Le nouvel âge de la primaquine contre le paludisme

Le nouvel âge de la primaquine contre le paludisme

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Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Médecine et maladies infectieuses 38 (2008) 169–179

Revue générale

Le nouvel âge de la primaquine contre le paludisme New use of primaquine for malaria M. Oliver a , F. Simon b , F. de Monbrison c , A.H. Beavogui c , B. Pradines d , C. Ragot a , J.L. Moalic a , C. Rapp e , S. Picot c,∗ a Laboratoire de biochimie, hôpital d’instruction-des-armées Laveran, Marseille, France Service de pathologie infectieuse et tropicale, hôpital d’instruction-des-armées Laveran, Marseille, France c EA 4170 neuroburst, service de parasitologie et mycologie médicale, faculté de médicine, université Claude-Bernard Lyon-1, 8, avenue Rockefeller, 69373 Lyon, France d Laboratoire de chimie parasitaire, institut de médecine tropicale du service de santé des armées, Marseille, France e Service de maladies infectieuses et tropicales, hôpital d’instruction-des-armées Bégin, Saint-Mandé, France b

Rec¸u le 20 juillet 2007 ; accepté le 21 janvier 2008 Disponible sur Internet le 18 avril 2008

Résumé La primaquine est le seul médicament disponible efficace contre les formes hépatiques de Plasmodium vivax (hypnozoïtes). Ce médicament a été utilisé dans diverses situations depuis plus de 50 ans et est maintenant évoqué dans un nombre croissant de recommandations thérapeutiques. Les incertitudes sur sa place dans l’arsenal thérapeutique sont largement dues à l’hémolyse causée chez les sujets déficitaires en glucose-6-phosphatedéshydrogénase. Il est possible de l’utiliser en prophylaxie causale pendant le voyage et après le retour ou en prophylaxie terminale pour les personnes ayant été exposées à un risque élevé d’infection par P. vivax. La cure éradicatrice consiste à administrer la primaquine chez les sujets présentant un paludisme à P. vivax ou à P. ovale, afin d’éviter le risque de rechutes plus ou moins tardives dues aux hypnozoïtes secondaires. En France, la primaquine est soumise à une autorisation temporaire d’utilisation. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Primaquine is the only available drug to treat Plasmodium vivax liver stages (hypnozoites). It has been used for more than five decades and is now included in an increasing number of clinical guidelines. The major concern is induced hemolysis when administered to glucose-6-phosphatedehydrogenase deficient patients. Primaquine could be used for causal prophylaxis during and after exposure or for presumptive antirelapse therapy (PART) in case of high exposure to P. vivax. A radical cure is used to avoid relapse for patients with a confirmed bloodstream infection with P. vivax or P. ovale. In France, primaquine is not approved for prevention and treatment and its use requires a specific temporary authorization. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Plasmodium vivax ; Paludisme ; Primaquine Keywords: Malaria; Plasmodium vivax; Primaquine

1. Introduction Nos aînés aimaient à établir des classifications rigoureuses des maladies et des microbes. Ainsi, en matière de paludisme, il y avait les fièvres tierces ou quartes, les malignes et les



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Picot).

0399-077X/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.medmal.2008.01.011

bénignes, les africaines et les autres. Tout paraissait simple. . . et chloroquine pour tout le monde. Malheureusement, les choses se sont considérablement obscurcies au cours des dernières décennies avec l’avènement des résistances aux médicaments, la démonstration de l’importance des infections mixtes en Asie et la reconnaissance de formes cliniques graves causées par des parasites supposés bénins. Certains médicaments conventionnels, dont la primaquine, n’échappent pas à cette dissociation entre l’avancée considérable des connais-

