La protéine du prion et le cuivre : un lien mystérieux

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Pathologie Biologie 53 (2005) 244–250 http://france.elsevier.com/direct/PATBIO/

Actualité biologique

La protéine du prion et le cuivre : un lien mystérieux Prion protein and copper: a mysterious relationship W. Rachidi a,d,*, J. Riondel b, H.M. McMahon a, A. Favier c a

b

Industrial Microbiology, University College Dublin (UCD), Belfield, Dublin 4, Ireland Laboratoire de biologie du stress oxydant (LBSO), faculté de pharmacie, domaine de La Merci, 38706 la Tronche-Grenoble cedex 9, France c Laboratoire des lésions des acides nucléiques, UMR CNRS/CEA/UJF, 5046, avenue des Martyrs, 38000 Grenoble, France d Laboratoire de neuroendocrinologie cellulaire et moléculaire, Inserm U413, université de Rouen, 76821 Mont-Saint-Aignan, France Reçu le 4 juillet 2003 ; accepté le 30 octobre 2003 Disponible sur internet le 20 janvier 2004

Résumé Les maladies à prions se présentent comme un groupe d’affections neurodégénératives comprenant principalement la maladie de CreutzfeldtJakob chez l’homme et l’encéphalopathie spongiforme bovine chez l’animal. Ces maladies sont caractérisées par l’accumulation d’une protéine appelée PrPSc qui correspond à une forme altérée d’une protéine normale, la PrPC. Le rôle de la PrPC reste mystérieux. Sa partie N-terminale contient une série de cinq octapeptides qui lient le cuivre. La protéine peut posséder une activité superoxyde dismutase et par conséquent elle peut jouer un rôle dans la protection contre le stress oxydant. Dans cette revue, la relation entre la PrPC, le métabolisme du cuivre et le stress oxydant ainsi que les conséquences de sa conversion pathologique ont été analysées. Ainsi, les ions métalliques et le stress oxydant peuvent jouer un rôle important dans la pathogénicité des maladies à prions et ils peuvent représenter dans l’avenir une cible thérapeutique très importante. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Prion diseases form a group of fatal neurodegenerative disorders including Creutzfeldt–Jakob disease in humans and bovine spongiform encephalopathy in animals. All of which are characterized by the accumulation of abnormally folded isoform of the cellular prion protein (PrPC), denoted PrPSc, which is the major component of infectious prion diseases. The function of PrPC remains elusive. Its amino-terminal region contains a repeated five octapeptide domain that binds copper. The protein is believed to display a superoxide dismutase like activity, and hence a possible protective function against oxidative stress. In this review, relationship between PrP, copper and oxidative stress was analysed. Thus, metal ions and oxidative stress would play an essential role in the pathogenesis of prion diseases and represent important targets for future therapeutic targets or a novel diagnostic marker. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Cuivre ; Encéphalopathies spongiformes transmissibles ; Prions ; Stress oxydant Keywords: Copper; Oxidative stress; Prions; Transmissible spongiform encephalopathies

1. Introduction Les Encéphalopathies Spongiformes Subaigues Transmissibles (ESST), ou maladies à prions représentent un groupe d’affections neurodégénératives qui comprend chez l’homme, * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (W. Rachidi). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.patbio.2003.10.003

la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ), le Kuru, le syndrome de Gerstmann-Straüssler-Scheinker (GSS) et l’insomnie familiale fatale (IFF) (pour revue voir [1]) ; chez l’animal on décrit, la tremblante du mouton et de la chèvre, l’encéphalopathie du vison, l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) ou maladie de la vache folle, la maladie du dépérissement chronique des ruminants sauvages et l’encéphalopathie spongiforme féline.

