Neuropsychiatr Enfance Adolesc 2001 ; 49 : 200- 10 0 2001 kditions scientifiques et mCdicales Elsevier SAS. Tous droits r&e&s
Relations familiales
Instabilitk psychomotrice infantile et pathologie du lien P. Hipital de enfants, 78, de Santi, Universite’ le 26
2000
;
boulevard Thiers, 2, Nancy, France le 16
Remiremoat et
de recherches
psychologie
2001)
RBsumC Apr& effect& une de la d’obedience psychodynamique 1976 & sur I’instabiliti! de I’enfant, propose des fondles sur observations cliniques amenent ti prise en de kvolution relations m&e-enfant la naissance la marche. hypotheses d&eloppementales 6tablies par rbflexion sur processus de air est la place de I’agir et aussi une dtude reiations oti sont le d~veloppement la motricit~ de i’autonomisation infantiles. La de I’enfant ainsi &re lieu priviMgit5 r&8ler un d&eloppemental. L’Bmergence I’agir instable & I’investissement et r@p&itif representation corporelle dans une du lien infantomaternel. 2001 editions et medicales SAS anaclitique I
psychomotrice infantile ontogen&se I
- Psychomotor
in childhood
corporelied’action
bonds pathology.
a review psychodynamic hypothesis child psychomotor unstability (from 1976 to ZOOO),the author proposes new hypothesis that examines the development of mother-child relationships (from birth to first waiks). This hypothesis has been wriften after reflections about psychic symbolisation process (to determjne the nature of motions in unstabj~ity~ and reflectjons about the child psychomotor development inside mother-child relationships. Chills body movement seems to be the best way to express a developmental disturbance. The author shows that psychomotor unstabilities are generated by a specific action body image which is bound to dependence relations between child and mother. 0 2001 Editions scientifiques et medicales Elsevier SAS action body image I child development I dependence I /hyperactivity I psychomotor unstability
Le clinicien praticien de pedopsychiatrie en France est frkquemment confront6 ri des families, des enfants qui lui prksentent une multitude de questionnements, aussi nombreux que variks. A l’origine de ces rencontres, il existe un motif des plus frkquents, ce motif est globalement &f&k g 1‘instability ~syc~omotrice de 1‘enfant. Cette demike n’est pas reductible sur le plan nosographique au trouble de I’attention avec hyperactivite’ dans la mesure oti elle permet de prendre en compte des 61Cments psychopathologiques et ne se centre pas sur l’hypothkse d’un dkficit attentionnel
CtiopathogCnique, un champ de r&lexion psychodynamique peut alors s’y ouvrir. C’est un ensemble de signes qui dkrangent les patients et que l’on voit mis en avant : inattention, instabilitk motrice, impulsivitk, agressivitk, agitation, troubles Cmotionnels et des habitus sociaux, des apprentissages. Les statistiques Eranqaises font &at de 4 z&8 % d’enfants d’age scolaire [ 131. L’intolCrance du milieu par rapport aux sympt6mes est la condition premike de la consultation [7, 131. Souvent, l’entrde au CP vient montrer, en l’amplifiant, toute la dCsorganisation g laquelle
Instabilitk psychomotrice
sont soumis l’enfant et la famille. Les troubles des apprentissages scolaires sont frequents chez ces enfants, consequence des instabilit~s psychiques et matrices, consequence aussi d’une personnalite fragile qui ne peut se projeter dans les investissements intellectuels [24]. On distingue quatre grandes series oil apparaissent les troubles [5,8,9,11, l&20, 221. 11 s’agit de l’instabilite motrice (sous forme d’agitation impo~ante), de l’ins~bilit~ psychique (l’enfant est impulsif avec des troubles de l’attention), des troubles Cmotionnels (labilite des Cmotions) et des troubles relationnels (aux personnes et a soi-meme) . La publication recente des travaux de Berger [5] montre la necessitk de mener des reflexions dans une approche clinique psychodynamique, les dificultes liees a l’instabilite de l’enfant restent encore ma1 connues et la prise en charge therapeutique represente en soi une problematique. Mais il apparait que reflechir dans une demarche psychodynamique a une pathologie mettant en jeu les niveaux moteur et corporet n’est pas une entreprise aide. Lint&& des recherches sera alors d’essayer de mieux comprendre les dynamiques psychiques en jeu dans la problematique d’instabilite psychomotrice infantile, et c’est ce que nous allons proposer dans ce travail apres une revue de litterature et des observations cliniques. PROBLRMATIQUE
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seconde peau psychique substitutive N d’un Moipeau [3] trop fragilise par la depression maternelle. Selon Golse [16] l’agitation motrice et la carapace qu’elle induit permettent a l’appareil psychique en constitution de se donner une contenance et d’evacuer la mentalisation des angoisses archa’iques, des affects les plus douloureux ou les plus depressifs ; bouger permet de se sentir exister en se donnant une contenance. L’auteur Porte ici l’accent sur une faille dans la constitution des premieres enveloppes psychiques, cela ouvre des pistes de reflexions sur l’activite de pen&e de l’enfant instable. Les travaux de Malarrive et Bourgeois [20] mettent aussi en Cvidence une absence de stimulations precoces pertinentes envers l’enfant. Mais plus que la depression, c’est un defaut de la fonction pare-excitante de la mere qui est observe, ce defaut s’amplitie au moment de la marche et l’enfant ne semble pas pouvoir filtrer les excitations extemes. De ce fait, la mere est en diffkulte pour jouer aupres de l’enfant un role