vérifier la corrélation entre les résultats de la TDM et ceux de la bronchoscopie. Le seuil de signification a été fixé à 5 %.
Méthode Il s’agit d’une étude rétrospective descriptive réalisée dans le service de chirurgie thoracique du CHU Hassan II de Fès
®
Les données ont été saisies par Excel 2013 et analysées au moyen du logiciel SPSS version 20.
Chirurgie des bronchectasies bilatérales
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Résultats Pendant la période d’étude, 62 patients ont été opérés pour bronchectasies unilatérales ou bilatérales. Quarante-sept patients présentaient des bronchectasies bilatérales, parmi lesquels 13 ont été opérés soit une fréquence de 27,6 %. L’âge moyen était de 32 ans avec des extrêmes allant de 15 à 54 ans. Les femmes étaient majoritaires (61,5 %) représentant un sex-ratio de 1,6. Tous nos patients sont suivis par un pneumologue qui les adresse pour cure chirurgicale après avoir exclu une cause primitive et après échec du traitement médical. Des antécédents d’infection respiratoire à répétition étaient retrouvés chez 69 % des patients, de tuberculose pulmonaire traitée et déclarée guérie chez 31 %, de diabète, d’asthme et de tabagisme dans 1 cas chacun. L’association bronchorrhée chronique—hémoptysie était le principal motif de consultation retrouvé chez 46,16 % des patients, suivi des bronchorrhées chroniques isolées chez 38,46 %. Tous les patients avaient bénéficié d’une radiographie thoracique (Fig. 1) standard qui mettait en évidence des images aréolaires bilatérales. La TDM thoracique (Fig. 2 et 3) était réalisée chez tous les patients et permettait de réaliser une cartographie des lésions. Ces dernières étaient retrouvées sur le lobe supérieur droit dans 61,5 % (segment ventral dans 37,5 %) et sur le lobe moyen chez tous les patients (1 cas sur le segment médial, 1 autre sur le segment latéral). Sur le lobe inférieur droit, les lésions concernaient 53,8 % des patients (segment ventroparacardiaque dans 1 cas) dont une association à une image en grelot. À gauche, les lobes inférieur et supérieur étaient concernés dans 84,6 % chacun (lingula dans 67 %) (Tableau 1
Figure 2. Bronchectasies kystiques lobaires inférieures gauche (flèche blanche) et cylindriques sur le lobe inférieur droit (flèche bleue) et le lobe moyen (flèche jaune).
Figure 3. bronchectasies kystiques lobaires inférieures bilatérales avec greffe aspergillaire à droite (flèche blanche).
Figure 1. Opacités aréolaires paracardiaques bilatérales plus marquée à gauche.
). L’atteinte des cinq lobes était retrouvée chez 6 patients, soit 46,2 %. La bronchoscopie était réalisée dans 10 cas (77 %). Elle mettait en évidence des sécrétions mucopurulentes provenant de l’arbre bronchique gauche dans 54 % des cas, exclusivement de la lobaire inférieure gauche dans 1 cas. Dans l’arbre bronchique droit, les sécrétions provenaient de la lobaire supérieure dans 1 cas (7,7 % des cas), de la lobaire moyenne et de la lobaire inférieure dans 2 cas chacune (15,3 %). Elle était normale chez un patient et aucun obstacle endobronchique n’a été retrouvé chez tous les patients. La recherche de BK dans le liquide d’aspiration bronchique était négative chez tous les patients. Dans un cas, la culture a isolé un Haemophilus influenzae sensible à la ciprofloxacine et à l’amoxicilline + acide clavulanique. Tous nos patients ont été opérés après contrôle de l’épisode infectieux. L’analyse univariée des résultats
