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www.sciencedirect.com Médecine & Droit 2011 (2011) 221–225
Protection de la personne 夽
La relation de soin
The consent of the minor in the care relationship Sabine Bernheim Desvaux (Maître de conférences habilitée à diriger des recherches en droit privé) Faculté de droit, économie et gestion d’Angers, 49, rue Michelet, 49000 Angers, France
Résumé L’apparition et le développement des droits de l’enfant, initiés par les textes internationaux, conduisent à considérer le mineur comme un sujet de droit, doté de liberté. Par conséquent, l’enfant doit être informé et participer aux décisions qui le concernent. La loi no 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale a pris acte de cette évolution. L’autorité parentale est conc¸ue comme un devoir pour les parents qu’ils doivent exercer dans l’intérêt de l’enfant. Mais, les parents n’ont pas tout pouvoir sur le mineur, titulaire de droits, contre ou envers ses parents. Ces principes ont été repris par le Code de la santé publique et le consentement du mineur à l’acte ou au traitement médical doit être recherché par le médecin. Dans cette relation de soins, la difficulté pour le médecin consiste à déterminer la valeur qu’il doit accorder au consentement du mineur en cas de conflit avec les titulaires de l’autorité parentale. Si l’autorisation parentale aux soins reste le principe, le consentement du mineur doit être respecté dans un certain nombre d’hypothèses. Mais, le législateur a passé sous silence de nombreux actes pour lesquels le médecin hésitera entre autorisation parentale et consentement du mineur. Il aura alors tendance à faire un signalement au Procureur de la République afin que soit mise en place une mesure d’assistance éducative par le juge des enfants. La réalité juridique est cependant beaucoup plus nuancée et toutes les situations ne méritent pas d’être judiciarisées. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Autorité parentale ; Consentement (mineur) ; Mineur (consentement)
Abstract The emergence and development of the rights of the child, initiated by the international texts lead to consider the minor as a subject of law, endowed with freedom. Therefore, the child must be informed and participate in decisions that concern them. Act No. 2002-305 of 4th March 2002 concerning parental authority has taken note of this development. Parental authority is designed as a duty for parents that they must exercise in the interest of the child. But the parents do not have any authority over the minor, holder of rights, against or towards his parents. These principles were taken over by the public health Code and the consent of the minor to the Act or the medical treatment should be sought by the doctor. In the care relationship, the difficulty for the physician is to determine the value that should be given to the consent of the minor conflict between holders of parental authority and the minor. If parental leave to care remains the principle, the consent of the minor must be respected in a number of assumptions. But the legislature has passed under silence many acts for which the doctor will hesitate between parental permission and consent of the minor. He will then tend to make a report to the Attorney of the Republic so that a measure of educational assistance will be put in place by the judge of the children. However, the legal reality is much more nuanced and situations do not deserve to be stage. © 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Parental authority; Consent (minor); Minor (consent)
1. Introduction 夽
Communication faite dans le cadre de la 4e Journée de Droit du Centre hospitalier d’Angers, « Médecine et vulnérabilité : la relation de soin », Amphithéâtre Larrey, jeudi 31 mars 2011 à 9 h 40. Adresse e-mail :
[email protected] 1246-7391/$ – see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.meddro.2011.10.003
