La réaction du greffon contre l'hôte

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Pathologie Biologie 54 (2006) 304–308 http://france.elsevier.com/direct/PATBIO/

Actualité biologique

La réaction du greffon contre l’hôte Graft vs host disease V. Moalic *, C. Ferec Laboratoire de génétique moléculaire et d’histocompatibilité, centre hospitalier universitaire Augustin-Morvan, 2, avenue Foch, 29200 Brest, France Reçu le 15 octobre 2004 ; accepté le 27 janvier 2006 Disponible sur internet le 10 mars 2006

Résumé La maladie du greffon contre l’hôte est une complication immunologique sérieuse de l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques, responsable d’une mortalité et d’une morbidité significatives. Elle se produit lorsque les lymphocytes T du donneur réagissent contre les antigènes étrangers du receveur. La physiopathologie est cependant plus complexe, et implique des dommages tissulaires dus au conditionnement, des cytokines, des effecteurs cellulaires (lymphocytes T et cellules présentatrices d’antigènes), et des mécanismes générant l’apoptose. Cet article fait le point sur la physiopathologie de la GVHD, les facteurs de risque, les aspects cliniques, la prévention et les stratégies actuellement utilisées pour traiter la maladie du greffon contre l’hôte. Des développements récents dans la compréhension de cette complication postgreffe ont profondément influencé la réalisation des allogreffes de cellules souches hématopoïétiques. L’importance croissante de la réaction du greffon contre la tumeur est une stratégie qui a permis le développement des greffes à conditionnement atténué. Réussir à séparer la réaction du greffon contre l’hôte et la réaction du greffon contre la tumeur est un challenge, qui ouvre de nouvelles perspectives d’immunothérapie. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Graft vs host disease is a serious immunological complication of allogeneic haematopoietic cell transplantation, leading to a significant morbidity and mortality. It occurs when donor T lymphocyte react to foreign host cells. The physiopathology is a more complex process implicating host tissues damage caused by the conditioning regimen, cytokines, cellular effectors implicated in the immune response such as donor lymphocytes T, antigen presenting cells and mechanisms of apoptosis. This review focuses on the physiopathological basis, risk factors, clinical aspects; prevention and current management strategies to treat graft vs host disease. Recent developments in our understanding of this bone marrow transplantation complication have profoundly influenced the practice of allogeneic haematopoietic cell transplantation. There is a growing realisation of the importance of a graft vs leukaemia effect, strategy, which has encouraged the development of less conditioning regimens. Segregation between graft vs host effect and graft vs leukaemia effect is a key challenge, and could lead to new efficient and specific immunotherapy. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Réaction du greffon contre l’hôte ; Lymphocytes T ; Cytokines ; Réaction du greffon contre la tumeur ; Greffe hématopoïétique Keywords: Graft vs host disease; T lymphocytes; Cytokines; Graft vs leukaemia; haematopoietic allograft

La maladie du greffon contre l’hôte ou GVHD (graft vs host disease) correspond à une réponse immune déclenchée des cel-

* Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (V. Moalic).

0369-8114/$ - see front matter © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.patbio.2006.01.006

lules effectrices du greffon contre les cellules d’un receveur [1]. Elle correspond à la reconnaissance d’alloantigènes (majeurs ou mineurs d’histocompatibilité) du receveur par les lymphocytes T du donneur [2]. Elle constitue une des principales complications de l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH), dont la principale indication est constituée par le