130 Tableau 1
I. Issoufou et al. Récapitulatifs des dilatations des bronches.
Âge
Sexe
Antécédents
Signes cliniques
Topographie des lésions à la TDM thoracique
15 ans
F
24 ans
M
Tuberculose pulmonaire Tuberculose pulmonaire
Bronchorrhées chroniques Hémoptysie de faible abondance
47 ans
F
Infection pulmonaire à répétition
Bronchorrhées chroniques et dyspnée d’effort
45 ans
M
Tuberculose pulmonaire, tabagisme chronique
Bronchorrhées chroniques
27
F
Infections pulmonaires depuis l’enfance
Bronchorrhées chroniques et hémoptysies
Lobe inférieur gauche et lobe moyen DDB kystique : lobe inférieur gauche, segment ventral du lobe supérieur droit, segment médial du lobe moyen DDB kystique bilatérale : lobe inférieur gauche, lingula, segment ventral du lobe supérieur droit, segment latéral du lobe moyen, segment ventroparacardiaque droit DDB kystique lobaire inférieure gauche, DDB cylindriques dans le reste des 2 parenchymes pulmonaires + ADP médiastinales (Fig. 2) DDB kystique : pyramide basale gauche, lingula, lobe moyen
42 ans
M
Bronchorrhées chroniques
26 ans
F
Infections pulmonaires depuis l’enfance Infections pulmonaire depuis 2 ans, asthmatique
34 ans
F
Infection pulmonaire à répétition
Hémoptysie
54 ans
F
30 ans
F
Infections pulmonaires à répétition Infections pulmonaires à répétition
Bronchorrhées chroniques et Hémoptysie Bronchorrhées chroniques et hémoptysie
30 ans
M
Tuberculose pulmonaire, diabète
22 ans (Fig. 1)
M
Infection pulmonaire à répétition
Bronchorrhées chroniques et hémoptysie Bronchorrhées chroniques
25 ans
F
Infections pulmonaires à répétitions
Bronchorrhées chroniques et Hémoptysie
Bronchorrhées chroniques et hémoptysie
Scintigraphie pulmonaire
Amputation de la ventilation perfusion sur le lobe inférieur gauche + lingula Amputation de la ventilation perfusion sur la lingula + la pyramide basale gauche
DDB kystique du lobe moyen, DDB cylindriques dans le reste des 2 poumons DDB kystique du lobe inférieur gauche, lésions minimes de DDB dans le reste des 2 parenchymes pulmonaires DDB cylindrique du segment ventral du lobe supérieur droit, lobe moyen et lingula DDB kystique du lobe moyen et lingula DDB kystique de la lingula et segment antérobasal gauche, DDB cylindriques dans le restant des 2 parenchymes pulmonaires DDB bilatérale. Kystique sur le lobe inférieur droit avec image en grelot (Fig. 3) DDB kystique du lobe inférieur gauche et lingula, cylindrique sur le lobe moyen
DDB cylindrique : pyramide basale gauche, lingula, lobe moyen et lobe inférieur droit
Amputation de la ventilation— perfusion sur le lobe inférieur gauche et la lingula
Chirurgie des bronchectasies bilatérales Tableau 1
131
(Suite )
Bronchoscopie
Spirométrie
Gestes chirurgicaux
Anatomopathologie Évolution
Durée du suivi
Sécrétions mucopurulentes abondantes provenant de la lobaire inférieure gauche Normale
VEMS à 68 %, syndrome mixte
Lobectomie inférieure gauche et sous-segmentectomie de la lingula Bi-soussegmentectomie ventrale et médiale lobaire moyenne Lobectomie inférieure gauche et lingulectomie Lobectomie inférieure gauche et exérèse atypique sur la lingula + lymphadénectomie Résection de la pyramide basale et de la lingula
Aspect de bronchectasies
Amélioration
3 ans
Aspect de bronchectasies
Amélioration
1 an
—
Médiocre
5 ans
Aspect de bronchectasies + adénites réactionnelles Aspect de bronchectasies
Amélioration
1 an
Amélioration
1 an
VEMS à 69 %, syndrome restrictif
Sécrétions mucopurulentes abondantes provenant de l’arbre bronchique gauche Sécrétions mucopurulentes abondantes provenant de l’arbre bronchique gauche
VEMS à 68 %, syndrome obstructif VEMS à 54 %, syndrome obstructif
Sécrétions mucopurulentes provenant de l’arbre bronchique gauche et de la lobaire supérieure droite
VEMS à 53 %, syndrome restrictif VEMS à 77 %, syndrome obstructif VEMS à 59 %, syndrome mixte
VEMS à 63 %, syndrome mixte
