Actualités pharmaceutiques hospitalières • n° 19 • Août 2009
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Hopipharm
AG du Syndicat national des pharmaciens des établissements publics de santé (Synprefh)
L’avenir de la pharmacie hospitalière dans les CHT Comment la pharmacie hospitalière trouverat-elle sa place dans la réforme instituant les communautés hospitalières de territoire (CHT) ? Et comment ces dernières se constitueront-elles ? Autant de questions posées lors de l’assemblée générale professionnelle du Synprefh, lors du congrès Hopipharm.
L
es communautés hospitalières de territoires avaient été l’une des mesuresphares que proposait la mission Larcher, présidée par Gérard Larcher, actuel président du Sénat, qui a été reprise dans le projet de loi Hôpital, Patients, Santé, Territoires, examinée ce printemps par le Parlement (cf. encadré). La raison invoquée étant la volonté d’instituer une coopération entre les établissements hospitaliers publics de santé voisins sur un même “territoire de santé”. Les pouvoirs publics en attendent une mutualisation de certaines activités, sur la base d’un projet médical commun à plusieurs établissements. Et c’est en définitive le modèle coopératif qui a été retenu par le législateur, de préférence au modèle “intégré”. Une incitation financière devrait être instaurée jusqu’à la fin de l’année 2012, sous la forme d’un accompagnement via des crédits du Fonds pour la moderni-
sation des établissements de santé publics et privés (FMESPP) jusqu’au 31 décembre 2012, plus 15 % des budgets projets. Cette question des regroupements et coopérations voulus par le schéma régional de l’organisation des soins (Sros) a été au centre des préoccupations de l’assemblée générale professionnelle du Synprefh, sous le titre CHT, quels territoires pour la pharmacie hospitalière ? En réalité, la difficulté commence dès l’intitulé du débat. Car, comment définir un territoire de santé ? « C’est une notion floue, rappelle Mariannick Lebot, présidente du Synprefh. Il y a entre 150 et 350 établissements en France, mais ils se caractérisent par une grande hétérogénéité : en taille, 40 couvrent des secteurs de moins de 50 000 habitants – par rapport à des villes comme Paris, Lille, Nantes, en superficie, en densité de population (de 50 par km2 à 10 000), en contexte de croissance démographique… Densité, croissance démographique et nombre d’établissements sont très disparates d’un territoire de santé à l’autre. » L’exemple du Chicas, ou Centre hospitalier des Alpes du Sud, est à cet égard éloquent. Sa directrice, Solange Zimmermann évoque « une définition très variable, plus historique que pragmatique ». Il lui apparaît que « souvent les territoires ne regroupent pas l’ensemble des domaines de la santé (il y a un écart entre la psychiatrie et la prise en charge médico-sociale, etc.). On veut un territoire homogène pour les différents types d’organisation. Mais, ailleurs, il existe d’autres motivations et façons de se constituer. »
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Les territoires sont « issus du Sros. En Paca, nous avons une conférence sanitaire qui y a réfléchi, mais d’une façon générale. Il y a eu beaucoup de débats, de conflits, car les enjeux sont importants. » Jean-Paul Segade, directeur de l’Assistance publique de Marseille (AP-HM) estime que « le problème est analogue à celui du découpage des communes. La notion de territoire doit être liée à la proximité (plus qu’au nombre d’habitants). Les problématiques sont différentes. » Le territoire Alpes-Nord, sur lequel se trouve le Chicas, « a une faible population : 157 000 habitants. Rural et montagneux, avec des problèmes d’accessibilité, c’est le territoire le plus vaste de Paca. Il possède quelques établissements de court séjour, très isolés, et quatre structures dont Gap-Sisteron. Tous les établissements ont besoin de rester implantés sur ce territoire pour des raisons de proximité. »
D’abord des actions communes C’est l’établissement hospitalier de Gap-Sisteron qui s’est, dès 1993, trouvé à l’origine de coo-
pération interétablissements, grâce à « des affinités entre anesthésistes » suivies en 1997 d’une coopération en chirurgie, Gap “aidant” Sisteron qui perdait son chirurgien de traumatologie orthopédie. Le projet médical commun est né en 2003, le Chicas, un nouvel établissement hospitalier, a été créé en 2006. « La fusion, commente Solange Zimmermann, n’est pas partie d’un état des lieux comme le recommande le texte du Sénat [le texte sur les fusions existait déjà. NDLR]. » En 2009, le bilan est « nuancé. Nous avons maintenu certains avantages et activités sur les deux sites. Mais certains imprévus ont perturbé le projet, de même que la démographie médicale qui interfère avec le projet médical. » La fusion de structures n’est donc pas le seul moyen d’organiser un territoire de santé, « mieux vaut un projet d’organisation des soins sur un territoire, et nous travaillons en ce sens depuis 2006. » Le projet médical de territoire comporte déjà « un certain nombre d’actions communes. Les urgences d’abord, puis une consultation mémoire de proxi-
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mité (labellisée), un centre de coordination en cancérologie (public et privé), une filière de prise en charge des malades chroniques. Et, en 2009, nous projetons de lancer la permanence des soins hospitaliers. Sur le plan pharmacie, coopération et conventions pharmaceutiques avec d’autres établissements : remplacements de pharmaciens, permanence des soins et stérilisation ; validation d’ordonnances et gestion DMS et MED sur site. Avec le centre hospitalier d’Embrun, stérilisation commune et réflexion sur la permanence des soins. Et un projet d’astreintes communes. C’est-à-dire qu’on est sur un maillage territorial pour la permanence des soins. » « L’essentiel, estime Jean-Paul Segade, est la présence d’objectifs clairs entre les acteurs. Il faut maîtriser les lois de l’environnement du territoire, savoir comment fonctionne chaque centre hospitalier, puis évaluer, exploiter les ressources disponibles pour mettre en place les conventions » le tout dans « un vrai partage avec les directeurs. Le projet doit être discuté entre tous. Pour le changement, il faut que tous les acteurs aient
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• Certains établissements envisagent une centralisation des achats.