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L’expression « encéphalopathies spongiformes transmissibles » a été choisie pour évoquer leurs principaux points communs. D’abord encéphalopathies spongiformes, car le cerveau des personnes ou des animaux malades se révèle criblé de vacuoles. Cet aspect, qui rappelle la texture d’une éponge est à l’origine de la terminologie spongiforme, enfin, transmissible, car elles peuvent se transmettre d’un individu à l’autre, au sein d’une même espèce ou d’espèces très différentes. Les ESST sont uniques car leur origine peut être infectieuse, sporadique et familiale. Les ESST, ont été portées au premier plan de l’actualité en 1996, suite à la révélation par le gouvernement britannique d’une possibilité de transmission de l’ESB à l’homme. L’épidémie d’ESB a atteint son apogée en Angleterre entre 1992 et 1993 avec 3500 nouveaux cas déclarés par mois. L’alimentation des bovins a été mise en cause : les fabricants introduisaient, dans les aliments pour bétail, des farines d’origine animale (carcasses d’ovins et bovins). Une modification des procédés de fabrication intervenue en 1980 (pour des raisons économiques, la température de stérilisation a été abaissée de 130 à 110 °C et l’étape d’extraction par des solvants organiques a été éliminée) a pu aboutir à la commercialisation de lots infectieux. Afin de caractériser l’agent infectieux responsable des ESST, différentes techniques de purification ont été entreprises à partir d’extrait du cerveau des moutons atteints par la tremblante. La fraction infectieuse se distingue des agents conventionnels par une très grande résistance aux traitements qui altèrent les acides nucléiques, comme les rayonnements gamma et UV [2], ainsi qu’une grande insensibilité au formaldéhyde et aux températures qui inactivent tous les virus connus [3–6]. L’agent peut même résister à une température de 360 °C en chaleur sèche. Paul Brown a montré récemment qu’une infectiosité persiste même après une incinération à 600 °C [7]. Cependant, la fraction infectieuse s’est montrée largement inactivée par des procédés qui modifient les protéines comme l’urée, la protéinase K, le SDS, le DEPC, le phénol, la trypsine et le thiocyanate de guanidine [8]. Prusiner suggéra alors que l’agent des ESST était de nature protéique, donnant aux extraits infectieux le nom de prions pour (proteinaceous infectious particles) [8]. Selon l’hypothèse proposée par Stanley B. Prusiner, les prions ne contiennent pas d’acides nucléiques, mais sont constitués principalement, voire uniquement, d’une protéine nommée PrPSc, pour forme scrapie de la PrP, correspondant à la forme altérée d’une protéine normale la PrPC, pour forme cellulaire [1]. La PrPC humaine contient 253 acides aminés (254 chez la souris et 264 chez les bovins). Ils s’agit d’une glycoprotéine présentant plusieurs régions hautement conservées (Fig. 1). La conversion de la PrPC s’accompagne très probablement d’une modification structurale. Une hélice a est convertie en feuillets b [9]. Cette modification structurale est accompagnée de plusieurs modifications physicochimiques de la protéine cellulaire PrPC. La fonction de la PrPC reste inconnue. Certaines souches de souris knock out pour le gène de la PrP se développent normalement sans aucune

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Fig. 1. Structure primaire de la protéine PrPC humaine. La préprotéine comporte 253 résidus d’acides aminés. Lors de sa maturation, le peptide signal N-terminal de 22 acides aminés est clivé et les 23 résidus C-terminaux sont remplacés par une ancre GPI. La région N-terminale contient cinq répétitions d’un octapeptide riche en glycine qui lie le cuivre et la région C-terminale présente un cœur hautement structuré, présentant trois hélices a (a1,a2 et a3) et deux feuillets b anti-parallèle (b1 et b2). Cette région comprend aussi deux sites de glycosylation et un pont disulfure.

anomalie neurologique ; cependant ces souris présentent une altération du rythme circadien [10] et un défaut dans la transmission synaptique au niveau de l’hippocampe [11]. La localisation de la protéine à la surface cellulaire des neurones évoque un rôle possible dans l’adhésion cellulaire, la liaison avec un ligand extracellulaire ou la signalisation. Des nombreuses études ont montré que la partie N-terminale de la PrPC contient une série d’octapeptides riches en glycine et proline et capables de lier le cuivre et le zinc [12,13]. La PrP pourrait avoir un rôle antioxydant en fixant ce cuivre [14]. Ces résultats sont très importants surtout si l’on considère le rôle clé du cuivre et du stress oxydant dans les maladies neurodégénératives. Nous allons développer plus loin la relation entre l’expression de la PrP, le métabolisme du cuivre et le stress oxydant.