Si longtemps la jeunesse a été envisagée négativement comme un inachèvement, cette conception est aujourd’hui complètement dépassée. L’enfant fait l’objet de nombreuses attentions dans tous les domaines et son intérêt est devenu une
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considération primordiale1 . Cependant, parce que l’enfant ne dispose pas de la maturité suffisante pour diriger sa vie, le droit ne lui accorde pas une capacité juridique pleine et entière. Le mineur est en principe privé du droit de décider du sort de sa personne et de ses biens. Cette incapacité du mineur fait, pour certains, figure d’institution archaïque méconnaissant les droits du mineur. Et le même grief est parfois adressé à l’autorité parentale, dénoncée comme instrument d’oppression2 . Ainsi, depuis une trentaine d’années, se développe une idéologie qui vient des États-Unis, entendant libérer les enfants du pouvoir millénaire que leur imposerait leur famille et leur reconnaître des droits, transposés des droits de l’homme. La Convention internationale des droits de l’enfant adoptée le 20 novembre 1989 par l’assemblée générale des Nations unies, dite Convention de New York, entrée en vigueur en France le 26 janvier 1990, se réfère à ce courant de pensée3 . L’enfant doit être protégé, mais il a des droits qui peuvent s’exercer contre ses parents4 . Si l’acquisition et le renforcement des droits de l’enfant méritent d’être loués, il faut à tout le moins admettre que cette évolution n’est pas neutre. La vision traditionnelle des droits de l’enfant, envisagés sous l’angle de devoirs des parents à l’égard de l’enfant, se transforme en une vision plus moderne selon laquelle l’enfant est conc¸u comme un sujet de droit, une personne dotée de liberté. Ce changement de terminologie emporte un renversement de perspective. La situation de l’enfant doit désormais être envisagée du point de vue de l’enfant, et autant que possible, par l’enfant lui-même. Le législateur franc¸ais a traduit ces évolutions par la reconnaissance de la notion d’intérêt supérieur de l’enfant, appliquée tant par le Conseil d’État que par la Cour de cassation5 . Particulièrement, la loi no 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale exprime cette dualité : l’autorité parentale est conc¸ue comme un devoir pour les parents et ils doivent l’exercer dans l’intérêt de l’enfant. Mais, les parents n’ont pas tout pouvoir sur le mineur, titulaire de droits, contre ou envers 1 Il suffit de consulter le grand nombre d’ouvrages consacrés à la protection de l’enfance. V. spéc. I. Arnoux, Les droits de l’être humain sur son corps, PU Bordeaux, 1995 ; A. Batteur, Droit des personnes, des familles et des majeurs protégés, LGDJ, 4e éd., 2009 ; P. Bonfils et A. Gouttenoire, Droit des mineurs, Précis Dalloz, 1re éd., 2008 ; M. Bongrain, L’enfant et le droit, Erès, 2000 ; F. Dekeuwer-Defossez, Les droits de l’enfant, PUF, coll◦ Que sais-je ?, 2009 ; G. Raymond, Droit de l’enfance et de l’adolescence, Litec, 5e éd., 2006 ; J.-P. Rosenczveig, Le dispositif fran¸cais de protection de l’enfance, éditions Jeunesse et droit, 2005. 2 V. F. Terré et D. Fenouillet, Les personnes, la famille, les incapacités, Précis Dalloz, 7e éd., 2005, no 982. 3 V. P. Malaurie, Les personnes, la protection des mineurs et des majeurs, Defrénois, 5e éd., 2010, no 598. 4 V. spéc. C. Delaporte-Carré, L’articulation des institutions de protection de la personne de l’enfant contre ses parents, th. préfacée par D. Gutmann, Dalloz, 2008. 5 V. CE., 22 septembre 1997, no 161364, Petites affiches, 26 janvier 1998 : « l’intérêt supérieur de l’enfant est un principe primordial du droit » ; Cass. Civ. 1re , 8 novembre 2005, pourvoi no 02-18360, Bull. civ., I, no 404 p. 338 : « l’intérêt de l’enfant doit être préféré à celui de ses parents ». C’est en se fondant sur cet intérêt supérieur de l’enfant que les juges de Lyon ont légitimé le refus d’un mineur de se soumettre à une expertise génétique demandée par sa mère en vue de contester la paternité de l’homme qui l’élevait, V. TGI Lyon, 5 juillet 2007, D. 2007, p. 3052, obs. A. Gouttenoire.
