L’asthme est-il une maladie toujours potentiellement mortelle ?

L’asthme est-il une maladie toujours potentiellement mortelle ?

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Asthme re´ fractaire

Dossier the´matique

Mise au point

Presse Med. 2008; 37: 107–115 ß 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

L’asthme est-il une maladie toujours potentiellement mortelle ? Isabella Annesi-Maesano12, Sofia Kalaboka123, Jean-Pierre Piau12

1. Inserm, UMR S707 EPAR, F-75012 Paris, France 2. Universite´ Pierre et Marie Curie - Paris 6, UMR S707 EPAR, F-75012 Paris, France 3. IKY, Fondation des bourses d’E´tat, G-10679 Athe`nes, Gre`ce

Correspondance :

Key points Is asthma still a life-threatening disease? After a substantial augmentation in the mid-1980s, mortality from asthma stabilized in France as in the other industrialized countries, probably because of ever more appropriate health care utilization and treatment. In 2004, there were 1099 death in metropolitan France with a principal cause listed as asthma (last published data), for a crude rate of 1.8 deaths per 100,000 inhabitants. Despite the fact that fewer people are dying of asthma, several studies show an excess of all-cause mortality among people with asthma compared with people without asthma. The prevalence of severe asthma does not appear to have diminished, and clinical data show that severe asthma remains potentially fatal, because of resistant phenotypes, among other reasons. Other investigations are necessary to determine the trends in the prevalence of severe asthma and to understand the nonrespiratory mortality of asthma patients. Vigilance and surveillance of severe asthma must be maintained.

tome 37 > n81 > janvier 2008 > cahier 2 doi: 10.1016/j.lpm.2007.06.022

Points essentiels Apre`s avoir connu une augmentation importante au milieu des anne´es 1980, la mortalite´ par asthme s’est stabilise´e en France ainsi que dans les pays industrialise´s, vraisemblablement en raison de l’utilisation d’un recours aux soins et de traitements de plus en plus approprie´s. En 2004, on a observe´ en France me´tropolitaine 1099 de´ce`s dont la cause principale e´tait l’asthme (dernie`res donne´es publie´es), ce qui correspond a` un taux brut de 1,8 de´ce`s pour 100 000 habitants. En de´pit du fait que l’on meurt moins d’asthme, plusieurs donne´es montrent un exce`s de mortalite´ toutes causes confondues des asthmatiques par rapport aux non-asthmatiques. La pre´valence de l’asthme se´ve`re ne semble pas diminuer, et les donne´es cliniques montrent que l’asthme se´ve`re reste potentiellement mortel, en raison entre autres des phe´notypes re´sistants. D’autres investigations sont ne´cessaires pour connaıˆtre l’e´volution de la pre´valence de l’asthme se´ve`re et comprendre le devenir de l’asthmatique en termes de mortalite´ non respiratoire. La vigilance et la surveillance de l’asthme se´ve`re doivent eˆtre maintenues.

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Disponible sur internet le : 3 de´cembre 2007

Isabella Annesi-Maesano, E´pide´miologie des maladies allergiques et respiratoires (EPAR), UMR S707 Inserm et UPMC Paris 6, Faculte´ de me´decine Saint Antoine, 27 rue Chaligny, F-75571 Paris cedex 12, France. Fax : +33 01 47 73 84 54 [email protected]