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traitement des hémopathies malignes [2]. L’origine des CSH est diverse : il peut s’agir soit de cellules souches médullaires (CSM), soit de cellules souches périphériques (CSP) obtenues après mobilisation par des facteurs de croissance injectés au donneur, soit de cellules souches d’unité de sang placentaire (USP) obtenues à partir d’un cordon ombilical [2]. Les bases physiopathologiques la GVHD ont été énoncées par Billingham en 1966 [3] : le greffon doit contenir des cellules immunocompétentes, c’est-à-dire des lymphocytes T matures, l’hôte doit être immunodéprimé afin de ne pas rejeter le greffon, enfin l’hôte doit aussi exprimer des antigènes majeurs ou mineurs d’histocompatibilité absents sur les cellules du greffon, antigènes qui seront reconnus comme étrangers par le système immunitaire du donneur. Il existe deux formes cliniques de la GVHD : celle se produisant dans les 100 jours qui suivent la greffe, on parle alors de GVHD aiguë (GVHDa), et celle se produisant au-delà des 100 premiers jours postgreffe, on parle de GVHD chronique (GVHDc) [4]. 1. Circonstances de survenue d’une GVHD La GVHD est une complication fréquente de l’allogreffe de CSH. Une allogreffe ne peut être envisagée, que s’il existe une compatibilité tissulaire entre le donneur et son receveur, cette compatibilité étant établie par la détermination des antigènes du complexe majeur d’histocompatibilité (ou système HLA pour human leucocyte antigen). La plupart du temps, les allogreffes font appel à un donneur familial HLA compatible, mais elles ont aussi lieu avec un donneur HLA compatible non apparenté. La GVHD survient lors de greffes allogéniques, quand il n’est pas mis en place une immunosuppression préventive. Cependant, malgré l’instauration d’un traitement préventif, elle peut survenir dans le cadre des greffes HLA partiellement compatibles, mais aussi quasi constamment dans le cadre des greffes ayant lieu avec un donneur non apparenté HLA compatible, et de façon beaucoup plus rare lors d’une greffe avec donneur apparenté géno-identique [5]. Ainsi donc, les cibles de la GVHD sont donc soit les antigènes du complexe majeur d’histocompatibilité (loci HLA de classes I ou II) en cas d’incompatibilité HLA partielle, ou les antigènes mineurs d’histocompatibilité en cas de greffe HLA compatible [6]. Les antigènes mineurs d’histocompatibilité sont définis par des variants d’acides aminés au niveau de protéines cellulaires, ce qui peut entraîner des différences de présentation antigénique au sein des molécules HLA, d’où leur reconnaissance par les lymphocytes T du donneur. Les antigènes mineurs d’histocompatibilité clairement identifiés sont rares : H-Y, ensemble de protéines codées par le chromosome Y, HA2 de la famille de myosines, CD31 molécule d’adhésion leucocytaire et endothéliale et HA-1 [7]. La GVHD peut aussi survenir après une transfusion de produits sanguins labiles non leucodéplétés, lorsque le receveur est immunodéprimé ou immunologiquement immature, et/ou qu’il existe chez le donneur une homozygotie HLA pour un haplotype HLA présent chez le receveur. Elle est médiée par les lymphocytes T cytotoxiques du donneur. Cette complication est prévenue en irradiant les produits sanguins labiles avant administration [8,9].

