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Revue de Pneumologie clinique (2014) xxx, xxx—xxx
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REVUE GÉNÉRALE
La tuberculose de l’enfant Childhood tuberculosis A. Hamzaoui Pavillon B, hôpital Abderrahmen-Mami, 2080 Ariana, Tunisie
MOTS CLÉS Tuberculose ; Enfant ; BCG ; Tuberculose latente ; Test de production de l’interféron gamma ; Traitement
Résumé La contamination d’un enfant par les bacilles tuberculeux représente un échec des programmes de lutte contre la tuberculose (TB). Elle entretient le réservoir de germes et l’existence de la maladie dans la communauté. La TB infantile est responsable d’une mortalité et d’une morbidité importantes, d’autant que la co-infection VIH et les formes à bacilles multirésistants sont aussi fréquentes chez l’enfant que chez l’adulte. Le risque d’infection, de maladie et de mortalité est maximal chez les tout-petits de moins de deux ans. Le diagnostic des infections tuberculeuses latentes s’appuie sur l’exposition à un contaminateur et sur les réponses immunologiques dont la sensibilité est cependant limitée. Les tests de production de l’interféron ne font pas mieux que l’intra-dermoréaction à la tuberculine. La suspicion de tuberculose maladie implique la mise en œuvre d’explorations poussées à la recherche d’une confirmation bactériologique, particulièrement au cours des atteintes pulmonaires et ganglionnaires. Les prélèvements par expectoration induite, les aspirations nasopharyngées et les ponctions ganglionnaires ont une bonne rentabilité, même chez les touts petits. Les techniques moléculaires ont une meilleure sensibilité et spécificité chez l’enfant et permettent l’identification rapide des formes résistantes. Le traitement nécessite des doses de médicaments plus élevées que celles prescrites chez l’adulte. L’association d’autres thérapeutiques est parfois nécessaire : corticothérapie dans les formes dyspnéisantes, traitement endoscopique bronchique et traitement anti-rétroviral des infections VIH. La prescription aux enfants contacts de moins de 5 ans d’une prophylaxie est efficace et indispensable. Les protocoles à utiliser contre les bacilles résistants ne sont pas validés. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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A. Hamzaoui
KEYWORDS Tuberculosis; Childhood; BCG vaccine; Latent tuberculosis; Interferon-gamma release test; Treatment
Summary Childhood TB is an indication of failing TB control in the community. It allows disease persistence in the population. Mortality and morbidity due to TB is high in children. Moreover, HIV co-infection and multidrug-resistant diseases are as frequent in children as in adults. Infection is more frequent in younger children. Disease risk after primary infection is greatest in infants younger than 2 years. In case of exposure, evidence of infection can be obtained using the tuberculin skin test (TST) or an interferon-gamma assay (IGRA). There is no evidence to support the use of IGRA over TST in young children. TB suspicion should be confirmed whenever possible, using new available tools, particularly in case of pulmonary and lymph node TB. Induced sputum, nasopharyngeal aspiration and fine needle aspiration biopsy provide a rapid and definitive diagnosis of mycobacterial infection in a large proportion of patients. Analysis of paediatric samples revealed higher sensitivity and specificity values of molecular techniques in comparison with the ones originated from adults. Children require higher drugs dosages than adults. Short courses of steroids are associated with TB treatment in case of respiratory distress, bronchoscopic desobstruction is proposed for severe airways involvement and antiretroviral therapy is mandatory in case of HIV infection. Post-exposure prophylaxis in children is a highly effective strategy to reduce the risk of TB disease. The optimal therapy for treatment of latent infection with a presumably multidrug-resistant Mycobacterium tuberculosis strain is currently not known. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
L’infection d’un enfant par les bacilles tuberculeux constitue un échec de la lutte contre la tuberculose. La rareté des formes symptomatiques, la contagiosité minime ou nulle font oublier que l’infection constitue l’entrée dans la tuberculose (TB), l’enfant étant ensuite à risque de développer des manifestations graves dans l’immédiat et la maladie au cours de sa vie. Cette minimisation de l’importance de la TB de l’enfant, expliquée par l’absence d’impact immédiat sur la contamination de la population générale ne prend pas en compte l’entretien au long cours du réservoir de virus. Par ailleurs, le risque de TB multirésistante (MDR) et de coinfection VIH est aussi important chez les enfants que chez les adultes. La contamination de l’enfant provoque une infection asymptomatique dans la majorité des cas. Actuellement le diagnostic de l’infection asymptomatique, dite infection tuberculeuse latente (ITL), n’est que rétrospectif, jugé sur l’apparition d’une réponse immunitaire aux antigènes bactériens. Le développement de signes cliniques, d’anomalies radiologiques ou la mise en évidence du bacille tuberculeux signent la tuberculose maladie (TBM).
Épidémiologie La tuberculose de l’enfant révèle une transmission récente, donc un échec du contrôle de la TB, la prévalence des atteintes pédiatriques reflétant de fac ¸on précise le niveau de contrôle de la tuberculose dans une communauté [1,2]. Le nombre réduit de cas déclarés de tuberculose chez l’enfant contraste avec l’estimation attendue ou les valeurs observées au cours des études prospectives [3]. Les pays émergents, aux possibilités financières limitées, se focalisent sur les patients bacillifères qui ne représentent que 10 à 20 % des cas pédiatriques et 5 % des tuberculoses avant l’âge de 5 ans [4]. Dans les pays à forte endémicité tuberculeuse, la TB de l’enfant ne représenterait d’après les données statistiques que 1 à 3,5 % [4,5], alors que les
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meilleures estimations suggèrent que les patients de moins de 15 ans représentent 11 à 14 % de la charge tuberculeuse, soit 1 million de cas incidents par an dans le monde [4,5]. En Chine, d’après l’enquête nationale de 2000, la prévalence de la tuberculose chez les enfants de moins de 14 ans était de 91,8 pour 100 000 sans diminution significative depuis 1979. Moins de 15 % étaient confirmées bactériologiquement et moins de 7 % bacillifères [6]. Dans les pays occidentaux, en Europe, en France, la TB pédiatrique est insuffisamment déclarée. Au Royaume-Uni, l’instauration d’un système de surveillance active a objectivé une sous estimation de 20 à 40 % des cas pédiatriques de tuberculose, particulièrement nette avant l’âge de 5 ans [7]. Une étude récente au Groenland, pays à population réduite bénéficiant d’un système de santé de qualité, le risque annuel d’infection évalué par une étude prospective est étonnamment élevé aboutissant à un risque cumulé à 18 ans de 13,4 %. Le risque est plus élevé chez les Inuits que dans les autres groupes ethniques suggérant l’existence d’un facteur génétique de prédisposition ou un facteur lié au mode de vie [8]. En Europe, plus de la moitié des cas de tuberculose pédiatrique touchent les enfants de moins de 5 ans [9]. Ainsi en France, en 2010, 2,8 % des cas déclarés de tuberculose touchaient des enfants de moins de 5 ans et 2,7 % ceux de 5 à 14 ans [10—12].
