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Dossier thématique
Le coût de l’insulinothérapie chez les patients diabétiques de type 2, en France B. Detournay1, I. Bureau1, J. Gourmelen2 1Cemka-Eval, 2Inserm
Bourg-la-Reine UMS 01, UVSQ, Villejuif
Mots-clés • Dépenses de santé • France • Diabète de type 2 insulinotraité • Coûts hospitalisations • Coûts soins infirmiers
Key-words • Healthcare expenditures • France • Insulin-treated type 2 diabetes • Hospitalizations • Nursing care costs
The cost of insulin therapy in patients with type 2 diabetes, in France Résumé Les dépenses de santé consacrées aux patients diabétiques sont un enjeu collectif important compte tenu de la prévalence de cette affection. En particulier, les patients diabétiques de type 2 insulinotraités (soit plus de 500 000 personnes en France métropolitaine) ont une consommation totale de soins qui s’élève, en moyenne, en 2013, à 12 509 €, soit 8 636 € de plus qu’un échantillon non diabétique de même âge, sexe et région. Ce coût élevé, établi à partir de l’Échantillon Généraliste des Bénéficiaires de l’Assurance Maladie, tient principalement à deux postes : les hospitalisations (45,7 % des patients sont hospitalisés au moins une fois dans l’année, soit 30 % des dépenses) et les dépenses d’auxiliaires médicaux (22 %), soit 2 561 €/patient/an (2 434 € de plus qu’un non diabétique). Pour autant, si les dépenses moyennes par patient diabétique de type 2 traité par insuline restent élevées, leur croissance a été contenue ces dernières années à un niveau similaire à celle de l’ensemble de la Consommation de Soins et de Biens Médicaux, hormis l’évolution rapide de certains postes, tels que les recours aux soins infirmiers, ou les transports des patients. Une partie de ces coûts pourraient être évités par une meilleure organisation des soins.
Summary Health expenditures for diabetic patients are an important collective issue given the prevalence of this condition. This is especially true for type 2 diabetes treated with insulin (over 500 000 patients in metropolitan France) with an average health care cost in 2013 of € 12,509 € or 8,636 € more than matched non-diabetic sample with the same age, gender distribution, and geographic location. This high cost is due to two main posts : hospitalizations (45.7 % of patients hospitalized at least once a year, and 30 % of the whole expenditure) and the cost of paramedics (22 %) which was 2,561 €/patient/year (2,434€ more vs. non diabetics). However, if the average annual expenditure care of type 2 diabetic patients treated with insulin remain high, its growth was contained to the level of the general Consumption of care and medical goods in France apart from some items (i.e. nursing care and patient transportation). A significant part of these costs could be avoided through a better care organization.
Correspondance Bruno Detournay Cemka-Eval 43, Boulevard Maréchal Joffre F-92340 Bourg-la-Reine, France.
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Médecine des maladies Métaboliques - Mai 2015 – Vol. 9 – Suppl au n° 3
Le coût de l’insulinothérapie chez les patients diabétiques de type 2, en France
Contexte
Résultats (figure 1)
Les évolutions de l’épidémiologie du diabète et les changements dans les pratiques ont des conséquences économiques indéniables pour le système de santé. Parmi ces transformations, le développement du recours aux insulinothérapies chez les patients diabétiques de type 2 (DT2) est un fait marquant observé ces dernières années. Au-delà de la question des bénéfices attendus pour les patients, il est utile d’examiner la question des coûts induits par le recours à ce type de traitement.