2. Cuivre, stress oxydant et maladies neurodégénératives Le cuivre est un oligo-élément indispensable à la vie, il possède deux degrés d’oxydation +I et +II. La forme Cu (II) est la plus stable. Le pouvoir prooxydant du couple Cu+/Cu2+ est utilisé dans diverses réactions d’oxydoréduction par de nombreuses enzymes cuprodépendantes (Tableau 1) [15]. Cependant, si le cuivre est indispensable à l’état de trace, il devient toxique en excès. En effet, Cu+ peut réagir avec le peroxyde d’hydrogène (H2O2) pour générer le radical hydroxyle (HO.), un radical libre hautement réactif et qui peut causer des dommages importants au niveau des macromolécules (ADN, protéines et lipides) [16]. À partir de ces données on peut conclure que l’effet de Cu sur la production des radicaux libres est biphasique. À basse concentration, il inhibe la production des radicaux oxygénés, alors qu’à forte concentration, il se comporte comme le fer et catalyse une réaction de Fenton. La structure des complexes de Cu au sein des cuproenzymes est sans doute importante pour en faire un

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Tableau 1 Fonctions des principales cuproprotéines Métalloenzymes Superoxyde dismutase (SOD Cu/Zn) Cytochrome C oxydase Histaminase Lysyl oxydase Dopamine b-hydroxylase Tyrosinase Amine oxydase Peptideylglycine monooxygènase Céruloplasmine Facteur V Angiogénine Métallothionéine Protéine de prion Précurseur de l’amyloïde b

Fonctions • Dismutation des anions superoxydes • Production d’énergie (respiration mitochondriale) • Dégradation de l’histamine • Liaisons interfibrillaires d’élastine et de collagène • Production de catécholamines • Production de mélanine • Oxydation des amines primaires • Bioactivation des hormones peptidiques • Ferroxydase et transport du cuivre • Coagulation sanguine • Angiogenèse • Séquestration du cuivre libre • Transport du cuivre ? Activité SOD like ? • Fonction inconnue ?

système antioxydant ou au contraire générer et induire des oxydations site-dirigées de la protéine. Le dérèglement du métabolisme du cuivre se traduit par une augmentation de production des radicaux libres. Le SNC est particulièrement sensible aux dommages causés par ces espèces étant donné que le cerveau est un organe qui est naturellement pauvre en enzymes antioxydantes (SOD Cu/Zn, catalase et peroxydases) et riche en substrats facilement oxydables (acides gras polyinsaturés). Les hypothèses les plus récentes suggèrent un rôle important du stress oxydant causé par un défaut du métabolisme de Cu dans la mort neuronale. Au niveau cellulaire l’homéostasie de Cu est primordiale et des dérèglements de son équilibre se reflètent principalement au travers de deux maladies génétiques résultant d’erreurs innées dans le métabolisme de Cu [17], il s’agit des maladies de Menkès et Wilson. La neurodégénérescence associée à la maladie d’Alzheimer (MA) résulte du dépôt des plaques amyloïdes dans les cerveaux des patients. Il a été démontré qu’un taux élevé de Cu a été trouvé dans ces plaques [18]. Le précurseur de la protéine amyloïde ou PPA contient plusieurs sites de fixation de Cu. Il a été démontré que le PPA réduit Cu2+ en Cu+ [19]. Toutefois, le cuivre réduit peut être réoxydé par le peroxyde d’hydrogène selon la réaction de Fenton en générant le radial hydroxyl, ce qui va entraîner l’oxydation du PPA et conduit à l’agrégation et au dépôt de la protéine Ab [20], protéine responsable de la mort neuronale au cours de la maladie d’Alzheimer. Dans les formes familiales de la sclérose latérale amyotrophique (SLAF), une autre maladie neurodégénérative caractérisée par une dégénérescence des neurones moteurs, un gène anormal a été identifié comme étant celui de la SOD Cu/Zn cytosolique [21]. À ce jour, plus de 60 mutations ont été décrites dans le SLAF [22]. Comparée à la SOD cytosolique normale, la forme mutée possède le même nombre

