Archives de pédiatrie 13 (2006) 588–595 http://france.elsevier.com/direct/ARCPED/
Session : T2A et CCAM en pédiatrie La T2A des fantasmes à la réalité, l’exemple du groupe hospitalier du Havre
Medicoeconomic results of the pediatric unit at Le Havre hospital Mots clés : T2A, PMSI ; Comptabilité analytique ; MIGAC ; Urgence Keywords: Health cost; Economy; Emergency; Pediatrics
Sur le principe du budget global, les établissements se voyaient dotés d’un budget fondé sur le précédent augmenté d’un coefficient (taux directeur) rediscuté chaque année. Ce financement, fondé sur une reconduction implicite des dépenses, à fait l’objet d’une 1re réforme dans les années 1990 : le PMSI (Programme de médicalisation du système d’information) qui avait pour objectif d’apporter plus de transparence et d’équité dans la répartition des ressources. Les coûts sont classés et répartis par groupe de prise en charge dit « de malades » (GHM), ordonnés les uns par rapport aux autres selon une unité d’œuvre aujourd’hui abandonnée : le point ISA (indice synthétique d’activité). Le point ISA se voyait attribuer une valeur monétaire, pour construire un budget théorique par établissement, permettant la discussion d’objectifs pour un meilleur usage des ressources. Malgré cela, les dépenses de santé ont continué de croître plus vite que le PIB (10 % aujourd’hui). Pour faire face au déficit croissant de l’assurance maladie, une nouvelle réforme du financement des établissements de santé est devenue indispensable. En novembre 2003, le Parlement instaure la tarification à l’activité (T2A) qui doit être appliquée progressivement sur 8 ans (25 % en 2005). L’objectif est d’inciter à une gestion appuyée sur les recettes (et non plus sur les dépenses). Les ressources seront allouées en fonction de l’activité réelle. Le dispositif est modulé par diverses mesures prenant en compte les activités non directement valorisables, transversales ou répondant à diverses priorités. 1. La mécanique T2A Fondamentalement, les principes de base du recueil et de valorisation de l’activité sont les mêmes du point de vue général ou spécifiquement en pédiatrie. La plupart des modifications apportées en 2003 étaient déjà annoncées « au temps » de PMSI. Ces modifications « connues » portent sur :
● des évolutions de l’échelle de classement (version 10, applicable au 01/03/06) ; ● des modifications de l’algorithme de classement ; ● la prise en compte du niveau d’infrastructure délivrant les soins, fondée sur le principe des autorisations d’activité ; ● la modulation du tarif selon des particularités de prise en charge n’influant pas directement le classement en GHM, c’est la création des groupes homogènes de séjours (GHS), permettant différents tarifs pour un même GHM ; ● une approche moins « lapidaire » de la durée de séjour, qui voit selon sa différence à une référence théorique l’application d’une minoration d’une majoration. De même, certaines activités se voient « forfaitisées », comme les urgences ou les prélèvements d’organes, qui n’étaient pas individualisés. La création des MIGAC forme le dernier « chapeau » permettant un peu de souplesse. Concernant la pédiatrie, ces modifications ont un impact important sans pour autant changer le fonctionnement du recueil de l’information dans les unités. Seul le résultat en termes de valorisation et sa conséquence en termes de budget sont profondément modifiés. La plus importante de ces modifications est la rapidité avec laquelle la « machine tourne ». Nous sommes passés d’un cycle de valorisation semestriel (voire annuel) à un cycle trimestriel (impact budgétaire compris). Un cycle mensuel est d’ores et déjà annoncé. Cette compression du temps a un impact fort au niveau des unités de soins, justifiant de fait la production des RUM à la sortie des patients, sous peine d’une pénalisation financière. Avec PMSI, les établissements de soins comptabilisaient annuellement les dépenses pour calculer un budget théorique. Le delta constaté ouvrait de fait, le champ des négociations entre les établissements et leurs tutelles. Aujourd’hui, l’établissement s’engage sur une activité pour laquelle il va demander un financement suivi trimestriellement. Ce point fondamental intervenu par la mise en place de la T2A impose de facturer les recettes de l’activité réalisée et non plus « d’expliquer » les dépenses constatées. Selon le principe de déclaration global de l’activité, il n’est pas possible de « facturer » au niveau du service (RUM), seul un RSS pourra être valorisé, si un RUM est manquant, le séjour entier n’est pas payé. L’exhaustivité de codage (élément déjà important) devient aujourd’hui capitale et doit être suivie au niveau du service. La méthodologie de codage est la même que celle de PMSI, les règles sont les mêmes, l’algorithme de traitement aboutit à des GHM porteurs de l’activité, correspondant à des GHS porteurs du tarif. Les principaux changements intervenant au