En 2013, 3 787 patients DT2 traités par insuline sur l’année entière étaient identifiés dans l’EGB. Cet effectif représente une sous-population de l’ensemble des patients DT2 traités par insuline, puisqu’elle exclut : les cas incidents, les cas décédés dans l’année, les cas sortis en cours d’année de la base, et les patients relevant des sections locales mutualistes. L’âge moyen de ces patients était de 68,4 ± 13,1 ans, et l’échantillon comportait 51,7 % d’hommes. Au total, la consommation annuelle moyenne de soins d’un patients DT2 sous insuline (toute l’année) s’élève à 12 509 ± 14 462 €. Cette consommation est augmentée de 8 630 €, en moyenne, par rapport à une
Matériel et méthode L’Échantillon Généraliste de Bénéficiaires (EGB) recense l’ensemble de la consommation de soins ambulatoire et hospitalière de 1/97e des assurés du régime général hors sections locales mutualistes et, depuis 2011, du régime agricole (MSA) et du régime des indépendants (RSI). Il s’agit d’un échantillon renouvelé tous les trimestres (panel), anonyme, et représentatif au niveau national. Les patients diabétiques traités pharmacologiquement sont identifiés en utilisant un algorithme considérant l’existence de trois remboursements d’antidiabétiques oraux ou d’insuline (deux remboursements dans le cas de produits dispensés en gros conditionnements) sur 2 années consécutives ou sur l’existence d’un statut d’Affection de Longue Durée (ALD) pour diabète sur la même période. Les patients DT2 et autres types de diabète sont distingués des patients diabétiques de type 1 en utilisant un autre algorithme, cette fois de classification, fondé sur un ensemble de données figurant dans la base de remboursement (codage des ALD et des hospitalisations éventuelles, traitements par insuline, etc.). * Une analyse peut alors être conduite afin de comparer les consommations de soins des patients DT2 traités par insuline à celles d’un échantillon témoin apparié par âge, sexe, et région géographique. Ces consommations sont valorisées dans la perspective de l’Assurance maladie, et dans une perspective plus collective intégrant les restes à charge des produits présentés au remboursement. Seuls les patients présents dans la base au cours de l’ensemble de l’année (non décédés, par exemple) et connu comme diabétiques avant l’année d’observation sont pris en compte.
population non diabétique de même âge, sexe et implantation géographique. En montants remboursés par l’Assurance maladie obligatoire, ces valeurs deviennent 11 892 € et 8 717 € par an, respectivement. Le taux de remboursement moyen des soins dans la population diabétique atteint ici 95 %, contre 81,9 % dans une population comparable non diabétique. Sur une année, 45,7 % des patients traités par insuline sont hospitalisés au moins une fois. Ces hospitalisations, quels que soient leurs motifs, représentent 30 % environ de la consommation totale de soins des patients traités par insuline. Le second poste de dépense est celui lié aux auxiliaires médicaux (22 %). Au sein de ces derniers, le recours aux infirmières (IDE) représente, de loin, la part la plus
Répartition de la dépense soins présentée au remboursement par grands postes 14 000 12 509 € 12 000 3 718 € 10 000 8 630 € 543 €
8 000
2 368 € 271 €
6 000
138 €
2 811 € 4 000
399 € 1 045 € 148 € 2 434 €
2 680 €
2 000
958 €
0
Sous insuline (N = 26 001)
1 906 € 363 € Écart par rapport à une population témoin*
-2 000
Hospitalisations Autres prestations Transports LPP Biologie Honoraires dentaires Auxiliaires médicaux Pharmacie et produits dérivés Honoraires médicaux
Figure 1. Consommation annuelle moyenne d’un patient diabétique de type 2 traité par insuline, et surcoût par rapport à une population témoin non diabétique (*appariée par âge, sexe et région géographique).
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important, soit, en moyenne 2 561,20 € par patient (91 % des dépenses présentées au remboursement d’auxiliaires médicaux). Les auxiliaires médicaux représentent même le principal poste de coût attribuable à la maladie et son traitement par rapport à la population témoin non diabétique, avec un surcoût estimé de 2 434 €, contre 2 368 € pour les hospitalisations. Les médicaments et produits dérivés constituent le troisième poste important, avec 21 % (2 680 €) des dépenses moyennes observées, suivi par les dépenses de dispositifs médicaux et prestations (figurant sur la liste des produits et prestations [LPP]) qui représentent, en moyenne, 11 % (1 375 € en moyenne). On peut également exprimer ces chiffres en considérant qu’un patient DT2 sous insuline a une consommation moyenne de soins infirmiers 7,5 fois plus importante que celle d’un individu non diabétique, 4,2 fois plus importante de dispositifs médicaux, 3,8 fois plus importante de transports, 3,5 fois plus importante de pharmacie et produits dérivés, et 2,8 fois plus d’hospitalisations. En revanche, les honoraires médicaux, voire les actes de biologie, sont augmentés dans une proportion moindre. Les dépenses sur ces deux postes représentent respectivement 8 % et 2 % de la dépense totale des patients diabétiques traités par insuline, ce qui représente des augmentations relativement modestes par rapport aux patients non diabétiques comparables (363 € et 148 €, respectivement).
