Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2011) 97S, S78—S81
TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ D’ORTHOPÉDIE ET DE TRAUMATOLOGIE DE L’OUEST. RÉUNION DE LA ROCHELLE, JUIN 2010. NOTE DE TECHNIQUE
Le lambeau aponévrotique protecteur du nerf fibulaire. À propos d’un cas rare chez l’enfant夽 Fascial flap protecting the fibular nerve: A rare childhood case F. Rabarin a,∗, H.-F. Parent b, P. Alligand-Perrin a a b
Centre de la main, 2, rue Auguste-Gautier, 49100 Angers, France Clinique Saint-Léonard, 18, rue de Bellinière, 49800 Trélaze, France
MOTS CLÉS Compression du nerf fibulaire ; Enfant ; Exostose ; Lambeau aponévrotique
Résumé La compression des nerfs périphériques (NP) entraine des lésions intra-neurales qui, une fois la décompression chirurgicale effectuée, nécessitent un tissu cicatriciel périphérique le moins adhérent possible. Cela permet une régénération optimale du tissu nerveux et la souplesse nécessaire aux mouvements longitudinaux des NP. En cas de risque d’adhérence un tissu d’interposition (graisse, muscle, aponévrose. . .) peut être proposé. Les auteurs décrivent la réalisation d’un lambeau aponévrotique des muscles fibulaires afin de protéger le nerf fibulaire (NF) de la tête de la fibula. Ce lambeau a été réalisé dans un cas de compression du NP par une exostose de la fibula chez l’enfant. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Introduction Les nerfs périphériques (NP) doivent pouvoir adapter leur longueur durant le mouvement des membres [1]. En cas de diminution de cette mobilité, suite à une compression, des lésions intra-neurales peuvent apparaître [2]. Lors d’une décompression chirurgicale, la fibrose cicatricielle péri-nerveuse risque de créer des points d’adhérences et
DOI de l’article original : 10.1016/j.otsr.2011.03.010. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics &Traumatology : Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (F. Rabarin).
donc limiter la souplesse et l’adaptabilité des NP aux mouvements [3]. Afin de diminuer cette fibrose cicatricielle et permettre une régénération nerveuse, la protection par un tissu d’interposition a été proposée [4]. Nous présentons la technique d’un lambeau aponévrotique d’interposition, réalisé lors d’un cas clinique d’une cause rare de compression du nerf fibulaire (NF) par une exostose de la tête fibulaire chez l’enfant.
Cas clinique K. . ., dix ans a consulté pour la survenue de douleurs de la jambe et du pied droit, survenant à l’effort et lors de la pratique du football. L’examen clinique montrait un pied creux bilatéral, plus marqué à droite et une parésie des releveurs.
1877-0517/$ – see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rcot.2011.03.022
Le lambeau aponévrotique protecteur du nerf fibulaire
Figure 1 la Fibula.
Radiographie genou de face, exostose de la tête de
La marche n’était pas perturbée. La palpation du mollet n’était pas douloureuse mais la tête de la fibula était proéminente et sensible. Il existait un signe de tinel positif lors de la percussion de la tête fibulaire. La radiographie de face et de profil du genou droit (Fig. 1) montrait une exostose importante de la tête fibulaire. Le diagnostic de compression du NF était évoqué, confirmé par un électromyogramme qui notait un bloc de conduction.
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Figure 2 Nerf fibulaire avant la décompression, les branches sont laminées.
Suites opératoires Les suites opératoires ont été simples. L’indolence cicatricielle et la récupération neurologique complète ont été obtenues en quatre mois. La radiographie, à un an postopératoire, ne montrait pas de récidive de l’exostose (Fig. 7).