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niveau du calcul des ressources totales, intègrent les modifications énoncées plus haut (autorisations, forfait, MIGAC). Pour les pédiatres, il faut aussi noter que c’est à ce niveau où les choses changent, par ailleurs, certaines autorisations concernent la pédiatrie (néonatalogie, réanimation), il existe des urgences pédiatriques (sous réserve qu’elles soient identifiées, le plus souvent sous forme de POSU) et que le champ des MIGAC est largement ouvert à cette discipline. 2. Les recettes T2A du service de pédiatrie du GHH Au Tableau 1, figurent les recettes comparées entre logique ISA et la T2A pour le service de pédiatrie du GHH « éclaté » par unité médicale. On peut voir que la valeur moyenne du dossier ISA est à 1 406 € alors que pour la T2 A en incluant toutes les sources de financement (voir ci-dessous) la valeur est de 1 758 €. Au Tableau 2 figurent les recettes et dépenses du service de pédiatrie. Outre le financement T2A, les consultations sont directement facturées ce qui n’était pas le cas auparavant. Les médicaments coûteux utilisés en hématologie, cancérologie et pour le traitement des maladies de Crohn bénéficient d’une enveloppe spécifique. Une autre part de financement peut venir des MIGAC et cela va directement dans une section d’imputation particulière (section 2). Par principe, le MIGAC est une dotation dédiée à l’établissement, même s’il est souhaitable que les parts de l’enveloppe totale soient calculées par « dossiers », l’usage des crédits ainsi reçu reste à la discrétion de l’établissement. À titre d’exemple en 2004, les dossiers spécifiques (réseaux, activités transversales,…) du service de pédiatrie ont concouru à hauteur de 464 145 €, dont 49 000 € au titre de la participation à la recherche clinique. Sont concernés : ● les CRCM (mucoviscidose) ; ● les centres de dépistage du langage ; ● les actions de prévention et d’éducation dans l’asthme, le diabète, l’obésité, la mort subite du nourrisson, les consultations avec médicaments sous ATU ;
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● les activités de recherche qui avec un bon dossier peut être reconnue pour un CH ; ● le financement des centres de douleurs en particulier de soins palliatifs , ● la prise en charge de l’hémophilie. Le groupe 2 des recettes concerne la part reversée du ticket modérateur pour les hospitalisations et les consultations. Au groupe 3 figurent des recettes provenant des expertises réalisées, reversements de la redevance des consultations privées, des examens de télétransmission interprétées pour d’autres hôpitaux, les reversements de la HAS pour les visites d’accréditations etc. 3. Les dépenses Les dépenses directes représentent 5 061 054 € (Tableau 2). Si la facturation des services supports ne pose pas problème (radiologie, laboratoires, restauration, blanchisserie, pharmacie), il n’en va pas de même pour les prestations annexes regroupant toute la logistique et l’administration de l’hôpital. Il convient de remarquer que ce poste pour le service de pédiatrie représente une charge de 1 423 643 €. Les clés de répartition varient ici en fonction de la nature de la prestation, exemple : nombre de lits pour les charges direction de sites (discutable si le service a une rotation rapide, pour lequel la journée serait plus logique). Ce poste représente à lui seul 18,6 % des recettes, ce qui paraît excessif. Il ressort de cet exercice comptable que le solde pour le service est de + 815 701 €. 4. Financement des urgences pédiatriques Ignorée dans le dispositif PMSI (hormis des UHCD), la T2A prend en compte les activités générées d’urgences. Seuls les services bénéficiant d’une autorisation (SAU, UPATOU, POSU) peuvent prétendre à ces modalités de financement. Le système associe : ● un forfait annuel (FAU) fonction du volume de passage ;
Tableau 1 Recette comparée ISA/T2A
Explorations fonctionnelles neuropédiatriquesa Hématologie Hôpital de jour Moyens et grands enfants Nourrissons Problèmes sociaux Moins value T2A Affectation urgences Total a
Nombre
Logique ISA Valeur (€) Moyenne 1687 606 1596 1627 1620
Nombre 233 392 1246 1419 1550 17
Logique T2A Valeur (€) Moyenne 1 212 011 5201 437 790 1116 1 104 735 886 2 230 337 1571 2 535 432 1635 22 814 1342 6 039 26
342 939 1485 1687 14
576 956 569 556 2 370 410 2 745 229 22 688
4467
6 274 840
1406
4857
6 940 000
individualisée en 2004 pour un meilleur suivi des actes produits par cette unité intégrée au fonctionnement de la pédiatrie. Les actes effectués étaient auparavant saisis dans le RUM d’hospitalisation.
