Un comprimé d’ARV pour prévenir l’infection à VIH En dépit des nombreux progrès accomplis dans le domaine de l’infection due au VIH, l’épidémie est loin d’être stoppée, avec environ 7 000 personnes s’infectant tous les jours à l’échelle mondiale. Ce chiffre alarmant illustre la complexité de la prévention, dont on sait qu’elle doit aujourd’hui reposer sur la combinaison de différentes stratégies complémentaires. À côté des approches classiques (préservatifs, modifications des comportements à risques, dépistage) ou plus récentes (circoncision, traitement des autres infections sexuellement transmissibles, ou IST), une stratégie prometteuse repose sur l’utilisation préventive d’antirétroviraux chez des personnes non infectées à haut risque, ou Prophylaxie Pré-exposition (PreP). Cette stratégie est notamment utilisée avec succès depuis des années chez le nouveauné né de mère infectée, pour prévenir la transmission mère-enfant. Plus récemment, l’étude Caprisa, menée chez des femmes en Afrique du Sud, a démontré l’efficacité significative d’un gel microbicide à base d’un antirétroviral (ARV), le ténofovir, appliqué localement au niveau du vagin au moment d’une relation sexuelle. L’essai rapporté dans le New England Journal of Medicine va plus loin, en apportant la première preuve du concept de l’efficacité potentielle d’une PreP utilisant au long cours,
et dans une population à risque, un médicament administré par voie orale. Cet essai randomisé international, dénommé iPrEx, a inclus à partir de 2004 près de 2 500 hommes et transgenres, ayant des relations sexuelles avec des hommes. Tous ces sujets étaient VIH-négatifs à l’inclu-
Des conseils de pratique sexuelle et un antirétroviral per os, mais le problème reste l’observance moyenne.
(IC 95 %: 15-63 %, p = 0,005). Dans le groupe de sujets traités, l’ARV était détecté dans le sang chez 51 % des sujets qui ne se sont pas infectés mais seulement chez 9 % chez ceux ayant contracté l’infection (p < 0.001), ce qui conforte le rôle effectif du médicament dans la protection mais suggère un problème d’observance en cas d’échec. La tolérance au traitement a été globalement satisfaisante et il n’a surtout pas été observé de mutation de résistance au ténofovir ou à l’emtricitabine, chez les sujets de l’essai contaminés alors qu’ils recevaient du Truvada®. Enfin, la prise de médicaments (ARV ou placebo) n’a pas augmenté les comportements à risque, bien au contraire, puisque les sujets inclus ont réduit leur exposition au risque sexuel par rapport à la période précédant leur entrée dans l’étude. Ces résultats démontrent pour la première fois la validité du concept d’un traitement par un ARV per os, comme outil additionnel de prévention, en tout cas dans une population d’hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Les modalités optimales de cette approche doivent maintenant être précisées dans d’autres essais qui doivent se mettre en place, notamment en France sous l’égide de l’ANRS.
sion et recevaient quotidiennement soit un comprimé de Truvada®, une association fixe de deux ARV : le ténofovir et emtricitabine, soit un placebo. Des préservatifs et un conseil en matière de réduction des risques étaient fournis à tous, ainsi que la prise en charge des IST associées. Les sujets ont été suivis en médiane pendant 1,2 an pour un suivi total de 3 324 personnes-années. Au cours de ce suivi, 100 cas d’infections à VIH sont survenus, 64 dans le groupe placebo contre 36 dans le groupe Truvada®. L’efficacité de la protection don- Grant RM, Lama JR, Anderson PA, et al. N Engl née par la prise de l’ARV est ainsi de 44 % J. Med. 2010:10.1056/NEJMoa1011205.
Le binge drinking mauvais pour le cœur L’alcool ne se consomme pas de la même manière en Irlande qu’en France. Si les Français boivent beaucoup, mais plutôt du vin, et en général quotidiennement, les Anglo-Saxons boivent moins fréquemment mais plus vite en abondance et plus particulièrement le weekend. Cette différence d’attitude face à l’alcool pourrait avoir des conséquences importantes sur la santé, à niveau d’intoxication égale. C’est en tout cas ce que suggère une étude qui s’est intéressée au retentissement cardio-vasculaire des différents modes de consommation d’alcool usités ici et ailleurs. Cette étude a inclus près de 10 000 hommes âgés de 50 à 59 ans, répartis entre 4 centres d’observation, à Belfast, Lille, Strasbourg, et Toulouse. Les habitudes de consommations ont été recueillies au moyen d’un questionnaire détaillé, tandis que les événements
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coronariens ont été enregistrés sur un suivi de 10 ans des sujets inclus. Une consommation au minimum hebdomadaire est avouée par 60,5 % des hommes interrogés à Belfast et par 90,6 % des Français. À Belfast, elle privilégie la bière et se concentre sur 2 ou 3 jours en fin de semaine, tandis que les trois quarts des Français interrogés rapportent une consommation quotidienne, qui sera 9 fois sur 10 du vin. La consommation moyenne d’alcool est plus élevée en France (32,8 g par jour) qu’à Belfast (22,1 g par jour), mais ce qui diffère le plus, c’est la prévalence du binge drinking, cette pratique qui consiste à boire un maximum d’alcool (plus de 50 g) dans un minimum de temps, habitude vingt fois plus fréquente en Irlande du Nord qu’en France (9,2 % contre 0,5 % respectivement).
// REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - FÉVRIER 2011 - N°429
Le fameux concept de French paradox réapparaît dans cette étude, puisque ce sont les buveurs réguliers et modérés de vin qui ont le risque d’ischémie myocardique le plus bas. Ce que révèle surtout l’analyse multivariée de l’étude, c’est que le risque d’accident coronarien sévère (infarctus du myocarde ou décès d’origine cardiaque) est 2 fois plus élevé parmi les adeptes du binge drinking que chez les buveurs réguliers. Ce résultat est d’autant plus inquiétant que l’on constate en Europe une harmonisation des comportements vis-à-vis de l’alcool, notamment dans la population des jeunes, chez lesquels la pratique du binge drinking augmente régulièrement.
Ruidavets JB, Ducimetière P, Evans A, et al. BMJ 2010 ;341:c6077. doi: 10.1136/bmj.c6077.