Actualités pharmaceutiques Ř n° 481 Ř Janvier 2009
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Profession © BSIP/José Oto
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L’avenir de l’officine passe par les regroupements et les nouveaux services aux patients Les pharmaciens disposent d’atouts pour remplir les nouvelles missions de prévention et d’éducation thérapeutique des patients. Mais, selon les participants au débat des Échos santé, qui s’est tenu en novembre dernier, des freins réglementaires sont à lever sur la publicité de la certification qualité et sur les regroupements de sociétés en exercice libéral (SEL).
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our garder sa place, l’officine est condamnée à développer des services aux patients, à sortir du seul acte d’achat, de vente et de conseil et à se dimensionner en conséquence. Le dispensateur doit-il s’investir sur toutes les composantes de la maladie dans l’accompagnement du malade ? À l’évidence, oui, aux yeux des intervenants de la conférence intitulée “Pharmacien distributeur, versus pharmacien prescripteur : quel avenir pour l’officine ?”, qui a eu lieu le 20 novembre à Paris dans le cadre du forum Économie et santé, organisé par nos confrères des Échos et du Quotidien du médecin.
La pharmacie, à l’aube d’une mutation « La pharmacie va devoir se transformer » a reconnu Jean Parrot,
président du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP). Auteur du livre blanc sur le sujet, il identifie les nouveaux besoins face au vieillissement de la population que sont les services rapprochés à la personne, la prévention, l’accompagnement et le suivi de nouveaux médicaments toujours plus complexes, avec reporting au médecin traitant, voire, pourquoi pas, à l’industriel qui l’a fabriqué. Outre les menaces européennes sur le monopole de la propriété et sur celui de l’exercice, le contexte économique s’impose aussi dans ces évolutions. Un pays comme le nôtre, où l’Assurance maladie obligatoire (AMO) prend en charge tout médicament dès lors qu’il « apporte quelque chose », fait déjà figure d’exception. Pesant sur les comptes de la Sécurité sociale, la récession oblige aussi à ces changements. Résultat : « Il va y avoir, prédit Jean Parrot, un transfert assurantiel du petit risque sur les assurances maladie complémentaires (AMC) et sur les individus. De 12 % aujourd’hui, le coût à charge passera à 15 % en 2020. » Contribuer à rendre le patient proactif dans la gestion de son capital santé devient ainsi un impératif. Du coup, le rôle en éducation de la santé du pharmacien prend de l’importance.
Les regroupements, la solution ? Pour autant les 23 000 officines sont-elles en mesure d’opérer les mutations métiers ? Dans le cas du pharmacien individuel, Jacques Ambonville, ex-patron de l’OCP, aujourd’hui consultant pour des fonds d’investissement,
ne le pense pas, en raison d’« une question de moyens économiques et de savoir-faire » dit-il. D’ailleurs, seuls s’y risquent en Europe, soit des groupements enseignes, soit des chaînes de pharmacie. Comme ces dernières « ne sont pas notre tasse de thé » rappelle Jean Parrot, le « remaillage utile » passe donc par les regroupements. Un signe : la courbe des “trois pharmaciens par officine” décolle dans les statistiques du CNOP tandis que celle du “pharmacien seul” décline. Comptant aujourd’hui 2 500 pharmaciens au sein de l’entité PHR qu’il préside, Lucien Bennatan est bien mieux armé pour jouer les pionniers. Dans l’environnement incertain actuel, il a décidé de répondre aux attentes des patients selon le tryptique “prévention, soins, accompagnement”. Il équipe ses enseignes en espaces de confidentialité, en outils d’autodiagnostic avec accompagnement du patient et amélioration de l’observance. « Pas la peine de rêver à des ressources supplémentaires » convient-il, conscient qu’il devra faire plus avec la même enveloppe. Ce qui ne le dissuade guère de se développer dans la qualité. La certification et la labellisation des officines ? Il ose en faire des objectifs. « Nous mettrons ainsi la marche suffisamment haute pour handicaper tous ceux qui rêvent de rentrer sur ce marché sous forme de chaînes ». Ce n’est pas Frédérick Cosnard, directeur médical de Santéclair, société spécialisée en gestion du risque santé, qui disconviendra d’une recherche de performance dans le service au patient. Ne s’appuie-t-il pas
sur le rapport d’audit du Néerr landais Ecorys pour stigmatiser le score de 0,2 de la France, située au même niveau que la Hongrie, loin de la Suède, classée 1. Recensant les freins, il tire à boulet rouge sur le “protectionnisme” du Code de déontologie. Ainsi, le pharmacien qui voudrait investir 10 000 euros pour se faire certifier ISO sur son système de dispensation du médicament, le contrôle des ordonnances, etc., ne pourrait pas le faire savoir à ses patients puisque la publicité lui est interdite.
Une situation bloquée Pour faire évoluer la taille des structures, l’Ordre avait, pour sa part, suggéré de lier deux groupes de trois SEL. Or, le décret qui devait le permettre serait gelé. Argument invoqué ? La pression que met l’Europe sur l’évolution capitalistique de la pharmacie. « Est-ce vrai, est-ce faux ? » Jean Parrot, qui flaire le bon alibi pour ne pas faire passer des dispositions que l’on n’a pas envie de prendre, cherche depuis à obtenir une entrevue avec Nicolas Sarkozy dont l’entourage lui tient un discours ambigu. Depuis le rapport Attali, le président de la République ne s’est pas exprimé sur ses intentions concernant l’officine. « On a droit au silence radio de l’Élysée » regrette le président du CNOP qui espère beaucoup dans le résultat de la procédure européenne sur l’Allemagne et l’Italie, pour voir « si le temps va se dégager ». Serge Benaderette Journaliste, Courbevoie (92)
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