Discussion En 2013, la consommation annuelle de soins des patients DT2 traités par insuline reste donc assez élevée (12 509 € en montant présenté au remboursement, et 11 892 € en montant remboursé). Un tiers de ces dépenses est lié à des hospitalisations, dont on peut penser qu’elles sont, pour partie, liées aux complications observées chez ces malades et, pour partie, liées à la prescription de l’insulinothérapie. Une estimation des dépenses remboursées avait été effectuée dans l’étude « Échantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques » (ENTRED), en 2007 [1,2] pour les patients DT2 traités par insuline. La comparaison de ces données avec les valeurs 2013 est donc intéressante, bien qu’elle doive être considérée avec prudence compte-tenu des différences méthodologiques entre les deux études (méthode de sélection des patients légèrement différente, méthode de valorisation des hospitalisations également). En 2007, le montant remboursé pour les consommations de soins des patients DT2 traités par insuline était de 10 413 € par an. Ce montant a donc augmenté de 14 % en 2013, ce qui correspond à un taux de croissance annuel moyen (TCAM) de 2,2 % par an. Ce TCAM est donc très proche de celui de l’ensemble des dépenses de santé estimées sur la base de la Consommation de Soins et de Biens Médicaux. Cette dernière a progressé de +2,2 % en 2013, après +2,1 % en 2012, +2,7 % en 2011, et +2,3 % en 2010 [3].
Ce TCAM a été particulièrement élevé pour les soins infirmiers délivrés en ville, avec une augmentation annuelle moyenne de près de 9 % (le poste est passé de 1 511 € à 2 536 €, en moyenne, en 6 ans). Les montants remboursés pour les transports, les examens de biologie, et les dispositifs médicaux, ont également augmentés assez fortement (TCAM respectifs de 5,2 %, 3,7 %, et 2,8 % par an). L’évolution a été beaucoup plus modérée pour les médicaments (TCAM : 1,4 % en moyenne par an). La part du médicament dans les dépenses remboursées pour les soins aux patients DT2 a ainsi légèrement diminuée entre les deux études comparées, passant de 22 % à 21 %. Il est plus difficile de se prononcer sur les autres postes, car ils ne sont pas détaillés de la même façon entre les études, à l’exception des soins dentaires pour lesquels, de manière systématique, on retrouve d’une part, une consommation de soins inférieure chez les patients diabétiques, y compris sous insuline, par rapport aux populations témoins et, d’autre part, pour lesquels, il n’est pas noté d’évolution des dépenses remboursées entre 2007 et 2013 chez les patients DT2 traités par insuline (ces dépenses remboursées ne représentant, pour ce poste, que 30 % environ des dépenses réelles). Peu d’autres études se sont intéressées à la question des coûts liés à l’insulinothérapie dans le DT2, à l’exception de l’analyse de Charbonnel et al., de 2012 [4], qui s’appuyait sur une approche limitée à certains postes de dépenses, mais qui avait l’intérêt de distinguer les patients selon le schéma insulinique
Les points essentiels • Les dépenses de santé liées au diabète augmentent avec l’accroissement de prévalence de la maladie. • L’étude porte sur les diabétiques de type 2 (DT2) insulinotraités en 2013, soit plus de 500 000 personnes en France métropolitaine. • Leur consommation de soins s’élève à environ 12 500 €/an/patient, soit un surcoût de 8 600 € par rapport à des sujets non diabétiques appariés. • Ce surcout est surtout lié à deux postes : • les hospitalisations, qui représentent 30 % des dépenses ; • les soins infirmiers (IDE) ambulatoires (22 % des dépenses). • Ces dépenses sont relativement contenues depuis quelques années, à l’exception de certains postes, comme le recours aux IDE, ou encore les transports qui progressent rapidement (près de 9 % et 5 % par an, respectivement). • Une part des coûts de prise en charge des patients insulinotraités relatives aux hospitalisations, soins infirmiers ambulatoire, ou transports, pourrait sans doute être évitée. Médecine des maladies Métaboliques - Mai 2015 – Vol. 9 – Suppl au n° 3