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sances et l’incertitude concernant leur place dans l’arsenal thérapeutique. Ce produit, connu et utilisé largement depuis au moins 50 ans, retrouve une certaine actualité et est évoqué dans un nombre croissant de recommandations thérapeutiques. De fac¸on stable, 40 publications par an sont relatives à la primaquine depuis plus de 20 ans. Cet intérêt scientifique constant pour la primaquine contraste avec l’impossibilité dans laquelle nous sommes de clairement identifier ses mécanismes d’action, les doses optimales en thérapeutique et en prophylaxie, ainsi que sa place dans la lutte contre le paludisme. Quels sont le présent et l’avenir de la primaquine, dans un monde où le déficit en glucose-6-phosphate-déshydrogénase (G6PD), la promesse de nouvelles amino-8-quinoléines, la diffusion des traitements combinés avec une artémisisine (ACT), la nécessité de traitements brefs plaident pour son oubli ? L’émergence de P. vivax pathogène et résistant, le retard accumulé par la tafénoquine (autre amino-8-quinoléine prometteur) l’intérêt de lutter contre les formes hépatiques et l’augmentation récente du paludisme d’importation à P. vivax (environ 270 cas en 2004) et P. ovale (notamment dans l’armée franc¸aise) sont-ils des arguments convaincants pour cette remise en lumière de la primaquine ? 2. Synthèse de la primaquine La primaquine ou (amino-4-méthyl-1-butylamino)-8 méthoxy-6 quinoléine appartient au groupe des amino-8quinoléines. Il s’agit d’un dérivé de la pamaquine, premier amino-8 quinoléine synthétisée dans les années 1920, en Allemagne, à partir de travaux utilisant le bleu de méthylène pour colorer les parasites [1,2]. Produite au cours de la seconde guerre mondiale, elle a été utilisée pour la première fois par les troupes américaines pendant la guerre de Corée [2,3]. D’autres amino-8-quinoléines ont été synthétisées, comme la bulaquine, prodrogue de la primaquine utilisée en Inde et la tafénoquine. Depuis 1979, cette molécule a démontré son efficacité chez le singe et sa moindre toxicité hémolytique chez le chien. Les essais chez l’homme ont débuté en 1992. De demi-vie plus longue et mieux supportée que la primaquine, elle pourrait être plus efficace, mais son développement est étrangement retardé. Aujourd’hui, les informations sont encore insuffisantes et on retrouve moins de 70 publications en 30 ans à propos de cette molécule dans les bases de données bibliographiques. D’autres amino-8-quinoléines seront probablement testées dans les prochaines années, car cette famille est la seule présentant une activité contre les stades hépatiques pour une prophylaxie secondaire, et contre les stades sexués, permettant une limitation de la transmission. 3. Où et quand agit la primaquine ? Les quatre phases du cycle de Plasmodium chez l’homme sont inégales et se superposent souvent. La première, celle des sporozoïtes injectés avec la salive du moustique, est brève. Aucun médicament n’est actif sur ces parasites, qui sont pourtant une cible vaccinale essentielle. La deuxième est celle des schizontes hépatiques, primaires (1 à 2 semaines) ou dormants