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Tableau 2 Recettes et dépenses du service de pédiatrie Dépenses Groupe 1 Charges de personnel
4 495 669
Médical
765 209
Non médical
3 730 460
Groupe 2 Charge à caractère médical Groupe 3 Charge à caractère hôtelier Groupe 4 Charge d'amortissements, de provisions Total Charges induites Total Logistique hospitalière Service support dont Imagerie Laboratoire Blanchisserie Restauration Biberonnerie Informatique Pharmacie Total
479 321
39 349
Tableau 3 Dépenses et recettes selon la T2A (en euros [€]) des urgences pédiatriques Recettes
Produites versés par l'assurance maladie Recettes PMSI (si 100 %) Externes Molécules MIGAC
8 538 233
Groupe 1
6 940 000
Charges de Personnel
138 944 207 406 464 145
Médical Non médical
758 666 1 425 696
Groupe 2
123 994
Groupe 3 Groupe 4 Charges directes brutes Charges directes nettes totale Excédent
32 080 32 656 2 373 093
Autres produits de l'activité hospitalière
904 001
Autres produits
102 846
46 715
5 061 059
Recettes T2A 4 254 550
2 184 363 Forfait annuel (FAU) Valorisation GSH T2A
1 406 167 1 442 258
Passages externes (ATU)
606 500
Activités externes
799 625
3 908 453 346 097
Pour les services de pédiatrie ayant un accueil commun avec les adultes, on peut imaginer plusieurs modalités de valorisation de l’activité pédiatrique, le principe est d’affecter les recettes et les dépenses à la même unité, ainsi :
2 880 587 1 423 643 65 047 538 822 121 225 91 144 173 205 235 130 58 884 7 941 647
Dépenses
8 757 342
● un tarif par passage non suivi d’hospitalisation (ATU) de 25 € où l’on ajoute la rémunération des consultations et des actes réalisés (imagerie, biologie) ; ● pour les passages suivis d’hospitalisation, le GHS porte la rémunération de l’ensemble du séjour. En interne, le GHS peut être décomposé selon des modalités à discuter (prorata temporis par exemple, même si ce n’est pas le plus pertinent !), dans le cas des séjours en zone de surveillance de très courte durée (ou les UHCD), 1 RSS = 1 GHM = 1 GHS. Ces dispositions imposent un suivi précis en temps réel des cotations, tenant compte des majorations (dimanches et fériés, nuit), sans omettre la facturation des prestations (pansement, procédés d’immobilisation). Pour le service des urgences pédiatriques du GHH (POSU), en 2004 nous avons accueilli 27 846 enfants. Le nombre d’enfants hospitalisés a été de 3586, soit 12,87 %. Nos recettes T2A ont été estimées à 4 254 550 €, pour des charges directes nettes de 3 891 873 € (Tableau 3). Les charges brutes sont calculées pour le CR urgences pédiatriques, les charges nettes prennent en compte les coûts d’utilisation des services médicotechniques. L’excédent s’établit à 346 097 €. Pour l’ensemble de l’activité pédiatrique le solde est de + 1 161 798 €.
● la part forfaitaire est allouée à la structure et la part au passage (plus les actes) est attribuée en pédiatrie quand les charges de personnel en dépendent. ● « Refacturation » à l’euro, l’euro de la part des charges pesant sur le service de pédiatrie au plateau commun des urgences. Le problème de la chirurgie hébergée en service de pédiatrie peut être solutionné par l’application de règle de répartition. Dans ce cas, il n’y aura pas de RUM pour la chirurgie, les actes seront « versés » sur l’unité de pédiatrie assurant l’hospitalisation. Si l’on applique la règle habituelle, le service de pédiatrie se verra crédité de l’ensemble de la recette, alors qu’il n’en assume pas l’intégralité des charges. La comptabilité analytique est l’outil qui peut permettre une répartition. L’usage de la CCAM est dans ce cas un plus, car l’acte peut être utilisé dans la constitution des clés de répartition. Soit les charges liées à l’acte opératoire (salaires, logistiques, consommables) seront « liquidées » sur la pédiatrie qui, en contrepartie, sera créditée de l’ensemble de la recette ; soit chacun supporte ses charges, mais le service de chirurgie devra être crédité par ailleurs de la recette en rapport avec le coût engagé. Ce document souligne l’importance d’un codage précis, reflétant la réalité économique de la prise en charge. Attention au « bidouillage » qui, du fait de l’évolutivité du système, entraîne une modification de sa valorisation, et les contrôles externes sont plus pointus, engageant potentiellement des pénalités financières. L’activité doit être tracée, rapidement codée et transformée en RUM pour être rapidement valorisée au travers d’un GHS. Toutes les activités du service doivent être recensées et faire l’objet de dossier technique discuté avec le contrôle de gestion pour être
