Anesth Reanim. 2016; 2: 103–115
Le blessé de guerre cervicofacial, de la physiopathologie à la prise en charge. Une revue de la littérature
Mise au point
en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/anrea www.sciencedirect.com
Chloé Thill, François Pessey, Etienne Montelescaut, Ba Vinh Nguyen, Marc Danguy Des Déserts, Diane Commandeur, Christophe Giacardi, Mehdi Ould Ahmed
Disponible sur internet le : 11 décembre 2015
Hôpital d'instruction des armées Clermont-Tonnerre, bloc anesthésie-réanimationurgences, rue du Colonel-Fonferrier–CC 41, 29240 Brest cedex 9, France
Correspondance : Chloe Thill, Hôpital d'instruction des armées Clermont-Tonnerre, bloc anesthésieréanimation-urgences, rue du Colonel-Fonferrier–CC 41, 29240 Brest cedex 9, France.
[email protected]
Keywords Military medicine Neck injuries Maxillofacial injuries Blast injuries Gunshot wounds Airway management
Résumé Décrire l'épidémiologie, les mécanismes lésionnels, les types lésionnels du blessé de guerre cervicomaxillofacial (BGCMF) et analyser la prise en charge des voies aériennes (VAS). Recherches réalisées dans les bases de données électroniques référencées MedLine, EMBase et non référencées. Sont sélectionnés, à partir des mots clés, tous types d'articles : « military medicine », « neck injuries », « maxillofacial injuries », « blast injuries », « gunshot wounds », « airway management » et sont exclus les articles en langue autre que française ou anglaise. Les éléments historiques, épidémiologiques, physiopathologiques, lésionnels, thérapeutiques et de prévention sont recueillis. Deux cents trois articles sont sélectionnés, 50 inclus. Vingt-cinq pour cent des décès survenant sur le champ de bataille sont évitables, 8 % liés à une atteinte des VAS. Lors d'action de combat, les lésions sont principalement ouvertes, liées aux explosions ou plaies par balle. Hors combat, les traumatismes sont fermés, secondaires à des accidents de véhicules ou chutes. Les contraintes, en termes matériel, humain, peuvent nécessiter de laisser le patient en position d'attente et de différer l'intubation. Les algorithmes de prise en charge positionnent la cricothyrotomie après le premier ou le second échec d'intubation ; d'emblée en cas de délabrement cervico-maxillofacial ou d'obstruction des voies aériennes. La prise en charge des VAS du blessé de guerre cervico-maxillofacial diffère de la pratique civile, mettant en avant à la fois l'abstention thérapeutique et les gestes d'abord trachéaux directs.
Summary About cervicofacial war injuries, from the physiopathology to the early management. A literature review This bibliographical review's purpose is to describe the specific aspects of the face and neck wounded soldiers: epidemiology, lesional mechanisms, injuries and management of superior airways. This literature review, made by three authors, is based on electronic database (MedLine,
tome 2 > n82 > mars 2016 http://dx.doi.org/10.1016/j.anrea.2015.09.005 © 2015 Société française d'anesthésie et de réanimation (Sfar). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
103
Mots clés Médecine militaire Blessures cervicales Blessures maxillofaciales Lésions de blast Plaie par balle Prise en charge des voies aériennes
Mise au point
C. Thill, F. Pessey, E. Montelescaut, B.V. Nguyen, M. Danguy Des Déserts, D. Commandeur, et al.
EMBase) and covers the last 15 years. The keywords used in this research are: "military medicine'', "neck injuries'', "maxillofacial injuries'', "blast injuries'', "gunshot wounds'', "airway management''. Informations about history, epidemiology, physiopathology, mechanism of wounds, wounds themselves and prevention are collected. Among 203 articles, 50 are included. The injuries caused in combat situations are open, resulting from explosions or gunshot wounds. Outside the fights, the traumas are blunt and caused by motor vehicle accident or falls. Protecting the wounded soldier's airways recovers the same indications as in a civilian environment. On the field, it is restrained by the necessity of rationalizing both humans and material resources. Respecting the position spontaneously adopted sometimes allows to delay an intubation. The algorithms suggest to perform a cricothyrotomy after the first or second attempt of intubation. They even advise it in the first place, if the superior airways are obstructed or if the damage to the face and neck is too severe. Airway management differs from the civilian practice, highlighting therapeutic abstention and cricothyrotomy.
Introduction
Modalités de sélection des travaux
Les blessures de guerre cervicomaxillofaciales (CMF) ont été constatées de tout temps, depuis les conflits napoléoniens, en passant par les conflits du 20e siècle, avec les gueules cassées de la Première Guerre mondiale, jusqu'aux conflits du 21e siècle s'inscrivant dans la lutte contre le terrorisme. Les mécanismes lésionnels, les types lésionnels et la prise en charge ont évolué au cours des conflits, notamment avec l'avènement des engins explosifs improvisés (EEI). Les conséquences diffèrent également : elles sont fonctionnelles, psychologiques, esthétiques à moyen et long termes et potentiellement létales à court terme par exsanguination ou par atteinte des voies aériennes, directe ou indirecte. Vingt-cinq pourcent des décès survenant sur le champ de bataille sont évitables, 8 % liés à une atteinte des VAS. Ceci constitue donc un enjeu majeur dans la prise en charge du blessé de guerre. L'objectif de cette recherche bibliographique est d'extraire les principaux enseignements qu'apporte la littérature médicomilitaire des 15 dernières années sur la physiopathologie, les mécanismes et types lésionnels, ainsi que sur les stratégies de prise en charge précoce du blessé de guerre cervicomaxillofacial (BGCMF).
Les résumés des travaux sélectionnés après recherche bibliographique étaient lus. Les articles éligibles à l'inclusion pouvaient être issus de la littérature civile ou militaire et publiés en langue française ou anglaise. Au vu de la thématique et de la quasi-absence d'études prospectives, elles pouvaient être de tous types d'étude : série de cas, cas clinique, etc. Une fois sélectionnés, ces articles lus en intégralités étaient exclus s'ils traitaient uniquement de lésions ophtalmologiques ou cérébrales, de la prise en charge chirurgicale ou tardive (à l'accès ou après l'accès à une structure médicochirurgicale).
Acquisition des données Modalité de recherche bibliographique
104
La recherche bibliographique était réalisée par trois des auteurs dans les bases de données électroniques Medline et Embase. Les ressources médicomilitaires non référencées étaient également consultées. Les mots clés utilisés étaient « military medicine », « operation iraqi freedom », « operation enduring freedom », « neck injuries », « maxillofacial injuries », « blast injuries », « gunshot wounds », « airway management », combinés ou seuls. Les articles publiés avant l'année 1999 étaient exclus. La recherche bibliographique a été réalisée sur une période allant de janvier 2014 à mars 2015.
Modalités d'extraction des données Une fois les articles sélectionnés, les données étaient collectées lors d'une seconde lecture complète. Les données étaient extraites par deux auteurs et croisées. Les éléments recherchés concernant le blessé de guerre cervicomaxillofacial étaient les suivantes : historique et contexte, épidémiologie, mécanismes lésionnels, prise en charge, prévention. Les données historiques recherchées étaient assez globale et concernaient les conflits des 20e et 21e siècles : la fréquence des blessures cervicomaxillofaciales, sa variation au cours des conflits et la répartition des blessures entre la sphère cervicale, maxillofaciale. Concernant les mécanismes lésionnels, les variables relevées consistaient en leur fréquence, leur ordre d'importance, les explications physique et physiopathologique, notamment celle de l'effet de blast et l'effet de cavitation. Il en découle que les lésions et les entités nosologiques propres au blessé de guerre étaient également identifiées et décrites par les auteurs. Enfin, les aspects spécifiques de la prise en charge étaient collectés en lien avec le contexte de guerre, les spécificités de matériels et de stratégies de prise en charge. Il en va de même pour les travaux évoquant la recherche dans le domaine de la prévention de ces blessures.
tome 2 > n82 > mars 2016
Mise au point
Le blessé de guerre cervicofacial, de la physiopathologie à la prise en charge. Une revue de la littérature
Figure 1 Diagramme de flux
Résultats Résultats de la recherche bibliographique et caractéristiques des études Deux cent vingt-deux articles étaient potentiellement éligibles après recherche dans les bases de données, parmi lesquels 115 ont été lus en intégralité et 57 inclus (figure 1). Les articles étaient essentiellement issus de Medline, seul un article n'était pas référencé. Parmi les articles inclus, 44 étaient militaires, 13 étaient civils, parmi lesquelles 5 étaient en langue française, 51 étaient en langue anglaise. Ils regroupaient 10 nationalités, majoritairement américaine et britannique. Les études incluses étaient essentiellement rétrospectives observationnelles (23/57) et des revues de la littérature (21/57). Seuls deux travaux n'étaient pas référencés.
tome 2 > n82 > mars 2016
Différentes nationalités étaient représentées. Les auteurs étaient en majorité issus des États-Unis (27/57), 14 de Grande-Bretagne, 5 de France.