ses parents. Cette reconnaissance croissante de droits à l’enfant mineur affecte les instruments de protection de l’enfant. La relation de soin n’échappe pas à ces problématiques nouvelles. Encore faut-il d’emblée écarter de notre analyse deux hypothèses. D’une part, l’urgence. À chaque fois qu’il y a urgence, au sens de ce qui est vital, et que le consentement du mineur ou celui des titulaires de l’autorité parentale ne peut être recueilli, il appartient au médecin de prendre ses responsabilités et d’intervenir. D’autre part, le cas du mineur qui bénéficie à titre personnel de la CMU. L’article L. 1111-5 alinéa 2 du Code de la santé publique (CSP) dispose que le mineur de plus de 16 ans qui a rompu tout lien avec sa famille et qui bénéficie à ce titre de la CMU donne seul son consentement. L’autonomie du mineur est alors totale sans que les titulaires de l’autorité parentale puissent intervenir6 . En dehors de ces deux hypothèses, les solutions résultent des règles suivantes. En principe, le consentement parental est exigé (§1). À titre d’exception, le législateur a prévu un certain nombre d’actes pour lesquels le mineur impose son consentement (§2). Le législateur n’a cependant pas envisagé toutes les situations et il convient donc de déterminer ex nihilo le droit applicable à ces relations médicales non réglementées (§3). 2. Le principe du consentement parental à l’acte ou au traitement médical du mineur L’article 371-1 alinéa 2 du Code civil énonce en principe que l’autorité parentale appartient aux père et mère pour le protéger dans sa santé. L’article L. 1111-2 du CSP relatif au droit à l’information de toute personne sur son état de santé confirme ce rôle des titulaires de l’autorité parentale en disposant que « les droits des mineurs sont exercés par les titulaires de l’autorité parentale ». Ces textes généraux sont conc¸us comme une obligation des parents dont le non-respect est pénalement sanctionné. En effet, si les parents n’ont pas donné à l’enfant les soins nécessaires ou n’ont pas consulté un médecin, ils peuvent être poursuivis sur le fondement de l’infraction de privation de soins, définie par l’article 227-15 du Code pénal comme « le fait de priver le mineur d’aliments ou de soins au point de compromettre sa santé »7 . Vu positivement, cette obligation pose le principe du consentement parental à l’acte médical. Ce sont les parents qui autorisent les soins sur le mineur. Encore faut-il qu’il s’agisse d’actes thérapeutiques, c’est-à-dire d’actes qui ont un intérêt personnel et médical pour l’enfant, ce qui permet notamment d’interdire l’excision ou la stérilisation même si les parents y étaient favorables. Certains soins sont même obligatoires sous peine de sanction pénale. Ainsi en va-t-il pour la vaccination en vertu de l’article L. 3112-1 du CSP. Vu négativement, cette obligation permet en principe aux parents de refuser certains actes sur le mineur. Mais, si le refus 6 L’adolescent bénéficie d’une sorte d’émancipation de fait en matière médicale, V. en ce sens G. Raymond, Droit de l’enfance et de l’adolescence, Litec, 2006, no 689. 7 Ce délit est puni par une peine de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende par application de l’article 227-17 du Code pénal.
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des parents risque d’entraîner des conséquences graves pour la santé de l’enfant, le médecin peut passer outre et délivrer les soins indispensables, conformément à l’article L. 1111-4 du CSP. Ce principe du consentement parental n’est cependant pas absolu. 3. Les hypothèses légales accordant valeur au consentement du mineur à l’acte ou au traitement médical L’article 371-1 alinéa 3 du Code civil énonce que « les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité ». L’article L. 1111-4 alinéa 6 du CSP dispose quant à lui que « le consentement du mineur doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté ou à participer à la décision ». Ces textes internes sont une adaptation du principe général énoncé à l’article 12 de la Convention sur les droits de l’enfant de 1989 : « les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité ». La Charte européenne des enfants hospitalisés rédigée à Leiden en 1988 prévoit également dans son article 4 que « les enfants et leurs parents ont le droit de recevoir une information sur la maladie et les soins, adaptée à leur âge et à leur compréhension, afin de participer aux décisions les concernant ». Le législateur