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2. La GVHD aiguë 2.1. Description clinique et facteurs de risque Une GVHD se produisant sur un mode hyperaigu au décours de la première semaine postgreffe est rare depuis la mise en place des traitements préventifs, mais souvent fatale. Elle se caractérise par la survenue de fièvre, d’érythème cutané généralisé s’accompagnant de desquamation, d’une atteinte hépatique sévère, et d’un syndrome inflammatoire important [10]. La GVHD aiguë se caractérise par trois atteintes préférentielles à savoir des lésions cutanées (érythème), des lésions hépatiques (cholestase), des lésions du tube digestif (diarrhées, malabsorption), ainsi que par une atteinte diffuse du système immunitaire et du thymus en particulier [1,4]. Elle se produit chez 25 à 75 % des patients qui reçoivent un greffon HLA identique, même lorsque le traitement prophylactique est bien conduit [2]. Les principaux facteurs associés à la survenue de GVHDa sont les suivants : une incompatibilité HLA sur un ou plusieurs loci, l’âge élevé du receveur ou du donneur, un donneur de sexe féminin (surtout des femmes ayant eu des grossesses, et donnant à un receveur masculin), une hémopathie en phase évolutive, l’origine des cellules du greffon (un greffon issu d’un sang de cordon s’accompagne moins de GVHD de par l’immaturité immunologique de cellules du cordon), un conditionnement renforcé, la survenue d’une infection (en particulier à CMV) [11]. En fonction du nombre et de la sévérité des lésions, on classe la GVHDa en plusieurs grades : 0 (stade le moins grave) à IV (stade le plus grave) (classification de Glucksberg) [12]. La classification peut aussi s’effectuer selon les critères de l’IBMTR (International Bone Marrow Transplant Registry) [13]. Le diagnostic de la GHVDa est tout d’abord différentiel, il faut éliminer une des manifestations suivantes : toxidermie, éruptions virales, hépatites médicamenteuses ou virales, maladie veino-occlusive hépatique et diarrhées infectieuses. Ensuite, il faut se fonder sur les signes cliniques et sur l’histologie des lésions cutanées, hépatiques ou digestives [14]. 2.2. Physiopathologie Du point de vue physiopathologique, la GVHDa correspond à la réponse des cellules du donneur vis-à-vis des alloantigènes du receveur. Elle est composée de trois phases, dont la première qui commence au moment du conditionnement du patient. Un conditionnement classique est effectué en alliant les effets de la radiothérapie et de la chimiothérapie. Il associe une irradiation corporelle totale (ICT) en dose unique (10 Grays) ou en doses fractionnées (12 à 16 Grays) associées à des chimiothérapies. Le conditionnement ainsi envisagé est myéloablatif et immunosuppresseur. Il répond à trois impératifs : détruire la moelle osseuse du patient pour « faire de la place » et permettre la prise du greffon, éradiquer le clone malin, induire une immunosuppression assurant la prise du greffon et empêchant son rejet [15]. Il génère chez le receveur des lésions endothéliales et épithéliales, avec augmentation sérique des taux de lipopolysaccharides (LPS) issus des bactéries intestinales, avec libération de cytokines pro-inflammatoires (IL1, TNFα,

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GM-CSF) [15–17], qui induisent à leur tour une surexpression de molécules d’adhésion et de molécules HLA sur les cellules du receveur. Cela facilite la reconnaissance des antigènes mineurs ou majeurs de l’hôte par les cellules immunitaires du greffon [15,17,18]. La fréquence de la GHVDa augmente donc avec l’intensité du conditionnement [17]. La deuxième phase de la GVHDa correspond à la mise en place de la réponse immune et dépend principalement des interactions entre les cellules présentatrices d’antigènes (CPA) de l’hôte, et les lymphocytes T du donneur. Il a d’ailleurs été démontré chez la souris que les CPA de l’hôte seules sont capables d’activer les lymphocytes T du donneur [17]. Les alloantigènes peuvent être présentés selon deux concepts : soit directement par les CPA de l’hôte, soit indirectement par les CPA du donneur [17], mais il semble que la présentation directe soit critique pour induire la GVHD [4]. Selon la restriction allogénique attachée au système HLA, les antigènes présentés au sein des molécules HLA de classe I stimulent les lymphocytes T CD8+ cytotoxiques, ceux présentés au sein des molécules HLA de classe II stimulent les lymphocytes T CD4+ auxiliaires [19]. Par la suite, des signaux de costimulation entre le lymphocyte T et la CPA [20,21] permettent d’amplifier la réaction d’activation des cellules T, notamment grâce à la production et à la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires de type TH1. Ces molécules de costimulation sont les suivantes : CD40L, CD28, CD4, CD8, LFA1, LFA-2, CD44 et CTLA4 [14]. Le principal signal de costimulation entre la CPA et le lymphocyte T est représenté par les molécules B7 qui lient le CD28 ou le CTLA4 respectivement sur les cellules T naïves et activées [22]. L’administration d’antagonistes de ce signal tels qu’un anticorps monoclonal anti-B7 ou une protéine de fusion CTLA4-Ig supprime la survenue de GVHD [23]. Un anticorps monoclonal anti-CD28 réduit la GVHD tandis qu’un anticorps monoclonal anti-CTLA4 accélère le processus, en supprimant la voie de signalisation B7–CTLA4, qui semble être protectrice [22]. Parmi les cytokines pro-inflammatoires, on note l’interleukine 2 (IL2) qui joue un rôle primordial dans l’activation, la prolifération et l’amplification de la réponse T [4,17,24], et l’interleukine 15 (IL15) [25], qui initie la division des cellules T. L’interféron gamma (IFNγ) active les cellules natural killer (NK) et les macrophages tissulaires en synergie avec le TNFα [4,17,24]. Il favorise aussi l’expression des molécules d’adhésion, des chémokines et des molécules HLA à la surface des cellules effectrices [4], il active les macrophages qui produisent des cytokines pro-inflammatoires (TNFα) et du NO [26], il régule la mort cellulaire des cellules T activées par la voie Fas-Fas ligand [27]. La troisième et dernière phase comprend un ensemble de mécanismes complexes, à l’origine de lésions des tissus et des organes [4]. Les lymphocytes T cytotoxiques ainsi que les cellules NK induisent l’apoptose des cellules cibles de la GVHD. Les mécanismes apoptotiques peuvent être médiés par la voie des perforines–granzymes B ou par la voie FasFas ligand [28,29]. Les cytokines produites jouent également un rôle prépondérant lors de cette phase, par leur toxicité directe sur les cellules cibles [17].

