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Deux arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes, un jugement du tribunal administratif de Paris, et les concessions de Monsieur Ballereau changent la donne sur l’ouverture du capital des LABM aux non-biologistes.
L’
ouverture totale du capital des sociétés d’exploitation des laboratoires d’analyses de biologie médicale (LABM) aux financiers fait l’objet d’un retournement de situation.
Deux arrêts de la Cour de Justice des Communautés européennes On rappelle que la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a accepté de présenter au vote du Parlement l’article 20 de la loi HPST (Hôpital, patients, santé, territoires) sans l’alinéa 7 et d’attendre la décision des juges européens. Or, le 19 mai dernier, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a rendu deux arrêts de principe. La Cour écarte les prétentions de la Commission d’appliquer, sans précaution particulière, aux officines de pharmacie, la législation européenne en matière de concurrence. La CJCE rappelle que la santé et la vie des personnes sont des intérêts protégés par le Traité et qu’il appartient aux États membres de décider du niveau de protection et de la manière de l’atteindre. Elle pose comme principe que l’organisation des services de santé en France est du ressort du droit national et qu’en la matière, aucun transfert d’autorité n’a été consenti par les traités fondateurs de l’Union européenne. Par ailleurs, la Cour considère qu’en se fondant notamment sur l’article 152 du traité, relatif au principe de subsidiarité, les États membres disposent d’une véritable marge d’appréciation pour décider de l’organisation d’un système de soins. Ces arguments sont transposables pour la biologie et il y a très peu de chances que la Cour se déjuge dans 18 mois. Le spectre de l’ouverture totale du capital des sociétés d’exploitation des laboratoires d’analyses de biologie médicale aux financiers semble donc s’écarter pour longtemps.
Tribunal administratif de Paris Le tribunal administratif (TA) de Paris a fait droit, le 12 mai 2009, aux arguments de l’Ordre des pharmaciens dans l’affaire qui l’opposait à Unilabs. L’Ordre est bien garant de l’indépendance professionnelle. Le TA réaffirme que la défense de la santé publique est une priorité. Dans son jugement, il a rappelé, d’une part, que les textes applicables aux laboratoires d’analyses
de biologie médicale « ont entendu garantir l’indépendance des exploitants de laboratoires à l’égard des tiers et poursuivent un objectif d’intérêt général visant à éviter les collusions préjudiciables aux patients ainsi qu’à la santé publique » et, d’autre part, le rôle de l’Ordre en tant que garant de l’indépendance professionnelle : « Il relève de la compétence même du conseil central de l’Ordre des pharmaciens d’évaluer les montages au regard de la législation et des exigences déontologiques de la profession. »
L’ordonnance Mais l’horizon s’éclaircit pour les biologistes. D’abord, Jean Benoît a obtenu de Monsieur Ballereau qu’il introduise le principe des LBM multisites dotés d’un nombre de biologistes associés au moins égal à ceux des sites en fonction (cela signifie que la menace des centres de prélèvements est en partie écartée, car, ce qui coûte cher quand on crée un site concurrentiel, ce n’est pas tant les locaux que la rémunération du biologiste). Par ailleurs, la forme d’exploitation des LABM est limitée aux SEL (sociétés d’exercice libéral), aux SCP (sociétés civiles professionnelles), aux SPFPL (sociétés de participation financière de professions libérales) et aux sociétés de nature coopérative.
Conclusion d’étape C’est un échec cuisant pour ceux qui présentaient comme « inéluctable et déjà écrite » la libéralisation de la biologie, qu’il s’agisse de la détention du capital ou des conditions d’exercice, qui affirmaient que « Bruxelles mettrait au pas la biologie française », qui poussaient les biologistes à « anticiper l’évolution », ou qui ramenaient la biologie à « Carrefour, Monoprix et au commerçant de quartier ». Tout cela est désormais du passé. Il appartiendra à ceux qui ont bu une potion trop dosée en études inutiles et en montages acrobatiques, d’en tirer les conclusions et de rebâtir sur des bases saines, sachant que la responsabilité de ceux qui sont sortis du cadre réglementaire de leur profession pour “faire” du juridique extérieur à leur mission, y compris les experts-comptables, sont exclus par la jurisprudence du bénéfice de leur assurance de responsabilité civile professionnelle.
OptionBio | Lundi 20 Juillet 2009 | n° 422
© Fo tolia/ S. M axwe ll
Le biologiste et l’acrobate
Quant à la grande majorité des biologistes, ils vont pouvoir profiter tranquillement de leurs vacances pour, vers la fin de l’année, quand l’ordonnance sera devenue définitive, construire leur avenir plus sereinement. En revanche, l’Ordre et la DDASS (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales) vont devoir faire quelques devoirs de vacances. En effet, d’après l’Ordre des pharmaciens, des centaines de demandes de création de laboratoires ont été déposées. On comprend bien qu’il s’agit là de bénéficier du délai de six ans pour se mettre en conformité avec l’accréditation, alors que les laboratoires qui se créeront après la réforme devront être accrédités au démarrage. Et on ne fera croire à personne qu’autant de laboratoires créés servent à mieux organiser les SEL. On se doute bien qu’il s’agit de prendre la clientèle des « chers confrères ». Seulement, là où le bât blesse, c’est que pour créer un laboratoire aujourd’hui, il faut un local de 100 m2, un biologiste en activité exerçant effectivement ses fonctions, et la visite d’un inspecteur de Santé publique pour certifier que tout est en ordre et autoriser le laboratoire à fonctionner. Or, il semblerait qu’on ait laissé passer beaucoup de choses, par manque d’effectifs ou pour ne pas endosser de responsabilités sur des dossiers où on ne contrôle plus grand-chose. J’attire l’attention des responsables sur leur responsabilité, justement, qui pourrait être recherchée par les victimes de ces agissements, et elles seront apparemment nombreuses. Elles auront subi un préjudice considérable, pouvant aller jusqu’à la perte intégrale de leur patrimoine professionnel, par la faute des autorités qui n’auront pas fait leur travail. Préjudice, lien de causalité, faute, la responsabilité serait facile à établir. La réparation pourrait représenter au total des sommes considérables. J’encourage donc les autorités en question à mettre à profit les vacances pour réagir. | GÉRARD GUEZ Avocat à la Cour
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