I Annesi-Maesano, S Kalaboka, J-P Piau

P

our re´pondre a` la question « L’asthme est-elle une maladie toujours potentiellement mortelle ? », il faut conside´rer 2 e´le´ments qui sont e´troitement lie´s, la mortalite´ par asthme meˆme et le degre´ de se´ve´rite´ de l’asthme ; car il ne peut y avoir mort par asthme en l’absence d’un asthme se´ve`re. Comme indique´ dans un rapport du ministe`re de la Sante´, publie´ il y a quelques anne´es dans le cadre du Programme d’actions, de pre´vention et de prise en charge de l’asthme (2002–2005) de la Direction ge´ne´rale de la sante´, « la plupart de ces de´ce`s seraient e´vitables car les exacerbations se´ve`res, qui imposent un recours aux urgences ou une hospitalisation, sont souvent attribuables a` une prise en charge insuffisante et contribuent a` la se´ve´rite´ de la maladie ». C’est paradoxal mais « ces recours aux urgences surviennent alors que l’on dispose de traitements efficaces et de recommandations internationales pour la prise en charge a` long terme de cette maladie chronique pour laquelle il est parfois difficile d’obtenir un ‘‘controˆle’’ satisfaisant ». De fait, la gravite´ de l’asthme ne de´pend pas seulement de facteurs cliniques mais aussi du recours aux soins, des services de sante´ et de la prise en charge, facteurs qui sont fortement module´s par l’environnement socioe´conomique dans lequel e´volue le patient. Outre le clivage entre les pays industrialise´s et les pays en voie de de´veloppement, existent aussi des disparite´s ge´ographiques et e´conomiques a` l’inte´rieur d’un meˆme pays. De plus, il serait errone´ d’affirmer que l’acce`s aux soins ne de´pend que de l’offre de soins me´dicaux (structures et personnel qualifie´), car la demande de services sanitaires est, elle aussi, tre`s variable, selon de nombreux facteurs socioe´conomiques et culturels. Le recours aux soins et l’e´tat de sante´ des populations varient aussi de fac¸on notable d’une re´gion a` l’autre. Au total, il n’y a pas de relation parfaite entre l’offre et la demande. A` titre d’exemple, les E´tats-Unis nous montrent que dans des re´gions bien e´quipe´es en structures et en personnel, des barrie`res socioe´conomiques et culturelles restreignent l’acce`s aux soins pour les asthmatiques [1,2]. Nous voulons ici pre´senter des donne´es sur la mortalite´ par asthme ainsi que sur la se´ve´rite´ de l’asthme, avec une attention particulie`re pour les donne´es europe´ennes en raison de leur

Glossaire CIM-10 ECRHS Gina Isaac

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PAARC

Classification internationale des maladies, 10e re´vision European Community Respiratory Survey Global Initiative for Asthma International Study of Asthma and Allergies in Children Pollution atmosphe´rique et affections respiratoires chroniques

comparabilite´. A` ce jour, alors que nous disposons graˆce a` l’Organisation mondiale de la sante´ de donne´es de mortalite´ par asthme pour une grande partie des pays du monde, les donne´es portant sur l’asthme se´ve`re et les facteurs associe´s au niveau de la population ge´ne´rale sont peu nombreuses.

