formation |épidémiologie
Le diagnostic de la lèpre est-il encore possible en France métropolitaine et d’outre-mer ? En l’absence de surveillance spécifique, le nombre exact de sujets atteints de lèpre sur le territoire français est inconnu. Il existe cependant des cas importés et des cas autochtones, principalement en Guyane et à Mayotte, voisins de pays à forte prévalence. Le recul important de la maladie risque de rendre difficile son diagnostic, notamment par manque de savoir-faire des cliniciens.
a lèpre a connu un recul important dans toutes les régions du monde, et globalement la prévalence a diminué de 90 % entre 1985 et 2009 ; 213 000 cas prévalents (cas sous traitement) ont été identifiés au début de l’année 2009, avec des disparités importantes entre les différents pays mais ces résultats ne reflètent pas véritablement la réalité épidémiologique. Les autorités françaises ne déclarent aucun cas de lèpre à l’Organisation mondiale de la santé depuis de nombreuses années mais des cas autochtones sont cependant diagnostiqués notamment en Guyane et à Mayotte. En l’absence de surveillance spécifique, le nombre exact de sujets atteints sur le territoire français est inconnu. Les rapports de l’association de léprologues de langue française indiquent que le nombre de cas prévalents pour les territoires d’outre-mer était estimé à 150 patients fin 2006 et 180 patients fin 2007 (tableau I).
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Une tendance à l’augmentation significative des cas détectés chez des migrants brésiliens a été notée. La proximité immédiate et les nombreux échanges avec le Brésil, pays où l’incidence de la lèpre est la plus élevée au monde, mettent la Guyane dans une situation de recrudescence potentielle de la maladie. Ř(QPolynésie française, une étude rétrospective des cas entre 1983 et 2002 avait noté une diminution de l’endémie lépreuse mais des foyers actifs subsistaient dans l’archipel des Marquises Sud et des Gambier. Le nombre de nouveaux cas à Tahiti semble en augmentation (8 nouveaux cas rapportés en 2006). Ř(QNouvelle-Calédonie, ces dernières années, la prévalence de la lèpre est passée sous le seuil d’élimination et moins de 10 nouveaux cas sont détectés chaque année. La population mélanésienne est la plus exposée, avec une proportion élevée de formes multibacillaires.
Données épidémiologiques
Pas d’étude épidémiologique récente dans l’Hexagone En France métropolitaine, en raison de l’absence de système de recensement actif, l’incidence de la lèpre n’est pas connue. De plus, la France ne dispose pas d’étude épidémiologique récente sur les cas importés en métropole. La quasi-totalité des cas est dépistée (services de dermatologie ou de maladies infectieuses et tropicales des CHU) chez des étrangers migrants, issus particulièrement d’Afrique noire ou du Nord ou encore chez des français d’outre-mer. Un à deux nouveaux cas de lèpre sont cependant dépistés chaque année chez des Français ayant séjourné en pays d’endémie ou chez des européens du sud (Portugal).
Outre-mer, des situations disparates Ř L’île de Mayotte est une zone endémique où la prévalence en 2007 a été de 6,2/10 000 habitants. Entre 1999 et 2005, 342 nouveaux cas y ont été détectés. Parmi eux, 56 % étaient importés (détectés principalement chez des migrants comoriens) et 44 % étaient des cas autochtones ; 19 % des cas avaient moins de 15 ans au dépistage. Il a été mis en évidence l’existence d’une proportion élevée de formes multibacillaires (43 %) en faveur d’un niveau de transmission toujours élevé de la maladie. Ř la Réunion, la situation est très mal documentée. Un nouveau cas et 11 patients sous traitement ont été rapportés en 2006. Ř(Q Guadeloupe, entre 1985 et 1998 des améliorations progressives de la situation ont été rapportées, passant de 31 nouveaux cas dépistés en 1985 à 7 en 1998. Cette tendance s’est stabilisée avec 3 à 10 nouveaux cas annuels entre 1999 et 2007. La proportion de formes multibacillaires (52 %) pendant cette période signerait une transmission active. Ř/DVLWXDWLRQHVWPRLQVSU«RFFXSDQWHHQ Martinique où seulement 5 patients étaient en traitement fin 2007 (contre 25 en Guadeloupe). Ř(Q Guyane, les données disponibles situent ce département en deçà du seuil d’élimination, mais on rapporte actuellement une vingtaine de nouveaux cas par an. L’incidence moyenne est de 0,42 cas/10 000 habitants avec 31 % de formes multibacillaires.