de rep&e securisant ce qui le conduit a fantasmer l’autonomie motrice comme un abandon depressogene. Les auteurs font reference ainsi a un trouble de l’individuation. Leur hypothese apporte de nombreuses pistes interessantes a etudier sur les caracteristiques du lien mere-enfant passe et actuel (problematique de dependance infanto-matemelle infiltrant le d~veloppement) . Au-dela de (( l’hypothese depressive -, les travaux de MCnCchal[23] de Berg& [7] et ceux de Berger [5] proposent des pistes plus proches de la constitution du narcissisme secondaire. MCnCchal [23] parle de l’instabilite comme d’une solution psychique pour l’enfant voisine de celle que met en se&e l’adulte dans la probl~matique perverse. L’auteur se refere h l’agir instable comme a une fixation sur l’activite a la place d’un objet, il y a fetichisation de l’acte. Berg& [7] etablit dans ses travaux deux situations distinctes. Dans la premiere l’agitation apparait comme <
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Selon l’auteur, il faut tenir compte aussi de la dimension de provocation de l’instable, ainsi que d’une q&e identificatoire a la puissance des adultes (notamment celle de la mere) que l’enfant va vouloir ma&riser. Cette hypothese est interessante en ce qu’elle montre l’importance de la relation mbreenfant en dehors des phases precoces. Par ailleurs, Berger [5] montre que l’instabilite psychomotrice peut correspondre a une diffkulte particulibe a etre seul en presence de l’autre. 11s’agit alors d’un defaut dans la relation a l’objet primaire qui s’explique par les consequences d’un Holding defectueux, par la mise en place de processus auto-calmants, par un Cchec dans la constitution de l’espace imaginaire, et par la presence (( flottante )) d’un objet menacant. L’auteur prend aussi en compte N la charge pulsionnelle sexuelle qui ne parvient pas ~2trouver de reprksentation apaisante [...I et vient alors surcharger l’instabilite’ B. Berger montre la un aspect fondamental qui concerne la relation entre pensee et mouvement. Bien au-de18 des phases precoces, on trouve l’hypothese de Abecassis et Bellion [l] ou l’enfant geneur avec ses symptomes joue le role de stabilisateur de l’equilibre familial et d’abord de l’equilibre parental. Cet enfant perturbant permet de maintenir un in&et commun p&servant une relation parentale. Flavigny [15] propose une hypothese qui situe les mecanismes de l’instabilite au moment des Claborations aedipiennes (Valentin [30], pose une explication metapsychologique dans le m&me registre) . L’auteur concoit que le desir oedipien du garcon apparaisse comme realid car l’imago maternelle induit inconsciemment des sollicitations incestueuses (le conflit cedipien est rendu irrepresentable psychiquement). Parallelement la mere est fixee avec l’enfant dans un commerce de type anal ou les d&sirs agressifs inconscients envers l’enfant sont masques et contre-investis par les fantasmes incestueux. Toute l’excitation en jeu dans l’instabilid du garcon est alors de nature sexuelle et ressortissante a la sexualite anale. Cette evocation de l’analite en regard d’une pathologie du mouvement parait importante a retenir. Une perspective dCveloppementale instable
de l’enfant
k travers ce resume de revue de litterature psychodynamique, nous pouvons constater que les hypotheses qui situent les mecanismes de l’instabilite dans les phases precoces ne font pas l’unanimite meme si elles sont les plus nombreuses. Elles
degagent des pistes et il y a aussi d’autres indices cliniques qui demandent a etre pris en compte pour mieux comprendre l’instabilite d’un point de vue psychodynamique et developpemental. 11 parait important d’etudier les mecanismes plus tardifs qui alterent le developpement infantile et que l’on peut retrouver dans les rencontres cliniques avec ces patients. D’abord, il y a l’apprentissage de la marche et la deambulation (les debuts des realisations matrices toniques) qui mettent en evidence une difi% culte chez l’enfant a user de la motricite corporelle de facon adaptee et socialisee (Malarrive et Bourgeois [20], Dolto [12], Berger, [5]). Apres cela, il y a l’epoque de l’entree au CP qui r&Ye fortement les troubles. Le contact avec le socius est difficilement integrable par l’enfant, se pose alors la question du rapport aux cadres et aux lois. L’instabilite psychomotrice est avant tout une pathologie du mouvement tonique. Apres la premiere an&e, le developpement de l’enfant concerne tout particulierement la dimension motrice a travers la marche mais aussi a travers de plus en plus de possibilite d’affkmer ses desirs moteurs naissants et ses plaisirs d’user de sa musculature. On se situe ainsi le long de la phase anale du developpement de la libido et du moi. Pour l’enfant, bouger et apprendre a marcher, a accomplir ses d&sirs de rejoindre un objet ou une personne, c’est aussi une evolution importante sur le plan de l’autonomisation subjective. La phase anale contient la problematique fondamentale d’une prise de distance entre l’enfant et sa mere, il s’agit de l’affkrnation de l’individuation identitaire ; cette &ape est alors centrale en ce qu’elle represente une grande evolution pour la relation d’objet et pour l’integration du narcissisme secondaire [4, 6, 12, 211. Cette evolution se fait du cBtC maternel comme du tote infantile, elle va bien sGr dependre des capacites precoces de penser chez l’enfant, le developpement precoce doit Ctre sufftsamment harmonieux pour que l’elaboration du lien precoce infanto-maternel puisse se faire ; les hypotheses que nous avons parcourues [5, 7, 16, 22, 231 sont alors importantes a prendre en compte. Le rep&-e central n’est plus les premieres relations dans la dyade mais devient la periode de l’apprentissage de la marche et des motricites avec ses corollaires d’individuation subjective infantile, et nous nous situons la au niveau du cadre d’expression symptomatique specifique de l’instabilite. Le mouvement du corps et le lien conflictuel a l’autre sont les caracteristiques dominantes de la problematique d’instabilite de I’enfant [5, 15, 17,20, 231. Considerons ici le temps Ccoule entre la naissance et le moment oh l’instabilite est bien Ctablie. Cette