d’ions Cu et garde l’activité dismutasique, en revanche, elle produit beaucoup plus de radicaux libres en présence de H2O2. Ceci est probablement dû à une altération de la spécificité pour le substrat [23]. La durée de vie des souris transgéniques exprimant une SOD mutée a été prolongée significativement par le traitement avec la D-pénicillamine [24], un chélateur spécifique de Cu. Les cuproprotéines mutées pourraient donc avoir des propriétés redox très différentes de la protéine normale. Enfin, nous allons discuter en détail du rôle du cuivre dans les ESST.

3. Relation PrP et cuivre 3.1. La PrPC lie le cuivre Hornshaw et al. ont été les premiers à montrer que des peptides homologues au domaine N-terminal de la PrP pouvaient fixer Cu et ont suggéré l’implication possible de ce métal dans la fonction biologique de la PrP [25,26]. Par spectrométrie de masse, ils ont montré qu’une unité d’octapeptide (PHGGGWGQ) pouvait lier un atome de Cu avec une haute spécificité et ils ont émis l’hypothèse que des résidus histidine intervenaient dans la coordination de Cu. D’autres études sur des PrP recombinantes de hamster (29231) ont confirmé le fait que la protéine fixait Cu dans son domaine N-terminal [27] et ont montré par des expériences de dialyse à l’équilibre à pH 6 que la PrP (29-231) recombinante de hamster fixe deux moles de Cu par mole de PrPC. Ils ont suggéré un rôle de Cu dans la structuration de la région flexible N-terminale. Brown et al., selon la même technique, mais à pH 7,4 ont montré que la PrP (23-98) recombinante humaine fusionnée à la glutathion-S-tranférase, pouvait fixer cinq à six atomes de Cu [12]. Pour déterminer les régions de la PrPC responsables de la liaison avec Cu, Viles et al. [28] ont utilisé plusieurs techniques de spectroscopie pour analyser une série de peptides contenant deux, trois ou quatre octapeptides. Ils ont trouvé que deux octapeptides lient une mole de Cu tandis que quatre octapeptides lient coopérativement quatre moles de Cu. Il a été démontré que le nombre des moles de cuivre liées par une mole de PrPC dépend largement du pH, ce qui explique les différences que l’on observe d’une équipe à une autre [29,30]. Tout récemment, il a été démontré la présence d’une deuxième région possédant une grande affinité de liaison avec Cu en dehors de la région N-terminale. Cette région se trouve dans la partie C-terminale de la PrPC au niveau des deux résidus histidines (96 et 111) [31,32]. In vivo, il a été démontré que des souris transgéniques KO pour le gène de la PrP présentaient une concentration en Cu diminuée au niveau cérébral [12]. Le traitement des neurones en culture par la PIPLC, une enzyme qui clive la PrPC, réduit le taux de Cu, uniquement dans les neurones issus des souris sauvages. L’ajout d’un peptide de 32 acides aminés formé par les quatre répétitions de la région d’octapeptide humaine (PrPoct), augmente la résistance à la toxicité du cuivre des