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Tableau I. Prévalence et taux de détection de la lèpre dans les territoires français d’outre-mer Territoire Mayotte La Réunion Guadeloupe Martinique Guyane Polynésie française NouvelleCalédonie Total
Population 187 000 763 000 447 000 398 000 190 000 252 000
Nouveaux cas détectés 2007 68 1 5 1 8 3
231 000
2
0,09
8
0,35
2 468 000
88
0,36
180
0,73
OptionBio | Lundi 18 octobre 2010 | n° 443
Taux de détection En traitement au Taux de prévalence (/10 000) (/10 000) 31 décembre 2007 3,64 117 6,20 0,01 2 0,03 0,11 25 0,56 0,03 7 0,17 0,42 8 0,42 0,12 13 0,50
épidémiologie
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atteindre 1012 bacilles. Dans le cas de lèpre paucibacillaire, l’examen microscopique est souvent négatif ou BI 1+, et la quantité totale corporelle est de l’ordre de 106 bacilles.
Traitement de la lèpre
Conclusion La France, particulièrement les territoires d’outre-mer, reste vulnérable à une recrudescence de la maladie. Devenant moins fréquente, les cliniciens capables de la diagnostiquer et de la prendre en charge sont devenus rares ; le diagnostic s’en trouve plus difficile. Un recensement plus régulier et spécifique des patients serait souhaitable ainsi que la sensibilisation des professionnels de santé et des populations identifiées à risque.
Biologie d’aujourd’hui et de demain dans les laboratoires en France Mycobacterium leprae a été une bactérie mal connue jusqu’à l’avènement de la biologie moléculaire, car elle ne “cultive” pas in vitro du fait de sa lenteur de croissance (temps de doublement de 10 à 15 jours) et de ses exigences nutritives. Les prélèvements pour le diagnostic de laboratoire sont des frottis dermiques en milieu endémique ou des biopsies cutanées en pays plus médicalisés. Le diagnostic a été longtemps limité à l’observation en microscopie optique de bacilles acido-alcoolo-résistants (BAAR). Il repose avant tout sur des critères cliniques (lésions cutanées évocatrices) et épidémiologiques. La microbiologie n’intervient que pour confirmer ou caractériser un cas de lèpre. La coloration de Ziehl-Neelsen montre des BAAR disposés typiquement en globi. La quantité de bacilles est évaluée par l’index bactériologique (BI) qui varie de 1+ (1 BAAR/100 champs) à 6+ (1 000 BAAR/ champ). Dans les cas de lèpre multibacillaire (souvent avec lésions multiples), la quantité totale corporelle de bacilles lépreux peut
Le traitement de la lèpre repose sur une polychimiothérapie (dapsone + rifampicine + clofazimine) devant empêcher statistiquement l’émergence de la résistance aux antilépreux. Ř Concernant les tests de sensibilité aux antilépreux, le problème inhérent à M. leprae est de ne pas pouvoir faire de test in vitro du fait de l’absence de culture. La méthode mise au point par Shepard en 1960 est de “cultiver” la bactérie par injection dans la patte de souris en comparant la multiplication chez les souris (20 à 50 par souche étudiée) traitées par les antibiotiques pendant 7 à 12 mois à des groupes de souris témoins non traitées. Cette méthode est peu utilisée dans le monde du fait de sa difficulté et de la logistique requise. Ř L’émergence de souches résistantes à la dapsone est apparue en 1964 et celle de souches résistantes à la rifampicine en 1976. L’ofloxacine a été utilisée dans le traitement de la lèpre à partir de 1985 et des résistances ont été décrites en 1997. Un premier cas de lèpre multirésistante (dapsone, rifampicine, ofloxacine) a été décrit en 1997 et l’émergence des formes de lèpre multirésistantes peut mettre en péril le programme d’éradication de la maladie. Les études génétiques de M. leprae ont permis de détecter les mutations responsables de la résistance acquise aux antibiotiques. La mutation du gène rpoB est associée à la résistance à la rifampicine, celle du gène gyrA à la résistance à l’ofloxacine et celle du gène folP1à la résistance à la dapsone. Plusieurs techniques ont été utilisées pour effectuer l’“antibiogramme moléculaire”, toutes basées sur l’amplification des régions impliquées dans la résistance suivie d’une détection des mutations par différentes méthodes (SSCP, RFLP, hybridation des sondes oligonucléotidiques fixées sur des membranes ou des puces). Ces techniques sont pour l’instant utilisées dans les laboratoires experts mais très peu dans les régions endémiques. Les laboratoires Hain Lifescience (Allemagne) ont développé un test d’hybridation sur bandelette de nitrocellulose appelée GenoType® Leprae DR. Ce test détecte les mutations les plus fréquentes des gènes rpoB, folP, et gyrA pour prédire, respectivement, la résistance à la rifampicine, à la dapsone et à l’ofloxacine. Ceci pourrait permettre à un laboratoire non expert de détecter la résistance de M.leprae directement à partir d’un prélèvement cutané. | CHANTAL BERTHOLOM professeur de microbiologie École nationale de physique-chimie-biologie, Paris (75)
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Sources Communications de G. La Ruche et d’E. Cambau, lors de la 29e Réunion interdisciplinaire de chimiothérapie anti-infectieuse (Ricai), Paris, décembre 2009.
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