Historique et contexte Depuis le 16e siècle et Ambroise Paré, des cas de patients traumatisés CMF sont décrits avec une évolution majoritairement défavorable, inhérente à l'absence de prise en charge spécifique. Larrey (1772–1842) décrit pour la première fois le débridement des blessures par balle cervicales lors des guerres napoléoniennes [1]. Plus récemment, la fréquence des blessures CMF au cours des conflits des 20e et 21e siècle ne varient pas ou peu, oscillant entre 16 % et 34 %, 21 et 39 % des blessées de guerre, respectivement [2]. Le taux de mortalité des BGCMF est de 15 % lors des guerres civiles américaine en 1865 et espagnole en 1899, de 11 % lors de la Première Guerre mondiale [2]. Lors de la Seconde Guerre mondiale et de Corée, la création des Mobile Army Surgical Hospital (MASH) entraîne une décroissance du taux de mortalité des traumatismes pénétrants cervicaux à 4,5 et 2,2 %, respectivement. A contrario, l'utilisation de projectiles de hautes vélocités est responsable d'un taux de mortalité de 15 % [1]. Les conflits majeurs récents, impliquant les forces occidentales, s'inscrivent dans le concept de guerre contre le terrorisme « war against terror », développé après la chute des tours du World Trade Center le 11 septembre 2001.
105
Les données étaient ensuite synthétisées de manière non redondante dans les différentes parties précédemment évoquées. Il n'y avait pas de données statistiques précises identifiées. Le risque de biais de publication était limité par la multitude des sources : référencées et non référencées, l'utilisation de documents à visée éducative dans l'armée française. Le risque de biais de sélection des études et de collecte, d'interprétation des données était prévenu par la réalisation de ces étapes par 2 auteurs, le principal auteur étant présent à chaque étape et par plusieurs relectures des articles inclus par le premier auteur.
Mise au point
C. Thill, F. Pessey, E. Montelescaut, B.V. Nguyen, M. Danguy Des Déserts, D. Commandeur, et al.
Deux principales opérations militaires se distinguent : Operation Iraqi Freedom (OIF) en Irak et Operation Enduring Freedom (OEF) en Afghanistan. Les forces françaises, quant à elles, n'intervenant pas en Irak, mais ont pris part à l'intervention en Afghanistan sous deux mandats : l'International Security Assistance Force (ISAF) sous commandement OTAN et l'OEF sous commandement des ÉtatsUnis. Ces conflits offrent la particularité d'être non conventionnels. Ils sont asymétriques, opposant des occupants forts à des ennemis locaux plus faibles en nombre, en moyens et aux modes opérationnels différents (allant jusqu'aux attaques suicides), se mêlant à la population civile, devenant ainsi moins détectables [3]. Ils sont aussi de basse intensité : avec recours à diverses formes de terrorisme, guérilla, subversion, opérations spéciales, indépendamment du niveau de violence.
Dans ce contexte, l'utilisation des EEI augmente, provoquant des atteintes fonctionnelles, esthétiques, psychologiques majeures de la zone CMF, peu couverte par les équipements de protection actuels [4].
Épidémiologie Lors du conflit en Afghanistan, une augmentation de la fréquence des blessures maxillofaciales est constatée entre 2005, 2006 et 2007, passant de 7 % à 9 % et enfin à 18 %, concomitamment à une augmentation des blessures liées au blast. Les principaux résultats sont exposés dans le tableau I. Cette évolution épidémiologique s'explique par l'organisation de l'insurrection afghane, marquée par la multiplication des offensives et l'utilisation accrue des EEI [5]. En effet, Jackson et al. retrouvent que la fréquence de lésions cervicomaxillofaciales est plus importante lorsqu'elles sont dues aux EEI (30 %) que lorsqu'il s'agit de blessure par balle (15 %)
TABLEAU I Fréquence des lésions craniocervicofaciales, cervicales et faciales Fréquence des lésions (%) Effectif (n) Jackson et al. [6] 2014
2009
Schwartz et al. [7] 2014
2006
Liban
Madson et al. [21] 2013
2001–2011
Irak
Irak Afghanistan
Afghanistan
Chan et al. [22] 2012
2001–2011
Iraq Afghanistan
Breeze et al. [41] 2011
2008–2009
Irak
Lew et al. [23] 2010
2001–2007
Irak
Schreiber et al. [9] 2008
2004–2005
Irak
Wade et al. [13] 2007
106
Holcomb [10] 2005
2004
2003–2004
Irak
Irak
Cervicofaciocéphalique
Face
Cou
Blessés par EEI
197
32
4,6
Blessés par arme à feu
71
12,7
4,2
Blessés au combat
833
29,8
11,4
Blessés au combat
3780
77,2
Blessés hors combat
1288
25,4
Blessés au combat
1314
74,6
Blessés hors combat
355
21,3
Tous blessés
4020
42,2
Blessés au combat
743
21
Blessés au combat évacués
433
30
Blessés au combat
7770
26
Blessé de la coalition
180
7,7
Blessés hors coalition
447
2,7
Blessés au combat cervicocéphaliques évacués
478
67
9
Blessés au combat cervicocéphaliques non évacués
296
68
9
Blessés hors combat cervicocéphaliques évacués
47
68
4
Blessés hors combat cervicocéphaliques non évacués
127
63
12
Soldats américains
598
31
Soldats irakiens
144
15
tome 2 > n82 > mars 2016
Mécanismes lésionnels Quels mécanismes ? Lors des conflits du 20e siècle, de la guerre du Vietnam au conflit irakien en 2003, le mécanisme lésionnel le plus fréquemment retrouvé est l'explosion (48 à 95 %). Cependant, lors des conflits somalien en 1993 et libanais en 2002, le pourcentage de blessures par arme à feu est plus important (55 et 63,5 % respectivement) [11]. Les mécanismes lésionnels identifiés dans la littérature concernant les conflits récents sont illustrés dans le tableau II. Les auteurs distinguent deux grands cadres de survenue de la blessure de guerre : lors d'une action de combat ou en dehors. Au combat, l'explosion est principalement représentée. Les EEI constituent le premier mécanisme rapporté, suivi par la plaie par arme à feu. Ces lésions sont des blessures de fragmentation, ouvertes [7]. Les EEI sont responsables de traumatismes fermés, de lésions de polycriblage, d'amputations traumatiques et de brûlures via les effets de blast [3]. À courte portée, ils induisent des lésions multisystémiques, de haute vélocité et potentiellement dévastatrices. Les VAS peuvent donc être compromises directement
tome 2 > n82 > mars 2016
ou indirectement par obstruction, hémorragie et inhalation de sang ou encore de salive ou de corps étrangers [12]. En revanche, en dehors d'une action de combat, le principal mécanisme rencontré est l'accident de véhicule motorisé, puis la chute, les accidents de manutention et les traumatismes non pénétrants [13]. Dans bien des cas, les mécanismes lésionnels sont multiples, comme le montre une étude portant sur 833 soldats israéliens blessés au Liban [7]. Les principaux mécanismes primaires (au premier plan) identifiés sont ceux décrits dans le tableau II, les plus létaux sont l'écrasement et la plaie par balle. En revanche, les traumatismes fermés occupent une plus grande place dans les mécanismes secondaires. Les mécanismes secondaires ayant un retentissement majeur dans la survenue du décès sont les traumatismes pénétrants et fermés. Effets de blast Les EEI sont responsables de lésions inhérentes aux effets de blast. Effet de blast primaire Il s'agit du traumatisme frontal lié à l'onde de choc, considérée comme une couche sphérique d'air comprimé de quelques millimètres d'épaisseur suivi d'une zone de pression négative. La détonation entraîne l'émission d'une grande quantité de chaleur et de gaz transmis dans l'onde de choc (effet maximum pour les armes thermobariques) [14]. Les conséquences de ce phénomène sont un polytraumatisme, associant fractures faciales, pneumothorax, embolie gazeuse, des pétéchies cérébrales et lésions digestives. Une entité nosologique particulière, « crushed eggshell injuries », est décrite. Elle correspond à l'éclatement de la paroi antérieure des sinus : l'air dans les cavités sinusiennes aériques subit une contraction lors du pic de pression, puis une réexpansion (décrite comme une réexplosion) lors de la négativation de la pression, entraînant un éclatement des os sinusiens. Cette lésion est nommée ainsi en raison des caractéristiques structurelles proches entre coquilles d'œuf et sinus maxillaires [15]. Effet de blast secondaire Il est lié à la projection d'objets (fragments de la bombe ou originaires de l'environnement), dévastant le corps par des lésions de polycriblage, des lacérations, voire des amputations. C'est le mécanisme le plus fréquemment rencontré et créant le plus de dommages. Effet de blast tertiaire Il s'agit de la propulsion du corps contre les objets, les murs environnants ou inversement de la chute d'objet ou de bâtiment sur le corps. Il est responsable de traumatismes fermés et d'écrasement. Effet de blast quaternaire Il s'agit des autres lésions incluant les brûlures, l'inhalation de toxiques.