Discussion
Intervention et technique
La compression non traumatique du NF, chez l’enfant, est rare. Les étiologies sont dominées par les tumeurs kystiques, soit extrinsèques (mucoides) qui prennent leur origine dans
Réalisée sous anesthésie générale, un brassard pneumatique à la racine du membre. On réalisait un abord latéral du genou et du tiers supérieur de la jambe, centré par la tête de la fibula. On découvrait le NF, séparé en ses deux branches principales, étiré et laminé par l’exostose (Fig. 2). La neurolyse du NF était faite sous loupes grossissantes (× 4) et le nerf était récliné, tracté très doucement par des lacs chirurgicaux. On incisait le plan périosté et l’ostéotomie était prudemment réalisée à la lame de Pauwels, respectant l’épiphyse proximale et le cartilage de croissance (Fig. 3). Le plan osseux se trouvait alors directement au contact du NF, risquant de créer une interface cicatricielle néfaste au glissement du tissu neurologique. Un lambeau aponévrotique des muscles fibulaires était prélevé selon la dimension de la zone à couvrir (Fig. 4). Il était décollé du plan musculaire aux ciseaux et restait pédiculé dans sa partie distale. Un décroché distal permettait son ascension aisée. Il était alors, passé au travers des corps musculaires et sous le NF et ses branches à l’aide d’un dissecteur (Fig. 5). Le lambeau était enfin suturé au plan périosté de la tête fibulaire, isolant ainsi le tissu osseux du NF (Fig. 6). La fermeture des plans sous-cutané et cutané était réalisée. Un soulagement d’appui durant trois semaines à l’aide de cannes anglaises était prescrit.
Figure 3 Aspect après neurolyse du nerf Fibulaire et ostéotomie de l’exostose.
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F. Rabarin et al.
Figure 4 Lever du lambeau aponévrotique quadrangulaire, pédiculé en distal (incision en pointillé).
Figure 6 Vue de fin d’intervention, le lambeau est fixé au plan périosté.
l’articulation tibiofibulaire proximale [5], soit intrinsèques (kyste intra-neural) [6]. Les causes osseuses sont, soit des ostéochondromes [7], soit, des exostoses de la tête fibulaire [8]. La récupération clinique est habituelle si le diagnostic et la libération du NF sont rapidement réalisés, en revanche il n’est pas fait mention des causes en cas de non récupération. Pour les cas cités, aucune protection du nerf après sa libération n’a été proposée. De notre analyse, la récupération nerveuse est optimisée, si le nerf est protégé de la fibrose cicatricielle et retrouve le glissement nécessaire au nerf, évitant ainsi une « névrite adhésive » [9]. La protection du NF nous a semblé nécessaire afin de favoriser le glissement du NF lors de sa phase de récupération post-
neurolyse en l’isolant de la tranche d’ostéotomie et du tissu osseux et de ne pas créer une zone d’adhérence néfaste au NF lors de la croissance à venir de l’enfant. Différents tissus d’interpositions ont été décrits. Le tissu aponévrotique a été proposé pour la protection des nerfs périphériques. Lascar et Laulan [10] l’ont décrit dans la protection du nerf ulnaire lors de sa transposition antérieure sous-cutanée. Ce tissu permet le glissement. D’autres tissus d’interpositions ont été proposés, un tissu adipeux, comme le lambeau graisseux de Strickland et al. [11] à la paume, afin de protéger le nerf médian dans les récidives de syndrome du canal carpien. Dellon et al. [12,13] propose une protection par tissu d’interposition musculaire. Dans ce cas précis, nous
Figure 5 Passage de la languette aponévrotique au travers des masses musculaires.
Figure 7
Radiographie du genou de face à 1 an.
Le lambeau aponévrotique protecteur du nerf fibulaire avons opté pour le tissu aponévrotique pour sa simplicité et l’innocuité de sa réalisation. Un lambeau graisseux ou musculaire nécessiterait des décollements et un abord plus étendus. Au-delà de ce cas, ce lambeau, de réalisation aisée, peut être proposé en cas de lésion traumatique du NF et notamment en cas de fracture associée de la tête de la fibula.
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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