Ou` en est-on de la mortalite´ par asthme ? Les statistiques de mortalite´ publie´es re´gulie`rement par l’OMS montrent que de nos jours l’asthme est une cause de de´ce`s relativement rare qui connaıˆt des variations ge´ographiques importantes. D’ailleurs, la mortalite´ par asthme est conside´re´e comme « e´vitable ». En France me´tropolitaine, la mortalite´ par asthme a connu une augmentation entre les anne´es 1970 et le milieu des anne´es 1980, suivie d’une diminution. Cependant, a` la fin des anne´es 1980, les taux de de´ce`s standardise´s sur l’aˆge restaient chez les femmes toujours supe´rieurs a` ceux observe´s au de´but des anne´es 1970. Les enfants et les jeunes adultes avaient aussi un risque accru ; l’analyse spe´cifique sur la tranche d’aˆge des 5-34 ans met en e´vidence une augmentation des taux standardise´s de de´ce`s entre 1970 et 1990 [3]. Partant de l’analyse des certificats de de´ce`s pre´sentant l’asthme comme cause initiale du de´ce`s, recueillis par le Ce´piDC de l’Inserm, Delmas et al. ont de´crit l’e´volution de la mortalite´ pas asthme [4]. Au total, entre 1980 et 1999, 38 748 de´ce`s par asthme sont survenus en France me´tropolitaine, dont 19 333 (49,9 %) parmi les adultes aˆge´s de 75 ans ou plus et 1 505 (3,9 %) parmi les enfants ou des adultes de moins de 45 ans. Il y a eu un pic de mortalite´ en 1986 (4 pour 100 000 et 4,5 pour 100 000 parmi les hommes et les femmes respectivement), lie´ a` une surmortalite´ par e´pide´mie de grippe. Une fois ce pic de 1986 passe´, la mortalite´ par asthme chez les moins de 45 ans, hommes et femmes confondus, a baisse´ tout en restant supe´rieure a` celle du de´but des anne´es 1980. En 2003, il y a eu 1353 de´ce`s dont la cause principale e´tait l’asthme (code J45-J46 en cause initiale de de´ce`s), ce qui correspond a` un taux brut de 2,2 de´ce`s pour100 000 habitants. Les dernie`res donne´es publie´es montrent que 1099 personnes sont de´ce´de´es en 2004 par asthme en France me´tropolitaine, ce qui correspond a` un taux de 1,8 pour 100 000 habitants. La baisse de la mortalite´ par rapport a` 1986 pourrait eˆtre lie´e a` l’augmentation de la consommation des traitements anti-inflammatoires dans l’asthme et de manie`re plus ge´ne´rale a` une meilleure prise en charge de la maladie. En revanche, la mortalite´ par asthme semble plus e´leve´e dans les Dom-Tom. A` la Re´union, de´partement franc¸ais de l’oce´an Indien, la mortalite´ par asthme est beaucoup plus e´leve´e qu’en me´tropole comme indique´ dans le rapport de Solet et al. [5] : en 1997–1999, les taux comparatifs de de´ce`s par asthme sont jusqu’a` 4 fois supe´rieurs a` ceux de la me´tropole [5]. Au total, 331 de´ce`s par asthme sont survenus entre 1990 et 1998 chez des personnes domicilie´es a` la Re´union. Sur un total de 331 tome 37 > n81 > janvier 2008 > cahier 2

L’asthme est-il une maladie toujours potentiellement mortelle ?

Ou` en est-on en ce qui concerne la comorbidite´ des asthmatiques ? Une autre interrogation d’actualite´ dans la tentative de re´pondre a` la question « L’asthme est-elle une maladie toujours potentiellement mortelle ? », est la suivante : « l’asthme peut-il eˆtre a` l’origine d’une mortalite´ autre que celle par asthme ? » Ce qui revient a` se demander si les asthmatiques meurent plus que les non asthmatiques. Dans l’enqueˆte Pollution atmosphe´rique et affections respiratoires chroniques (PAARC), nous avons observe´ que le risque de de´ce`s apre`s 25 ans de suivi e´tait de 1,48 pour les asthmatiques par rapport aux non-asthmatiques et atteignait 1,16 apre`s ajustement sur les facteurs de confusion qui auraient tome 37 > n81 > janvier 2008 > cahier 2

pu expliquer l’exce`s de mortalite´, tels que l’aˆge, le sexe, l’e´ducation, la profession et le niveau de la fonction respiratoire de base [6]. Les asthmatiques mouraient le plus souvent de maladies respiratoires et de cancers. Ces re´sultats sugge`rent que les asthmatiques pourraient pre´senter un risque accru de mortalite´ par rapport aux non-asthmatiques, ce qui a e´te´ observe´ dans d’autres e´tudes [7]. Aussi, les allergiques (dont les asthmatiques) pourraient moins souffrir de cancer que les nonallergiques [8]. On ne peut exclure que cela soit la conse´quence d’un effet de type cohorte et que depuis la diffusion des corticoste´roı¨des inhale´s, la relation entre l’asthme et le cancer ait e´volue´ dans le sens d’une diminution des cancers non respiratoires. Il faut noter cependant que les asthmatiques souffriraient d’un risque accru de cancer du poumon. D’autres e´tudes pour mieux comprendre les liens entre l’asthme et le cancer sont ne´cessaires.