(hypnozoïtes, plusieurs mois à plusieurs années). Ce stade hépatique est asymptomatique. Seules les amino-8-quinoléines sont actives ici. La troisième phase est érythrocytaire : à partir des schizontes hépatiques, des armées de mérozoïtes vont envahir les hématies et induire la maladie. C’est contre ce stade que sont actifs la plupart des médicaments, sauf. . . la primaquine en cas d’infection par P. falciparum. Enfin, vient la phase pour le parasite de changer d’hôte et d’assurer sa diversité en produisant des gamétocytes contre lesquels sont actifs principalement la quinine et la primaquine, mais pas les autres médicaments. En résumé, la primaquine est active sur les formes tissulaires hépatiques primaires, sur les formes tissulaires latentes responsables des reviviscences, sur les formes asexuées (trophozoïtes, schizontes) circulantes de P. vivax et de P. ovale et sur les formes sexuées du parasite. Elle empêche le développement des gamétocytes chez le moustique [2–4]. Elle est inactive sur les formes asexuées circulantes de P. falciparum. 4. Propriétés pharmacologiques (Tableau 1) Les paramètres pharmacocinétiques de la primaquine ne varient pas en fonction du patrimoine génétique [5] ou du sexe du patient [6,7] (Tableau 1). La primaquine est rapidement et totalement absorbée dans le tractus gastro-intestinal (biodisponibilité de 96 %). La prise concomitante de nourriture ou de jus de fruit augmente la biodisponibilité de la molécule [7]. Elle se concentre dans le foie, le cerveau, le cœur, les poumons et les muscles squelettiques. Elle traverse la barrière placentaire. Le volume de distribution moyen est d’environ 280 l et ne varie pas en fonction de la dose absorbée [8,9]. Le pic plasmatique est obtenu entre une et trois heures après la prise que ce soit chez le sujet sain ou le sujet impaludé [5,8–11]. Les concentrations maximales obtenues sont voisines de 60, 100 et 160 ng/ml pour une prise de 15, 30 et 45 mg, respectivement [5,8,9,11–13]. La demi-vie d’élimination de la primaquine est comprise entre quatre et huit heures [5,8–11,13,14]. Le métabolisme de la primaquine est lui aussi mal connu, en partie, en raison de l’instabilité de certains intermédiaires, à l’exception de la carboxyprimaquine. Cette carboxylation interviendrait dans les hématies. D’autres métabolites pourraient être produits, dont les quinone-imines toxiques. L’élimination des métabolites est urinaire. Le rapport primaquine/carboxyprimaquine est de 1/10 et de 1/30 pour le rapport de l’aire sous la courbe (AUC) lors d’une administration ponctuelle [8]. La carboxyprimaquine semble ne pas être efficace sur les formes sanguines du parasite [15]. Lors d’une administration prolongée (Tableau 2), les paramètres pharmacocinétiques de la primaquine ne sont pas modifiés mais font l’objet de variations interindividuelles [5,9]. En revanche, le Tmax de la carboxyprimaquine est diminué et la concentration maximale de ce métabolite est augmentée de fac¸on significative avec un effet cumulatif [5,9,12]. De plus, il semble que la primaquine soit métabolisée en carboxyprimaquine plus rapidement chez le sujet impaludé que chez le sujet sain et que l’effet cumulatif soit plus important chez le sujet impaludé [9,12].

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Tableau 1 Données pharmacocinétiques de la primaquine Table 1 Pharmacokinetics of primaquine Paramètres

Primaquine

Biodisponibilité Tmax (heures)

96 %, pas de premier passage hépatique important [8] 2,6 ± 0,7 [10] 2 ± 1 [8] 2 ± 1 [5] 2,2 ± 0,6 [11] 2,3 [9] 15 mg : 269 ± 120 [8] 15 mg : 292 [9] 30 mg : 281 ± 69 [8] 45 mg : 263 ± 57 [8] ND Hépatique en carboxyprimaquine apparaît demie heure après la prise orale de la primaquine et est maximale à 8 ± 2 h (volontaires sains Thaïs) [5] Volontaires sains caucasiens 15 mg : 5,9 ± 2,1 [8] Volontaires sains Thaïs 15 mg : 4,4 ± 1,4 [5] Volontaires sains caucasiens 30 mg : 7,4 ± 2,5 [8] Volontaires sains caucasiens 45 mg : 6,7 ± 0,5 [8] Volontaires sains caucasiens 45 mg : 6,3 h ± 0,9 [10] Thaïs impaludés 15 mg : 6,4 ± 1,9 h [11] Indiens impaludés 15 mg : 5,6 h [9] Coréens impaludés 15 mg : 3,76 ± 1,8 [14] Thaïs impaludés 45 mg : 6,1 [13] 15 mg : 31,2 ± 7 [8] 30 mg : 27,3 ± 5,3 [8] 45 mg : 27,1 ± 5,5 [8] 1,1 % urines inchangées [10] 0,54 % [9] Caucasiens sains 15 mg : 53 ± 25 [8] Thaïs sains 15 mg : 65 ± 34,7 [5] Thaïs impaludés 15 mg : 57,7 ± 7,7 [11] Indiens impaludés 15 mg : 62 ± 17 [12] Indiens impaludés 15 mg : 50,7 [9] Coréens impaludés 15 mg : 280 ± 180 [14] Caucasiens sains 30 mg : 104 ± 25 [8] Caucasiens sains 45 mg : 176 ± 43 [8] Caucasiens sains 45 mg : 150,2 ± 28 [10] Thaïs impaludés 45 mg association avec méfloquine : 167 [13] Caucasiens sains 15 mg : 0,5 ± 0,1 mg [8] Thaïs sains 15 mg : 0,47 ± 0,23 [5] Indiens impaludés 15 mg : 0,5 ± 0,1 [12] Thaïs impaludés 15 mg : 0,547 ± 0.07 [11] Caucasiens sains 30 mg : 1,2 ± 0.2 [8] Caucasiens sains 45 mg : 1,7 ± 0,4 [8]

Volume de distribution (l)

Liaison aux protéines plasmatiques Métabolisation Demi-vie d’élimination (heure)

Clairance d’élimination (l/heure) Élimination Cmax (ng/ml) Adultes

AUCa (␮g.h/ml) Adultes

ND : non déterminé. a AUC : aire sous la courbe.