Facteurs de risque de contamination et de maladie La tuberculose est responsable d’une forte mortalité dans les pays pauvres. En Guinée Bissau, le contact d’un adulte souffrant d’une tuberculose pulmonaire augmente de 70 % la mortalité des enfants de moins de cinq ans, l’excès de mortalité étant le plus important entre 3 et 4 ans. Le risque est multiplié par 8 quand il s’agit de la mère de l’enfant
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[13], la tuberculose constituant la première cause de décès des nourrissons infectés par le VIH en Afrique du Sud [14]. Le risque existe, que l’adulte soit bacillifère ou non, mais nécessite une exposition prolongée [5,13]. Le fait d’être de la même famille constitue un risque supplémentaire, suggérant une prédisposition génétique [11,13,15]. Les enfants de moins de 5 ans ont le risque d’infection le plus élevé [16—18]. Dans les pays occidentaux, être né à l’étranger est un facteur de risque important chez les enfants immigrés [11,18]. Il est lié à l’endémicité du pays d’origine et aux conditions socioéconomiques dans le pays hôte [18]. En France, les enfants nés à l’étranger représentent un tiers des cas pédiatriques. Le risque d’infection tuberculeuse chez les enfants contacts est plus élevé dans les pays pauvres. Chez les moins de 5 ans, il y est estimé selon les études entre 35 et 80 % alors qu’il serait autour de 15 % dans les pays à haut revenu [2,15,16]. Le risque de contamination des enfants contacts d’un adulte tuberculeux pulmonaire a été estimé en Val de Marne à 13 % [11,12]. L’infection par le VIH et la malnutrition ont un impact important sur l’épidémiologie et la sévérité de la tuberculose de l’enfant [5,17]. En Afrique du Sud, la prévalence de la TB parmi les enfants VIH+ est estimée à plus de 120 cas par 1000 enfants année [2,18]. La tuberculose est aussi fréquente parmi les enfants non infectés vivant dans un environnement à haute prévalence VIH+, probablement par l’augmentation associée de la tuberculose [2,18]. À Capetown, l’incidence corrigée chez l’enfant est de 407 cas par 100 000 par an [2]. Plusieurs caractéristiques du contaminateur augmentent le risque : l’âge inférieur à 40 ans, le tabagisme, les lésions cavitaires et la richesse en bacilles des expectorations [11,12]. La durée prolongée de l’exposition et la proximité du contaminateur pendant la nuit ont été identifiées par plusieurs études comme facteurs de risque indépendants [11,15], de même que les contacts prolongés quotidiens en milieu scolaire, que le cas index soit un adulte ou un enfant, bacillifère ou non [19—21]. De plus, la promiscuité dans des habitats surpeuplés multiplie par cinq le risque de développer une tuberculose et augmente le risque de forme sévère [6,18].
Histoire naturelle de l’infection L’exposition au bacille tuberculeux, provoque la constitution d’une lésion parenchymateuse pulmonaire inflammatoire primaire. La diffusion des mycobactéries vers les ganglions régionaux lymphatiques déclenche le développement d’une réponse spécifique associant hypersensibilité retardée et immunité cellulaire en 4 à 6 semaines. Quand la réponse immunitaire ne maîtrise pas l’infection, la tuberculose maladie se développe dans les mois qui suivent, le plus souvent dans les 6 à 12 mois. [17,22]. Les manifestations sont liées à l’extension du focus primaire avec ou sans excavation, l’hypertrophie des ganglions lymphatiques ou la dissémination lymphatique et hématogène [17,22]. La progression de l’infection vers la tuberculose maladie varie en fonction de l’âge de l’enfant [13,23,24]. Chez les nourrissons de moins d’un an, le risque de développer une atteinte pulmonaire est estimé à 30—40 % et celui des formes disséminées, méningée ou miliaire à 10—20 %. De plus, le délai Pour citer cet article : Hamzaoui A. La http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2014.03.006
d’apparition de la maladie est plus court avant l’âge de 2 ans [25]. Entre 2 et 5 ans, le risque n’est plus que de 5 % pour l’atteinte pulmonaire et minime pour les formes disséminées. Un second pic de risque marque l’adolescence par réactivation des bacilles dormants ou par réinfection [2,23]. La modulation des défenses immunitaires et des réponses de défense influenceraient l’action pathogène du germe [22,23]. L’exposition des cellules sanguines aux antigènes mycobactériens provoque la production de cytokines de type T Helper 1 (TH1), TNF␣ (facteur de nécrose tumorale ␣), interféron gamma (IFN␥), interleukine 2 (IL2) et TH2 chez les enfants infectés. Le rapport TNF␣/IL2 serait plus élevé au cours de la tuberculose maladie que dans les infections latentes [26].
Prédisposition génétique : déficits immunitaires de la voie IFN␥-IL12 L’interféron gamma est un médiateur essentiel de la défense vis-à-vis des mycobactéries. Des défauts de l’immunité innée du circuit IL12-IFN␥ ont été identifiés chez des enfants souffrant de tuberculose grave. Ces déficits sont importants à diagnostiquer, l’adjonction d’IFN␥ recombinant étant efficace chez les patients tuberculeux déficients en IL12 [27]. Les gènes identifiés codent pour les récepteurs de l’ IFN␥, de l’IL12 et de l’IL23, les signaux de transduction et de transcription et le NEMO (modulateur essentiel du facteur nucléaire B [NF B]) [27,28]. Cliniquement, cela correspond au syndrome de susceptibilité Mendélienne aux mycobactérioses qui prédispose les enfants à développer des mycobactérioses non tuberculeuses et des tuberculoses graves [28,29]. De même, le TNF␣ joue un rôle majeur dans la résistance vis-à-vis de la tuberculose. Sa production en réponse au BCG est contrôlée par un gène TNF1 à proximité du locus TST1 qui contrôlerait la négativité de l’IDR, donc la résistance à l’infection par Mycobacterium tuberculosis [30].
Réponse immunologique et hypersensibilité à la tuberculine L’absence de données épidémiologiques complètes est aussi liée aux difficultés diagnostiques. Le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments cliniques, immunologiques et d’imagerie, en l’absence de confirmation bactériologique dans la majorité des cas [17,31]. L’identification d’un patient contagieux dans l’entourage de l’enfant constitue un argument fondamental témoignant de l’exposition au bacille. Si les données immunitaires confirment cette exposition par la présence d’une réactivité aux antigènes mycobactériens, le diagnostic est retenu dans la majorité des cas suspects. Cette attitude comporte un risque de sous estimation et de surestimation de la maladie. La sous estimation est due au manque de sensibilité des tests immunologiques chez l’enfant, particulièrement le tout petit et à la complexité de la détermination du seuil de positivité de l’IDR à la tuberculine. Le surdiagnostic est lié à la nature même des tests qui reflètent la mémoire de l’organisme par rapport au contact avec le bacille, donc l’infection, mais ne permettent pas de déterminer la date de ce contact [24].