Combien d’individus souffrent d’un asthme se´ve`re ? Dans les e´tudes de population ge´ne´rale, la se´ve´rite´ de l’asthme a e´te´ mesure´e le plus souvent en termes de pre´valence de symptoˆmes graves et d’incidence d’hospitalisations et/ou de visites aux urgences. Plus re´cemment, des mesures inte´grant simultane´ment plusieurs indicateurs ont e´te´ introduites, mais les publications les pre´sentant font de´faut. Il est ne´cessaire de rappeler les limites et les difficulte´s de l’e´valuation de la se´ve´rite´ de l’asthme, dues essentiellement aux moyens utilise´s (questionnaires re´trospectifs recueillant les symptoˆmes et les scores composites de se´ve´rite´ [ECRHS : European Community Respiratory Survey]) et a` l’absence d’e´valuation tenant compte de la pression the´rapeutique.

Se´ve´rite´ des symptoˆmes Deux e´tudes multicentriques ont permis d’estimer la pre´valence de l’asthme se´ve`re en population ge´ne´rale en Europe.  Chez les enfants et les adolescents, l’e ´ tude Isaac (International Study of Asthma and Allergies in Children) a e´te´ re´alise´e dans des e´chantillons repre´sentatifs d’e´le`ves du primaire et du secondaire selon les phases de l’enqueˆte. La phase I a concerne´ des e´le`ves du primaire (CP et CE1) et du secondaire (troisie`me et seconde), la phase II des enfants du primaire (CM1 et CM2), et la phase III est une re´pe´tition de la phase I. Toutes les phases de cette e´tude ont comporte´ des questions de base pour de´finir la se´ve´rite´ de l’asthme, a` savoir : « avoir eu 4 ou plus crises de sifflements dans l’anne´e », « avoir eu des sifflements qui ont re´veille´ l’enfant », « avoir eu des sifflements qui ont empeˆche´ l’e´locution de l’enfant » [9]. Dans la phase II, plusieurs questions plus de´taille´es comprenant le recours aux soins, dont les visites me´dicales, les hospitalisations et les visites aux urgences ainsi que la prise en charge, ont e´te´ ajoute´es.  Chez les jeunes adultes, l’ECRHS a e ´ te´ re´alise´e dans des e´chantillons repre´sentatifs d’adultes aˆge´s entre 20-44 ans.