107
[6]. La fréquence des lésions CMF au cours des différents conflits est résumée dans le tableau I. La région cervicocéphalique est la seconde zone la plus fréquemment atteinte, après les membres. Au sein de la région cervicocéphalique, la face est davantage atteinte que le cou. Ces mêmes auteurs étudient les zones anatomiques atteintes des soldats britanniques rapatriés à Birmingham en fonction du mécanisme lésionnel [6]. Cent quatre-vingt dix-sept cas sont victimes d'EEI, dont 32 % et 4,6 % présentent des atteintes de la face et du cou. Les atteintes des extrémités sont plus fréquemment constatées : 63,5 % d'atteintes des membres inférieurs et 55,8 % d'atteintes des membres supérieurs. Concernant les 71 patients blessés par balle, 12,7 % présentent des lésions faciales et 4,2 % des lésions cervicales. Schwartz et al. [7] font le même constat chez les soldats israéliens blessés au combat lors de la seconde guerre du Liban. Sur 833 blessés inclus, 29,8 % ont des lésions faciales et 11,4 % des lésions du cou, ce qui représente respectivement 14,6 % et 5,6 % des blessures. Enfin, la mortalité du BGCMF est essentiellement secondaire aux blessures cervicales. En effet, une étude de John Breeze et al. [8] sur 152 blessés en région cervicale, retrouve une mortalité de 65 %. Soixante-treize des cas mortels sont imputables aux lésions cervicales, dont 44 % étaient secondaires à des lésions vasculaires et 7 % à des lésions des voies aériennes. Le taux de mortalité variait du simple au double en fonction du mécanisme lésionnel : 41 % en cas d'explosion et 78 % en cas de plaie par balle. Concernant les survivants, 79 % ne présentaient pas de séquelles.
Mise au point
Le blessé de guerre cervicofacial, de la physiopathologie à la prise en charge. Une revue de la littérature
108
Mise au point
Répartition des mécanismes lésionnels Auteur principal
Année
Conflit
Population étudiée
Effectif (n)
Mécanismes lésionnels (%) Blessure Traumatisme Fragmentation Brûlures Écrasement Chute Accident Entraînement Autres de (rixes, par arme contondants à feu véhicule accidents liés au machines, etc.)
Explosion
EEI Mines RPG Mortier –
–
2,6
22,1
–
–
–
–
–
–
–
–
–
27
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
8
–
–
–
4
11
7
–
4
3
–
19
5094
88
7
BHC craniomaxillofaciaux
1643
6
Blessés civils maxillofaciaux
551
2014
Irak et Afghanistan
BC
268
Eastridge et al. [32]
2012
Irak et Afghanistan
BC décédés
4596
Breeze et al. [8]
2012
Irak et Afghanistan
BC cervicaux
152
Ramasamy et al. [25]
2009
Irak et Afghanistan
BC cervicocéphalique
90
Chan et al. [22]
2012
Irak et BC céphalique Afghanistan
4020
88
–
–
Lew et al. [23]
2010
Irak et Afghanistan
BC céphalique
7770
84
–
Wade et al. [13]
2007
Irak et Afghanistan
BC craniomaxillofaciaux
334
64
2
BHC craniomaxillofaciaux
111
BC craniomaxillofaciaux
Madson et al. [21]
tome 2 > n82 > mars 2016
18
Jackson et al. [6]
Gataa et Muassa [4]
2013
2011
Irak et Afghanistan
Irak
BC : blessés au combat ; BHC : blessés hors combat.
50
1,5
8
–
73,7 79
–
21
–
73
71
–
11
–
–
5,2
–
–
–
–
–
0,5
1,7
–
9,8
–
–
–
2
6
–
–
–
–
–
8
–
–
–
10
31
14
23
–
–
–
–
–
2
–
3
–
20
–
4
–
20
37
–
13
18
–
–
–
–
–
–
–
–
2,3
8,8
–
4,2
C. Thill, F. Pessey, E. Montelescaut, B.V. Nguyen, M. Danguy Des Déserts, D. Commandeur, et al.
TABLEAU II
Agents projectilaires Ils sont retrouvés lors de blessures post-explosion ou par armes à feu et sont de deux types : les cartouches/balles et les éclats ou fragments d'engins explosifs [3]. Deux phénomènes se distinguent : la cavitation : il en existe deux types, toutes deux en relations avec la libération de l'énergie cinétique de la balle et donc principalement de la vitesse. Les projectiles à hautes vélocités sont donc responsables de cavités de taille plus importante. La cavité permanente est une véritable attrition des tissus, tandis que la cavité temporaire consiste en un étirement des tissus pouvant être responsable de lésions retardées, en particulier au niveau vasculaire [14,17–19] ; la fragmentation : elle concerne les projectiles autres que les balles de guerre. En effet, selon les conventions de Genève, les balles de guerre doivent être blindées, afin d'éviter cet effet de fragmentation. Ceci ne concerne pas les munitions civiles, en contrepartie les munitions militaires ont une vélocité plus grande. La plupart des lésions létales sont induites par les petits fragments. Toutefois, les High velocity large fragment (HVLF) sont responsables de pertes tissulaires importantes (tissus mous ou durs) [17,19,20].