Sécrétions mucopurulentes abondantes provenant la bronche lobaire moyenne Sécrétions mucopurulentes abondantes provenant l’arbre bronchique gauche
VEMS à 69 %, syndrome mixte VEMS à 74 %, syndrome obstructif
Sécrétions mucopurulentes abondantes provenant de la lobaire inférieure droite Sécrétions mucopurulentes abondantes provenant de l’arbre bronchique gauche et de la bronche lobaire moyenne Sécrétions mucopurulentes abondantes provenant la bronche lobaire inférieure gauche
VEMS à 63 %, syndrome mixte VEMS à 60 %, syndrome mixte
VEMS à 59 %, syndrome mixte
Lobectomie moyenne
Aspect de bronchectasies
Amélioration
5 ans
Lobectomie inférieure gauche
—
6 ans
Résection sous-segmentaire sur le lobe moyen et segment ventral du lobe supérieur droit Lobectomie moyenne
—
Médiocre : Bonne amélioration pendant 3 ans, puis récidive des bronchorrhées Amélioration
Aspect de bronchectasies
Amélioration
6 mois
Aspect de bronchectasies
Amélioration
4 ans
Aspect de bronchectasies et d’aspergillome Remaniements inflammatoires subaigus
Amélioration
2 ans
Amélioration
2 ans
Aspect de bronchectasies
Amélioration considérable
1 an
Lingulectomie et résection du sous-segment antérobasal Lobectomie inférieure droite Chirurgie à la demande du patient Lobectomie inférieure gauche et lingulectomie Résection de la pyramide basale et sous-segment de la lingula
VEMS : volume expiratoire maximum seconde ; DDB : dilatation de bronche ; ADP : adénopathies ; F : féminin ; M : masculin.
1 an
132 Tableau 2
I. Issoufou et al. Corrélation entre les résultats de la tomodensitométrie et ceux de la bronchoscopie.
Résultats de la bronchoscopie
Analyse univariée Résultats de la tomodensitométrie LSG
Lobe supérieur gauche (LSG) Non Oui Lobe inférieur gauche (LIG) Non Oui Lobe supérieur droit (LSD) Non Oui Lobe moyen (LM) Non Oui Lobe inférieur droit (LID) Non Oui
P value
LIG
LSD
LM
LID
Non
Oui
Non
Oui
Non
Oui
Non
Oui
Non
Oui
n (%)
n (%)
n (%)
n (%)
n (%)
n (%)
n (%)
n (%)
n (%)
n (%)
2 (4) 0 (0,0)
3 (60) 5 (100)
0,44
1 (100) 2 (22,2)
0 (0,0) 7 (77,8)
de la TDM et de la bronchoscopie n’a pas montré de corrélation statistiquement significative (Tableau 2). Trois de nos patients avaient bénéficié d’une scintigraphie pulmonaire de ventilation—perfusion. Elle mettait en évidence une amputation de la ventilation—perfusion sur le lobe inférieur gauche et la lingula dans 2 cas, sur la lingula et la pyramide basale gauche chez le troisième. L’exploration fonctionnelle respiratoire a révélé un syndrome mixte dans 53,8 % des cas, un syndrome obstructif dans 30,7 % et un syndrome restrictif dans 15,3 %. La valeur du volume expiratoire maximum seconde (VEMS) était comprise entre 53 et 77 % de la théorique avec une moyenne de 64,3 %. La protéinurie de 24 h était réalisée chez tous les patients. Elle était négative dans tous les cas. La voie d’abord était unilatérale dans tous les cas et consistait en une thoracotomie postérolatérale conservatrice du muscle grand dorsal. Du fait d’une symphyse pleurale très serrée, la libération du poumon empruntait un plan extrapleural dans 5 cas (38,4 %). Les résections concernaient le côté gauche dans 61,5 % des cas. La lobectomie inférieure gauche était le geste le plus réalisé. Elle était isolée dans 1 cas et associée à une exérèse de la lingula dans 4 cas (30,7 %). Cette dernière était également associée à une résection de la pyramide basale gauche dans 2 cas (15,3 %) et à une sous-segmentectomie antérobasale gauche dans 1 cas (7,7 %). Étaient aussi réalisées, une lobectomie moyenne dans 2 cas (15,3 %), une lobectomie inférieure droite dans 1 cas (7,7 %) et une bisous-segmentectomie ventrale lobaire supérieure droite et médiale lobaire moyenne dans 2 cas (15,3 %). Dans toutes les lobectomies, la protection du moignon bronchique a été
0,30
4 (80) 5 (100)
1 (20) 0 (0,0)
1,00 0,77 2 (20)
5 (100) 4 (80)
0 (0,0) 1 (20)
1,00