Instabilitt
psychomotrice
periode contient une multitude d’experiences narcissiques pour l’enfant et deja une infinite d’experiences relationnelles impliquant le corps tonique, et l’on constaterait alors que cet espace temporel contient logiquement toute l’histoire de la relation d’objet de l’enfant, jusqu’au moment ou sa famille l’amene a la consultation. Ce qui revient a dire, a la facon de Golse [ 161 ou de Cramer et Palacio-Espasa [lo] qu’il existe tout un espace (temporel, spatial et intersubjectif) entre la naissance et l’autonomie motrice oh la mere, les parents, ont interagi avec l’enfant en impregnant constamment la relation de leurs defenses, angoisses et fantasmes singuliers. On peut done penser qu’il existe des significations et des mecanismes impliques dans l’instabilite qui seraient moins precoces que ceux touchant les premieres relations mere-bCbC mais plus actifs dans le temps, qui prennent en compte le developpement de la motricite infantile laquelle est justement mise en avant dans l’instabilite. Nous pensons qu’il peut y avoir des contextes differents qui initient la genese d’une instabilite (par exemple une depression maternelle ou une naissance difficile), mais ce qui serait determinant est l’effet organisateur de la phase anale qui met precisement en lumiere la question de la motricite et de l’agir, les difIicultCs pour l’enfant a se structurer a cette periode dependent des enjeux relationnels avec la mere autour de la question de l’individuation. Bergeret [6] montre tres clairement que K l’kvolution libidinale, au registre de la maitrise anale, apparait comme signi$ant le moment actif de’terminant 03 cesse la dkpendance anaclitique et 03 commence la socialisation et les choix actifs et moteurs que celle-ci implique B. L’instabilite psychomotrice naitrait ainsi d’une evolution qui conduit le corps et le mouvement corporel a dominer la scene de la vie mentale de l’enfant. Elle constitue bien une pathologie du mouvement [5] et non pas une pathologie de l’acte (au sens psychopathique du passage a l’acte), cela lui est tout a fait specifique. L’hypothese de depression maternelle ne suffit pas selon nous pour expliquer certains aspects majeurs de la vie psychique des enfants instables, la clinique de l’instabilite dans les services de pedopsychiatrie nous montre qu’il existe des enjeux entre la mere et l’enfant plus tardifs que ceux apparaissant lors des phases precoces d’accordage affectif, et aussi des enjeux tout a fait actuels au moment de la consultation. La place dominante du mouvement corporel, la densite de la relation a sa mere, les diffkultes a penser la triangulation cedipienne avec une certaine absence paternelle, les angoisses maternelles de separation, la fantasmatique infantile particuliere sont des indices cliniques frequents devant etre pris
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du lien
en compte pour mieux comprendre cette problematique grevant le developpement de l’enfant. L’instabilitC comme une pathologie
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Une reprksentation d’action spkiflque h la source de l’instabilite’ Comment se forment les actions desorganisees de l’enfant instable ? 11 est important d’etudier le recours privilegie a l’agir et l’aspect dominant de ce mode de gestion des tensions intrapsychiques et interpersonnelles, il s’agit de la dialectique entre pensee et agir corporel. Les discussions qui vont suivre vont permettre une liaison entre les phases precoces du developpement et la periode actuelle ou l’enfant presente une instabilite. On peut montrer que l’enfant en developpement (surtout pendant les phases d’experiences matrices) se forge des representants psychiques du mouvement de son corps. En effet, selon Anzieu [3] l’esprit a tendance a se concevoir comme un appareil analogique du corps vivant et de ses organisations. I1 y a dans l’appareil psychique des entites qui fonctionneraient sur un plan authentiquement psychique mais de facon tres similaire a leurs fonctionnements sur un autre plan et en l’occurrence somatique-musculaire. Les notions de sch2me d’enveloppe et schkme de transformation de Tisseron [27] et celle de signifiant formel de Anzieu [2, 31 sont interessantes pour Ctudier les rapports entre la pensee et le corps au tours de l’ontogenese. Les travaux de ces auteurs permettent d’avancer l’idee qu’il y aurait au tours du developpement de l’enfant une continuite fonctionnelle et surtout affective de certaines representations de soi corporelles (sensorielles et matrices) qui s’etablissent et se rejouent a trois niveaux de structuration fondamentaux : la psyche de l’enfant, son corps, et les series de relations infanto-maternelle. Tisseron [28] se refere a Wallon [31] pour poser l’idee que la pensee est faite d’images nees de la relation directe de l’enfant avec l’autre ; la pensee et ses diverses formes s’etablissent sur la notion d’une symbolisation minimale de nature R sensori-afectivo-motrice )>. L’histoire du corps de l’enfant avec la mere est done bien plus large que celle like aux soins primaires. Ainsi, lors des apprentissages de la marche, de la deambulation, et lors de toutes ses experiences matrices, l’enfant va se constituer progressivement des representations de soi et de l’environnement en echo direct avec les reponses et injonctions maternelles plus ou moins anxiogenes ; les limitations portant sur les gestes de l’enfant vont aussi porter sur