Types lésionnels La plupart des blessés sont porteurs de plusieurs types de lésions. Parmi celles-ci, plusieurs entités nosologiques sont décrites. Les lésions ouvertes sont les plus fréquemment rencontrées. Viennent ensuite par ordre décroissant les fractures, brûlures et les lésions vasculonerveuses. Cet ordre de fréquence ne varie pas, qu'il s'agisse de lésions acquises au cours d'une action de combat ou non. En revanche, la proportion des lésions ouvertes est plus importante chez les blessés lors d'une action de combat qu'en dehors [21]. Une étude sur 2000 blessés de guerre américains recensés entre 2001 et 2011 permet de préciser dans quelles proportions sont retrouvées ces lésions CMF. Les tissus mous sont les plus fréquemment atteints (58 % des cas, dont 44 % sont considérées comme ayant une guérison rapide). Les fractures, retrouvées dans 27 % à 44 % des cas, sont majoritairement ouvertes (76 %) et concernent essentiellement les os médiofaciaux et la mandibule [1,23]. Traumatismes pénétrants cervicaux Les traumatismes cervicaux pénétrant sont définis comme lésant le muscle platysma du cou [24]. Ils sont majoritairement secondaires aux fragments post-explosion et, dans une moindre
tome 2 > n82 > mars 2016
proportion, aux plaies par balles. La zone anatomique la plus touchée est la zone antérieure sous-mandibulaire [8]. Les lésions vasculaires étaient les plus fréquentes, devant les lésions médullaires, trachéolaryngées et pharyngoœsophagiennes. Dans 89 % des cas, de multiples structures étaient atteintes, dont souvent une vitale [8]. De plus, des lésions extracervicales sont fréquemment associées, essentiellement localisées au niveau du rachis. Elles sont plus fréquentes en cas d'explosion et de blessures sévères [25]. Lésions post-explosions Elles sont liées aux effets de blast. Par ordre de fréquence, au niveau facial, sont retrouvées, les fracture mandibulaire (transverses au niveau de la 3e molaire) et dentale transverse (rupture nette au niveau de la jonction cemento-enemale), l'écrasement du complexe naso-orbito-éthmoïdien, des atteintes oculaires (les ruptures ou hernies du globe oculaire, hémorragie, opacification cirnéenne, décollement de rétine), les déchirures des tissus mous faciaux et la brûlure de la peau faciale [26,27]. Atteinte mandibulaire Elle est de gravité variable, allant de la lacération de la lèvre inférieure, à la perte totale des lèvres jusqu'au défect tissulaire majeur mandibulaire et sous-mandibulaire. Dans la littérature, une entité nosologique particulière est décrite : « Chopped-off mandibular injuries ». Elle correspond à une avulsion complète de la mandibule et des tissus mous. De par l'atteinte des muscles palatoglosse et thyréoglosse, la langue est prolabée, mais bien souvent intacte [15,20]. La mandibule est également sujette aux fractures et fait l'objet de nombreux travaux. Il s'agit d'une des fractures les plus fréquentes. Les principales zones touchées sont essentiellement l'angle, les régions symphysaires, parasymphysaires et le corps [23,28]. Elles peuvent avoir des conséquences en cas de déplacement secondaire, telles l'hémorragie, l'apparition d'hématomes. Douloureuses, ces fractures peuvent entraîner des troubles de déglutition, une inhalation et conduire à l'asphyxie. Atteinte des voies aériennes supérieures (VAS) Différentes études retrouvent une fréquence d'obstruction des VAS de 10 à 15 % [29]. Cette obstruction des VAS peut être directe ou retardée. Les traumatismes pénétrants cervicaux, en présence ou non de corps étrangers, constituent une atteinte directe et peuvent être responsables de lésions trachéales et d'hémorragie. Cette dernière peut être responsable d'une inhalation de sang directe ou après vomissements de sang d'abord dégluti. Les traumatismes CMF peuvent également provoquer, de manière retardée, une obstruction des VAS par un saignement, un hématome compressif ou un œdème qui peuvent apparaître secondairement et évoluer à bas bruit.
109
Effet de blast quintenaire Il est décrit comme l'effet « bonus » de la bombe. Il peut s'agir de contamination radiologique, chimique, bactérienne, etc. [16].
Mise au point
Le blessé de guerre cervicofacial, de la physiopathologie à la prise en charge. Une revue de la littérature
Mise au point
C. Thill, F. Pessey, E. Montelescaut, B.V. Nguyen, M. Danguy Des Déserts, D. Commandeur, et al.
Ainsi, le bris dentaire, les saignements oropharyngés potentiellement émétisants, les déplacements tissulaires, fracturaires primaire ou secondaire, la présence ou l'apparition d'œdème ou d'hématome peuvent entraîner une compromission des VAS [30]. Les signes d'alerte, indiquant une atteinte majeure ventilatoire ou aérodigestive, sont un emphysème sous-cutané massif ou une plaie soufflante, avec un bullage, ou encore, un hématome expansif ou pulsatile, un saignement actif, une dysphonie ou une dysphagie.
Civils victimes d'actions terroristes Les civils présents en zone de conflits sont des victimes potentielles. Ce fut le cas en Irak où ont été dénombrées beaucoup de victimes d'attentats de type explosif. Une étude récente, portant sur des civils baghdadis victimes d'attentats à la bombe, montre qu'un tiers d'entre elles présente des lésions faciales, majoritairement au tiers inférieur. Dans la moitié des cas, les lésions sont limitées aux tissus mous. De plus, elles peuvent être contaminées par des fragments issus de la bombe, des shrapnells, des fragments de l'environnement (verre, terre, métal, roche) voire du kamikaze lui-même, en cas d'attentat suicide. Des cas de transmissions virales (VIH, VHB) ont été décrits. Le pronostic vital était engagé dans un cas sur dix de lésions faciales majeures, en lien avec des hémorragies [4]. Maintenir les voies aériennes perméables afin de permettre une ventilation et une oxygénation suffisante est un des grands enjeux de la prise en charge du BGCMF. C'est pourquoi une prise en charge adaptée est primordiale.
Prise en charge des VAS
110
La prise en charge du BG est soumise à des contraintes logistiques et environnementales fortes, dans un contexte austère et parfois hostile. Elle est réalisée dans la moitié des cas par une équipe médicochirurgicale de l'avant, dans un tiers des cas en poste avancé et dans un cas sur cinq directement sur le champ de bataille [31]. L'objectif premier de la prise en charge est d'éviter les morts indues et de garantir la survie du blessé : 8 % des morts potentiellement évitables au combat sont secondaires à une obstruction des voies aériennes et permettre son évacuation vers une structure médicochirurgicale, en rationalisant les moyens matériels et humains tout au long de la chaîne de soins [32]. La libération des voies aériennes supérieures ne nécessite pas ou peu de ressources et de compétences techniques. Elle peut permettre de différer un geste d'intubation orotrachéale (IOT) en maintenant une ventilation spontanée (VS). En effet, la ventilation mécanique en pression positive présente des risques non négligeables : majoration d'éventuelles lésions pleurales, risque d'embolie gazeuse [15,33]. La première mesure peut consister à laisser le blessé dans la position de confort qu'il a lui-même spontanément adopté. Elle
peut lui permettre de maintenir une ventilation spontanée et d'évacuer la salive, les saignements buccaux ou des corps étrangers par gravité en cas de difficulté de déglutition. Une désobstruction manuelle oropharyngée peut être associée [29]. En complément de ces actions, la fixation d'une langue protruse, notamment en cas de lésions de type « chopped-off », à la zone cervicale ou thoracique antérieure par une suture en U, voire une fixation transjugale, permet la libération des voies aériennes et la protection du muscle génioglosse [15]. Toutefois, ces mesures peuvent s'avérer insuffisantes, nécessitant alors une protection des voies aériennes supérieures par des techniques dites d'attente et définitives, illustrées par le tableau III. Techniques d'attente Ces techniques se veulent moins invasives que les techniques définitives et nécessitent une compétence technique moindre. Elles ont pour objectif de protéger les voies aériennes de façon transitoire, dans l'attente d'une protection définitive. Dans la littérature, il s'agit de dispositifs supraglottiques, de l'intubation nasotrachéale et de la ventilation au ballon à valve unidirectionnelle (BAVU). Les dispositifs supraglottiques peuvent induire, lors de leur mise en place, une mobilisation secondaire du rachis cervical, des insufflations gastriques et des vomissements sans garantir une étanchéité. Toutefois, le masque laryngé peut permettre la ventilation et faciliter l'intubation par Fastrach, à l'inverse du CombitubeTM. Ce dernier n'est pas utilisé par l'armée française [33]. La survenue de complications est principalement liée à l'insertion forcée en insu. Il s'agit de lésions du rachis cervical, d'hématomes et de dysphagies. Des cas de ruptures œsophagiennes ont été rapportées [35]. Quant à l'intubation nasotrachéale, elle est contre-indiquée en cas de suspicion de fractures de la base du crâne ou médiofaciales et donc en cas de blessures cervicomaxillofaciales sévères non explorées [35]. Son taux d'échec est de 13 %. La ventilation par Ballon autoremplisseur à valve unidirectionnelle présente également des risques d'insufflation gastrique et ne garantit pas une étanchéité des VAS. De plus, dans un contexte de traumatisme facial, la ventilation peut être difficile. La pression, plus importante, exercée sur le masque peut être responsable de déplacement de fractures préexistantes et d'hémorragies secondaires. Toutefois, cette technique peut s'avérer efficace. En effet, un auteur israélien décrit une survie de 100 % dans 29 cas de ventilation au BAVU après échec d'IOT et de cricothyrotomie en milieu préhospitalier [36]. Techniques définitives Elles permettent une évacuation sereine, rendue possible par une protection des VAS satisfaisante, exception faite pour la cricothyroïdotomie. Elles vont de l'intubation orotrachéale aux techniques d'abord trachéales percutanées ou chirurgicales.