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de´ce`s, 56 concernaient des personnes aˆge´es de moins de 45 ans (17 %). Les taux annuels de mortalite´ par asthme standardise´s sur l’aˆge sont plus e´leve´s chez les hommes que chez les femmes sauf pour les anne´es 1991 et 1994. Chez les hommes, le taux a diminue´ de 21,3 pour100 000 en 1990 a` 7,9 pour 100 000 en 1994, puis a eu tendance a` remonter les anne´es suivantes jusqu’a` atteindre 14,1 pour 100 000 en 1998. Chez les femmes, les e´volutions sont plus irre´gulie`res avec un pic a` 17,0 pour 100 000 en 1991 et une baisse jusqu’a` une valeur minimum de 7,5 pour 100 000 en 1993. Depuis 1995 l’e´volution des taux chez les femmes est similaire a` celle des hommes mais avec des valeurs plus faibles (11,7 pour 100 000 en 1998). Les taux sont identiques chez les hommes et les femmes de moins de 45 ans, mais plus e´leve´s chez les hommes que chez les femmes au-dela` de 45 ans. Dans le reste du monde, apre`s une longue pe´riode d’augmentation, la mortalite´ par asthme a commence´ a` se stabiliser voire a` diminuer. Cependant, a` partir de 1999, l’adoption d’une nouvelle classification dans l’e´tablissement du certificat de mortalite´ (CIM-10 : Classification internationale des maladies, 10e re´vision) a rendu plus difficile la comparaison des donne´es en dehors de l’Europe. En Europe, les taux de de´ce`s pour asthme ont augmente´ graduellement entre 1980 et 1995 et stationne´ entre 1996 et 1998 (figure 1). Aux E´tats-Unis, l’augmentation s’est poursuivie jusqu’au milieu des anne´es 1990, les taux semblent de´sormais stabilise´s (de 5637 de´ce`s par asthme en 1995 a` 4657 en 1999) (figure 2). Ces dernie`res anne´es, en de´pit de l’exceptionnalite´ du de´ce`s par asthme, pratiquement tous les pays europe´ens sauf le Luxembourg pre´sentent quelques de´ce`s parmi les enfants aˆge´s de 0 a` 14 ans (figure 1). Le Royaume-Uni est le pays d’Europe ou` le taux de mortalite´ infantile par asthme est le plus e´leve´ ; la France, l’Allemagne, l’Espagne et le Royaume-Uni pre´sentent aussi un nombre de de´ce`s par asthme plus e´leve´ parmi les filles. Parmi les jeunes adultes aˆge´s jusqu’a` 44 ans, la mortalite´ par asthme est toujours rare mais moins que parmi les enfants (figure 1). Contrairement a` ce qui est observe´ pour les enfants, il n’y a pas de diffe´rence selon les sexes. Les taux de mortalite´ les plus bas sont observe´s aux Pays-Bas.

Mise au point

Asthme re´ fractaire

I Annesi-Maesano, S Kalaboka, J-P Piau

Figure 1

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Nombre de de´ce`s par asthme pour 1 000 000 par an chez les enfants aˆge´s de 0-15 ans (A) et les jeunes adultes aˆge´s de 20-44 ans (B) en Europe (donne´es OMS)

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L’asthme est-il une maladie toujours potentiellement mortelle ?

Mise au point

Asthme re´ fractaire

Figure 2 Taux annuel de de´ce`s par asthme pour 1 000 000 aux E´tats-Unis d’Ame´rique (donne´es OMS) * World Health Organization. Manual of the international statistical classification of diseases, injuries, and causes of death. 10th revision. Geneva, Switzerland: World Health Organization, 1999.

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l’anne´e pre´ce´dant l’enqueˆte (tableau I). Au total, la population regroupait 903 enfants asthmatiques (11,6 %), 698 pre´sentaient un asthme de gravite´ 1 selon la classification Global Initiative for Asthma (Gina) [13] (77,3 %), 89 un asthme de gravite´ 2 (9,9 %), et 116 sujets un asthme de gravite´ 3 (12,8 %). Il n’y avait pas d’enfants asthmatiques se´ve`res en palier grave persistant de niveau 4 d’apre`s Gina. Comme attendu, il y avait une proportion plus e´leve´e des garc¸ons quel que soit le degre´ de gravite´ de leur asthme. La gravite´ de l’asthme connaıˆt des variations ge´ographiques importantes. Chez l’adulte, dans l’ECRHS la pre´valence (au moins une crise dans les 12 derniers mois) allait de 10,5 % au Portugal a` 4,3 % en France (figure 3) ; elle variait de 5,7 % en Irlande, aux PaysBas et au Royaume-Uni a` 2,2 % en Allemagne. En utilisant des crite`res base´s sur les symptoˆmes, l’hospitalisation, la fonction ventilatoire, la geˆne occasionne´e par les crises et le traitement, il a e´te´ estime´ que l’asthme grave touche entre 1 et 3 % de la population ge´ne´rale chez les enfants et les adultes [14]. Cette variabilite´ re´sulte principalement de l’absence de standardisation du phe´notype utilise´ ainsi que de l’he´te´roge´ne´ite´ ge´ographique. A` plus long terme, Gina permettra de disposer de donne´es comparables sur la se´ve´rite´ de l’asthme. Des donne´es toutes re´centes issues de la phase III d’Isaac sugge`rent que bien que la pre´valence de l’asthme n’augmente plus, voire diminue dans les pays industrialise´s, celle de l’asthme se´ve`re ne diminue pas [15].