franc¸ais a transcrit concrètement ce principe de respect du consentement du mineur dans un certain nombre de dispositions précises. En premier lieu, le mineur dispose d’une véritable autonomie de décision pour certains actes médicaux. D’une part, les actes médicaux en relation avec la sexualité peuvent être autorisés par le mineur seul, sans consentement parental. L’article L. 2212-7 du CSP organise l’IVG des mineures et prévoit que si la mineure ne veut pas avertir ses parents ou n’obtient pas leur consentement, elle se fait accompagner par la personne majeure de son choix. De même, les articles L. 2311-4, L. 23115 et L. 5134-1 du CSP permettent à une mineure le recours à des procédés contraceptifs sans autorisation parentale. D’autre part, l’article L. 1111-5 du CSP autorise le médecin à agir sur la seule volonté de l’enfant lorsque celui-ci demande le secret à l’égard de ses parents. Trois conditions sont nécessaires. D’abord, le traitement ou l’intervention doit être nécessaire à la sauvegarde de la santé du mineur. Ensuite, le mineur doit mettre opposition à ce que ses parents soient informés de la situation bien que le médecin ait fait son possible pour obtenir l’accord du mineur à l’information des parents. Enfin, le mineur doit se faire accompagner d’une personne majeure de son choix. En application de ce texte, le mineur est autonome dans sa décision lorsqu’il ne veut pas avertir ses parents, soit parce qu’il ne souhaite pas que ses parents connaissent sa pathologie, soit parce que ses parents refusent de lui administrer des soins : le mineur en danger du fait de la carence de ses parents pourrait consulter un médecin en refusant d’avertir ses parents. En second lieu, le mineur dispose d’un droit de veto pour certains actes non nécessaires à sa propre santé. L’article
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L. 1221-5 du CSP prévoit que le mineur peut refuser un prélèvement sanguin pour autrui, l’article L. 1241-3 du CSP permet au mineur de refuser un prélèvement de moelle osseuse, l’article L. 1245-2 du CSP autorise le mineur à refuser l’utilisation de ses tissus, cellules, produits humains et placenta et l’article L. 11222 du CSP autorise le mineur à refuser de se prêter à une recherche biomédicale. Grâce à ces différents textes, le mineur devient maître de certaines décisions relatives à sa santé soit parce qu’il est autorisé à recourir seul à un acte médical, soit parce qu’il peut imposer son refus à un acte. Ces dispositions n’empêchent cependant pas certaines difficultés d’application. D’une part, lorsque le médecin est autorisé à pallier le refus d’un traitement par les parents en cas de danger relatif à la santé du mineur (article L. 1111-4 CSP), ou lorsqu’il est autorisé à agir sur le seul consentement du mineur parce ce que ce dernier a demandé le secret (article L. 1111-5 CSP), il peut craindre une mise en cause par les parents de sa responsabilité civile si le traitement se révèle préjudiciable ou si le mineur se retrouve dans une situation de détresse. Imaginons le désarroi ou la colère de parents apprenant que leur enfant mineur qui vient de se suicider a consulté à plusieurs reprises les urgences d’un hôpital pour usage de stupéfiants mais qu’ils n’en avaient pas été informés car leur enfant mineur avait demandé le secret. En cas de litige avec les parents, il serait difficile au médecin de prouver qu’il avait fait son possible pour obtenir l’accord du mineur à l’information des parents. L’article R. 1111-6 du CSP lui recommande de faire mention écrite de l’opposition du mineur. Mais, la signature d’un document par le mineur, surtout jeune, est toujours contestable devant les tribunaux en raison de son absence de capacité civile. De plus, cette mention écrite de l’opposition du mineur n’établit pas que le médecin a fait son possible pour l’en dissuader. Le médecin peut alors estimer plus prudent de se faire autoriser préalablement par le juge des enfants. D’autre part, il est possible de s’interroger sur les conséquences psychologiques d’une décision médicale assumée entièrement par un mineur. N’y a-t-il pas un risque de responsabilisation excessive du mineur, notamment pour des décisions graves qui nécessiteraient un dialogue et un partage avec les titulaires de l’autorité parentale ? N’est-ce pas la vocation de l’autorité parentale : protéger l’enfant dans sa santé, sa sécurité et sa moralité, dans son intérêt ? À titre d’exemple, imaginons un mineur couramment