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neurones en culture issus des souris KO du gène de la PrP [33]. La PrPC, obtenue par immunoprécipitation des cerveaux des souris, montre un taux élevé en Cu et une activité SOD-like [14]. En utilisant des cellules inductibles de la PrPC nous avons démontré très récemment que la fixation du cuivre radioactif (64Cu) par les cellules était parfaitement corrélée avec le niveau d’expression de la PrPC [34]. L’expression de la PrPC par ces cellules augmente spécifiquement la résistance des cellules à la toxicité de Cu et de Zn et la résistance à un stress oxydant généré par le SIN-1, un générateur de NO°. Le dosage des enzymes anti-oxydantes et des marqueurs du stress montre que l’expression de la PrPC augmente aussi le niveau basal de plusieurs enzymes antioxydantes comme la SOD Cu/Zn, la SOD Mn, la glutathion réductase (GR) mais aussi le glutathion réduit et diminue la peroxydation lipidique. Ces différents résultats in vivo ou in vitro montrent que la PrP joue le rôle d’un chélateur de Cu. En revanche, plusieurs questions restent sans réponses : est-ce que la liaison de la PrPC, riche en hélices a, avec Cu facilite sa conversion en PrPSc, riche en feuillets b ? Est-ce que cette liaison est nécessaire pour le rôle physiologique de la PrPC ? ou est-ce qu’elle est nécessaire pour un métabolisme correct de Cu ? 3.2. Rôle de la liaison PrPC-Cu En l’absence de Cu, la partie N-terminale de la PrPC est flexible et non structurée [35–37]. Cependant, il a été démontré par une technique de dichroïsme circulaire, que l’ajout de Cu entraîne la structuration de cette région par formation des hélices a [28,38] ou par formation des boucles « loop » structurées [28,30,39]. Il reste à savoir si la modification de structure de la partie N-terminale lors de l’ajout de Cu peut jouer un rôle dans la stabilité de la PrPC ou à l’inverse, facilite sa transition en PrPSc. Pauly et al. ont montré que Cu ou Zn étaient capables d’induire en culture cellulaire, une endocytose et une redistribution de la PrPC à la surface membranaire [13]. Les auteurs suggèrent que la PrPC pourrait jouer un rôle dans le transport de Cu du milieu extracellulaire vers le milieu intracellulaire pour être ensuite distribuée aux différentes cuproenzymes. Cependant, les auteurs ont utilisé une concentration élevée en Cu, ce qui n’exclut pas une endocytose générale non-spécifique. L’augmentation de l’expression de la PrP a été corrélée avec l’augmentation de l’activité SOD Cu/Zn, sans modification de l’expression protéique de cette enzyme. Les auteurs suggèrent que l’augmentation de l’activité de cette enzyme résulte de l’augmentation de l’incorporation de Cu transporté par la PrP [40]. Brown et al. ont démontré à l’aide des protéines recombinantes que la PrP, elle-même, avait une activité SOD Cu/Zn-like lorsqu’elle était repliée en présence de Cu ; ce résultat a été confirmé avec la protéine native immunoprécipitée à partir des cerveaux des souris. L’activité SOD-like de la PrPC a été abolie par la délétion des octapeptides [14]. La liaison avec au minimum deux atomes de Cu

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Fig. 2. Rôle probable de la liaison PrPC-Cu. (i) La PrPC en se liant à Cu, possède elle-même une activité SOD-like extracellulaire décomposant le peroxyde d’hydrogène en eau. (ii) la PrPC en se liant à Cu va jouer le rôle d’un détecteur extracellulaire du stress en déclenchant un signal via FYN (iii) ou enfin, la PrPC joue le rôle d’une protéine chaperon qui transporte Cu du milieu extracellulaire vers les cuproenzymes comme la SOD ou la cytochrome C oxydase.