réalisée par lambeau pleural. La durée moyenne du drainage postopératoire était de 11,5 jours. La mortalité était nulle et la morbidité (4 cas) était représentée par l’atélectasie et la pneumopathie chacune dans 1 cas, un pyothorax postopératoire chez un patient qui a été jugulé par un drainage thoracique et une antibiothérapie adaptée aux germes. Une transfusion par 2 culots globulaires a été nécessaire chez un patient pour saignement postopératoire. L’examen anatomopathologique des pièces opératoires était concluant dans 10 cas (77 %). Il mettait en évidence un aspect de bronchectasie dans 9 cas (69 %) dont l’association à un aspergillome dans 1 cas et dans 1 cas un remaniement fibreux inflammatoire. Aucune lésion tuberculeuse n’a été retrouvée. Les patients sont par la suite ré-adressés à un pneumologue pour optimiser le traitement médical. Le suivi moyen était de 2,5 ans. Une amélioration de la symptomatologie est retrouvée chez 11 patients (84,6 %) marquée par une diminution de la bronchorrhée, des épisodes d’hémoptysie et une diminution des recours aux antibiotiques. L’évolution était médiocre chez 2 patients (15,3 %), marquée par un retour de la symptomatologie préopératoire respectivement à la 3e et 5e année après chirurgie et une détérioration de la fonction respiratoire.
Discussion Les bronchectasies bilatérales séquellaires sont rares. Balkanli et al. retrouvaient dans une série de 238 patients, 13 cas de localisations bilatérales. Mazières et al. quant à
Chirurgie des bronchectasies bilatérales eux retrouvaient 16 patients dans une série de 176 [4]. Dans nos pays émergents, cette entité reste relativement fréquente et très handicapante. Dans notre série, 13 patients parmi les 47 portant une forme bilatérale ont été opérés soit une fréquence de 27,6 %. La population jeune active en est la plus concernée d’où un impact socio-économique considérable. En effet, la moyenne d’âge dans notre série était de 32 ans. Elle était de 38,5 ans chez Ndiaye et al. dans une série sénégalaise [5]. Dans les séries asiatique et américaine la moyenne d’âge retrouvée était autour de 50 ans et une prédominance féminine a été retrouvée [2,6]. Plusieurs études ont tenté d’expliquer cette prédominance. Le rôle de certaines hormones sexuelles et de certains médiateurs notamment la leptine et l’adiponectine ont été incriminés [7]. L’antécédent d’infection respiratoire comme cause de bronchectasies n’est pas nouveau. Dans une série non chirurgicale tunisienne, les étiologies infectieuses ont représenté 66,6 % [8]. Dans cette même série, la tuberculose était l’étiologie prédominante avec 80,14 %. Ces séquelles infectieuses seraient responsables de DDB (dilatation de bronches) à travers 3 mécanismes : une fibrose cicatricielle parenchymateuse responsable de DDB par traction, prédominantes aux parties postérosupérieures des poumons, les cicatrices de granulome endobronchique ou de ganglion fistulisé responsable de syndrome du lobe moyen et enfin les exceptionnelles broncholithiases [9]. Au Maghreb et dans plusieurs pays en voie de développement, les étiologies infectieuses restent au premier plan et cela du fait d’une mauvaise observance au traitement médical mais aussi la recrudescence de la tuberculose et de sa forme multirésistante. Dans notre série, tous les patients présentaient un antécédent d’infection respiratoire dont la tuberculose occupait 31 %. Il ressort de cela que malgré l’endémicité de la tuberculose dans notre pays, les infections respiratoires non spécifiques restent la première cause de bronchectasie dans notre série. Seraient-elles alors plus pourvoyeuses de bronchectasies bilatérales ? Dans les pays développés, les séquelles infectieuses représentent seulement 30 % de toutes les étiologies alors que 30 à 50 % des DDB (dilatations de bronches) demeurent de causes inconnues [9]. Cela pour montrer l’intérêt d’une prise en