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Le diagnostic de l’infection utilise les tests d’hypersensibilité ou de production d’interféron gamma (IGRA) [5]. L’IDR par la méthode de Mantoux est le test de référence de l’hypersensibilité à la tuberculine [17]. Les seuils de positivité recommandés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) varient selon l’état immunitaire de l’enfant : 5 mm en cas d’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ou de dénutrition sévère, 10 mm chez les autres enfants, indépendamment du statut vaccinal par le BCG [25,32]. La positivité de l’IDR ainsi que le diamètre de l’induration sont associés au degré d’exposition au BK et à la richesse en bacilles du frottis du contaminateur [32]. Une anergie à la tuberculine est observée chez 14 % des enfants tuberculeux confirmés bactériologiquement [24]. L’IDR est plus fréquemment positive dans les TB pulmonaires que dans les formes extra-pulmonaires [33,34]. Une valeur pronostique à long terme est suggérée, en âge scolaire, par l’association d’une induration supérieure à 15 mm à un risque important de tuberculose maladie à l’adolescence, probablement par réactivation endogène [35]. La place des tests de production d’interféron gamma en réponse aux antigènes de M. tuberculosis (IGRA), quantiféron (QF-TB-IT) et TB spot, dans le diagnostic de la primo-infection est encore discutée [5]. La quantification de l’IP10, protéine induite par la présence d’IFN␥, plus facile à mesurer est en cours d’évaluation [32], mais n’améliorerait pas les résultats. Les IGRA ont une très bonne spécificité mais une sensibilité limitée. Le risque de réponse indéterminée est associé à la baisse de l’immunité et inver¸aise concluait sement corrélé à l’âge [36]. Une étude franc pour le QF-TB-IT à une faible sensibilité chez le nourrisson s’améliorant avec l’âge, et une incidence élevée de résultats indéterminés avant l’âge de 5 ans, associés à des épisodes infectieux banaux [37]. Les résultats indéterminés chez les enfants de moins de 3 ans seraient dus à des problèmes techniques in vitro, la faible quantité de sang prélevé ne permettant pas une bonne séparation des cellules sanguines [38]. Les IGRAs n’ont donc pas de place chez le nourrisson. Comme pour l’IDR, la positivité du quantiféron augmente avec la richesse en bacilles de l’expectoration de l’adulte contaminateur [32]. Les résultats de l’IDR et des IGRAs sont discordants chez certains enfants, la spécificité des IGRAs serait meilleure que celle de l’IDR chez les enfants vaccinés [8]. Diverses stratégies pour le dépistage de l’infection tuberculeuse sont proposées : IGRAs ou IDR seuls, association concomitante ou en cascade. L’utilisation systématique de l’association IDR et IGRAs révèlerait des chiffres élevés d’infection : 30 % des témoins et 70 % des enfants exposés à des adultes paucibacillaires auraient au moins un test positif. Ces résultats suggèrent la nécessité d’une prophylaxie systématique des enfants contacts [32]. Les IGRAs ne permettent pas de différencier infection latente de TB maladie [38]. Les IGRAs ne sont pas conc ¸us pour le diagnostic de la TB maladie. Bien que leur réalisation dans ce cadre ne soit pas recommandée, ils sont cependant utilisés dans certains cas comme argument de présomption. Leur taux de positivité chez des enfants souffrant de tuberculose confirmée par la culture est inférieur à celui de l’IDR [33]. Dans les environnements à haute prévalence de TB, l’addition du TB spot n’améliore pas la performance diagnostique de la clinique Pour citer cet article : Hamzaoui A. La http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2014.03.006
et des tests conventionnels chez les enfants à frottis négatif [39].
Diagnostic Les signes cliniques manquent de sensibilité et de spécificité. Les scores cliniques diagnostiques ne sont pas performants [4,15,17]. La recherche d’une exposition au bacille tuberculeux, la réalisation d’une intradermoréaction à la tuberculine et des examens d’imagerie adaptés sont indispensables à l’algorithme diagnostique. La confirmation bactériologique est désormais plus fréquemment obtenue, particulièrement au cours des atteintes pulmonaires et ganglionnaires, grâce aux nouvelles techniques de prélèvement et d’isolement du germe [4,17]. Un test VIH est nécessaire dans les environnements à haute prévalence VIH [17]. L’éventail des tableaux cliniques s’étend de la tuberculose primaire médiastino-pulmonaire fréquente, souvent spontanément résolutive, à des formes compliquées, graves mais relativement rares [31]. Les manifestations cliniques dépendent de l’âge de l’enfant. Dans les formes habituelles, le retard de croissance, retentissant d’abord sur le poids puis sur la taille et la baisse de l’activité physique de l’enfant sont les signes généraux les plus fréquemment observés [4,40]. Une fièvre, persistante ou intermittente, et des sueurs nocturnes sont plus rares [4,40]. Une toux chronique persistant plus de 2 semaines témoigne d’une atteinte trachéo-bronchique [4,40]. Chez le nouveau né sont observés pneumonies, sepsis et hépato-splénomégalie [6,40]. Chez le tout petit de moins de 6 mois, les formes sévères asphyxiantes sont possibles. Cette détresse peut être provoquée par la compression de grosses bronches ou leur obstruction par du caséum libéré lors de la fistulisation des ganglions [41]. Ces complications touchent avec une plus grande fréquence le tronc intermédiaire et la bronche souche gauche [41]. L’insuffisance respiratoire complique aussi les atteintes parenchymateuses étendues [6,40]. Avant un an, le risque de dissémination hématogène est majeur, aboutissant aux atteintes miliaires et cérébroméningées [6]. La miliaire du nourrisson provoque fièvre prolongée, asthénie, anorexie et perte de poids. L’altération de l’état général domine le tableau, alors que la tachypnée et la splénomégalie sont inconstantes. Les images radiologiques ne sont pas visibles d’emblée, apparaissant après quelques semaines [22]. La compression bronchique induit chez les nourrissons une toux persistante, parfois coqueluchoïde, associée à une dyspnée sifflante et à un stridor dans les formes évoluées [22]. Les formes pulmonaires aiguës avec fièvre élevée et des signes respiratoires majeurs sont observées plus fréquemment chez les enfants de moins de cinq ans [22]. En Ouganda, un enfant sur cinq admis pour pneumonie grave est tuberculeux [42]. La co-infection à germes banals est fréquente expliquant l’amélioration initiale obtenue sous antibiotiques usuels [40]. La caséification aboutit à une toux chronique, une fièvre ondulante et une altération de l’état général [22]. À partir de 8 ans et chez l’adolescent, des atteintes pulmonaires de type adulte sont le plus souvent observées, ainsi que des pleurésies [40].