est nécessaire pour l’activité SOD-like de la PrPC. Ceci est probablement dû à la structuration de la partie N-terminale lors de la liaison avec Cu [28,39]. Cette structuration peut être nécessaire à la formation du site-actif de la PrPC. Les cellules de phéochromocytome du rat (PC12) sont caractérisées par une grande résistance à la toxicité de Cu et au stress oxydant. Ces cellules montrent une forte expression de la PrPC [41]. Ainsi, les cultures neuronales issues des souris KO pour le gène de la PrP sont beaucoup moins résistantes à la toxicité de Cu et au stress oxydant que celles issues des souris sauvages [33]. La résistance à la toxicité de Cu des cellules qui expriment la PrPC est probablement due à la capacité de la PrPC à chélater les atomes de Cu. La chélation de Cu est très importante au niveau des synapses lors de la transmission de l’influx nerveux où la concentration de Cu peut atteindre 250 µM [42], ce qui peut expliquer la forte concentration de la PrPC au niveau des synapses [43]. Enfin, notons que les espèces réactives de l’oxygène (ERO) entraînent un clivage de la PrP cuivre-dépendant [44] ; ce qui nous laisse penser que ce clivage Cu-dépendant peut servir pour une transduction de signal, nécessaire pour la survie des neurones. Est-ce que la PrP a besoin de lier Cu pour accomplir sa fonction physiologique ? À partir de ces données trois hypothèses peuvent être proposées (Fig. 2) : • la PrPC en se liant à Cu, possède elle-même une activité SOD-like extracellulaire ; • la PrPC en se liant Cu va jouer le rôle d’un détecteur extracellulaire du stress en déclenchant un signal ; • ou enfin, la PrPC joue le rôle d’une protéine chaperon qui transporte Cu du milieu extracellulaire vers la SOD. 3.3. Cuivre et maladies à prions Comme nous l’avons vu ci-dessus, la PrPC pourrait jouer un rôle dans le transport et le métabolisme de Cu. Ces

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résultats sont très importants surtout si l’on considère le rôle potentiel de Cu dans les affections neurodégénératives. Il est judicieux de signaler un exemple de cette association entre Cu et dégénérescence, car presque 30 ans auparavant, il avait été démontré que la cuprizone (un chélateur de Cu) induisait des lésions spongiformes du cerveau [45]. Ces lésions spongiformes ressemblaient aux lésions observées chez les ovins atteints de la tremblante. Cependant la distribution et la localisation cellulaire des vacuoles est différente, et les signes régressent à l’arrêt de l’administration de la cuprizone. La maladie débilitante chronique (MDC) ou « Chronic wasting disease » (CWD) est une maladie à prions des cervidés, découverte aux États-Unis ; l’incidence de cette maladie est élevée dans les régions où le sol est très pauvre en Cu [46]. D’ailleurs, la déficience en Cu a été considérée comme la cause unique de cette maladie jusqu’à la mise en évidence de la protéine du prion pathogène dans les cerveaux de cervidés atteints par la maladie [47]. Il est intéressant de noter que l’insertion d’un, deux, quatre, cinq, six, sept, huit ou neuf octapeptides, région responsable de la liaison avec le Cu, est associée avec des formes familiales des maladies à prions. La souris transgénique qui exprime une PrP mutée, responsable chez l’homme d’une IFF, où l’on trouve une insertion de neuf octapeptides, a été créée ; cette souris développe une ataxie et la PrP mutée détectée dans ses différents organes présente des caractères biochimiques semblables à ceux de la PrPSc [48]. In vitro, cette fois, il a été démontré que la délétion (PrPDoct) ou l’insertion de neuf octapeptides (PG14) inhibe l’endocytose de la PrP, qui est normalement induite par ajout de 100 µM de Cu dans le milieu de culture [49]. Ces résultats montrent que l’insertion ou la délétion des octapeptides, région responsable de la liaison avec Cu, entraîne une modification biochimique et fonctionnelle de la PrPC in vitro et une neurodégénérescence in vivo. Une autre relation entre Cu et infectiosité a été démontrée par Wardsworth et al. qui ont réussi à obtenir un même profil électrophorétique pour deux souches différentes de prions, en chélatant Cu et/ou Zn. Ils suggèrent que Cu et/ou Zn jouent un rôle dans la stabilisation de la conformation de la PrPSc. La différence de conformation de la PrPSc, qui conduit à différentes souches, dépendra de ces ions [50]. Il a été démontré que l’ajout de Cu augmente la renaturation et l’infectiosité des molécules de la PrPSc dénaturées auparavant dans le chlorhydrate de guanidine [51]. Tout récemment, il a été démontré que des souris infectées par deux souches différentes de la tremblante présentaient une diminution importante du taux de Cu cérébral [52]. Cette même diminution a été observée dans les cerveaux des malades atteints d’une MCJ sporadique [53]. Récemment, nous avons montré une chute importante de la fixation de Cu dans les cellules infectées par la souche Chandler (GTChl) par rapport aux cellules non infectées (GT1, témoin négatif) et aux cellules infectées et guéries au rouge de Congo (GTChl-CR), témoin positif [54]. Notons que le rouge de Congo est capable d’inhiber la production de la PrPSc par les cellules infectées [55].