3. La GVHD chronique 3.1. Description clinique et facteurs de risque La GVHDc peut cliniquement s’apparenter à un syndrome auto-immun. Elle se définit par des atteintes identiques à celles de la GVHDa, à savoir cutanée (hypo- ou hyperpigmentation, lichen plan, papules), hépatique (cytolyse, cholestase), et intestinale (diarrhées). Elle peut aussi s’étendre à d’autres territoires, comme les poumons (bronchiolite oblitérante), les reins (protéinurie, syndrome néphrotique), les glandes salivaires (xérostomie) et lacrymales (sécheresse oculaire), et les muqueuses orales et vaginales [14,30]. Certaines cytopénies auto-immunes peuvent aussi avoir lieu [31]. Les examens biologiques révèlent une hyperéosinophilie, une hyper- ou hypoglobulinémie, un déficit en IgA associé à celui en IgG2 et IgG4 et la présence d’autoanticorps produits lors de maladies auto-immunes [14, 24]. La GVHDc se produit chez environ 33 % des receveurs ayant reçu un greffon géno-identique, et chez 49 % des receveurs ayant reçu un greffon non apparenté [2]. Les facteurs de risque de survenue sont l’âge élevé du patient ou du donneur, le degré de compatibilité tissulaire, l’utilisation d’un greffon issu d’un donneur non apparenté, l’utilisation de CSP par rapport aux CSM, la survenue d’une GVHDa préalable et des injections de lymphocytes du donneur [31,32]. La déplétion en cellules T du greffon est associée à une incidence significativement plus basse de la survenue de GVHDa ou GVHDc [33]. Environ 10 à 15 % des patients atteints de GVHDc meurent de complications liées à des infections, ou à l’immunosuppression [2]. 3.2. Physiopathologie Dans la GVHDc, les lymphocytes T reconnaissent spécifiquement les antigènes publics HLA de classe II [14]. La physiopathologie est moins bien connue, mais il est évoqué un rôle central des lymphocytes T auto-immuns. En effet, le conditionnement, et les lésions liées à l’âge ou à la GVHDa peuvent altérer les fonctions thymiques, comme l’élimination de clones T auto-immuns [34,35]. Les clones T auto-immuns entraînent des lésions tissulaires par infiltration directe et dysrégulation des cytokines [36]. Ils produisent une réponse cytokinique TH2, notamment de l’IL4, qui favorise la production d’autoanticorps, et de l’IL10 qui inhibe la production d’anticorps contre les antigènes de l’environnement [35]. Le modèle proposé par Ferrara [37] propose un rôle différentiel des cytokines de profil TH1 ou TH2, avec la dichotomie suivante : les cytokines TH1 sont associées à la GVHDa et les cytokines TH2 sont associées à la GVHDc. Ce schéma n’est sans doute pas si simple. Les cellules T du donneur produisent des cytokines TH1, pourtant il a été démontré chez la souris que l’administration de cytokines comme l’IL2 ou l’IFNγ permettait d’atténuer la réaction de GVHDa [38,39]. De plus, Muraille et Léo [40] ont proposé l’existence d’une boucle de régulation IL12–IL10, qui pourrait modifier la balance TH1–TH2. L’IL12 a normalement pour rôle d’induire la différenciation des lympho-

