Le BOP pour mobiliser rapidement les CSH La greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH), souvent indispensable au traitement des néoplasies, nécessitait leur collecte au niveau de la moelle osseuse localisée dans la crête iliaque des os pelviens. Afin d’éviter ce geste invasif, de nombreuses études ont été réalisées dans le but de trouver un moyen pour mobiliser les CSH de la moelle osseuse vers le sang périphérique. Cette mobilisation a tout d’abord été induite par des injections répétées sur 3 à 4 jours de facteurs de croissance tels que le G-CSF (granulocyte-colony stimulating factor), dont l’efficacité était cependant contrecarrée par des effets secondaires parfois importants, telles que des douleurs osseuses, une augmentation du volume de la rate et d’autres altérations du microenvironnement hématopoïétique. Par cette stratégie, le délai nécessaire à la mobilisation des CSH est lié au mode d’action indirect du G-CSF, qui entraine la production, par les granulocytes, de protéases qui clivent l’interaction entre la chimiokine mobilisatrice CXCL12 et son principal récepteur, le CXCR4. Afin de pallier à ces difficultés, des solutions alternatives ont été recherchées. C’est ainsi que l’injection d’une dose unique d’AMD3100 (plerixafor/mozobil), une petite molécule antagoniste du récepteur CXCR4, a été proposée. Son efficacité s’est révélée particulièrement intéressante mais elle devait toujours être associée au G-CSF, car l’AMD3100 restait peu ou pas efficace en son absence. Le
problème restait donc entier… jusqu’à la découverte par une équipe australienne d’une autre petite molécule, dénommée BOP (N-(Benzene-sulfonyl)-L-prolyl-LO-(1-Pyrrolidinylcarbonyl) tyrosine, dont l’efficacité, à dose unique sur la souris, est remarquable en termes de rapidité et de sélectivité. Dans un article publié dans Nature Communication en mars, l’équipe de Susan Nilsson montre qu’en association avec
Un antagoniste des intégrines α9β1/α4β1 les extrait de leur sanctuaire médullaire vers le sang périphérique.
ensuite mis en évidence que la combinaison BOP/AMD3100, à dose unique, permet la mobilisation de CSH humaines en un temps record (environ 1 heure) sur la souris humanisée immunodéficiente, contrairement au G-CSF administré seul, dont l’efficacité dans ce modèle était beaucoup plus faible. La mise en évidence de l’efficacité du BOP dans la mobilisation des CSH humaines hors de la moelle osseuse sur la souris est un premier pas vers un essai clinique de phase 1 chez l’Homme. Cet essai devrait permettre d’améliorer le recueil des CSH en vue de greffes et ce, de façon plus rapide, moins invasive et avec moins d’effets secondaires. Ces résultats pourraient également présenter un intérêt dans le traitement des néoplasies où, en les gardant en quiescence, le nichage des cellules souches leucémiques/cancéreuses dans la moelle osseuse les protège de l’effet des chimiothérapies. Ainsi, en inhibant la liaison des cellules souches avec le stroma médullaire via les intégrines α9β1/α4β1 et le couple CXCL12CXCR4, ces molécules mobilisatrices pourraient les déloger de leur sanctuaire, les mettre en cycle et les rendre alors sensibles aux chimiothérapies. Il restera cependant à trouver un équilibre entre la mobilisation des cellules souches leucémiques et des cellules souches normales hors de leurs niches protectrices.
l’AMD3100, le BOP présente une efficacité 3 à 4 fois supérieure à celle du G-CSF. Cette mobilisation fait intervenir une inhibition des intégrines α9β1 et α4β1 (VCAM), et plus particulièrement les intégrines a9b1, dont le rôle dans la rétention des CSH dans la moelle osseuse est bien connu. En utilisant un antagoniste fluorescent de ces intégrines, les auteurs ont également montré que la zone proche de l’os (endoste), où sont préférentiellement nichées les CSH primitives, était particulièrement impliquée Cao B, et coll. Nat Commun. 2016 Mar dans le processus de mobilisation. Ils ont 15;7:11007. doi: 10.1038/ncomms11007.
Si l’incompatibilité de greffe devenait compatible Dans les années 1970, malgré un protocole d’immunosuppression sévère et une ablation de la rate riche en lymphocytes B, les premières greffes rénales dites ABO-incompatibles (AOBi), c’està-dire une greffe entre un receveur et un donneur dont le groupe sanguin n’est pas compatible, se sont soldées par un taux de rejet important. C’est l’avènement, au cours des années 2000, du rituximab, un anticorps dirigé contre la molécule CD20 exprimée par la plupart des cellules B, qui a permis d’améliorer
de façon très significative les résultats des greffes AOBi. Depuis, les protocoles de désensibilisation, c’est-à-dire par déplétion du plasma du receveur en anticorps (dont les anticorps HLA) par des échanges plasmatiques (plasmaphérèse) ou par des techniques d’immuno-adsorption sur colonne permettant une approche plus spécifiquement ciblée sur les anticorps HLA, ont grandement amélioré les résultats de ce type de greffe. Cette désensibilisation ou mise en compatibilité pré-greffe doit être également suivie
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par des traitements post-greffes visant à empêcher ces anticorps de réapparaitre. De tels protocoles sont donc très lourds, non seulement pour le patient, en particulier en termes de durée de désensibilisation et du risque accru de cancer lié à cette immunosuppression, mais également pour l’hôpital, en raison de leurs coûts importants. De ce fait, malgré son intérêt et la possibilité récente de greffer des reins à partir de donneurs vivants, cette technique reste encore trop peu développée aujourd’hui et les études publiées ne permettent pas