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L’e´tude ECRHS a comporte´ 2 phases, ce qui a permis de revoir les sujets. Les questions utilise´es pour de´finir la se´ve´rite´ de l’asthme dans la phase I de cette e´tude e´taient : « avoir eu 1 crise d’asthme dans l’anne´e », et « avoir eu une geˆne respiratoire nocturne ». Dans la phase II, d’autres questions ont e´te´ introduites, mais les donne´es relatives ont e´te´ publie´es en partie seulement [10]. Malheureusement, les questions sur la se´ve´rite´ des symptoˆmes utilise´es pour les enfants sont diffe´rentes de celles des adultes, ce qui ne permet pas de comparaison directe. Une synthe`se des donne´es europe´ennes sur la se´ve´rite´ des symptoˆmes d’asthme nous est fournie par le rapport compile´ par la British Lung and Asthma Information Agency en 2005 [11]. Chez les enfants, la fre´quence la plus e´leve´e (au moins 4 crises dans l’anne´e pre´ce´dant l’enqueˆte) a e´te´ observe´e au RoyaumeUni (9,3 %) (figure 3). En France ainsi que dans le reste de l’Europe, la pre´valence e´tait d’environ 4 %. La pre´valence du re´veil nocturne e´tait de 3,5 % au Royaume-Uni et de 1,5 % dans le reste de l’Europe. Dans le cas des sifflements empeˆchant l’e´locution, la pre´valence allait de 8,5 % au Royaume-Uni a` moins de 4 % dans les autres pays, dont la France. Des variations importantes dans ces symptoˆmes pouvaient eˆtre observe´es au sein d’un meˆme pays. En France, dans la phase II de l’enqueˆte Isaac [12], la pre´valence de l’asthme se´ve`re e´tait faible dans touts les centres, mais jusqu’a` 2 % des enfants avaient eu au moins 4 crises dans

I Annesi-Maesano, S Kalaboka, J-P Piau

Figure 3 Pre´valence de l’asthme se´ve`re* chez les enfants aˆge´s de 13-14 ans (A) et les jeunes adultes aˆge´s de 20-44 ans (B) en Europe** Donne´es e´labore´es par la British Lung and Asthma Information Agency. *De´fini par les sifflements qui empeˆchent l’e´locution chez les enfants et la geˆne respiratoire chez les adultes.** Source : E´tude ISAAC Phase 1, 1992–1996.

Hospitalisations pour asthme

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A` ce jour, rares sont les donne´es d’hospitalisation pour asthme disponibles. Chez les enfants, les garc¸ons sont hospitalise´s plus fre´quemment que les filles (figure 4). Le taux d’admission le plus e´leve´ a

e´te´ observe´ en Irlande. L’Espagne a les taux les plus faibles. La France me´tropolitaine se situe dans une position interme´diaire. Parmi les 7 798 enfants ayant participe´ a` la phase II de l’enqueˆte Isaac dans les 6 villes franc¸aises, 204 avaient eu recours aux urgences lors d’une crise d’asthme (2,6 %). D’apre`s le rapport de

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L’asthme est-il une maladie toujours potentiellement mortelle ?

Tableau I Pre´valence de l’asthme se´ve`re (%) dans Isaac II en France* Marseille

Bordeaux

Reims

Strasbourg

CF

Cre´teil

Crises de sifflements > 4

2,0

2,9

1,9

1,3

1,3

1,7

Sifflements re´veillant la nuit

0,3

0,8

0,5

0,6

0,8

1,1

Sifflements empeˆchant l’e´locution

0,4

0,6

0,9

0,7

0,3

0,9

Mise au point

Asthme re´ fractaire

* E´tude coordonne´e par I. Annesi-Maesano.