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son individuation subjective, les angoisses de la mere vont se reporter stir l’autonomisation infantile. Le mouvement du corps serait correlatif d’une structure intrapsychique generatrice de representations de soi tres specifiques. Celle-ci se mettrait en place progressivement en fonction des experiences matrices infantiles et des reactions ou des projections suscitees chez la mere (ou ses representants). Golse [ 171 pose d’une certaine facon cette hypothese avec la notion de seconde peau psychique substitutive. L’agir instable pourrait constituer production somato-psychique (( autogene B, c’est-a-dire qu’il y aurait un processus circulaire entre soma et psyche tel que l’agir genererait une representation d’action qui elle-meme induirait un agir. L’agir de l’instabilite nait de relations conflictuelles inconscientes entre la mere et l’enfant, conflits cent& sur le vaste champ de la motricite et des actions infantiles. Dans ces conditions, la motricite du corps est l’outil-contenant d’un materiel psychique diffkile a penser et dont la qualite affective de douleur (notamment depressive) est tiguree par la caenesthesie proprioceptive (i.e. la sensorialite lice aux mouvements du corps’). L’instabilite apparait alors comme un mode de figuration corporelle diffractee ou dispersee par des agirs-actions (nous entendons par agir-action l’agir qui ne presente pas de reel but, par exemple agressif, mais demande a se presenter dans l’action du corps, l’agir-action constitue l’agir chez l’enfant instable ; cependant, les agirs-actions peuvent tout a fait Ctre mis au service de la pulsion selon le but et l’objet hit et nunc de celle-ci, lors de la phase anale ils se chargeront facilement de vehiculer une motion agressive ou encore ils peuvent participer a une fonction de decharge Cnergetique par le soma ; la somme des agirs-actions le long des dimensions spatiales et temporelles constitue alors le flux comportemental de l’instabilite psychomotrice). Les difficult& a penser certains materiaux psychiques induit une diffkulte de symbolisation des representations et des affects associes. Ce deficit de symbolisation chez l’enfant instable inscrit le corps comme scene du symptome [26] et ensuite le corps, en tant que mode de figuration stereotypee d’ordre sensoriel, est en retour a l’origine d’une image mentale corporelle, il s’agit une representation des cmnesthesies proprioceptives et done d’une representation analogique corporelle ’ Proprioception : sensibilitk propre aux OS, muscles, tendons, et articulations qui renseigne sur la statique, l’Cquilibration, le diplacement du corps dans I’espace, etc. Les proprioceptions ont un caractkre d’omniprCsence. Cette catbgorie de sensations corporelles est d’une grande importance pour la psychomotricitk du sujet, et elles arrivent au premier plan dans I’instabilit6.
(par exemple, des proprioceptions issues de muscles stries des jambes induisent une image tonique de la propulsion). Cette image corporelle inconsciente de soi est investie a outrance en lieu et place des objets internes conflictuels qu’elle masque. Ce serait comme le surinvestissement d’une image de soi exclusivement corporelle-active dont l’essence corporelle implique inevitablement la presence de sensations proprioceptives, d’ou la propension a l’agir (les agirs-actions entrainent done le comportement instable). Une circularite s’etablit alors selon le schema suivant : Sensation + Representation + Action + Sensation. Cette circularite expliquerait deja la perennisation de l’agir instable et son usage compulsif. Nous appelons ce type d’image motrice de soi la representation corporelle d’action (RCA), c’est une forme de l’image du corps. (Selon Piaget et Inhelder [25] (
Instabilite psychomotrice
Now allons montrer avec quelques vignettes d’observations comment la clinique de l’enfant instable nous a conduit a ces points de reflexion. Observation
clinique n “1
Lors des psychotherapies avec les enfants instables nous utilisons surtout deux modes de mediation, il s’agit du jeu de lego (jeu de construction avec des pieces en plastique dur a emboiter, les,pieces sont tres resistantes) et de la pate a modeler. A la lumibe de notre experience clinique, il nous semble que les enfants instables ont tendance a preferer prendre le leg0 plutot que l’autre qui, elle, apparait trop (( fragile )), trop malleable pour ces enfants qui semblent souvent avoir besoin de bases solides et resistantes pour se laisser aller a jouer et imaginer, au moins dans un premier temps. La dimension tonique de I’agir instable renvoie en premier lieu a son aspect Cnergetique, les objets plus resistants a priori auraient peut-etre une allure de meilleure contenance de l’energie lib&e. En seance de psychotherapie, Nathan (7 arts et demi) apprecie particulierement le lego. Son comportement depuis les 15 premieres seances pendant ce jeu montre une tension psychique (Cnervements) et somatique (contraction, tonicite) qui emerge. Des que l’objet