charge médicale efficace et précoce des infections respiratoires afin d’éviter l’évolution vers cette complication gravissime. Le motif principal de consultation était l’association bronchorrhée chronique-hémoptysie présente chez 46,16 % des patients tandis que les bronchorrhées chroniques à elles seules représentaient 38,46 %. Les hémoptysies peuvent représenter 50 à 70 % des motifs de consultation et constituer ainsi les principales indications à la chirurgie, surtout dans les DDB post tuberculeuses [10]. Elles peuvent être massives nécessitant une prise en charge en urgence. Cette forme était assez fréquente dans la série de Agasthian T et al. où son association aux hémoptysies récurrentes représentait 19,4 % des indications opératoires [2]. L’embolisation est une alternative thérapeutique ayant montré ses preuves à court terme. Mais le risque de récidive et de survenue de certaines types de complications telle que la migration systémique du matériel d’embolisation rendent cette option parfois inefficace conduisant inéluctablement vers une chirurgie [1,11]. Aucun de nos patients n’avait bénéficié
133 d’une embolisation. La TDM thoracique injectée constitue l’un des examens clés dans cette pathologie avec un taux de faux positif de 1 % et 2 % de faux négatif [12]. Elle doit être de haute résolution, hélicoïdale, multibarette avec des coupes jointives de 1 mm [13]. Elle permet non seulement de poser le diagnostic mais aussi d’obtenir une topographie des lésions et orienterait ainsi les gestes de résections surtout dans ces formes bilatérales. Elle peut parfois révéler une étiologie. Les lésions prédominaient à gauche et les deux lobes étaient concernés chacun dans 84,6 % des cas dans notre série. Cette prédominance gauche n’est pas fortuite. En effet, la bronche souche gauche est considérablement plus longue et plus effilée que la droite de même que l’espace péribronchique gauche est restreint par la proximité de l’aorte descendante. De ce fait le drainage bronchique se fait mal et la bronche est encline à l’obstruction et à une compression extrinsèque par des adénopathies favorisant ainsi la pérennisation des infections respiratoires [14]. Dans un cas une image en grelot évoquant un aspergillome a été retrouvée. Cette association pourrait majorée le risque d’hémoptysie cataclysmique sur un terrain de DDB bilatérale et doit ainsi conduire à une chirurgie dans les plus brefs délais. La bronchoscopie constitue l’autre examen clé. Elle doit être systématique lorsque les lésions sont bilatérales et surtout en prélude d’un traitement chirurgical. Elle était réalisée chez 77 % de nos patients. Elle permet de préciser le siège où les hémoptysies et les bronchorrhées sont plus abondantes orientant ainsi les résections parenchymateuses. Elle recherche également une cause locorégionale. Aussi, l’aspiration bronchique réalisée pendant l’endoscopie présente un double intérêt. D’une part elle permet la recherche de BK et de germes non spécifiques dans le liquide d’aspiration afin d’établir un antibiogramme surtout pour l’antibiothérapie post opératoire. D’autre part, elle prépare des meilleures suites opératoires en évacuant les sécrétions bronchiques collantes responsables d’atélectasie post opératoire. Dans notre série, la recherche de BK dans le liquide d’aspiration bronchique était négative chez tous les patients. Par contre, dans un cas, Haemophilus influenzae a été isolé. Il s’agit d’un germe appartenant aux souches mucoïdes dont la présence marque un tournant dans la prise en charge médicale des DDB [1,15]. Bien que dans notre pratique, les résultats de la TDM thoracique confrontés à ceux de la bronchoscopie nous ont permis d’orienter les résections chirurgicales vers les zones les plus atteintes, aucune corrélation statistiquement significative n’a été retrouvée à l’analyse univariée (p > 0,05) (Tableau 