Fig. 3. Rôle des ions dans la conversion de la PrPC en PrPSc. La PrPC lie Cu. Elle est sensible à la digestion par la protéinase K et soluble dans les détergents non-dénaturants (a) suite au contact avec une concentration élevée en Mn, celui-ci remplacera peu à peu Cu. La molécule Cu,MnPrPInt acquiert des caractéristiques biochimiques semblables à la PrPSc (résistance à la PK et insolubilité). (b) La PrPInt se convertit en PrPSc qui lie davantage de Mn.

Enfin, Brown et al. ont montré récemment que le repliement de la PrPC recombinante de souris en présence du manganèse (Mn) entraîne un changement de conformation de la protéine (augmentation des feuillets b) et sa résistance partielle à la protéinase K ainsi qu’une réduction importante de l’activité SOD-like de la PrP [56]. La PrPC, immunoprécipitée des astrocytes cultivés dans un milieu riche en Mn, présente aussi une résistance partielle à la protéinase K. Très récemment, le dosage des métaux dans les cerveaux des patients atteints d’une MCJ sporadique montre une réduction de 50 % de la teneur en Cu et une très forte augmentation de la teneur en Mn (10 fois plus) par rapport aux cerveaux témoins [53]. D’après ces données on peut imaginer que la PrPC peut fixer Mn (oxydant) au lieu de Cu (antioxydant) et forme un intermédiaire ou une (PrPint), résistante à la digestion par la PK qui va ensuite être convertie en PrPSc (Fig. 3). Un éleveur « bio » britannique, Mark Pudrey, soutient que la maladie de la vache folle est une affection multifactorielle dans laquelle intervient l’environnement. Pour lui, l’incidence de cette maladie a augmenté suite à l’utilisation d’un organophosphoré utilisé massivement en Grande-Bretagne après 1985 pour éliminer un parasite chez les vaches. Cet organophosphate chélate Cu et transforme Mn en une forme très oxydante. La PrPC fixe Mn à la place de Cu et induit la maladie chez les bovins [46,57]. Cette hypothèse a été controversée par les scientifiques comme elle ne pourra pas

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expliquer la transmission d’animal à animal par voie orale au moyen de tissu cérébral. Toutefois, il a été démontré que Cu pouvait aussi induire une résistance à la PK et un changement de conformation de la PrPC [58,59].

4. Conclusion Tous ces résultats montrent que les ions jouent un rôle clé dans le changement de conformation de la PrPC qui acquiert des propriétés biochimiques proches de celles de la PrPSc. En effet, il sera important dans l’avenir de tester l’influence des métaux et spécialement de Cu sur l’infection et la conversion de la PrPC en PrPSc pour voir si l’apport de Cu est suffisant pour inhiber la neurodégénérescence dans les maladies à prions. Par ailleurs, une méthode de diagnostic précoce pourrait se fonder sur le dosage des ions Cu et Mn dans le sang ou dans le cerveau par des techniques d’IRM.

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