resiste, quand l’enfant n’arrive pas bien a emboiter ou Claborer ce qu’il se represente, alors cette tension globale advient et parfois pousse l’enfant jusqu’a la colere et au rejet brusque du jeu (auquel il revient rapidement par la suite, il y a appetence pour l’objet). Hormis ce phenomene d’excitation circonstancielle qui nous Cclaire beaucoup sur le fonctionnement de la personnalite de I’enfant, nous n’avons pas observe chez Nathan une autre logique systematique s’etablissant entre les instabilites et le jeu en seance, ce sont plutot les themes ou les contenus Cmergeant d’un jeu qui influent sur les agirs-actions (en stimulant ou en inhibant), ainsi il y a des seances ou aucun symptome n’apparait et d’autres seances ou l’instabilite envahit l’enfant (cette irregularite symptomatique montre par ailleurs qu’il existe dans son instabilite une forte determination psychodynamique). Avec le lego, Geoffrey (8 ans) joue beaucoup et essaie constamment - en y arrivant quelquefois - de creer des maisons aux formes et architectures quelque peu extravagantes. Outre les formes irregulieres de la maison qui rappellent les agirs et les investissements desorganises de cet enfant instable, il est apparu que lors d’une seance, Geoffrey a construit une telle maison qui a presque pris une allure de (( maisonbonhomme )), sa realisation nous evoquait une
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metaphore corporelle globale, une representation du corps dans l’espace. Pour realiser cette maison, l’enfant Ctait assez stable sur sa chaise et est rest& toute la seance sur cette t&he. Nous constations que plus la construction prenait une forme de maisoncorps et plus apparaissaient des agirs parasites, des mouvements de plus en plus grands des jambes, des mises en mouvement des pieces (les faire tourner sur elle-meme, les lancer dans la caisse a lego, nous voyions aussi des essais et erreurs d’ajustement de plus en plus frequents ; parfois il prend les memes pieces mais de couleurs differentes et les essaie tour a tour sans arriver a en fixer une). Pendant cette phase du jeu, Geoffrey repond peu a nos questions, ce repli est aussi une marque de la centration sur la maison-corps, nous ressentons que ce repli est indispensable a l’enfant. 11nous semble que l’emergence progressive de ces instabilites renvoie a des agirsactions, agirs Clementaires qui viennent s’infiltrer dans le processus de pensee de l’enfant. La representation de la maison, de I’objet investi, prend du sens au sein de la progression du jeu (une metaphore corporelle ou plus simplement le sens d’un objet total constitd ou en voie de constitution et pouvant recevoir des investissements). Et nous constatons que, plus cette representation trouve un echo dans la realite externe (la construction de la maison lego, l’objet se materialisant et se percevant), plus l’enfant investit son projet, et c’est au travers de cette progression que les agirs-actions s’amplifient et viennent se poser comme un (( symptbme )) alors qu’ils participent au fonctionnement psychique diffttile de l’enfant. Les transformations successives de la maison qui generent une forme puis une autre, ses aspects contenants (volumes et murs-parois), seraient des figurations de certaines enveloppes somatopsychiques de l’enfant, d’une image du corps. Comme dans le cas de Nathan, l’exemple de Geoffrey montre l’emergence d’une tension (somatique et aussi psychique) qui prend son origine et se confond dans le fonctionnement imaginaire de l’enfant instable, imaginaire qui se met en liaison avec un objet externe. Les agirs apparaissant etre le (( fil )) de cette liaison. Ainsi, a partir d’un objet (sa representation puis sa realisation) mais aussi par le halo sensoriel des contacts sujet-objet, et enfin a partir des gestes de transformations et des desirs moteurs (lies au potentiel de mouvement que l’objet contient), nous constatons que les agirs-actions s’infiltrent et participent au fonctionnement psychique de l’enfant alors qu’il s’agit pour l’observateur de I’apparition de I’instabilite psychomotrice. Lors du debut de l’apprentissage de la marche, les Cprouves infantiles et les representations associees
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entrent directement en contact preconscient avec les reptisentations ou attitudes matemelles pathogenes. Des coercitions ou des projections d’angoisse s’opposant aux d&sirs moteurs sur le versant maternel infiltreront les desirs et les v&us intimes perceptivo-moteurs sur le versant infantile. La reprksentation corporelle d’action prise dans uneproblkmatique du lien anaclitique h la m&e Quelles sont les significations intersubjectives de l’instabilit~ dans le developpement de l’enfant ? Nous allons r&Whir aux conflictualisations mereenfant cent&es sur la motricite infantile deja Cvoq&es plus haut. L’instabilite se constitue chez l’enfant autant au niveau narcissique que celui objectal. Au plan narcissique, c’est le registre des emergences et v&us corporels issus de la motricite en developpement. Au plan objectal, il s’agit du registre de la relation de dCpendance et de maitrise matemelle qui va implicitement se lier au developpement psychomoteur. Ce lien rigide entre la mere et l’enfant instable est tout a fait observable cliniquement dans de tres nombreux cas et de nombreux auteurs y font reference [ 1, 5, 7, 15, 20, 29, 301. Ce type de lien constitue une base d’interactions infanto-matemelles particulitres, celles-ci mettent en jeu les corps et leurs mouvements, les enveloppes somato-psychiques et aussi