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Figure 1. Radiographie du thorax : enfant de 2 ans, asymptomatique, père tuberculeux bacillifère. Opacité médiastino-pulmonaire gauche.
Les localisations tuberculeuses de l’enfant sont le plus souvent extra-pulmonaires [6,34]. Les adénopathies périphériques inquiètent rapidement les parents. Leur origine tuberculeuse est suggérée par la localisation cervicale, un diamètre supérieur à 2 cm, l’absence de douleur à la palpation et une consistance élastique [34]. Les atteintes ganglionnaires abdominales, mésentériques et péritonéales sont rares avant 2 ans, mais leur fréquence augmente avec l’âge [6,34]. Les ganglions axillaires et inguinaux sont beaucoup plus rarement atteints et doivent faire discuter d’autres diagnostics [3].
Imagerie L’imagerie est importante dans le diagnostic. Parmi des enfants infectés de moins de 5 ans, près de 70 % ont des anomalies radiologiques compatibles avec une tuberculose maladie. Parmi ces enfants, un grand nombre était asymptomatique [15]. Le bilan d’imagerie dépend des manifestations cliniques, du degré de suspicion ainsi que des possibilités matérielles. La réalisation de clichés thoraciques de face et de profil est systématique, bien que l’utilité du profil destiné à améliorer la détection des adénopathies médiastinales soit controversée [4,43,44]. Les anomalies recherchées regroupent adénomégalies et lésions parenchymateuses (Fig. 1 et 2). Les adénomégalies médiastinales sont le signe radiologique le plus fréquent, sous carénaires ou paratrachéales. Elles peuvent être aussi hilaires unilatérales. Les infiltrats nodulaires, les condensations et les atélectasies prédominent au niveau des lobes supérieurs et moyens. Les nodules isolés témoins du chancre d’inoculation n’ont pas de localisation particulière [17,45]. Chez des nourrissons de moins d’un an, la radiographie montre le plus souvent une condensation, plus rarement des nodules, disséminés chez les touts petits. Distension, atélectasies, calcifications précoces ou réduction de la lumière bronchique sont possibles. Un élargissement médiastinal est retrouvé dans 70 % des cas [46]. Un épanchement pleural est rarement observé avant l’âge Pour citer cet article : Hamzaoui A. La http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2014.03.006
Figure 2. Radiographie du thorax : enfant de 8 ans, altération de l’état général, amaigrissement. Opacités ganglionnaires médiastinales comprimant et refoulant les bronches souches, associées à des nodules et condensations parenchymateuses.
de 5 ans, mais est habituel chez l’adolescent. Les formes dites « adultes » associant des cavernes et des infiltrats sont retrouvées plus fréquemment au-delà de 5 ans et chez les adolescents que chez le nourrisson [45]. Une radiographie thoracique systématique chez des enfants asymptomatiques infectés (IDR+ ou IGRA+), identifie des anomalies suggestives de tuberculose, active ou séquellaire, chez un nombre substantiel de patients [47]. La radiographie n’est cependant ni sensible, ni spécifique [20,43]. La poursuite du bilan d’imagerie est motivée par l’exploration des adénopathies. L’échographie est une technique de choix. L’exploration échographique des adénopathies cervicales détermine le nombre de ganglions atteints, visualise la nécrose centrale et dirige la ponction à visée bactériologique et cytologique. Une exploration des adénopathies médiastinales hautes par voie sus sternale est possible. Au niveau abdominal, l’échographie recherche aussi les sites ganglionnaires pathologiques, une hépato-splénomégalie, un épaississement pariétal digestif au contact des ganglions, un épanchement péritonéal ou une localisation appendiculaire [4]. Les indications de la tomodensitométrie thoracique sont controversées. Le risque lié à l’irradiation et le coût élevé de l’examen expliquent les réticences, malgré une excellente sensibilité, bien meilleure que celle de la radiographie. La tomodensitométrie précise les anomalies ganglionnaires (Fig. 3 et 4) et leur impact sur la trachée et les grosses bronches, ainsi que les opacités alvéolaires (Fig. 5) : nodules, infiltrats et condensations [20]. Les nodules de la miliaire sont chez l’enfant plus gros que ceux de l’adulte. La TDM visualise très bien les complications bronchiques, mais sa spécificité modérée indique une confirmation endoscopique [48]. Chez les nourrissons, les condensations sont toujours présentes, hétérogènes avec fréquemment des zones hypodenses et des excavations dans un quart des cas. Une destruction bulleuse du parenchyme est possible [46]. De
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A. Hamzaoui Le recours à la tomodensitométrie n’est recommandé que si les radiographies sont ininterprétables ou les anomalies douteuses. Bien que la réalisation d’une tomodensitométrie ne soit pas recommandée en cas de radiographie thoracique normale, chez les enfants infectés la tomodensitométrie identifie des adénopathies et des infiltrats parenchymateux, invisibles sur la radiographie thoracique [20,43,47,50]. S’agit-il alors réellement d’infections tuberculeuses latentes [50] ? La charge en bacilles est considérée minime par certains auteurs, ne nécessitant pas de modification de traitement, sans argumentaire démontré [51]. Les anomalies parenchymateuses régressent plus rapidement que les adénopathies et disparaissent souvent en 6 mois. Les ganglions peuvent persister jusqu’à un an, se calcifier, ou se compliquer [46]. L’exploration des autres atteintes osseuses se fait par IRM, l’atteinte neuro-méningée au mieux par IRM, sinon par TDM [4].
Endoscopie
Figures 3 et 4. Tomodensitométrie thoracique, fenêtres médiastinales : adénopathies médiastinales, confluentes, compressives, hypodenses calcifiées par endroits.
même, des adénopathies sont constamment visualisées en latérotrachéal droit et sous carénaire, hypodenses au centre et prenant le contraste en périphérie. Un épaississement péricardique, un épanchement pleural ou une atteinte pariétale sont possibles. La TDM permet aussi d’objectiver une atteinte extra pulmonaire : splénique, hépatique ou rénale [46,49].