5. Comment agit la primaquine ? Tableau 2 Étude des paramètres pharmacocinétiques après 14 jours d’administration prolongée à raison de 15 mg/j chez des sujets Thaïs sains [5,14] Table 2 Study of pharmacokinetic parameters after 14 days of prolonged administration at 15 mg/day in healthy Thai subjects [5,14] Paramètres pharmacocinétiques

Primaquine

Tmax (heure) Cmax (ng/ml) T1/2 élimination (heure) AUCa (␮g h/ml) (15 mg)

2 66 4,3 0,44

a

AUC : aire sous la courbe.

± ± ± ±

1 27 1,5 0,23

Carboxyprimaquine 5 1240 15,7 24,7

± ± ± ±

2 568 12,2 12

Très peu de preuves expérimentales sont disponibles concernant le mécanisme d’action de la primaquine. D’après des travaux datant de plus de 20 ans, des altérations dans l’ultrastructure de la membrane mitochondriale pourraient être le primum ovens [16,17]. Ce sont les stades les plus inertes sur le plan métabolique qui sont les plus sensibles à la primaquine, peut-être en raison de leur impossibilité de régénérescence des membranes mitochondriales [18]. D’autres mécanismes sont évoqués, tels que la production de radicaux libres. Mais il faut noter que seules les formes érythrocytaires de P. falciparum sont facilement accessibles in vitro pour des travaux expérimentaux,

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alors que ce sont les formes contre lesquelles la primaquine n’est pas active, contrairement aux formes érythrocytaires de P. vivax et de P. ovale (mais la culture de ces parasites n’est pas disponible) ou les formes hépatiques, également difficiles à obtenir en laboratoire. Comme d’autres médicaments antipaludiques, la primaquine sera encore longtemps utilisée sans que l’on sache exactement comment elle agit. Des travaux récents ont montré qu’utilisée en association avec la chloroquine, la primaquine agirait comme agent reversant de la résistance de P. falciparum à la chloroquine [15]. En effet, les amino-8-quinoléines comportant une chaîne latérale alkyle (primaquine, tafénoquine) sont capables in vitro de bloquer le récepteur mutant PfCRT et donc de contrecarrer la résistance des parasites à la chloroquine. La concentration en primaquine nécessaire pour restaurer pleinement l’activité de la chloroquine semble être dans l’intervalle des concentrations thérapeutiques observées in vivo [19] pour certains auteurs, mais plus élevées pour d’autres [13]. La carboxyprimaquine ne possède pas de chaîne latérale alkyle et donc ne facilite pas l’action de la chloroquine. L’intérêt de l’association thérapeutique d’une amino-4- et d’une amino-8-quinoléine est évident. Mais, leur complémentarité s’exercerait-elle par une lutte contre les mécanismes de résistance ou par une action contre tous les stades parasitaires ? La question est encore sans réponse. 6. Principale limitation de la primaquine : les patients porteurs d’un déficit en G6PD La G6PD est la seule source de production du NADPH, H+ de l’hématie. Ce NADPH, H+ est le coenzyme de la glutathion réductase. Il permet donc la régénération du glutathion et la neutralisation des peroxydes très toxiques pour le globule rouge. Les hématies des sujets présentant un déficit de l’activité G6PD produisent moins de NADPH, H+ et sont donc plus sensibles à un stress oxydatif et à l’hémolyse lors de circonstances variées, telles que les infections ou l’utilisation de certains médicaments. L’effet délétère de la primaquine se ferait à la fois par la consommation de glutathion et par oxydation directe du NADPH, H+ [18]. Elle serait également à l’origine d’une fragilisation de la membrane des hématies et d’une diminution de leur déformabilité, responsable d’une hémolyse intravasculaire. De plus, certains métabolites de la primaquine (quinone-imine) pourraient aussi être impliqués dans la génération d’un stress oxydatif. Pourtant, le potentiel des antioxydants pour prévenir l’hémolyse induite par la primaquine donne des résultats contradictoires selon les produits utilisés [20]. Le déficit en G6PD est un phénomène très polymorphe, de très nombreux variants de ce déficit existent dans la population. Sur le continent africain où sévissent indépendamment P. vivax et P. ovale, le variant A− est le plus commun et 10 à 15 % des Africains sont porteurs de cette mutation. En Europe du Sud et dans le sous-continent Indien, c’est le variant dit méditerranéen ou B− qui est le plus fréquemment retrouvé. En Asie du Sud-est, 10 % environ de la population présente un déficit en G6PD. Le variant mahidol est l’un des variants les plus représentés dans le Sud-est asiatique où P. vivax sévit de fac¸on