la même motivation. » Face à l’isolement, il souligne la nécessité d’encourager la coopération et de lutter contre l’idée qu’on dispose de ressources limitées. Mariannick Lebot rappelle que « d’autres types de coopération entre établissements sont possibles », et évoque les conventions de coopération (sous-traitance) ou la coopération sanitaire, ainsi que d’autres formes qui vont perdurer : fédérations interhospitalières, GIE, GIP, GCS (coopération
public-privé), GCMS (coopérations entre structures médicosociales)… la CHT concernant exclusivement les établissements de santé publics. Selon la situation, telles formes de coopération entre établissements peuvent s’avérer plus adaptées que d’autres. Avocate, Isabelle Lucas-Baloup abonde dans ce sens et conseille : « Il faut s’adapter à ce qu’on veut faire, puis choisir la structure juridique qui convient. »
Permanence des soins
La loi HPST Examinée, puis votée par les députés en mars dernier, la loi Hôpital, Patients, Santé, Territoires (HPST, future loi Bachelot ?) a été votée par le Sénat en juin. La commission mixte paritaire s’étant ensuite prononcée, la loi a été définitivement votée et promulguée le 21 juillet 2009 et les recours déposés devant le Conseil constitutionnel contre différents points du texte ont été rejetés. Quelques dispositions, qui n’avaient pas fait l’objet d’un recours, ont été examinées d’office par le Conseil, en particulier l’expérimentation prévue par la loi sur l’annualisation du temps de travail des praticiens hospitaliers à temps partiel, ont été déclarées non conformes, car non limitées dans le temps… Quant aux décrets d’application, la publication des premiers textes n’interviendra vraisemblablement qu’au cours de l’automne-hiver prochain. Pour la ministre, le calendrier devrait être serré, puisqu’elle souhaite que les ARS (agences régionales de santé, titre 4 de la loi) soient mises en place en janvier 2010.
Autre illustration, décrite par Bénédicte Schmitt, pharmacien au CHU de Beauvais : le projet CH2O (Communauté hospitalière de l’ouest de l’Oise). Un territoire de 250 000 habitants, avec cinq établissements de santé pour environ 2 000 lits, un Ehpad, un centre de rééducation fonctionnelle, un syndicat interhospitalier. Côté diversité : Beauvais possède 900 lits, Clermont 100, Chaumont-en-Vexin, Grandvilliers, Crèvecœur sont plus modestes… Une convention avec la chirurgie orthopédique, viscérale et
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maxillofaciale, et l’ORL a été mise en place. Il a été « possible de décentraliser certaines opérations. À moyen terme, il va être possible de maintenir une équipe médicale suffisante, dans un contexte de pénurie médicale ». Parmi les perspectives, des lits de suite, « mais il faut savoir si ces soins nécessitent un plateau technique » ou encore une centrale réseau d’hygiène ; des regroupements autour d’une seule PUI, avec regroupement de la stérilisation (une convention stérilisation existe entre les établissements de Beauvais et de Chaumont). On pourrait envisager une centralisation des achats à Beauvais (deux établissements achètent via un groupement d’achats à Creil). La préoccupation restant de faciliter la permanence des soins. Ces expériences vont dans le sens voulu par la réforme, même si les futures structures ne seront pas totalement identiques. Quant à savoir si l’existence des communautés hospitalières de territoire rend possible le passage de la pharmacie à usage interne à une “pharmacie à usage de territoire”, Isabelle Lucas-Baloup juge « qu’en droit, pourquoi pas ? Mais cela obligera à adapter les textes actuels sur la PUI ». Elle souligne, par exemple, que la CHT « est un contrat, sans constitution d’une personne morale et n’est donc pas un établissement de santé. Ce qui signifie qu’on passe de la contractualisation interne de la nouvelle gouvernance à une contractualisation externe » et suppose notamment de revoir les articles du Code de la santé publique concernant la PUI et le pharmacien gérant. Alain Noël
[email protected] Journaliste, Paris (75)
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