tome 2 > n82 > mars 2016
TABLEAU III Répartition en pourcentage des techniques utilisées en préhospitalier dans le domaine civil et militaire Premier auteur Année de publication
Conflit ou lieu de l'étude Type de blessés
Blessés Effectif Modalités de prise en charge des VAS de l'étude nécessitant Intubation Intubation Combitube Masque Cricothyrotomie Trachéotomie Abandon (n) une prise orotrachéale nasotrachéale (%) laryngé (%) (%) (%) en charge (%) (%) (%) des VAS n (%)
Adams et al. [31], 2008
Irak, tous blessés
2494
147 (5,9)
78,2
–
7,3
3
5,8
–
–
Shackford et al. [34], 2014
Civils américains, blessés faciaux,
720
237 (33)
92
2,5
–
–
5
0,4
–
Katzenell et al. [36], 2013
Liban, tous blessés
5,553
405 (7,3)
78
–
–
–
11
–
11
Stephens et al. [40], 2009
Civils américains, polytraumatisés
32,000
6,080 (19)
98,8
0,82
–
–
–
0,065
–
Gerhardt et al. [29], 2011
Irak, blessés au combat
318
15 (4,4)
71,4
–
–
–
28,6
–
–
tome 2 > n82 > mars 2016
Intubation orotrachéale Elle est couramment pratiquée. Cependant, son taux de réussite diminue avec l'augmentation du nombre de tentatives. En effet, dans une étude israélienne, il est de 45 % à la première tentative, 36 % à la deuxième et 31 % à la troisième. Cette même étude montre que 90 % des intubations réussies sont réalisées lors des 3 premiers essais et 80 % lors des 2 premiers. Treize pourcent des opérateurs réalisent une cricothyrotomie après un échec d'IOT [36]. Les risques associés à l'IOT dans le traumatisme cervical antérieur, outre l'aggravation de potentielles lésions rachidiennes, sont liés à la réalisation de la laryngoscopie directe qui représente un risque d'aggravation d'un éventuel défect sous-glottique invisible en y insérant la sonde d'intubation. Les complications décrites sont un pneumomédiastin, une obstruction des VAS et la formation d'un faux-trajet. En pratique, les études montrent que la procédure est sûre, présente peu de complications et qu'elle combine plusieurs avantages : la possibilité d'introduire une sédation profonde et une analgésie, une protection des VAS [40]. Cricothyroïdotomie Entre 2008 et 2009 en Afghanistan, 10 % des blessés CMF ont bénéficié d'une cricothyrotomie. La cricothyrotomie, toutes techniques, tous opérateurs confondus, a un taux de succès de l'ordre de 68 % en préhospitalier en Afghanistan [41]. Dans 62 % des cas, elle est réalisée sur la zone de contact.
111
Indications et algorithme de prise en charge Les indications formelles à la sécurisation de VAS sont une hypoxie persistante, une hypoventilation, un traumatisme maxillofacial majeur, un risque de perte d'accès aux VAS (œdème, hématome, saignement, brûlure modérée à sévère de la face, de l'oropharynx, notamment en cas de stridor), un trouble de conscience (Glasgow < 8/15) [36,37]. Les indications relatives sont l'agitation, la douleur, la présence de lésions cervicales avec signes d'atteintes respiratoires [37]. Cependant, une oxygénation suffisante, un score de Glasgow supérieur ou égal à 7, un temps de transport inférieur à 45 minutes et l'absence de personnel capable d'effectuer une IOT ou une cricothyrotomie doivent être pris en considération et discuter l'indication d'intubation [36,37]. Des algorithmes de prise en charge des VAS existent. La réalisation d'une IOT est recommandée en premier lieu en cas de conditions environnementales favorables, que sont la présence du matériel et des connaissances nécessaires à l'IOT, l'accessibilité au blessé, l'absence de traumatisme maxillofacial délabrant, une obstruction des VAS par un corps étranger ou une instabilité du rachis cervical. La cricothyrotomie peut être indiquée d'emblée, si ces conditions ne sont pas réunies ou après un à deux échecs d'IOT [38]. De manière plus anecdotique, la technique FastrachTM est une technique de sauvetage permettant une ventilation dans 95 % des cas et une intubation dans 85 % des cas. L'utilisation de l'intubation rétrograde et du FastrachTM est peu décrite dans la littérature médicomilitaire [39].
Mise au point
Le blessé de guerre cervicofacial, de la physiopathologie à la prise en charge. Une revue de la littérature
112
Mise au point
C. Thill, F. Pessey, E. Montelescaut, B.V. Nguyen, M. Danguy Des Déserts, D. Commandeur, et al.
Si la technique de cricothyrotomie n'est pas d'une complexité majeure, sa réalisation peut présenter des difficultés en cas de modifications des repères anatomiques (œdèmes, hématomes, lésions cervicales). C'est pourquoi, d'autres moyens de repérage de la membrane sont décrits : à 1,5 travers de doigt sous le cartilage thyroïde sur la ligne médiane ou à 4 travers de doigts au-dessus de l'incisure jugulaire. L'angle de la mandibule et de l'os hyoïde peut également être utilisé comme repères [42]. Idéalement, la réalisation de la ponction intercricothyroïdienne est effectuée en position semi-assise, sous anesthésie locale, la glotte maintenue immobile [43]. Il existe de nombreux kits de cricothyrotomie chirurgicale ou percutanée. Cependant, ils doivent être adaptés au contexte de guerre, c'est-à-dire être peu encombrants, simples d'utilisation, polyvalents et de réalisation rapide. La méthode chirurgicale rapide ou four-step-method et les minitrachéotomies, réalisées avec le kit Minitrach IITM (Portex) et le kit de ponction dilatation PCKTM (Smith) possèdent ces qualités et sont utilisés sur les théâtres de guerre par les armées anglosaxonnes et françaises. Les kits de cricothyroïdotomie utilisés par le service de santé des armées françaises sont le kit Minitrach IITM et le PCK PortexTM. Le kit Minitrach IITM est une technique assimilée chirurgicale, car elle nécessite la réalisation d'une incision au bistouri. La réalisation d'une minitrachéotomie consiste en la ponction de la membrane intercricothyroïdienne, la dilatation et dissection par une pince atraumatique, puis la réalisation prudente d'une incision horizontale de la membrane intercricothyroïdienne au bistouri et enfin, l'introduction de la canule lubrifiée sur le trocart, le retrait du trocart et la fixation. Le kit Minitrach IITM ne permet d'introduire qu'une canule de 4 mm sans ballonnet, permettant un apport d'oxygène, sans garantir une protection des VAS. Ce dernier point est compensé par la simplicité du matériel et un temps de réalisation inférieur à une minute. La canule peut également être remplacée par une sonde d'intubation de 6 mm sur guide. De plus, ce kit contient un bistouri pouvant servir à la réalisation d'autres gestes invasifs d'urgence, comme le drainage thoracique. Le kit PCK PortexTM correspond, quant à lui, à une technique de ponction dilatation, avec un système de red flag. Ce dernier permet de savoir si une pression est exercée à la pointe du dispositif ou non, représenté par la couleur rouge ou verte. L'utilisation de la technique de ponction dilatation est à risque de survenue de perforation de la paroi postérieure de la trachée [43]. Malgré cela, cette dernière est recommandée par l'ATLS et la Difficult Airway Society Guidelines [42]. Ce d'autant que le taux de succès (supérieur à 90 %) est plus important que celui de l'IOT chez les personnels médicaux et paramédicaux. Les principales contre-indications à la réalisation d'une cricothyrotomie sont l'existence d'un moyen de sécurisation des VAS moins invasif, la présence de lésions trachéales avec rétraction intramédiastinale de la partie inférieure de la trachée ainsi qu'une lésion cricoïde ou laryngée significative.
