Le Praticien en anesthésie réanimation (2008) 12, 307—308
ÉDITORIAL
La réhabilitation postopératoire : où en est-on ? La réhabilitation postopératoire est au cœur de toutes les préoccupations chez les anesthésistes et les chirurgiens. Depuis l’énoncé du concept par Henrik Kelhet, on ne compte plus le nombre de publications qui font référence à ce mode de prise en charge des patients soumis à une intervention chirurgicale. Initialement appliqués à la chirurgie digestive et plus particulièrement à la chirurgie colique, les protocoles de réhabilitation postopératoire ont été mis en place en chirurgie orthopédique, cardiaque, thoracique, urologique, etc. La réhabilitation postopératoire définit un ensemble de mesures thérapeutiques et de soins qui a plusieurs objectifs. Les premiers sont d’améliorer le confort des patients et de réduire la morbidité et la mortalité postopératoire. Cela passe par une diminution de la durée d’hospitalisation dont le bénéfice attendu est une réduction de la pathologie iatrogène acquise à l’hôpital, autrement dit, une diminution de l’incidence des classiques complications du décubitus selon une dénomination qui est moins d’actualité. La réduction de la durée de séjour hospitalier à également pour conséquence une diminution des coûts engendrés par la prise en charge des patients. La question posée actuellement au vu de l’expérience des uns et des autres et des données rapportées dans la littérature est de savoir si ces objectifs sont atteints. Le point qui prête le moins à discussion est la durée de séjour hospitalier. En effet, même si toutes les équipes n’atteignent pas une durée de séjour inférieure à trois jours, comme l’équipe danoise de Basse et al. [1], les études montrent que la durée moyenne de séjour hospitalier est passée de plus de 15 jours dans les années 1990 à six ou sept actuellement dans le cadre de la chirurgie réglée ([2], Fig. 1). Toutefois, l’analyse de ce paramètre doit prendre en compte le pourcentage de réhospitalisation. Ainsi dans l’étude de Basse et al., il apparaît que 15 % des patients sont réhospitalisés dans les jours suivant leur sortie d’hôpital [1]. Le calcul des coûts engendrés par la chirurgie doit donc non seulement tenir compte de l’hospitalisation initiale, mais aussi des hospitalisations suivantes. Le gain en termes de morbidité et de mortalité est également difficile à apprécier. Il n’existe pas en effet d’étude comparative randomisée sur ce sujet. Les études de ce type se consacrent en effet à évaluer un des éléments qui s’intègrent dans la réhabilitation postopératoire, comme l’analgésie péridurale ou la chirurgie laparoscopique, comparée à la chirurgie à ciel ouvert, mais pas l’ensemble de la procédure [2,3]. De plus, les résultats de ces études sont souvent négatifs, ce qui laisse à penser que l’impact d’un seul changement au sein d’une procédure plus large est souvent difficile à évaluer. Toutefois, lorsque l’on apprécie les résultats en termes de morbidité, il est indéniable que des progrès ont été accomplis au fil des ans. Ainsi, l’incidence des complications respiratoires en chirurgie colique a diminué de l’ordre de 30 % dans les années 1970 à moins de 10 % actuellement. L’engagement dans un processus de réhabilitation demande un effort institutionnel certain et une participation active de l’ensemble des équipes soignantes et non des seuls anesthésistes ou chirurgiens. Une politique de réhabilitation réussie se traduit donc par un turnover plus rapide des patients, auxquels sont administrés des soins plus actifs, ce qui nécessite une augmentation de la charge de travail des personnels soignants ou une augmentation du nombre de ces personnels intervenants auprès des patients. Cet aspect du problème est également à prendre en considération dans le calcul du coût de la procédure. 1279-7960/$ — see front matter © 2008 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.pratan.2008.09.007
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Éditorial caux pour quitter l’hôpital y restent quelques jours de plus pour d’autres raisons. Ces raisons peuvent être d’ordre social. Ainsi, une personne âgée vivant seule, dans un environnement difficile, ne peut regagner son domicile après quelques jours d’hospitalisation. De plus, les structures d’accueil au décours de l’hospitalisation ne sont pas toujours disponibles. Des contingences administratives peuvent donc contrarier la mise en place d’un processus de réhabilitation, et l’anticipation de ces problèmes (c’est-à-dire la planification de la sortie) doit être faite dès la consultation préopératoire pour éviter ce type de difficulté. La logique de la réhabilitation est d’abord médicale, puis elle est économique. Ces deux aspects de la politique de réhabilitation nécessitent d’être bien étayés pour soutenir les efforts entrepris dans ce domaine.
Références
Figure 1. Cette représentation regroupe les durées moyennes d’hospitalisation de l’ensemble des études randomisées ayant comparée l’analgésie péridurale et l’analgésie systémique pour la chirurgie colique. Au-delà du fait que le mode d’analgésie n’influence pas la durée d’hospitalisation, il apparaît que la durée de séjour diminue progressivement en fonction de la date de publication des études (plus courte pour les études récentes). La durée d’hospitalisation est notablement raccourcie dans les études où un programme de réhabilitation a été appliqué (points verts) [2].
Les études portant sur la réhabilitation postopératoire distinguent souvent l’aptitude à la sortie de l’hôpital et la sortie effective des patients. Cela laisse à penser qu’un certain nombre de patients qui ont tous les critères médi-
[1] Basse L, Hjort Jakobsen D, Billesbolle P, Werner M, Kelhet H. A clinical pathway to accelerate recovery after colonic resection. Ann Surg 2000;232:51—7. [2] Marret E, Remy C, Bonnet F, Postoperative pain forum group. Meta-analysis of epidural versus parenteral opioid analgesia after colorectal surgery. Br J Surg 2007;94: 665—73. [3] Basse L, Jakobsen DH, BardramL, Billesbolle P, Lund C, Mogensen T, et al. Functional recovery after open laparoscopic colonic resection: a randomized, blinded study. Ann Surg 2005;241:416—23.
Francis Bonnet Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France Adresse e-mail :
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