Conside´rations me´thodologiques Dans une large majorite´ de pays, en raison de l’absence de donne´es fiables, il est difficile de se prononcer de manie`re de´finitive sur l’e´tat de sante´ des asthmatiques ainsi que sur l’acce`s des asthmatiques aux services me´dicaux. D’une fac¸on ge´ne´rale, il y a peu d’indicateurs standardise´s et ainsi de tome 37 > n81 > janvier 2008 > cahier 2

donne´es comparables. Toutefois, et bien que le mode`le du syste`me de sante´ ame´ricain ne puisse eˆtre extrapole´ aux mode`les europe´ens, les re´sultats d’une e´tude ame´ricaine re´cente sugge`rent que la mortalite´ par asthme ne survient que dans 1/3 des cas en hospitalisation et donc par de´duction pour 2/3 des cas en pre´-hospitalier [17]. Les donne´es sur les hospitalisations concernent uniquement les admissions hospitalie`res pour lesquelles l’asthme e´tait code´ en diagnostic principal. On a pre´sente´ ici probablement une sous-estimation du taux d’admissions pour asthme car on ne peut exclure que d’autres codes, en particulier le code d’insuffisance respiratoire aigue¨ (J960), aient e´te´ utilise´s en diagnostic principal lors du codage de certains se´jours pour crise d’asthme. E´galement, si un patient admis pour asthme est victime par exemple d’une embolie pulmonaire au cours du se´jour, il est possible que l’embolie pulmonaire soit code´e en diagnostic principal et l’asthme en diagnostic associe´, entraıˆnant ainsi la non-prise en compte de ce se´jour dans notre analyse. De plus, il faut noter que les donne´es concernent le nombre de se´jours hospitaliers et non le nombre de personnes hospitalise´es, plusieurs se´jours pouvant concerner le meˆme patient. De meˆme, les donne´es de mortalite´ n’ont porte´ que sur la cause principale du de´ce`s, ce qui entraıˆne vraisemblablement une sous-estimation des liens entre l’asthme et la mortalite´. Par ailleurs, des donne´es sugge´rant un risque probablement sous-e´value´ d’exacerbations se´ve`res chez des sujets asthmatiques le´gers ont e´te´ publie´es. Dans une e´tude de Mitchell et al. [18] s’inte´ressant au « near-fatal asthma », 1/3 des asthmatiques e´taient conside´re´s comme pre´sentant un asthme le´ger. Dans Asur-1, Salmeron et al. [19], ont trouve´ que parmi les patients ayant un asthme aigu, 30 % avaient moins d’un symptoˆme par semaine dans les 3 derniers mois. Chez l’enfant, cette proportion d’asthme le´ger avec des de´compensations se´ve`res semble encore plus importante [20,21]. Une e´tude australienne s’inte´ressant aux enfants de´ce´de´s d’asthme a montre´ que 33 % avaient un asthme pouvant eˆtre conside´re´ comme le´ger [22]. Toutes ces e´tudes sugge`rent fortement un risque de complications se´ve`res et de de´ce`s chez des sujets pre´sentant des asthmes conside´re´s comme le´gers. Mais,