appelé « bébé-médicament » qui refuserait dans quelques années un prélèvement de moelle osseuse ou de sang destiné à son frère ou sa sœur. Il faudra bien respecter son veto, malgré le contexte de sa naissance. . . Les relations au sein de la famille ne seront sans doute pas faciles si le frère ou la sœur décède ! Force est cependant d’admettre que ces textes ont le mérite de déterminer expressément la valeur que le médecin doit accorder au consentement du mineur en cas de refus d’un traitement par les parents mettant en danger la santé du mineur ou en cas de refus de certains actes particuliers par le mineur. Ils laissent malheureusement en suspens d’autres cas de conflits entre parents et mineur : l’opposition entre le mineur et ses parents quant à l’option entre deux traitements médicaux ou le refus exprès ou tacite, par le mineur, de soins voulus par les parents. Il convient
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alors de concilier autorité parentale et intimité corporelle de l’enfant en coordonnant l’autorisation des parents et la recherche du consentement du mineur. 4. Les solutions applicables aux conflits familiaux non réglementés par le législateur Une remarque préalable s’impose. L’association de l’enfant à la décision est dépendante de son âge et de son degré de maturité. La difficulté est qu’aucun seuil d’âge n’existe en matière médicale8 . Ainsi, si à 10 ans un mineur peut faire l’objet de sanctions pénales dites éducatives, si à 13 ans, il doit donner son consentement à un changement de prénom ou de nom, à son adoption, si à 14 ans, il peut travailler pendant ses vacances scolaires, si à 16 ans, il peut réclamer la nationalité franc¸aise ou demander à être immatriculé de manière autonome à la Sécurité sociale, sa participation à une décision médicale le concernant est liée à son degré de maturité. Tous les textes9 se réfèrent à cette maturité, mais laissent aux parents et au médecin le soin de l’apprécier, ce qui n’est pas sans engendrer des difficultés d’ordre probatoire en cas de litige ultérieur10 . La difficulté provient de la contradiction entre l’article 3711 du Code civil qui pose le principe du consentement parental à l’acte médical et l’article L. 1111-4 du CSP qui impose de rechercher systématiquement le consentement du mineur s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Deux raisonnements juridiques sont envisageables. Dans une première analyse, il est possible de considérer que « rechercher systématiquement le consentement du mineur » signifie que le médecin doit obligatoirement l’obtenir. Il ne peut, en effet, intervenir sur le corps du mineur sans son consentement, au nom du respect de l’intégrité physique du mineur, de sa personne et de la dignité humaine, et au nom du principe de l’inviolabilité du corps humain. En cas de refus de soin par le mineur, le médecin serait alors contraint de faire systématiquement un signalement au Procureur de la République, qui pourrait saisir le juge des enfants compétent afin de mettre en œuvre une mesure d’assistance éducative sur le fondement des articles 375 et suivants du Code civil11 . Cette première analyse n’est pas pleinement convaincante. L’exégèse des textes impose de faire une différence entre 8 Après la Convention internationale sur les droits de l’enfant, un rapport officiel sur la promotion des droits de l’enfant a été demandé par le secrétaire d’État à la famille. Il a notamment proposé de créer une prémajorité pour les grands adolescents de 16 à 18 ans, leur accordant plus d’autonomie : le mineur de plus de 16 ans déciderait seul de recourir à un acte médical, mais si l’acte paraît grave, les parents seraient informés et pourraient éventuellement soulever une opposition, V. E. Alfandari, F. Dekeuwer-Defossez, F. Moneger, P. Verdier, P.-Y. Verdinkt, Affirmer et promouvoir les droits de l’enfant après la convention internationale sur les droits de l’enfant, La Documentation franc¸aise, 1993. 9 Article 371-1 du Code civil, article L. 1111-4 CSP, article 12 de la Convention de New-York, article 4 de la Charte européenne des enfants hospitalisés. 10 V. P. Malaurie, Les personnes, la protection des mineurs et des majeurs, Defrénois, 5e éd., 2010, no 604 ; G. Raymond, Droit de l’enfance et de l’adolescence, Litec, 2006, no 66. 11 V. en ce sens D. Vigneau, « L’autonomie du mineur en matière de santé », in La condition juridique du mineur. Aspects internes et internationaux, Litec, coll. Carré droit, 2004, p. 41.