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cytes T naïfs en lymphocytes de profil TH1. Elle induit une réponse inflammatoire TH1, inhibée par l’IL10. Il a été démontré qu’une production spontanée et importante d’IL10 lors des premières étapes de la greffe aurait un rôle protecteur vis-à-vis de la GVHD [41]. L’IL10 exercerait donc un rôle anti-inflammatoire TH2 et serait induite par l’IL12. L’IL12 aurait alors pour action d’induire la différenciation de clones T autoréactifs, favorisant progressivement une réponse TH2 à la place d’une réponse TH1, et la production d’IL10 [24,40]. 4. Prophylaxie de la GVHD De par la mortalité et la morbidité liées à la GVHD, les cliniciens instaurent un traitement prophylactique, qui a pour but d’inactiver ou d’éliminer les cellules T du donneur. La prophylaxie de référence fait appel à l’association de deux médicaments immunosuppresseurs. La cyclosporine A (CSA) est un inhibiteur des calcineurines et bloque l’expression de l’IL2, cytokine nécessaire à la différenciation et à la prolifération des lymphocytes T. Le méthotrexate (MTX) est un inhibiteur de la dihydrofolate réductase et bloque la synthèse des purines. L’association MTX 15 mg/m2 à j1 et 10 mg/m2 à j3, 6, 11 après greffe, et CSA intraveineuse puis orale pendant six mois après la greffe est la plus utilisée. Une corticothérapie peut s’ajouter à cette bithérapie ou remplacer le MTX. Le tacrolimus, autre inhibiteur des calcineurines, peut aussi remplacer la CSA [2,31,34]. Le sérum antilymphocytaire (SAL) parfois utilisé pour le conditionnement, ainsi que l’alemtuzumab (Campath-1®) agissent également en créant une déplétion T [31]. La déplétion du greffon en lymphocytes T est réalisée pour les greffes à haut risque de GVHD. Elle se fait le plus souvent par sélection positive des cellules CD34+ [33]. En revanche, elle présente des inconvénients majeurs, à savoir un risque de non-prise ou de rejet plus élevé, une incidence des rechutes plus élevée, et une aggravation du déficit immunitaire postgreffe [31]. Les voies de recherche actuelles sur la déplétion spécifique en cellules T du greffon concernent une immunotoxine dirigée contre le CD25 (chaîne α du récepteur de l’IL2), l’induction d’un état d’anergie des lymphocytes T par blocage des signaux de costimulation, ou l’utilisation de lymphocytes T exprimant un gène suicide [42]. Le rôle des lymphocytes T CD4+ CD25+ a aussi été évoqué dans le contrôle de l’alloréactivité, donc de la GVHD survenant après allogreffe. Les lymphocytes T CD4+ CD25+ encore appelés lymphocytes T régulateurs ont normalement pour fonction d’éviter l’expansion de clones T auto-immuns, et induisent donc un état de tolérance [43]. Chez la souris, l’absence de lymphocytes T régulateurs dans le greffon accélère considérablement la mortalité due à la GVHD. Il a été démontré que l’expansion in vitro de lymphocytes T régulateurs reconnaissant spécifiquement des alloantigènes du receveur, puis leur transfert chez la souris greffée permet de contrôler efficacement la GVHD [44]. Ainsi, cette voie d’immunothérapie utilisant des lymphocytes T CD4+ CD25+ semble prometteuse. Les cellules NK T ont aussi des fonctions régulatrices dans la GVHD. L’équivalent des cellules NK T humaines corres-