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Solet et al. [5], le nombre total d’hospitalisations pour asthme a` la Re´union au cours de la pe´riode 1998-2002 est de 6 961, soit un taux annuel moyen d’hospitalisation de 2 pour 1 000 habitants. Pre`s de la moitie´ (48 %) des se´jours concernait des enfants de moins de 15 ans. De 1998 a` 2002, le taux annuel d’admissions pour asthme, standardise´ sur l’aˆge, a diminue´ re´gulie`rement. Cette diminution concerne toutes les classes d’aˆge. En conside´rant la re´partition des admissions en fonction du code CIM-10 mentionne´ en diagnostic principal, 49 % des se´jours e´taient code´s « asthme sans pre´cision », 23 % e´taient code´s « asthme a` pre´dominance allergique » et 22 % e´taient code´s « e´tat de mal asthmatique ». En 2000-2001, une enqueˆte sur la prise en charge me´dicale des patients asthmatiques, re´alise´e par l’e´chelon local du service me´dical de la se´curite´ sociale [11], a mis en e´vidence l’insuffisance du « controˆle » a` long terme de l’asthme a` la Re´union selon les recommandations internationales en vigueur (crite`res du Gina) [13]. Les adultes sont moins hospitalise´s que les enfants (figure 4). Le taux d’hospitalisation le plus e´leve´ est observe´ en Suisse, le plus bas au Portugal. Des donne´es re´centes indiquent que, parmi les asthmes se´ve`res, il y a des asthmes re´sistants aux traitements, qui ont un risque accru de de´ce`s [16]. Apre`s prise en compte du traitement insuffisant ainsi que du manque d’observance, l’asthme re´fractaire aux corticoste´roı¨des constitue un phe´notype particulier caracte´rise´ par une inflammation de type neutrophilique, fortement influence´e par certains facteurs individuels (hormones, infections, etc.) et environnementaux (fume´e de tabac, pollution atmosphe´rique, moisissures, etc.). L’investigation de ces facteurs causatifs devient cruciale afin d’e´viter la mortalite´ associe´e a` l’asthme.

I Annesi-Maesano, S Kalaboka, J-P Piau

Figure 4 Hospitalisations pour asthme pour 100 000 chez les enfants aˆge´s de 0-15 ans (A) et les jeunes adultes aˆge´s de 15-44 ans (B) en Europe

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Donne´es e´labore´es par la British Lung and Asthma Information Agency.

tome 37 > n81 > janvier 2008 > cahier 2

L’asthme est-il une maladie toujours potentiellement mortelle ?

comme nous l’avons releve´, la difficulte´ du classement a posteriori, la se´ve´rite´ de l’asthme et la non-prise en compte de la pression the´rapeutique (e´le´ment cle´ de l’e´valuation de la se´ve´rite´) constituent une limite et des difficulte´s encore insurmonte´es. En particulier, si la pression the´rapeutique est prise en compte, la pre´valence de l’asthme se´ve`re est bien supe´rieure a` ce qui est rapporte´ ; il est de ce fait pre´fe´rable de ne pas limiter le risque de de´ce`s aux asthmes difficiles et se´ve`res.

Conclusion La mortalite´ par asthme est de´sormais stabilise´e dans les pays industrialise´s. Toutefois, malgre´ des connaissances et des traitements de plus en plus performants, l’asthme reste encore insuffisamment « controˆle´ » avec selon le cas la pre´sence de symptoˆmes mode´re´s a` se´ve`res. La surveillance et la vigilance en

particulier vis-a`-vis de l’asthme se´ve`re doivent eˆtre de rigueur et d’autres investigations sont ne´cessaires pour connaıˆtre l’e´volution de la pre´valence de l’asthme se´ve`re et comprendre le devenir de l’asthmatique en termes de mortalite´ non respiratoire. Dans ce contexte, la pression the´rapeutique doit eˆtre conside´re´e comme un e´le´ment cle´ de l’e´valuation de la se´ve´rite´. Les investigations doivent aussi tenir compte de la dimension socie´tale de la maladie qui a des re´percussions sur la prise en charge et affecte la qualite´ de vie des patients, en particulier ceux qui pre´sentent un asthme se´ve`re.

Mise au point

Asthme re´ fractaire

Conflits d’inte´reˆts : Aucun Remerciements : les auteurs remercient Se´verine Tual, qui a collecte´ et fait les analyses des donne´es de mortalite´. Les donne´es de mortalite´ pour la France proviennent de la base de donne´es du Ce´piDC de l’Inserm, que nous remercions.

Re´fe´rences

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