Les atteintes ganglionnaires sont responsables des lésions bronchiques par compression, fistule endobronchique avec extériorisation du caséum, granulomes ou polypes [22]. Toute suspicion par l’imagerie d’une obstruction bronchique nécessite une vérification endoscopique à cause du risque de séquelles [48]. Réalisée en routine, pour suspicion de tuberculose, la fibroscopie souple objective des anomalies chez un patient sur deux [48,52]. Indépendamment de la présence de symptômes, une obstruction bronchique importante est fréquemment observée, due à une compression ou à la présence d’une lésion bourgeonnante endoluminale [48,53]. L’examen peut être répété pour surveiller l’évolution des lésions sous traitement. L’aspiration per endoscopie améliore ces enfants, mais un geste chirurgical est parfois nécessaire [49]. La bronchoscopie rigide permet des gestes de désobstruction efficaces et éviterait le recours à la chirurgie [48,53]. Pour la confirmation bactériologique de la tuberculose, l’aspiration bronchique n’a que peu d’intérêt [48], alors que la rentabilité du LBA serait supérieure à celle des tubages [41,52]. L’apport du LBA est plus important en cas d’opacités parenchymateuses [41]. Les ponctions ganglionnaires transcarénaires pourraient être d’un apport majeur [54].
Confirmation bactériologique
Figure 5. Tomodensitométrie thoracique, fenêtre parenchymateuse : lésions parenchymateuses étendues associant nodules et condensations chez un enfant de 3 ans.
Pour citer cet article : Hamzaoui A. La http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2014.03.006
La tuberculose de l’enfant était classiquement considérée de confirmation difficile, mais les nouvelles méthodes permettent de prouver le diagnostic dans plus de 80 % des cas avant l’âge de 5 ans dans certaines séries prospectives. Il est important de confirmer la présence de bacilles, particulièrement en cas de doute diagnostique, de suspicion de MDR, d’infection VIH et de formes graves. Des prélèvements à visée bactériologique doivent être obtenus à chaque fois que cela est possible. Les données bactériologiques du contaminateur quand il est identifié sont essentielles. De multiples modalités de prélèvements des sécrétions respiratoires sont réalisables et leur association augmente la probabilité de confirmation : prélèvements de
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l’expectoration chez le grand enfant, sécrétions nasopharyngées, expectoration induite (EI), tubage gastrique et Entérotest® [17]. L’expectoration induite est réalisable chez les nourrissons et les jeunes enfants grâce à l’aspiration des sécrétions du nasopharynx en fin de test [55]. Son innocuité et sa rentabilité avec près de 30 % de positivité en font un moyen de prélèvement de référence [5,55]. Les prélèvements endoscopiques bronchiques par aspiration sont moins rentables, mais l’apport de l’endoscopie justifie sa réalisation en cas de suspicion d’atteinte endobronchique [48]. Elle permet aussi la réalisation de ponction transcarénaire par l’aiguille de Wang des adénopathies médiastinales sous carénaires antérieures : chez des enfants dont plus de la moitié avait moins de 3 ans, une confirmation diagnostique bactériologique ou histologique a été obtenue dans plus d’un cas sur deux, sans incidents [54]. L’aspiration nasopharyngée a une rentabilité plus faible que l’expectoration induite en bactériologie classique, mais donnerait des résultats comparables en étude moléculaire [5]. L’Entérotest® vise à recueillir des bacilles de l’estomac sur un fil de nylon dégluti et laissé en place quelques heures. Ce test serait bien toléré dès l’âge de 4 ans [56,57]. L’association des tests améliore le diagnostic. La combinaison de trois prélèvements par tubage gastrique et de trois EI aboutirait à une confirmation bactériologique dans plus de 60 % des cas de TB pulmonaire de l’enfant [56]. La ponction des adénopathies périphériques à l’aiguille fine en ambulatoire [FNAB] réalisée sous sédation chez les enfants de moins de 6 ans avec une étude cytologique et bactériologique confirme le diagnostic dans la majorité des cas (60 à 70 %) et permet d’obtenir un antibiogramme sur plus du tiers des prélèvements [3,57,58]. Le diagnostic est obtenu en une semaine en moyenne [58]. En l’absence de résultat, une excision chirurgicale est requise pour examen direct, culture et histologie [3]. Les cultures sont rarement positives chez les jeunes enfants contacts d’un adulte tuberculeux, explorés en ambulatoire d’où l’intérêt accordé aux techniques bactériologiques moléculaires telles que le Gene Xpert, permettant un diagnostic rapide et la détection des bacilles résistants. L’étude moléculaire des prélèvements chez l’enfant : liquide pleural, tubage gastrique ou LCR aurait une sensibilité et une spécificité supérieures à celles observées chez l’adulte [59,60]. Il améliorerait jusqu’a deux fois les résultats de la bacilloscopie, en étant positif dans près d’un cas sur deux de frottis négatif chez les touts petits [59,61]. Le test Xpert est réalisable sur des échantillons obtenus par aspiration nasopharyngée et d’expectoration induite [62]. Qu’il s’agisse d’expectoration induite ou d’aspiration nasopharyngée, la réalisation de deux prélèvements augmente la positivité des cultures et d’Xpert de 25 à 30 % [62]. Une méta-analyse regroupant les résultats obtenus sur des prélèvements non respiratoires, estime la sensibilité et la spécificité globales de Xpert à 79 et 97 % [59]. La sensibilité est très bonne sur les biopsies tissulaires et le liquide pleural plus faible sur le LCR [59]. La mise en culture des prélèvements est cependant nécessaire à cause d’une valeur prédictive négative encore insuffisante [59]. Le diagnostic de tuberculose pulmonaire à microscopie négative implique des critères diagnostiques stricts avant la mise sous traitement antituberculeux : la négativité de trois bacilloscopies, des images radiologiques évocatrices Pour citer cet article : Hamzaoui A. La http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2014.03.006
et l’absence de réponse à un traitement antibiotique usuel. Cette décision doit être définitive, aucun traitement d’épreuve ne doit être prescrit [17,40].