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valorisée : le travail aux urgences, le travail effectué pour des tiers, en particulier la chirurgie, les activités éducatives peuvent donner lieu à un financement spécifique (MIGAC). Au total, soyez confiants, vigilants, performants sur l’utilisation du système et ne fantasmez pas, l’instrument n’est pas destiné à tuer la pédiatrie. B. Le Luyer I. Daire Département de pédiatrie, groupe hospitalier du Havre, 55 bis, rue Gustave-Flaubert, 76083 Le Havre cedex, France P. Le Roux Département des urgences pédiatriques, groupe hospitalier du Havre, 55 bis, rue Gustave-Flaubert, 76083 Le Havre cedex, France E. Briquet Service de l’information médicale, groupe hospitalier du Havre, 55 bis, rue Gustave-Flaubert, 76083 Le Havre cedex, France
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groupes homogènes de séjour. Il est à noter que seuls quelques actes d’imagerie interventionnelle sont classant pour des GHM. L’impact pour les hôpitaux et les services d’imagerie de cette nouvelle tarification est que les actes réalisés antérieurement pour les patients externes venaient en recette atténuative de l’hôpital, ces actes sont maintenant de réelles recettes pour la structure hospitalière. Pour les actes d’imagerie réalisés lors d’une hospitalisation d’un patient, ceux-ci sont pris en compte dans les GHM de malades et la multiplication des actes d’imagerie pendant l’hospitalisation pénalise les finances de l’hôpital. Les services d’imagerie auront la nécessité, pour suivre le budget de leur structure, d’utiliser des logiciels leur donnant la comptabilité des actes CCAM aussi bien pour les patients externes que pour les patients rentrant dans le cadre de la T2A. Une réflexion devra être menée au sein de chaque établissement pour déterminer quand et comment les services cliniques devront avoir recours au service d’imagerie afin d’optimiser les ressources et d’en diminuer les coûts pour la structure. Il apparaît donc très clairement qu’il est l’intérêt de tous, du patient, mais également des structures hospitalières, que les examens d’imagerie et donc l’exploration des patients soient réalisés en externe. Les hospitalisations devront devenir thérapeutiques et non plus diagnostiques.
Disponible sur internet le 11 mai 2006 0929-693X/$ - see front matter © Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.arcped.2006.03.060
H. Ducou le Pointe Service de radiologie, hôpital d’enfants Armand-Trousseau, 26, avenue du Docteur-Arnold-Netter, 75571 Paris cedex 12, France
T2A et imagerie Disponible sur internet le 12 mai 2006 Health cost and imaging
0929-693X/$ - see front matter © Publié par Elsevier SAS. doi:10.1016/j.arcped.2006.03.117
Mots clés : T2A ; CCAM ; Imagerie Keywords: Health cost; Imaging
La mise en place de la T2A s’effectue progressivement dans les établissements de santé qui apprennent à fonctionner selon un principe fondé sur l’activité. Concernant les services d’imagerie, ceux-ci sont intéressés par la T2A mais également par la CCAM. La CCAM est la classification commune des actes médicaux composés de 7 caractères dont les 2 premiers précisent la topographie, le 3e l’action, le 4e la technique utilisée et les 3 derniers chiffres sont appelés compteur pour différencier les actes ayant un même code anatomique et un même code d’action. Ce code peut être valorisé par des modificateurs tels qu’un acte réalisé en urgence ou chez un enfant de moins de 5 ans. En revanche, pour un certain nombre de pathologies, les actes d’imagerie sont pris en compte dans des groupes homogènes de malades (GHM) correspondant à une tarification de
La Classification commune des actes médicaux cliniques en Pédiatrie
Common classification of medical acts in clinical pediatrics Mots clés : Nomenclature générale des actes professionnels ; Classification commune des actes médicaux ; Examen classant national ; Hiérarchisation des consultations ; Objectif national des dépenses d’assurance maladie, réforme de la santé Keywords: Classification; Professional acts; Health care system; Health cost
Les difficultés économiques et l’impossibilité de maîtriser le budget de la santé en France ont conduit les autorités et leurs experts à essayer d’identifier le contenu des actes médicaux pratiqués pour diagnostiquer ou traiter, et ainsi surveiller l’évolution des pathologies et chiffrer leurs coûts. D’où, l’idée d’une nouvelle classification commune des actes médicaux (CCAM)