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dont ils bénéficiaient. Le nombre de patients diabétiques traités par insuline s’élevait, fin 2012, à 691 000 patients selon les données du Système national d’information inter-régimes de l’Assurance maladie (SNIIRAM) [5], avec toutefois une méthode d’identification des patients traités sous-estimant légèrement le nombre de patients diabétiques, et un peu différente de celle décrite dans le Rapport sur l’évolution des charges et des produits de l’Assurance Maladie publié en 2014. En admettant qu’environ 5 % des patients diabétiques traités sont des cas de diabète de type 1, au minimum 541 000 patients DT2 ou autres seraient traités par insuline. Le coût collectif des soins délivrés à ces patients s’élève à 6,8 milliards d’euros, et le surcoût global par rapport à une population témoin non diabétique s’élève à 4,7 milliards d’euros. On peut penser que des solutions visant à accroître l’autonomie des patients, à améliorer l’organisation des soins où à répondre aux besoins thérapeutiques non satisfaits permettraient de réduire ces coûts pour une part importante, en limitant les recours aux infirmières pour la réalisation d’injections d’insuline
quotidiennes ou encore les hospitalisations pour l’instauration de l’insuline ou pour les hypoglycémies associées.
Conclusion Les dépenses annuelles moyennes de soins des patients diabétiques de type 2 traités par insuline restent élevées, mais leur croissance a été contenue au niveau observé sur l’évolution de l’ensemble de la Consommation de Soins et de Biens Médicaux [6]. On peut toutefois s’interroger sur le poids important – ou l’évolution rapide – de certains postes de dépenses dans ce domaine et, en particulier, la prise en charge ambulatoire par les infirmiers(ères), les hospitalisations, et les transports des patients, dont une partie pourrait sans doute être évités.
Déclaration d’intérêt B. Detournay et I. Bureau déclarent avoir bénéficié de subventions et de contrats d’études ou d’expertise de la part de multiples entreprises privées et institutions publiques nationales ou internationales. J. Gourmelen déclare ne pas avoir de conflit en lien avec cet article.
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Références [1] Ricci P, Chantry M, Detournay B, et al; comité scientifique d’Entred. Coûts des soins remboursés par l’assurance maladie aux personnes traitées pour diabète (études Entred 2001 et 2007). Prat Organ Soins 2010;41:1-10. [2] Ricci P, Chantry M, Detournay B, et al; comité scientifique d’Entred. Coûts des soins remboursés par l’Assurance maladie aux personnes traitées pour diabète : Études Entred 2001 et 2007. Bull Épidémiol Hebd (BEH) 2009;42-43:464-9. [3] Zaidman C, Roussel R (sous la direction de). Comptes nationaux de la santé 2013, édition 2014. Collection Études et statistiques, Paris: Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees); 2014:1-246. [4] Charbonnel B, Penfornis A, Varroud-Vial M, et al. Insulin therapy for diabetes mellitus: treatment regimens and associated costs. Diabetes Metab 2012;38:156-63. [5] Mandereau-Bruno L, Denis P, FagotCampagna A, Fosse-Edorh S. Prévalence du diabète traité pharmacologiquement et disparités territoriales en France en 2012. Bull Épidémiol Hebd (BEH) 2014;30-31:493-9. [6] Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CnamTS). Rapport au ministre chargé de la Sécurité sociale et au Parlement sur l’évolution des charges et des produits de l’Assurance maladie au titre de 2015 (loi du 13 août 2004). Adopté le 31 Juillet 2014. Paris: CnamTS; www.ameli.fr.
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