endémique [21–23]. Seules les méthodes de biologie moléculaire permettent de caractériser les variants avec certitude. Des données de répartition des variants selon les populations et les zones géographiques existent mais sont à considérer avec précaution sur un plan individuel. En effet, le risque d’hémolyse chez les sujets déficitaires lors de l’administration de primaquine dépend du variant en cause [4]. Pour les variants de type A− (classe III OMS), la primaquine est responsable d’une anémie modérée, l’hémolyse cessant avec l’apparition dans la circulation de réticulocytes à activité G6PD quasi normale. En revanche, pour les variants de type B− ou med (classe II OMS) dont l’activité G6PD érythrocytaire est inférieure à 10 % de la normale, l’hémolyse est importante et la primaquine ne doit pas être utilisée [2,4]. Chez les sujets présentant le variant mahidol, l’administration de primaquine à raison de 15 mg/j pendant 14 jours provoque une hémolyse qui reste modérée et ne nécessite pas de transfusion sanguine [24]. Les paramètres pharmacocinétiques de la primaquine ne sont pas modifiés et la sévérité de l’hémolyse n’est pas corrélée à la concentration en primaquine [11]. De plus, l’efficacité de la primaquine dépend de la quantité cumulée absorbée et non de la concentration plasmatique ou du schéma posologique utilisé [25]. Ainsi, une dose totale de 420 mg de primaquine-base permet l’éradication des hypnozoïtes de la souche Chesson de P. vivax, qu’elle soit administrée sur sept jours ou sur huit semaines [26,27]. Cette propriété qui permet d’effectuer des cures discontinues, chez le patient avec un déficit modéré en G6PD, est à l’origine du schéma posologique recommandé pour ces personnes par l’Organisation mondiale de la santé. Classiquement, le dépistage des déficits en G6PD est réalisé par le spot test de Beutler, recommandé par le comité international pour la standardisation en hématologie [28]. Récemment, Gurbuz et al. ont décrit une méthode cytochimique simple et fiable pour le dépistage des sujets homozygotes et hétérozygotes, à partir d’un tube de sang veineux prélevé sur EDTA [29]. Il existe d’autres techniques peu onéreuses, dont le test d’élution de méthémoglobine [30]. D’autres équipes ont travaillé sur la mise au point de tests de dépistages utilisables sur le terrain en utilisant un sel de formazan [31–34]. Pour réaliser un diagnostic complet en cas d’hémolyse, il est nécessaire d’associer à la détermination de l’activité enzymatique G6PD, un hémogramme avec compte des réticulocytes et la détermination de l’activité pyruvate kinase érythrocytaire. Cet examen doit donc se faire au mieux à distance de l’accès palustre pour limiter de méconnaître un déficit en G6PD à cause de l’hémolyse d’origine parasitaire. Il n’existe actuellement pas de trousse commercialisée pour la détermination de cette activité enzymatique, cependant, quelques laboratoires de biochimie (dont celui de l’HIA Laveran) disposent de techniques « maison » qui donnent satisfaction. 7. Problème plus rare, les hémoglobines instables et hyperinstables Les hémoglobines instables et hyperinstables présentent des anomalies de structure permettant à l’eau de s’infiltrer à