Immunodépression et tuberculose de l’enfant Le taux de co-infection VIH parmi les enfants tuberculeux a atteint 27 % en Afrique du Sud en 2005 [63]. Dans les groupes à risque, la recherche systémique d’une infection VIH est donc systématique, permettant d’adapter le bilan et la prise en charge du patient, alors que le diagnostic d’une infection par le VIH implique la recherche d’une tuberculose [2]. Le risque de TB augmente inversement au taux de lymphocytes CD4+ et parallèlement à la charge virale [2]. Le diagnostic de la tuberculose est plus difficile à cause des similitudes entre les symptômes de l’infection VIH, des comorbidités et des autres infections et ceux de la tuberculose [44]. Ainsi, la tuberculose est un des facteurs de risque de la maladie pulmonaire chronique des enfants VIH+, par la formation de bronchectasies [64]. L’apport des tests immunologiques est réduit. Bien que le seuil conseillé de positivité soit abaissé à 5 mm, l’IDR est peu sensible [17,22]. De même, la sensibilité des IGRAs par quantification de l’IFN␥ est diminuée, alors que la production de l’IP10 serait maintenue [32]. La co-infection VIH interfère aussi dans les anomalies radiologiques [2]. Les images pulmonaires sont quasiment toujours bilatérales, et les cavernes présentes chez un enfant sur deux [65]. En revanche, la sévérité de l’obstruction des voies aériennes par les ganglions n’est pas aggravée par l’infection VIH [41]. L’association d’atteintes intra et extra-thoraciques est plus fréquente [65]. L’aggravation rapide de la maladie TB et de l’infection VIH chez les enfants co-infectés implique la réalisation rapide d’explorations poussées [2]. Le recours à la TDM est plus large à la recherche de lésions infraradiologiques [2] mais la confirmation bactériologique est plus difficile à obtenir, la sensibilité d’Xpert étant diminuée chez les enfants VIH+ [5]. La mise sous traitement anti-rétroviral (ART) comporte le risque de développement d’un syndrome inflammatoire de reconstitution immunitaire (IRIS). La tuberculose en est la première cause (29 % de risque) [66]. L’IRIS se manifeste par l’apparition paradoxale de nouveaux symptômes ou l’aggravation clinique sous traitement antituberculeux dans le mois suivant la mise sous traitement ART [2]. La tuberculose peut aussi être démasquée par l’IRIS [66]. Une BCGite est possible, particulièrement chez les touts petits [67,68]. Les manifestations neurologiques nécessitent l’interruption du traitement ART, la mise sous corticoïdes et éventuellement immunosuppresseurs [2].
Prise en charge Traitement de la tuberculose maladie Très peu d’essais cliniques ont été réalisés chez l’enfant et la majorité des recommandations sont basées sur les résultats chez l’adulte [69]. Bien qu’il n’y ait pas d’études rapportant des taux d’échecs thérapeutiques chez l’enfant supérieurs à ceux de l’adulte, les études
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pharmaco-dynamiques récentes ont démontré que les doses utilisées chez l’enfant étaient trop faibles pour atteindre les concentrations sériques considérées efficaces [70]. En s’appuyant sur ces constatations, de nouvelles recommandations ont été émises par l’OMS, puis par les instances nationales. Ce sont des recommandations fortes avec un niveau de preuve modéré. Les doses recommandées sont de 10—15 mg/kg par jour d’isoniazide (H), indépendamment de la vitesse d’acétylation [71], 15 mg/kg (10—20 mg/kg) de rifampicine (R), 35 mg/kg (30—40 mg/kg) de pyrazinamide (Z) et 20 mg/kg d’éthambutol (E) (15—25 mg/kg) [72]. En l’absence d’insuffisance rénale, l’innocuité de l’éthambutol a été démontrée [69]. Ces dosages nécessitent la mise à disposition de nouvelles formes galéniques adaptées à l’enfant, particulièrement au tout petit [1]. Considérant que les tuberculoses de l’enfant sont dans la majorité des cas paucibacillaires, le protocole de traitement de la tuberculose pulmonaire ou ganglionnaire associe trois médicaments (HRZ) pendant la phase intensive de deux mois puis deux médicaments pendant les quatre mois suivants (HR). Un protocole élargi avec de l’éthambutol pendant les deux premiers mois (HRZE) est utilisé dans les formes étendues, les lésions bacillifères, en cas de prévalence VIH élevée ou de risque de résistance à l’isoniazide [72]. Chez les nourrissons de moins de 3 mois, le traitement est le même, mais un ajustement des doses est parfois nécessaire [72]. Les méningites et les atteintes ostéoarticulaires sont traitées de fac ¸on prolongée pendant 12 mois sans argument réel [72,73]. La miliaire est traitée 9 mois [73]. Le traitement recommandé pour les patients VIH est similaire à celui des autres patients [2], malgré un risque plus important de rechute. Prolonger le traitement à 9 mois pourrait être une meilleure option, mais il n’existe pas d’essai comparatif [2]. Les traitements quotidiens sont recommandés chez l’enfant car ils sont plus efficaces que les prises intermittentes [5,52,74]. Une surveillance par une personne autre que les parents est parfois nécessaire pour s’assurer de la compliance (protocole DOTS) et atteindre un taux de réussite du traitement supérieur à 90 % [4,75]. Le traitement est bien toléré par la majorité des enfants. La toxicité hépatique est rare [4,73]. La prescription d’éthambutol ne pose pas de soucis aux doses recommandées [4,73]. Les drogues de seconde ligne sont plus toxiques avec des effets neurologiques induits par la cyclosérine, thyroïdiens par le PAS et l’éthionamide ou hépatiques par l’éthionamide [4,73].
Évolution La réponse au traitement est favorable chez les enfants antérieurement sains à tuberculose sensible. Dans une série indienne, les patients étaient considérés guéris dans 95 % des cas, la mortalité était de 1 %, et l’échec de traitement de 0,05 %. Ces résultats étaient comparables dans le sousgroupe ayant rec ¸u des doses de médicaments plus basses que celles recommandées actuellement par l’OMS. Le suivi n’était cependant rapporté qu’à court terme [3]. Le pronostic des nourrissons de moins d’un an est moins bon que celui des enfants plus âgés [6]. Dans la série chinoise de Wu, le taux de succès du traitement était de 84 %, alors que la mortalité était de 0,4 % et le taux d’échec de 15 %. Les atteintes extra-pulmonaires répondent moins bien au Pour citer cet article : Hamzaoui A. La http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2014.03.006
traitement, ainsi que les formes graves [6]. Le taux de réussite du traitement est plus faible chez les enfants infectés par le VIH [65]. Différents facteurs diminueraient le taux de réussite du traitement antituberculeux chez l’enfant VIH+ : doses de médicaments insuffisantes, interactions médicamenteuses, comobidités et absence des parents [2]. L’intégration de la prise en charge de l’infection VIH à celle de la tuberculose, dans les pays les plus défavorisés, améliore grandement le pronostic des enfants tant pour la tuberculose avec près de 90 % de succès que pour l’infection VIH, cliniquement et biologiquement [76,77]. Une aggravation sous traitement est possible avec augmentation de la taille des adénopathies ou apparition d’épanchements pleuro-péricardiques. Le risque d’aggravation est plus important dans les formes disséminées et chez les enfants dénutris. Les diagnostics à discuter sont aussi une résistance, un échec thérapeutique, un IRIS, ou une infection à d’autres germes [4,78]. La récidive de la tuberculose au-delà de 12 mois est le plus souvent due à une réinfection [4].