Les principales complications retrouvées sont inhérentes à la technique de ponction-dilatation, avec des lésions du mur postérieur malgré le système de red flag et plus rarement à la four-step-method avec des lésions cartilagineuses et du mur postérieur. Les complications surviennent dans 5 à 10 % des cas et sont mineures (emphysème sous-cutané localisé, saignement minime, faux trajet, intubation rétrograde, sélective) [24]. Les complications plus tardives sont l'infection, la dysphonie, la sténose sous-glottique et la formation de granulome [44].
Prévention Les facteurs déterminants une blessure sont le mécanisme lésionnel, les armes utilisées et la protection procurée par les équipements. Les équipements de protection sont essentiellement constitués d'un gilet pare-éclat, des lunettes pare-éclat et un casque kevlar [3]. Ils sont globalement bien acceptés et portés. Une étude sur 4600 soldats ayant subi une explosion, retrouve le port du casque, du gilet dans 90 % des cas. En revanche, les protections oculaires ne sont portées que dans 81 % des cas [45]. Ces équipements comportent des faiblesses, notamment au niveau des régions axillaires, pouvant être le point d'entrée potentiel de lésions thoraciques et cervicales. L'ajout d'un col au gilet pare-éclat a été récemment effectué. Ce dispositif est efficace, protégeant la région cervicale moyenne et distale (zone I et II) de la majorité des éclats et peut permettre d'éviter des décès [46]. Toutefois, ce dispositif pose un problème d'ergonomie, donc de tolérance et d'utilisation. En effet, le col n'était porté que dans 58 % des 152 cas de lésions cervicales chez les soldats britanniques [8]. Les blessures de la région faciale sont plus fréquentes (8 à 20 %). Elles sont associées à terme à de lourdes répercussions psychologiques et une mortalité faible. Techniquement, la protection de cette zone est difficile. Le port de lunettes permet de réduire le nombre des lésions faciales, en plus des lésions oculaires, retrouve 25,1 % versus 39,6 % de lésions faciales, concernant essentiellement le 1/3 moyen de la face, respectivement avec et sans lunettes [46,48]. Mais comme le col, les lunettes posent des difficultés pratiques, notamment en cas de visée ou d'utilisation de lunettes à vision nocturne. Les pistes d'amélioration évoquées passent par l'accès à une tenue plus ergonomique et protectrice, avec l'utilisation de matériaux transparents préservant mieux les sens, de système réfrigérant améliorant la tolérance du port de charge et l'éducation, permettant une meilleure acceptation [3,7,46].
Prise en charge précoce des hémorragies CMF Les hémorragies des lésions cervicomaxillofaciales exposent notamment aux risques d'exsanguination par lésion vasculaire cervicale, d'obstruction des VAS par compression, de vomissement suite à la déglutition de sang émétisant.
tome 2 > n82 > mars 2016
Compression locale externe Il s'agit du premier niveau de traitement de l'hémorragie CMF. Un pansement compressif standard peut être réalisé, notamment via un pansement dit « israélien » ou encore l'Olaes Modular Bandage. Des pansements-médicaments aux propriétés procoagulantes sont également utilisés au combat. Une compression externe de 2 à 4 minutes est indispensable à leur efficacité. Le Quickclot Combat Gauze équipe actuellement les unités françaises. Il s'agit d'une poudre de zéolite absorbant l'eau au contact du sang, augmentant localement les concentrations de plaquettes, d'érythrocytes et de facteurs de coagulation. La revue de la littérature de Pusateri et al. [49], sur les modèles animaux, met en évidence une efficacité sur les saignements basse pression ou mixte. Enfin, les auteurs notent une réaction exothermique locale à l'application de ce pansement. Aucune conséquence après utilisation sur l'Homme n'aurait été constatée. Arnaud et al. [50] comparent dix pansements hémostatiques suivant les critères que sont l'arrêt du saignement, l'absence de récurrence du saignement et la survie de l'animal. Le Quick Clot se place dans les quatre meilleurs pansements. Des séries de cas, rapportant l'utilisation de pansement actif chez l'homme, vont dans le sens des études animales [51,52]. Sonde de Foley Son utilisation est décrite dans la littérature médicomilitaire. Weppner et al. [53] réalisent une étude rétrospective en Afghanistan entre 2009 et 2011. Elle compare l'utilisation de la sonde de Foley et l'application d'un Quick Clot dans les traumatismes CMF. La méthode consiste à introduire une sonde de Foley 18Fr avec le doigt, puis gonfler le ballonnet jusqu'à l'obtention d'une résistance ou l'arrêt du saignement. Une seconde sonde est introduite en cas d'échec. Le taux d'échec précoce est similaire. En revanche, les auteurs notent une reprise du saignement tardive et une mortalité significativement moins importante dans le groupe Foley. L'effet secondaire commun aux deux méthodes était la survenue d'un AIC dans chaque groupe. Acide tranexamique (TXA) La fibrinolyse participe dans le contexte de polytraumatisme à une coagulopathie rentrant dans le cadre de la triade coagulopathie-hypothermie-acidose. Le TXA est un antifibrinolytique de synthèse, analogue de lysine, occupant les sites lysine de la liaison plasminogène-fibrine. L'hyperfibrinolyse est un phénomène qui peut être constaté dans le polytraumatisme, notamment dans le traumatisme
tome 2 > n82 > mars 2016
crânien. Plus spécifiquement, le traumatisme ou la plaie maxillofaciale sont l'origine d'une hyperfibrinolyse localisée, secondaire à la constitution d'hématome ou de caillots. C'est pourquoi, le TXA occupe une place de choix dans la prise en charge du traumatisé de guerre, notamment CMF. Les armées française, américaine, britannique, israélienne l'utilisent en situation préhospitalière [54,55]. Les Guidelines européennes de 2013, le Tactical Combat Casualty Care et l'École du Val-de-Grace recommandent une administration la plus précoce possible. Ces recommandations sont basées sur l'étude Crash II et l'étude MATTERS. L'étude Crash II est une étude randomisée, contrôlée, multicentrique et internationale, évaluant l'effet d'une administration précoce de TXA sur la mortalité chez les patients à risque ou présentant une hémorragie significative. Les patients du groupe TXA recevaient un gramme en 10 minutes, puis 1 g en huit heures. Les résultats montrent une diminution de la mortalité toutes causes à quatre semaines dans le groupe TXA. L'analyse en sous-groupe retrouve même une amélioration de la survie lorsque l'administration survient dans les trois premières heures [56]. L'étude de cohorte rétrospective Military Application of Tranexamic Acid in Trauma Emergency Resuscitation Study (MATTERS) retrouve des résultats similaires [54].