« rechercher le consentement » et « exiger le consentement ». Le médecin doit seulement rechercher le consentement du mineur, ce qui ne lui impose pas de l’obtenir obligatoirement. En effet, les textes doivent se comprendre comme imposant un devoir pour les parents et le médecin d’associer l’enfant aux décisions qui l’intéressent, plus que comme consacrant un droit pour l’enfant d’imposer son avis12 . Cette seconde analyse est plus nuancée que la première et nécessite de distinguer entre trois types de situations. Dans les premières, le médecin doit respecter le consentement du mineur. Rechercher son consentement signifie, ici, l’obtenir et donc obligation pour le médecin de respecter le refus de soins du mineur. Concrètement, deux situations de ce type peuvent être mises en exergue. D’une part, en cas d’option entre deux traitements plus ou moins efficaces, les parents souhaitant le traitement A et le mineur le traitement B, le consentement du mineur doit être respecté. En effet, la Cour d’appel de Nancy dans un arrêt du 3 décembre 198213 avait imposé de respecter le choix de thérapie de l’adolescente contre l’avis des médecins. Par conséquent, si le traitement préféré par le mineur ne met pas sa santé en danger, il ne semble pas qu’un recours en justice soit possible. Le choix de la thérapie médicale appartient au mineur. D’autre part, en cas de refus de soin par le mineur atteint d’une maladie incurable, le consentement du mineur mérite également d’être respecté. En effet, l’article L. 1111-10 du CSP est rédigé en termes généraux et énonce que « lorsqu’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable décide de limiter ou d’arrêter tout traitement, le médecin respecte sa volonté après l’avoir informé des conséquences de son choix ». Dans les deuxièmes, le médecin n’est, à l’inverse, pas tenu de respecter le consentement du mineur. Rechercher le consentement ne signifie pas, ici, l’obtenir. Ainsi, lorsque l’acte ou le traitement médical est nécessaire à la santé du mineur qui refuse pourtant de le subir ou de le suivre, le médecin doit privilégier l’autorisation parentale de soin. L’autorité parentale a en effet pour but de protéger le mineur et si le refus de soin du mineur le met en danger, il convient de la faire primer sur la recherche du consentement de l’enfant. Il ne semble pas nécessaire dans une telle hypothèse que le médecin ou les parents s’adressent au juge des enfants, même si le médecin aura tendance à vouloir se protéger juridiquement en faisant un signalement. On peut seulement douter de l’efficacité d’un traitement imposé à l’enfant si le suivi du traitement dépend du bon vouloir du mineur. Dans les dernières, le médecin se trouve véritablement au centre d’un conflit familial. Ainsi, lorsque le refus de soin par le mineur s’explique par des dangers potentiels de l’acte ou du traitement médical supérieurs à son intérêt thérapeutique, il est difficile de choisir entre autorisation parentale et consentement du mineur. Le médecin doit être alors incité à faire un signalement en vue de saisir le juge des enfants. Le conflit familial
12 V. en ce sens P. Bonfils et A. Gouttenoire, Droit des mineurs, Précis Dalloz, 1re , éd., 2008, no 1118. 13 JCP 1983, éd. G., II, 20081, note G. Raymond ; Gaz. Pal. 1984, 1, p. 132, note Dorsner-Dollivet.
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se judiciarise, ce qui présente l’avantage pour le médecin de se décharger de sa responsabilité, mais ce qui emporte également l’inconvénient de confier au juge la tâche de trancher entre le mineur et les parents, dans un domaine scientifique et médical qu’il ne maîtrise pas. La décision du juge dépendra bien évidemment de son appréciation souveraine après avoir entendu le médecin, les parents et le mineur, mais il y a fort à parier que le juge aura tendance à se déclarer incompétent, ce qui emportera le respect du consentement du mineur. 5. Conclusion L’idée que l’enfant devait être jusqu’à sa majorité sous la dépendance de ses parents a vécu. Aujourd’hui, l’enfant est juridiquement considéré comme un adulte en devenir qui doit se prendre en charge dans la mesure de ses possibilités personnelles et intellectuelles. En cas de conflit familial relatif à un acte ou un traitement médical, le législateur a organisé le moyen de lutter contre le refus des parents, mais a passé sous
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silence de nombreuses hypothèses de refus du mineur. La prudence d’un médecin, qui souhaite éviter sa mise en cause par les parents, l’incitera à faire un signalement au Procureur en vue de la mise en place d’une mesure d’assistance éducative. Mais, la réalité juridique est plus nuancée. Il convient de bien distinguer entre les différentes hypothèses car toutes ne doivent pas être judiciarisées. Est-ce alors utopique de croire que les conflits familiaux méritent d’être désamorcés par le dialogue et dans le respect de chacun ? Peut-être. . . mais juridiquement, cette utopie trouve une application dans le dispositif légal relatif à l’information dispensée par le médecin auprès des parents et du mineur. Annexe. Matériel complémentaire Un fichier audio de cette communication est disponible en ligne sur : doi:10.1016/j.meddro.2011.10.003.