Traitements associés Une corticothérapie est souvent associée au traitement antituberculeux dans les tuberculoses médiastinales pour lever une obstruction endobronchique importante, par compression ou bourgeonnement. Elle réduirait le temps nécessaire à l’amélioration ainsi que le risque de complications à distance [48,79]. Le travail auquel les prescripteurs se réfèrent est assez ancien sur un nombre de cas réduit [79]. Le protocole utilisé est de 1 à 2 mg/kg de corticoïdes per os pendant un mois, suivi d’une dégression sur 2 à 4 semaines. Un traitement local par nébulisation a été proposé [80]. L’association d’une corticothérapie est aussi proposée dans les miliaires hypoxémiantes [73]. Elle est obligatoire dans les méningites compliquées et dans les manifestations neurologiques du syndrome IRIS [4,72]. En l’absence de réponse suffisante des atteintes endobronchiques à la corticothérapie, une endoscopie thérapeutique est nécessaire, pour aspirer le caséum, réséquer un granulome organisé ou dilater une sténose localisée [48,53,81]. Le traitement endoscopique permettrait d’éviter dans la majorité des cas une résection chirurgicale des ganglions responsables [48].
Traitement anti-rétroviral Les interactions médicamenteuses et les effets secondaires des médicaments compliquent la prise en charge thérapeutique. La rifampicine diminue l’efficacité des inhibiteurs de la transcriptase reverse et augmente leur toxicité. La pharmacocinétique des médicaments antituberculeux pourrait aussi être modifiée chez les enfants co-infectés [71]. Par ailleurs, l’introduction d’un traitement ART exagère les manifestations tuberculeuses au cours du développement d’un IRIS. Il n’est cependant pas possible de retarder de plus de 2 mois le début du traitement par ART des enfants tuberculeux. Un délai supérieur diminue la réponse virologique et augmente la mortalité [77]. Le schéma ART viral optimal pour les enfants recevant un traitement antituberculeux n’a pas été défini. La rifabutine a moins d’interactions que la rifampicine, mais elle n’a pas été formellement
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validée chez l’enfant chez qui elle provoque des lésions oculaires. L’efavirenz serait le meilleur médicament antirétroviral chez les enfants de moins de 3 ans recevant de la rifampicine [82]. Les manifestations d’IRIS ne requièrent pas l’arrêt du traitement antituberculeux, en dehors des atteintes neurologiques qui peuvent être gravissimes. Les formes sévères d’IRIS nécessitent une corticothérapie [4].
Tuberculose MDR Les cas pédiatriques constitueraient 15 % des atteintes TB MDR (OMS). Des résistances MDR ont été observées chez des enfants de moins de 5 ans [5,83]. Le risque de MDR chez l’enfant varie selon les pays. En Allemagne, au RoyaumeUni, aux États-Unis et en Afrique du Sud, le risque de tuberculose MDR est supérieur chez les enfants de moins de 15 ans par rapport à celui des adultes [9]. La co-infection VIH constitue un facteur de risque important de MDR [84]. La tuberculose MDR survient dans la majorité des cas chez des enfants indemnes d’épisode tuberculeux antérieurs, suggérant une contamination par un bacille résistant [85]. La mise en route d’un traitement adapté à l’antibiogramme du contaminateur permet de raccourcir le délai de prise en charge [83]. Cependant, à cause du risque de toxicité, tout doit être fait pour isoler le germe et confirmer la résistance chez l’enfant. Devant l’absence de cas index identifié, une recherche approfondie du contaminateur est recommandée [9,85,86]. En cas de suspicion de résistance, le recours aux de techniques moléculaires est d’un grand apport malgré une sensibilité encore insuffisante [9,84]. Les résultats du traitement seraient bien meilleurs chez l’enfant que chez l’adulte : une méta-analyse met en évidence les bonnes réponses obtenues chez l’enfant, avec plus de 80 % de guérison, une mortalité de 6 %, au prix de 40 % d’effets indésirables [5,83]. Le protocole sud africain, cité par l’étude de référence, associe au moins quatre drogues efficaces : isoniazide à forte dose (15—20 mg/kg) pour la majorité des patients, dose permettant de dépasser la « résistance » à l’INH [87], amikacine médicament injectable le plus fréquemment utilisé (15—30 mg/kg), ofloxacine et au moins un autre médicament [86]. La durée de traitement ainsi que le nombre de médicaments nécessaires pourraient être réduits chez l’enfant [86]. Des essais cliniques sont cependant indispensables afin de mieux préciser les schémas et dosages pédiatriques [1,83]. Les régimes contenant du linezolid seraient efficaces chez l’enfant mais sont associés à des effets indésirables importants [88].
Prévention BCG Bien que l’efficacité du BCG soit sujette à controverse [1], son effet protecteur vis-à-vis des formes sévères est reconnu [6]. La protection apportée par le BCG vis-à-vis des formes graves est estimée à 73 % pour les méningites et 77 % pour les miliaires [89]. Les essais cliniques rapportent une protection contre la tuberculose d’environ 50 %, variant selon les études et les pays : 50—80 % en GB, 0 % au Malawi [90]. La différence de protection apportée par le BCG serait essentiellement liée à l’exposition aux Pour citer cet article : Hamzaoui A. La http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2014.03.006
mycobactéries de l’environnement [91]. Des données tanzaniennes témoignent cependant d’un effet protecteur de la vaccination dans l’enfance vis-à-vis de la tuberculose à l’âge adulte, quel que soit le statut VIH [5,90]. Le BCG étant classiquement considéré comme dangereux et inutile chez les enfants VIH+, une surveillance minutieuse et une prophylaxie post exposition TB sont indispensables [1,4]. Les BCGites disséminées témoignent d’un déficit immunitaire cellulaire sous-jacent [29]. Chez les enfants nés de mère VIH+ et dont le statut n’est pas connu, le risque de BCGite serait cependant relativement faible, inférieur à celui d’une tuberculose [1]. L’OMS recommande que tous les nourrissons asymptomatiques exposés au VIH dans les zones d’endémie tuberculeuse soient vaccinés par le BCG avec un suivi régulier à la recherche de complications [2]. L’apport d’une antibiothérapie (isoniazide, érythromycine ou HR) n’est pas démontré dans la résolution d’une BCGite. La plupart des adénopathies non suppurées guérissent spontanément en 4 à 6 mois alors que les adénopathies abcédées pourraient être évacuées par ponction [92]. Une prévention et une prise en charge plus agressive sont probablement nécessaires chez les enfants VIH+ [92]. La connaissance de l’évolution immunitaire devrait permettre de sélectionner la meilleure fenêtre de vaccination par le BCG : avant 2 ans elle serait trop précoce pour obtenir une efficacité maximale, mais sa réalisation à la naissance protège des formes sévères du nourrisson [23]. D’autres vaccins sont à l’étude. Les nouveaux vaccins devraient protéger de la primo-infection, de la réactivation et de la réinfection [51].