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pond aux cellules NK1.1+ chez la souris, et ces dernières correspondent à environ 30 % des cellules T de la moelle osseuse [22]. Les greffes déplétées en NK 1.1+ chez la souris conduisent au développement typique d’une GVHD, s’accompagnant d’une mortalité de 30 % [22]. 5. Traitement de la GVHD Le traitement de la GVHDa est instauré lorsque les patients sont aux grades II, III et IV, et comprend la prescription de CSA, associé à de la méthylprednisolone (MP) à la posologie de 2 mg/kg par jour ou à des doses plus élevées de MP en cas de non réponse. Le SAL est utilisé en cas d’échec des corticoïdes [14,34]. Pour les patients dont la résistance à l’association CSA–MP est effective, on peut envisager un traitement à base de mycophénolate mofétil ou l’utilisation d’anticorps monoclonaux (anti-TNFα, ou antirécepteur à l’IL2 ou OKT3) [2,31,34]. Le traitement de référence de la GVHDc en première intention associe CSA et corticothérapie. L’azathioprine ou la thalidomide ont pu être utilisées avec succès. La puvathérapie permet de traiter les formes cutanées sclérodermiformes [14,31,34]. 6. Effet GVH (graft vs host) et effet GVL (graft vs leukaemia) La réaction du greffon contre l’hôte est due, comme précédemment décrit, à la réponse immune des effecteurs T du greffon contre les cellules du receveur. La GVH devient délétère quand les cellules cibles sont des cellules normales comme celles de la peau, du foie, et du tube digestif. Le versant bénéfique de cette réponse immune est constitué par cette réponse dirigée cette fois-ci contre des cellules tumorales, définissant ainsi l’effet GVL. GVH et GVL sont donc étroitement liés. Depuis quelques années, les greffes à conditionnement non myéloablatif (encore dénommées mini-allogreffes), se fondent sur l’effet GVL pour éradiquer le clone malin. Dans ce type de greffe, le conditionnement du patient est atténué, et ne permet pas à lui seul l’éradication de la maladie. En revanche, le contrôle antitumoral immunologique effectué par les lymphocytes T allogéniques est primordial. Cela a permis d’élargir les indications d’allogreffes de CSH pour des patients non éligibles pour un conditionnement myéloablatif classique [2,45]. En cas de greffe avec donneur HLA compatible apparenté ou non, la réponse des cellules T allogéniques est dirigée de façon spécifique contre les antigènes mineurs d’histocompatibilité, qui sont exprimés sur les cellules épithéliales et hématopoïétiques du receveur. Cette même réponse T allogénique est responsable de l’effet GVL, sans effet GVH, lorsque la cible est représentée par des antigènes mineurs d’histocompatibilité spécifiques des cellules hématopoïétiques [6]. 7. Conclusion La GVHD est une complication redoutable de l’allogreffe de CSH. Comprendre sa physiopathologie est essentielle, afin de pouvoir développer de nouvelles alternatives thérapeutiques.

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Il a été démontré que les effets GVH et GVL sont étroitement associés. L’introduction des greffes à conditionnement non myéloablatif a fait évoluer l’approche thérapeutique des hémopathies, en se fondant justement sur l’effet GVL pour obtenir un résultat. Toutefois, conserver l’effet GVL des lymphocytes du donneur sans induire de GVH demeure encore un objectif difficile à résoudre. Références [1] [2]

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