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l’intérieur de la molécule d’hémoglobine, détruisant sa structure native et entraînant sa précipitation. Quelques 200 mutations, le plus souvent « privées », c’est-à-dire rares et qui ne concernent qu’un petit nombre de malade, ont été décrites. Seule la moitié d’entre elles est responsable d’anomalies cliniques. Quelle que soit la mutation en cause, le tableau biologique montre une anémie (modérée à sévère), une réticulocytose et des stigmates biologiques d’hémolyse (haptoglobine effondrée). Parmi les hémoglobines instables, il faut citer : • l’hémoglobine Köln (également appelée Hb San Francisco ou Hb Ube-1), la plus fréquente, la moins instable et souvent observée de novo ; responsable d’une anémie hémolytique chronique modérée, elle existe dans toutes les populations ; • l’hémoglobine Constant Spring d’expression thalassémique, responsable d’une anémie microcytaire modérée, est présente dans le Sud-est asiatique (Chine, Vietnam, Laos, Cambodge, Inde, Malaisie, Indonésie) et dans quelques familles siciliennes ; • l’hémoglobine Hammersmith, rarissime, mais responsable d’une anémie très sévère au moindre stress oxydatif. L’administration de primaquine à des sujets présentant une hémoglobine instable et hyperinstable serait très certainement responsable d’une hémolyse sévère, en raison de la production de dérivés hydroxylés réactifs au sein de l’hématie. Cependant, la rareté de ces déficits ne justifie pas leur dépistage avant un traitement par primaquine. 8. Les autres effets négatifs de la primaquine 8.1. Méthémoglobinémie La méthémoglobine est formée lorsque le fer ferreux (Fe2+ ) de l’hémoglobine est oxydé en fer ferrique (Fe3+ ). De nombreux médicaments, dont les amino-8-quinoléines, sont à l’origine d’une méthémoglobinémie. À l’état physiologique, le taux de méthémoglobine est de l’ordre de 1 à 2 % de l’hémoglobine totale. La méthémoglobinémie devient symptomatique à partir de 20 % [4]. Après un traitement par primaquine, il est de l’ordre de 5 %, que ce soit après 14 jours ou plusieurs semaines [2,4,35–37]. La méthémoglobine revient à son niveau basal entre sept et 15 jours [4,37] après l’arrêt du traitement. 8.2. Douleurs abdominales La survenue de douleurs abdominales est dose dépendante : 10 % pour une dose de 30 mg, 5 % pour une dose de 15 mg, donc pas plus qu’un placebo à cette dose [2,36]. Il s’agit cependant d’une plainte fréquente des patients et d’un risque de mauvaise compliance. Pour cette raison, la primaquine doit être administrée au cours d’un repas : une tartine beurrée suffit [38] !

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8.3. Toux Cet effet est retrouvé plus fréquemment chez les sujets recevant de la primaquine par rapport aux sujets recevant un placebo [35]. 9. Place de la primaquine dans la prophylaxie En France, en 2008 la primaquine n’est disponible que sous autorisation temporaire d’utilisation (ATU) nominative et il n’est donc pas possible de l’utiliser en prophylaxie. Cependant, de nombreuses études ont été réalisées dans différentes zones d’endémie. L’utilisation en prophylaxie apparaît désormais dans différentes recommandations de pratique clinique, en particulier sous l’égide des Centers of Diseases Control (CDC) américains [39]. Les seules recommandations franc¸aises pour la pratique clinique pour la prise en charge du paludisme d’importation (1999 et 2007) ne concernent que le paludisme causé par P. falciparum. Une réflexion et une concertation des experts sont donc nécessaires pour évaluer les conditions d’utilisation de la primaquine en prévention dans l’avenir. 9.1. Prophylaxie causale La prophylaxie causale dirigée contre toutes les espèces de Plasmodium est la plus cohérente avec nos habitudes. Il s’agit de protéger le patient de l’apparition du premier cycle érythrocytaire par destruction des parasites à leur stade hépatique. Pour prévenir l’infection, il a été démontré que la primaquine doit être administrée dans les 48 à 72 heures après une piqûre infectante [40]. Compte tenu de la brièveté de cette « fenêtre de tir » et de la courte demi-vie de la primaquine, la prophylaxie ne peut s’envisager que sur la base d’une prise quotidienne. Dans ces conditions, une posologie de 30 mg/j pendant un an a été efficace à 90 % contre P. vivax et 94 % contre P. falciparum dans une zone hyperendémique d’Indonésie [37]. Une conférence d’experts des CDC a publié en 2006 ses recommandations [39], en proposant diverses modalités pour l’utilisation de la primaquine en prophylaxie. Il est important de rappeler que la détection d’un éventuel déficit en G6PD est un préalable indispensable pour chaque individu, quel que soit l’usage qui est envisagé de la primaquine et de tout autre amino-8-quinoléine. Évidement, le résultat de ce test est valable pendant toute la vie de l’individu et il n’est pas utile de le répéter. La dose adulte à titre prophylactique est de 30 mg/j, à débuter un jour avant l’arrivée en zone d’endémie, et à poursuivre sept jours après le retour. Pour les enfants, la dose recommandée par les CDC est de 0,5 mg/kg par jour avec un maximum de 30 mg/j. Différents schémas posologiques ont été utilisés et il apparaît que la prise quotidienne de primaquine est une nécessité, en raison de sa courte demi-vie. Il serait utile de trouver de nouvelles formes d’administration de la primaquine permettant une libération prolongée. D’autres études sont encore nécessaires et seront favorisées par le regain d’intérêt pour cette molécule. La détection de rechute tardive, dues à la persistance de formes hépatiques,