2). Cela serait dû à la taille restreinte de notre échantillon. Du fait du faible revenu de nos patients, la scintigraphie pulmonaire de ventilation - perfusion n’a été réalisée que chez 3 patients. Tout de même ses résultats étaient concordants à ceux de la TDM thoracique. Une préparation préopératoire consistant en une antibiothérapie adaptée et une kinésithérapie respiratoire intensive doit être l’attitude avant toute chirurgie [10]. Cette chirurgie doit être la plus conservatrice possible, en fonction de l’étendue de la DDB, de la qualité du parenchyme restant et de l’état fonctionnel respiratoire. Dans notre série, le VEMS moyen était de 64,3 % de la théorique. Mais il faut tout de même rappeler que la résection des lésions de
134 bronchiectasie aura comme conséquence une amélioration de la fonction respiratoire malgré une diminution quantitative du parenchyme pulmonaire [16]. Ainsi dans les DDB bilatérales, la résection des zones atteintes permettra une stabilisation du restant des lésions évitant ainsi le recourt ultérieur à une seconde chirurgie [10]. De ce fait les résections chirurgicales doivent être certes les plus conservatrices, mais aussi les plus complètes possibles. Pour certains auteurs, un minimum de deux lobes ou six segments doivent, à l’extrême, être préservés pour assurer une fonction respiratoire adéquate [17]. Ainsi dans les DDB bilatérales, le défi du chirurgien sera double. D’une part le choix du côté à opérer, et d’autre part préciser l’étendue de la résection parenchymateuse afin d’améliorer la symptomatologie du patient tout en laissant du parenchyme suffisant pour une fonction respiratoire adéquate. La morbidité était de 30 % dans notre série alors que la mortalité était nulle. L’atélectasie, la pneumopathie et le pyothorax post opératoires étaient les principales complications retrouvées. Parmi les patients opérés pour bronchectasies unilatérales pendant la même période, 8 ont présenté une atélectasie, 5 cas de pneumopathie postopératoire, 6 cas de bullage prolongé et 1 cas de pyothorax. Ainsi la bilatéralité des lésions de bronchectasies ne prédisposent pas à des complications post opératoires particulières. Dans une méta-analyse ayant regroupé 33 études et près de 4583 patients opérés pour bronchectasie, la morbidité était estimée à 16,7 %. Les complications les plus retrouvées étaient la fuite aérienne prolongée, l’atélectasie, l’hémorragie, la fistule bronchopleurale, l’empyème, les infections de la paroi, les arythmies cardiaques et la pneumonie [18]. Nous avons noté une amélioration de la symptomatologie chez 11 patients/13. L’amélioration a été définie par une diminution de la bronchorrhée, des épisodes d’hémoptysie et une diminution des recours aux antibiotiques. Mais nous avons constaté chez 2 patients que la récidive de la symptomatologie préopératoire était survenue respectivement à la 3e et 5e année du suivi post opératoire. Une deuxième chirurgie n’a pu être réalisée en raison d’une fonction respiratoire assez altérée.
Conclusion La chirurgie des bronchectasies bilatérales peut être réalisée avec une morbimortalité acceptable chez des patients bien sélectionnés. La résection parenchymateuse doit répondre à deux exigences : la préservation parenchymateuse et la résection la plus complète possible des lésions. Cela permettra une stabilisation des lésions restantes et éviterait le recours à une seconde chirurgie. Mais lorsque cette dernière s’impose, elle doit être réalisée si les capacités respiratoires fonctionnelles le permettent. Le couple TDM thoracique—bronchoscopie a permis dans notre étude de répondre à ces exigences tout en mettant l’accent sur une bonne préparation préopératoire et une bonne évaluation fonctionnelle respiratoire.
I. Issoufou et al.
Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
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