Synthèse Les blessures cervicomaxillofaciales dans un contexte de guerre gardent une fréquence relativement stable au cours de ces deux derniers siècles [47]. Cependant, les mécanismes lésionnels diffèrent et se modifient. Par exemple, les EEI, cause majeure de ces blessures, sont utilisés massivement depuis le dernier conflit irakien. Les lésions qui en découlent sont essentiellement ouvertes. Il s'agit de lésions de fragmentation, de polycriblage, survenant lors du blast. Elles représentent des dangers divers pour le soldat blessé. En effet, les traumatismes pénétrants cervicaux sont source d'atteinte directe des VAS ou des gros vaisseaux et constituent une menace vitale immédiate, par hémorragie ou asphyxie. En revanche, ils peuvent entraîner des lésions directes moins bruyantes, aboutissant à une obstruction différée des VAS via la constitution d'hématomes, l'inhalation de corps étrangers. Cette revue de la littérature permet de mettre en lumière les grands principes de la prise en charge des voies aériennes dans un contexte où les moyens d'évacuation, médicaux et de personnels sont plus restreints que dans le milieu préhospitalier civil. Ainsi, laisser un blessé prendre une position de confort ou le placer de manière à ce que la salive, le saignement, les corps étrangers s'évacuent, constituent deux options peu coûteuses en moyens et permettant un maintien d'une ventilation et d'une oxygénation suffisante. Une étude israélienne a également permis de montrer qu'au-delà de trois
113
Ces lésions sont donc potentiellement létales. Breeze et al. [48] réalisent une étude autopsique sur 57 soldats britanniques blessés au cou. Dans 15 cas sur 57, les blessures cervicales sont responsables ou coresponsable de ces décès. De multiples moyens permettant de contrôler les hémorragies sont disponibles.
Mise au point
Le blessé de guerre cervicofacial, de la physiopathologie à la prise en charge. Une revue de la littérature
Mise au point
C. Thill, F. Pessey, E. Montelescaut, B.V. Nguyen, M. Danguy Des Déserts, D. Commandeur, et al.
tentatives d'intubation orotrachéale, la meilleure stratégie consiste à réaliser un abord direct des voies aériennes supérieures par cricothyrotomie. Les dispositifs supraglottiques permettent une ventilation transitoire, mais présentent de nombreux désavantages (déplacement, malposition ou protection des voies aériennes partielle) et sont peu utilisés par l'armée française [36,41]. Quant à la prévention de la survenue de ces blessures, elle paraît complexe. Toutefois, le port de collet a montré son efficacité, même si sa tolérance reste sa principale problématique [3,7,46,48]. Les algorithmes de prise en charge du blessé de guerre cervicomaxillofacial rejoignent ceux de l'intubation difficile préhospitalière, où plus de deux tentatives d'intubation ne sont pas recommandées. Cependant, il existe des différences avec les recommandations civiles : le FastrachTM et le masque laryngé sont utilisés en première ligne en cas de ventilation au masque inefficace et en seconde ligne après 2 échecs d'intubation aidé de mandrins longs béquillés. La cricothyroïdotomie n'est réalisée que s'il existe un échec de mise en place de FastrachTM ou de masque laryngé [57].
Conclusion Dans un contexte de guerre, alliant austérité et parfois hostilité, la prise en charge des voies aériennes chez le blessé cervicomaxillofacial revêt une importance majeure, permettant d'éviter des morts indues et une évacuation du blessé de guerre dans de bonnes conditions. Elle peut consister à la désobstruction manuelle, au maintien de la ventilation spontanée, voire à l'intubation orotrachéale ou la réalisation de cricothyrotomie. Malgré l'existence d'algorithmes et d'arbres décisionnels, le choix de la stratégie thérapeutique et des techniques utilisées dépendent des contraintes matérielles et de personnels, en termes d'effectif et/ou de compétence technique. C'est pourquoi la formation et la réalisation de scénarios de simulation impliquant des personnels médicaux et paramédicaux sont fondamentales pour améliorer la prise en charge du blessé de guerre cervicofacial. Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. Les propos rapportés dans cet article n'engagent que les auteurs.
Références [1]
[2]
[3]
[4]
[5]
[6]
[7]
114
[8]
Bell RB, Osborn T, Dierks EJ, Potter BE, Long WB. Management of penetrating neck injuries: a new paradigm for civilian trauma. J Oral Maxillofac Surg 2007;65:691–705. Breeze J, Gibbons AJ, Shieff C, Banfield G, Bryant DG, Midwinter MJ. Combat-related craniofacial and cervical injuries: a 5-year review from the British military. J Trauma 2011;71:108–13. Pasquier P, de Rudnicki S, Donat N, Auroy Y, Mérat S. Type et épidémiologie des blessures de guerre, à propos de deux conflits actuels : Irak et Afghanistan. Ann Fr Anesth Reanim 2011;30:819–27. Gataa IS, Muassa QH. Patterns of maxillofacial injuries caused by terrorist attacks in Iraq: retrospective study. Int J Oral Maxillofac Surg 2011;40:65–70. Ramasamy A, Hill A-M, Clasper JC. Improvised explosive devices: pathophysiology, injury profiles and current medical management. J R Army Med Corps 2009;155:265–72. Jackson PC, Foster M, Fries A, Jeffery SLA. Military trauma care in Birmingham: observational study of care requirements and resource utilisation. Injury 2014;45:44–9. Schwartz D, Glassberg E, Nadler R, Hirschhorn G, Marom OC, Aharonson-Daniel L. Injury patterns of soldiers in the second Lebanon war. J Trauma Acute Care Surg 2014;76:160–6. Breeze J, Allanson-Bailey LS, Hunt NC, Delaney RS, Hepper AE, Clasper J. Mortality and
[9]
[10]
[11]
[12]
[13]
[14]
[15]
morbidity from combat neck injury. J Trauma Acute Care Surg 2012;72:969–74. Schreiber MA, Zink K, Underwood S, Sullenberger L, Kelly M, Holcomb JB. A comparison between patients treated at a combat support hospital in Iraq and a level in trauma center in the United States. J Trauma 2008;64:118–22. Holcomb JB. The 2004 Fitts lecture: current perspective on combat casualty care. J Trauma 2005;59:990–1002. Rustemeyer J, Kranz V, Bremerich A. Injuries in combat from 1982–2005 with particular reference to those to the head and neck: a review. Br J Oral Maxillofac Surg 2007;45 (7):556–60. Shuker ST. The immediate lifesaving management of maxillofacial, life-threatening haemorrhages due to IED and/or shrapnel injuries: "When hazard is in hesitation, not in the action''. J Craniomaxillofac Trauma 2012;40:534–40. Wade AL, Dye JL, Mohrle CR, Galarneau MR. Head, face, and neck injuries during operation Iraqi Freedom II: results from the US navymarine corps combat trauma registry. J Trauma 2007;63:836–40. Shuker ST. Maxillofacial air-containing cavities, blast implosion injuries, and management. J Oral Maxillofac Surg 2010;68:93–100. Shuker ST. Rocket-propelled grenade maxillofacial injuries and management. J Oral Maxillofac Surg 2006;64:503–10.