les fantasmes propres a la dyade. Et cela depuis les phases precoces mais aussi jusqu’aux interactions actuelles au sein des relations d’objet maternelle et infantile [5, 8, 15, 20, 291. En consultation, le mode de contact entre l’enfant et les parents est souvent bien specifique, il montre une attention omnipresente de la mere sur l’enfant et une reactivite parfois presque provocatrice de l’enfant qui se place dans une position oti il sera a fortiori designe par les parents ; cette circularite apparait Ctre plus qu’un effet reactionnel, elle montre aussi un fondement relationnel. Les travaux de Berger [4], de Bergeret [6] et de Dolto [ 121 ont mis en evidence l’importance de la phase anale dans l’individuation identitaire de l’enfant, nous pourrions resumer les aspects majeurs des enjeux relationnels et developpementaux a cette Cpoque de la facon suivante : il y aurait d’une part le statut d’objet narcissique de l’enfant pour la mere, d’autre part la capacite d’elaboration psychique de la pulsion anale brute, un troisieme point serait l’elaboration des angoisses anaclitiques propres a cette periode, et enfin les rapports Ctroits entre toutes ces dimensions psychiques et le fonctionnement du corps tonique. En suivant Jeammet [ 181 on dirait que dans l’instabilite R l’agir est anti-symbolisant en
venant essayer de retablir des limites diff’renciantes avec 1‘objet Y ; mais la desymbolisation met le corps en avant et ressert le lien. Berger [4] montre que dans une pathologie infantile du registre anal, la mere peut percevoir l’enfant comme une source d’excitation exogene, il y a une sollicitation stimulante de la propre organisation anale matemelle. Cette excitation maintenant endogene pour la mere la surcharge, l’epuise et l’oblige a maintenir un controle permanent sur l’enfant et sur elle-meme. Le travail psychique necessaire est le renversement de la dependance en independance et de l’objet en sujet ; il s’agit done bien de faire Cvoluer un lien qui autrement ne permettrait plus au sujet de se developper (cf. observation n ‘2). La premiere acception du concept de castration anale de Dolto [12] conceme la separation entre l’enfant devenu capable de motricite, et l’assistance auxiliaire de la mere, R Z’enfant devenant sujet cesse d ‘etre un objet partiel retenu dans la dependance de l’instance tute’laire, soumis a sa possessivite’ et a sa totale surveillance (nourriture, habillement, toilette, couchel; deambulation) x. Observation
clinique n “2
Lors des premiers entretiens avec les parents de l’enfant instable il est tres frequent d’entendre dans le discours des meres une problematique de ma&rise de l’enfant. La mere de Nicolas (9 ans) nous expliquait qu'il (( lui echappe )) ou (( qu’elle ne le contrble pas bien U, des verbes comme dominer, guider, tenir, maitrisel; se soumettre, de’cevoir, sont tres frequents dans ses discours, le pere ne les remarque pas et se justifie en soutenant sa femme par (( il faut bien qu’elle s’en occupe ! )). On peut voir la comment le travail d’education chez les parents, et surtout la mere, est coupe des representations inconscientes motivant une maitrise de l’enfant. La sceur de Nicolas se trouve par contre lib&e de cette pression qui ne se joue en fait qu’entre le fils et la mere, ce fait clinique montre aussi qu’il y a bien une particularite psychique matemelle inconsciente qui construit le lien a l’enfant instable. La place du pere est marquee par l’absence, tant aupres de l’enfant que de la mere, l’instabilite est ici un objet infanto-matemelle. La mere ne peut que trbs diffkilement se rep&enter cette situation et le travail psychotherapique mereenfant n’a pu etre accept6 qu’apres une longue phase d’observation et d’elucidation non culpabilisante et soutenante des attitudes matemelles. 11 existe une forme mod&e de ce type de relation d’objet coercitive matemelle et que l’on retrouve dans de nombreux
instabilite psychomotrice
cas. 11 s’agit en entretien des formulations maternelles utilisant (
Obs~rvatjon clinique n “3 11 s’agit d’observations et de reflexions issues de la psychotherapie de Pierre (7 ans et demi) dont les symptdmes sont tres invalidants pour ses apprentissages scolaires et son fonctionnement social intra ou extra familial. Essayer de maitriser l’enfant quand il est tendu et instable releve du dCf!i et le plus souvent
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du conflit. Pierre est tres peu sensible a la parole de l’adulte. Les relations deviennent tres rapidement une sorte de course-poursuite tres energique, qui traduit une grande excitation chez l’enfant ainsi qu’une absence de rep&e inteme pour le comportement, cela Cpuise tres vite l’adulte. La necessite d’en venir a une contention physique s’impose la plupart du temps, l’enfant se defend encore de ces contacts corporels tout en mettant l’adulte dans l’obligation d’y recourir (ici la dimension de provoCation d’une transgression de l’autre est sensible). A l’ecole, la maitresse ne supporte plus Pierre, son role d’educateur-enseignant est impossible a exercer, ses reactions affectives sont aussi amplifiees par les attitudes d~sorganisa~i~es de l’enfant (G il nous fout tout en l’air ! D). Pierre n’est pas agressif, il ne comprend pas sa situation. 