Dépistage actif Le dépistage actif est fondamental dans la lutte contre la tuberculose de l’enfant [93]. Tous les enfants ayant été en contact étroit avec un patient tuberculeux bacillifère, quel que soit son âge, doivent être explorés. Quand le diagnostic de tuberculose est posé chez un enfant de moins de 15 ans un contaminateur doit être recherché [17]. Le dépistage dans les écoles est important, même si le risque de contamination diminue avec l’âge [21]. À cause du risque de formes disséminées, du risque important d’évolution vers la maladie et du risque cumulé lié à l’espérance de vie, les enfants de moins de 5 ans constituent la principale cible du dépistage [24]. En Afrique du Sud le dépistage actif des enfants de moins de 5 ans habitant avec des patients tuberculeux a abouti à un diagnostic de tuberculose maladie chez un enfant sur 10, et à un traitement préventif dans 80 % des cas. Parmi les enfants de 5 à 14 ans, 2,5 % étaient malades [94]. De fac ¸on similaire, une étude néerlandaise, chez des enfants de moins de 16 ans, retrouvait 2,5 % de TB maladie et 25 % d’infection latente [95].
Traitement de la primo-infection tuberculeuse latente L’importance accordée à l’infection tuberculeuse de l’enfant dépend de fac ¸on inéquitable des ressources disponibles. Dans les pays à haut revenu avec une prévalence tuberculeuse basse, les risques encourus par l’enfant et par la communauté sont considérés comme inadmissibles et un
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traitement doit être instauré. Dans les pays à faibles revenus et à prévalence élevée, la priorité est accordée aux manifestations pathologiques et aux enfants les plus à risque : nourrissons de moins de 2 ans ou enfants VIH+ [22]. Destiné à diminuer le risque de développement d’une tuberculose maladie, le traitement préventif est prescrit dans les infections tuberculeuses latentes et chez les sujets contacts à haut risque d’infection et de maladie [69]. Il permet de réduire la mortalité et l’incidence de la TB [5,13,14]. Le meilleur rapport coût efficacité est obtenu par la chimioprophylaxie systématique des enfants exposés de moins de 5 ans, après élimination d’une TB maladie par une radiographie thoracique [14,15,24]. En France cependant, en l’absence d’infection démontrée par un test immunologique au-delà de l’âge de 2 ans, la prophylaxie n’est indiquée que si le risque d’infection est considéré élevé [73]. L’efficacité protectrice de l’INH atteindrait 90 % dans les études mais est affaiblie dans la vraie vie par la mauvaise compliance des parents, la durée minimale de traitement pour obtenir cette efficacité étant de 9 mois [5,14]. Par ailleurs, la dose d’isoniazide nécessaire est débattue : les études pharmacocinétiques sont en faveur de doses entre 8 et 12 mg/kg chez les jeunes enfants. Les essais cliniques démontrant l’efficacité de la chimioprophylaxie ont cependant été réalisés avec des doses de 5 mg/kg d’isoniazide [35]. Des protocoles plus courts ont donc été évalués. Les études comparant l’association HR pendant 3 mois à H pendant 9 mois, aux doses de 10 mg/kg ont objectivé une meilleure compliance au régime court pour une efficacité clinique identique. L’apparition d’anomalies radiologiques est plus fréquemment observée sous isoniazide seule [4,47,96]. L’association RZ provoque plus d’effets indésirables [97]. Pour les souches résistantes à l’INH, des protocoles de 6 mois utilisant de la rifampicine seule sont proposés [69]. Chez les enfants de plus de 12 ans, un protocole de 12 doses hebdomadaires associant de la rifapentine à de l’isoniazide à forte dose a démontré son efficacité [97]. En France, le protocole recommandé associe H et R pendant 3 mois [73]. La durée de protection d’une chimioprophylaxie vis-à-vis de la maladie dépend de l’environnement. Quand le risque de transmission est modéré elle est supérieure à 10 ans [69]. Chez les enfants exposés à des bacilles MDR, la prophylaxie par H ou associant HR n’a aucune efficacité. Bien qu’il n’existe pas de schéma validé, différents protocoles ont été proposés : pyrazinamide éthambutol ou pyrazinamide quinolone (levofloxacine) lorsque le BK du contaminateur y est sensible. Il est donc urgent de tester des protocoles de chimioprophylaxie adaptés [63,73,84]. La surveillance étroite des contacts à faible risque de maladie est une alternative [35]. Chez les enfants VIH+, la meilleure efficacité serait obtenue en associant un traitement anti-rétroviral (ART) à la chimioprophylaxie [5]. L’association HR pendant 3 mois est recommandée, bien que certains auteurs estiment cette durée trop courte pour ces patients [4,72]. L’utilisation d’une chimioprophylaxie primaire chez les enfants de plus d’un an VIH+ vivant dans des environnements à haute prévalence tuberculeuse avant tout contact reconnu et bien que recommandée par l’OMS [1], est controversée. L’effet protecteur de ce traitement disparaissant en 2 à 3 ans, la prescription d’une chimioprophylaxie lors d’une exposition Pour citer cet article : Hamzaoui A. La http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2014.03.006
reconnue à un adulte tuberculeux paraît plus appropriée dans les zones d’endémie tuberculeuse [4]. Chez des nourrissons de 3 à 4 mois, exposés au VIH en périnatal, vaccinés par le BCG et recevant un ART, la prophylaxie antituberculeuse avant exposition à un contaminateur n’a pas d’intérêt [14]. Bien que les enfants recevant un traitement anti-TNF␣ aient moins de risque de développer une tuberculose que les adultes, la combinaison d’une IDR et d’un IGRA est préconisée avant l’instauration du traitement. Une chimiothérapie est prescrite dès que l’un des tests est positif [98]. Les contacts souffrant d’une co-infection VIH ou de tout autre déficit immunitaire sévère doivent être réévalués à deux mois de traitement préventif, afin de vérifier l’absence de TB maladie clinique ou radiologique avant de compléter la chimioprophylaxie [24].
Perspectives L’amélioration du contrôle de la TB de l’enfant, en se basant sur les moyens existants est possible : vaccination par le BCG, dépistage actif des enfants exposés, et traitement prophylactique. L’identification de biomarqueurs pour différencier l’infection de la maladie, ainsi que l’existence d’une protection spécifique efficace permettrait de mieux cibler les enfants nécessitant un traitement. Des essais cliniques chez l’enfant doivent être mis en place en priorité pour définir des protocoles thérapeutiques plus courts, et plus efficaces, adaptés au site lésionnel, à la sensibilité du bacille, et au statut VIH, qu’il s’agisse de traitement curatif ou de prophylaxie. Il est cependant évident que la mise au point d’un vaccin antituberculeux efficace et accessible transformerait du tout au tout notre vision !
Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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