[16] Ficke JR, Eastridge BJ, Butler FK, Alvarez J, Brown T, Pasquina P. Dismounted complex blast injury report of the army dismounted complex blast injury task force. J Trauma Acute Care Surg 2012;73:520–34. [17] Stefanopoulos PK, Filippakis K, Soupiou OT, Pazarakiotis VC. Wound ballistics of firearmrelated injuries. Part 1: missile characteristics and mechanisms of soft tissue wounding. Int J Oral Maxillofac Surg 2014;43:1445. [18] Stefanopoulos PK, Soupiou OT, Pazarakiotis VC, Filippakis K. Wound ballistics of firearmrelated injuries. Part 2: mechanisms of skeletal injury and characteristics of maxillofacial ballistic trauma. Int J Oral Maxillofac Surg 2015;44:67–78. [19] Giacardi C, Ferraty C, Giraud D, Renaud C, Mion G. Comment la balistique détermine les lésions des armes à feu. Prat Anesth Reanim 2003;7:99–103. [20] Shuker ST. Emergency treatment strategy and the biodynamic effects of massive "chopped off'', mandibular tissue and a prolapsed tongue. J Craniomaxillofac Trauma 2013;41:e59– 63. [21] Madson AQ, Tucker D, Aden J, Aden J, Hale RG, Chan RK. Non-battle craniomaxillofacial injuries from US military operations. J Craniomaxillofac Trauma 2013;41:816–20. [22] Chan RK, Siller-Jackson A, Verrett AJ, Wu J, Hale RG. Ten years of war: a characterization of craniomaxillofacial injuries incurred during operations Enduring Freedom and Iraqi
tome 2 > n82 > mars 2016
[24]
[25]
[26]
[27]
[28]
[29]
[30]
[31]
[32]
[33]
tome 2 > n82 > mars 2016
[34] Shackford RS, Kahl EJ, Richard YC, Kozar RA, Haugen CE, Kaups KL, et al. Gunshot wounds and blast injuries to the face are associated with significant morbidity and mortality: results of an 11-year multi-institutionnal study of 720 patients. J Trauma Acute Care Surg 2014;76:347–52. [35] Watkins TA, Opie NJ, Norman A. Airway choices in maxillofacial trauma. Curr Anaesth Crit Care 2011;1:179–90. [36] Katzenell U, Lipsky AM, Abramovich A, Huberman D, Sergeev I, Deckel A, et al. Prehospital intubation success rates among Israel Defense Forces providers: epidemiologic analysis and effect on doctrine. J Trauma 2013;75:178–83. [37] Mayglothling J, Duane TM, Gibbs M, McCunn L, Legome E, Eastman AL, et al. Emergency tracheal intubation immediately following traumatic injury: an Eastern association for the surgery of trauma practice management guideline. J Trauma Acute Care Surg 2012;73:333–40. [38] Macdonald JC, Tien HCN. Emergency battlefield cricothyrotomy. CMAJ 2008;178: 113–5. [39] Combes X, Jabre P, Jbeili C, Leroux B, BastujiGarin S, Margenet A, et al. Prehospital standardization of medical airway management: incidence and risk factors of difficult airway. Acad Emerg Med 2006;13:828–34. [40] Stephens CT, Kahntroff S, Dutton RP. The success of emergency endotracheal intubation in trauma patients: a 10-year experience at a major adult trauma referral center. Anesth Analg 2009;109:866–72. [41] Breeze J, McVeigh K, Lee JJ, Monaghan AM, Gibbons AJ. Management of maxillofacial wounds sustained by British service personnel in Afghanistan. Int J Oral Maxillofac Surg 2011;40:483–6. [42] Hessert MJ, Bennett BL. Optimizing emergent surgical cricothyrotomy for use in austere environments. Wilderness Environ Med 2013;24:53–66. [43] Donat A, Petitjeans F, Précloux P, Puidupin M, Escarment J. La cricothyrotomie : données actuelles et intérêt de cette technique en médecine de guerre. Ann Fr Anesth Reanim 2012;31:141–51. [44] Liston P. Emergency awake surgical cricothyrotomy for severe maxillofacial gunshot wounds. ADF Health 2004;5:22–4. [45] Eskridge SL, Macera CA, Galarneau MR, Holbrook TL, Woodruff SI, MacGregor AJ, et al. Injuries from combat explosions in Iraq:
[46]
[47]
[48]
[49]
[50]
[51]
[52]
[53]
[54]
[55]
[56]
[57]
injury type, location, and severity. Injury 2012;43(10):1678–82. Breeze J, Horsfall I, Hepper A, Clasper J. Face, neck, and eye protection: adapting body armour to counter the changing patterns of injuries on the battlefield. Br J Oral Maxillofac Surg 2011;49:602–6. Ramasamy A, Harrisson S, Lasrado I, Stewart MPM. A review of casualties during the Iraqi insurgency 2006. A British field hospital experience. Injury 2009;40:493–7. Breeze J, Allanson-Bailey LS, Hunt NC, Midwinter MJ, Hepper AE, Monaghan A, et al. Surface wound mapping of battlefield occulofacial injury. Injury 2012;43:1856–60. Pusateri EA, Holcomb JB, Kheirabadi BS, Alam AB, Wade CE, Ryan KL. Making sense of the preclinical literature on advanced hemostatic products. J Trauma 2006;60:674–82. Arnaud F, Parreño-Sadalan D, Tomori T, Delima MG, Teranishi K, Carr W, et al. Comparison of 10 hemostatic dressings in a groin transaction model in swine. J Trauma 2009;67:848–55. Ran Y, Hadad E, Daher S, Ganor O, Kohn J, Yegorov Y, et al. QuikClot combat gauze use for hemorrhage control in military trauma: January 2009 Israel Defense Force experience in the Gaza Strip – a preliminary report of 14 cases. Prehosp Disaster Med 2010; 25:584–8. Gegel BT, Austin PN, Johnson AD. An evidence-based review of the use of a combat gauze (quikclot) for hemorrhage control. AANA J 2013;81:453–8. Weppner J. Improved mortality from penetrating neck and maxillofacial trauma using Foley catheter balloon tamponade in combat. J Trauma Acute Care Surg 2013;75:220–4. Morrison JJ, Dubose JJ, Rasmussen TE, Midwinter MJ. Military application of tranexamic acid in trauma emergency resuscitation (MATTERs) study. Arch Surg 2012;147:113–9. Lipsky AM, Abramovich A, Nadler R, Feinstein U, Shaked G, Kreiss Y, et al. Tranexamic acid in the prehospital setting: Israel Defense Forces' initial experience. Injury 2014;45:66–70. Roberts I, Shakur H, Afolabi A, Brohi K, Coats T, Dewan Y, et al. The importance of early treatment with tranexamic acid in bleeding trauma patients: an exploratory analysis of the CRASH-2 randomised, controlled trial. Lancet 2011;377:1096–101. Combes X, Jabre P. Out-of-hospital difficult intubation management. Reanimation 2010; 19:627–32.
115
[23]
Freedom. J Trauma Acute Care Surg 2012;73:453–8. Lew TA, Walker JA, Wenke JC, Blackebourne LH, Hale RG. Characterization of craniomaxillofacial battle injuries sustained by United States service members in the current conflicts of Iraq and Afghanistan. J Oral Maxillofac Surg 2010;68:3–7. Sperry JL, Moore EE, Coimbra R, Croce M, Davis JW, Karmy-Jones R, et al. Western trauma association critical decisions in trauma: penetrating neck trauma. J Trauma Acute Care Surg 2013;75:936–40. Ramasamy A, Midwinter M, Mahoney P, Clasper J. Learning the lessons from conflict: pre-hospital cervical spine stabilisation following ballistic neck trauma. Injury 2009; 40:1342–5. Shuker ST. The effect of a blast on the mandible and teeth: transverse fractures and their management. Br J Oral Maxillofac Surg 2008;46:547–51. Zachar MR, Labella C, Kittle CP, Brown Baer P, Hale RG, Chan RK. Characterization of mandibular fractures incurred from battle injuries in Iraq and Afghanistan from 2001-2010. J Oral Maxillofac Surg 2013;71:734–42. Breeze J, Gibbons AJ, Hunt NC, Monaghan AM, Gibb I, Hepper A, et al. Mandibular fractures in British military personnel secondary to blast trauma sustained in Iraq and Afghanistan. Br J Oral Maxillofac Surg 2011;49:607–11. Gerhardt RT, De Lorenzo RA, Oliver J, Holcomb JB, Pfaff JA. Out-of-hospital combat casualty care in the current war in Iraq. Ann Emerg Med 2009;53:169–74. Perry M, Morris C. Advanced trauma life support (ATLS) and facial trauma: can one size fit all? Int J Oral Maxillofac Surg 2008;37: 309–20. Adams BD, Cuniowski P, Muck A, De Lorenzo AR. Combat airway management: the REACH study (Registry of Emergency Airways Arriving at Combat Hospitals). J Trauma 2008; 64:1548–54. Eastridge BJ, Mabry RL, Seguin P, Cantrell J, Topps T, Uribe T, et al. Death on the battlefield (2001–2011): implications for the future of combat casualty care. J Trauma Acute Care Surg 2012;73:431–7. Mercer SJ, Lewis SE, Wilson SJ, Groom P, Mahoney PF. Creating airway management guidelines for casualties with penetrating airway injuries. J R Army Med Corps 2010; 156:355–60.
Mise au point
Le blessé de guerre cervicofacial, de la physiopathologie à la prise en charge. Une revue de la littérature