11 ne peut en parler et se comporte comme un petit enfant a qui il faut imposer beaucoup de chose pour s’occuper de lui et l’aider a d&passer toutes les situations oti il se trouve, il semble manquer d’un cadre inteme de reference ce qui le laisse souvent sans ressource. Au cours des seances de psychotherapie individuelle, Pierre ne peut pas se passer de notre attention sur lui, si nous relachons notre regard ou l’ecoute, il part (s’enfuit) dans un coin du bureau pour y faire une betise qui est parfois une action provocatrice destinee a capter notre attention En dehors du cadre psychoth~rapique et selon la mere (et la maitresse), il arrive souvent que l’enfant s’attache a des objets sans aucun autre but que de les alterer. Cela est rarement violent mais Pierre va essayer de demonter l’objet, de le deformer, Cventuellement il jouera un jeu qui conduit a la destruction de l’objet dans le jeu et done de l’objet reel support des projections imaginaires brutes. Ce qui est pour nous plus important est que cet enfant ne connait pas les limites entre ses motivations pulsionnelles et les biens materiels d’autrui (ou les desirs d’autrui), sa mere et son p&e surtout ne realisent pas a quel point Pierre dispose na~vement des biens d’autrui (par exemple, il demonte les antennes des autos et joue avec ou les garde parfois), le p&e dira a ce sujet : (( on ne peut pas tout lui interdire, de toute fa(;on il le fait quand meme ! )) (ici c’est presque le fils qui donne une forme d’education de l’agir au p&e). La dimension transgressive chez cet enfant apparait directement dans ses compo~ements et aussi en tiligrane dans la relation educative parentsenfant. Les observations de nombreux auteurs [l, 5, 17, 20,29,30] montrent que la mere de l’enfant instable n’a pas une fonction de rep&e securisant et de pareexcitation pour les rno~~it~s infantiles. Elles mon~ent aussi que ces enfants semblent avoir CtCbrutalement
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P. Claudon
confront& au moment de la marche a un cumul d’excitations extemes. La diffrculte pour la mere a contenir l’autonomisation et le desir moteur infantile vient former et revtler un lien de dependance inconsciemment fantasme, ce modele de lien fait echo avec son propre developpement affectif (voir observation n ‘4). Bergeret [6] montre aussi que lorsque les parents ou un des parents (( ~nsu~sQ~~~n~p~l~ique J> n’a pas assez dispose d’une mamise anale dans son propre developpement, il la recherche dans les relations avec son enfant. Les travaux sur la psychotherapie mere-bebe de Cramer et Palacio-Espasa [lo] permettent de bien comprendre le poids des identifications projectives qui organisent sur trois generations des representations pathogenes IiCes a des failles narcissiques.
Observation clinique n “4 La mere d’Alexandre (6 ans) ne voit son fits qu’a travers la t&he educative. Les rep&es Cducatifs sont tres coercitifs pour l’enfant et en entretien la mere se montre tres culpabilisee par ses propres attitudes. Une peur de (( ma1 aimer )) son enfant emerge tres rapidement et elle verbalisera d’ailleurs lors du second entretien le fantasme suivant : a Peut-Qtre que je n’aime pas mon fils ! B. Le travail de consultations psychotherapiques s’est oriente sur les relations que cette femme avait eues avec sa propre mere, la soutenir faisait aussi par-tie des enjeux cliniques pour l’enfant. 11 est apparn que les coercitions educatives qui angoissaient la mere d’Alexandre, les reactions de defi et d’agressivite de l’enfant envers elle, prenaient toutes leur origine dans les (( conseils H educatifs de la grand-mere d’Alexandre. Cette grand-mere faisait peser sur sa fille et son petit-fils des contraintes de type anal (ordre, proprete, respect stricte des formes, respect de l’adulte excessif, . ..) dont la mere de l’enfant instable n’avait jamais pu se distinguer ni dans son propre developpement ni dans sa relation a son fils. La place de cette grand-m&e avait CtC et restait primordiale pour sa fille, le lien qui les unissait apparaissait excessivement rigide sans forcement etre rejete par la fille. L’equilibre relationnel etait satisfaisant, en tout cas tant que le petit-% ne le remettait pas en cause par ses symptcimes. Le materiel psychique vehicule par la grand-mere et la mere avait ainsi une signification d’intolerance a toute motion agressive (voir le fantasme de la mere cidessus). La position agressive dans laquelle se trouvait Alexandre vis-a-vis de sa mere rejouait en positif - i.e. en faisant Cmerger- la problematique
intergenerationnelle d’agressivite contre-investie. L’instabilite de l’enfant et la detresse maternelle masquait cette probl~matique qui operait dans le symptcime d’instabilite. Les effets des entretiens ont CtC de liberer la mere de ses angoisses de ne pas aimer son enfant, l’instabilite n’a pas cede pour autant mais a considerablement diminue et un travail psychotherapique infantile individuel a ensuite pu co~encer. L’instabilite peut traduire la tentative desorganisee de l’enfant de trouver une solution psychomotrice pour se deprendre du lien qui est en train de s’organiser avec l’objet matemel a travers ses mouvements et ses autonomisations matrices (en tous cas pour reagir a cette dependance avec les moyens directement disponibles, faibles en mentalisation et cent& sur la sensorialite du mouvement corporel). La psychomotricite et les agirs apparaissent ainsi etre le lieu d’origine des tensions et en meme temps l’outil circonstanciel pour gerer ces tensions, ils apparaissent ainsi comme la logique dominante pour tenter de tier les sensations et images de soi avec les enjeux relationnels matemels. Invalidante, l’instabilite apparait toutefois comme une solution utile et effkace p&servant l’unite psychosomatique de l’enfant, elle temoigne aussi de sa fragilite structurelle (cf. observation n ‘5).
Observation clinique n “5 Le cas de Coralie (6 ans 9 mois) est interessant en ce qu’il nous permet de voir la recherche du lien de dependance chez cette enfant instable. En seance, les agirs se limitent a des manifestations disc&es de mouvements de pieds (ceux-ci suffkent cependant a Cvoquer la tension somatique sous-jacente meme si elle est mise au plan secondaire pendant la seance de psychotherapie, seance offint a l’enfant une relation duelle privil~gi~e), 11 nous apparait rapidement que notre presence, notre attention port&e sur l’enfant, notre disponibilite sufbt a contenir Coralie qui en est avide. Les fins de seance sont par contre difficiles durant les six premiers mois de psychotherapie. La fin de la relation duelle privilegiee semble prendre une valeur de rupture du lien pour Coralie. Cette ~nte~r~tation provient du fait que les instabilites au sortir des seances sont majeures (les seances ont lieu le vendredi de 13h a 13h30, avant l’ecole). Les repercussions sur l’attitude de l’enfant en classe sont fortes, cela a conduit d’ailleurs l’institutrice de Coralie a s’opposer a la psychoth~rapie et a renvoyer la responsabilit~ des desordres scolaires vers Ia mere. Lors des discussions avec l’enfant au sujet de cette
Instabilite psychomotrice
particularite, Coralie essaie de s’expliquer : (( si je viens te voir c’est parce que je suis trop triste de pas Ctre sage.. .si je viens pas te voir je suis trop triste de pas etre sage D. II est interessant ici de noter la formulation (( je viens ))/((je ne viens pas 1) pouvant etre pris pour (( je suis B/Hje ne suis pas )) (renvoyant a etre en seance ou ne pas y etre, etre contenue ou pas) . Le recours a un verbe translatif d’action a la place du verbe d’identite (venir a la place d’etre) Cvoque aussi la representation corporelle d’action comme representation se soi dans la relation a l’autre, entite psychomotrice en lieu et place de tout le Soi. 11 nous semble par ailleurs que cet extrait temoigne d’une circularite fonctionnant comme un soutien narcissique, qui n’a pas de logique autre que narcissique (le destin de la (( tristesse D de Coralie est en jeu et apparait en position centrale). Coralie est une petite fille qui ne pleure pas, elle n’est pas timide ou craintive ni meme inhibee, mais elle montre un besoin imperieux de s’assurer la presence pour ellememe d’un adulte investi (sa mere ou son p&-e, le psychotherapeute) et elle semble ne faire attention qu’aux mises en relation et separations interpersonnelles.
infantile et pathologie
tion de dependance a l’objet matemel (ou ses representants). I1 s’agit d’une pathologie du mouvement ou autrement dit du geste. Le geste est toujours celui d’un sujet, le destin du sujet est lie d’une certaine facon a celui du geste. Reprimer ou exprimer le geste, reprime ou exprime le sujet. L’agir instable existe d’abord dans l’espace psychique de l’enfant par une representation motrice specifique, ici appelee reprhentation corporelle d’action. I1 s’agit d’une problematique developpementale vaste et polyfactorielle, c’est peut-etre cela qui rend la clinique de l’instabilite parfois si difficile a &outer, les progres therapeutiques parfois lents, et qui nous incite a poursuivre les reflexions. RtiFtiRENCES 1
L’instabilite psychomotrice infantile apparait souvent comme une l’expression d’une motricite qui n’a pas assez de valeur industrieuse et socialisante. Cette difficulte developpementale Cvoque une rela-
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CONCLUSIONS Les observations cliniques rapportees montrent l’interet de prendre en compte dans une perspective developpementale d’une part les phases anales et les enjeux actuels du developpement de l’enfant, et d’autre part la facon dont la mere, avec son histoire affective, participe malgre elle a entretenir une problematique affective-motrice chez l’enfant. Audela de la relation de la mere avec ses propres parents, il y a aussi pour elle tous les Cvenements de vie dont les effets sur le psychisme vont venir infiltrer la relation intersubjective mere-enfant et l’autonomisation motrice (par exemple un divorce, un accident, un deuil ou un chomage diffkilement g&able). I1 s’agit d’evenements vecus lors des phases anales infantiles ou anterieurement et qui tendent a organiser chez la mere une relation d’objet ne pouvant cesser d’etre anaclitique. Une investigation de ces dimensions en entretien clinique permet tres souvent de mieux comprendre avec les patients leur situation singuliere et de proposer des solutions thkapeutiques.
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