15–30 mg par jour (<−> 70 kg) MQ 22–65 [45]

Éthiopie (Omo River)

0,5 mg/kg par jour Placebo > 15 [37]

Indonésie (Irian Jaya)

30 mg/j Placebo 14–60 [35]

Les principales informations ont été extraites des publications. Seules ont été prises en compte les études comparant la primaquine à un traitement de référence, placebo ou autre antipaludique. The main data was extracted from published studies. Only studies comparing primaquine to a reference treatment, placebo, or another antimalarial drug were taken into account.

11 13 23 16 13 15 0 13 51 51 45 45 41 41 25 25 2 6 2 0 9 13 4 1 115 115 34 34 30 30 106 106 falciparum vivax falciparum vivax falciparum vivax falciparum vivax 16 Semaines (1 semaine après) 20 semaines 52 semaines 1 jour avant et 2 jours après Colombie (Uruba) Indonésie PNG

Placebo

30 mg/j

Espèce Zone d’endémie

Traitement de référence Posologie

Durée prophylaxie

18–42

Cette méthode consiste à traiter les personnes ayant été exposées à un fort risque d’infection par P. vivax, voire P. ovale,

[44]

9.2. Prophylaxie terminale (presumptive antirelapse therapy : PART)

Étude Âge

aussi longtemps que possible après l’exposition : l’objectif est de 60 jours, mais doit être largement prolongé en cas d’exposition dans une zone tempérée où la cinétique de libération des parasites à partir des hypnozoïtes est retardée. Cette surveillance de longue durée après le retour ne peut s’appliquer qu’à des patients résidant dans des zones où le système de santé est efficace pour limiter le nombre de « perdus de vue ». Dans tous les cas, l’analyse des isolats (génotype, phénotype) devrait aider à trouver des facteurs particuliers (résistance du parasite, compliance au traitement, pharmacocinétique de la primaquine) pouvant expliquer l’échec de la prophylaxie. De nouvelles recommandations pour le génotypage de P. vivax afin de différentier les échecs thérapeutiques (recrudescence ou rechute) des réinfections (nouvelle piqûre par un moustique vecteur) sont difficiles à mettre en place en raison de l’existence d’hypnozoïtes de génotypes différents chez un même patient, en l’absence de réinfection (S. Picot, N. White, M. Imwong. MMV-WHO meeting, Amsterdam 2007, communication personnelle). Dans l’attente de nouvelles études, l’utilisation de la PCR–RFLP à la recherche du polymorphisme des gènes Pvcsp, Pvmsp1 et Pmsp3 (␣ et ␤) est une bonne solution. Nous présentons dans le Tableau 3 une synthèse des rares publications disponibles pour évaluer l’efficacité de la prophylaxie par primaquine contre un comparateur qui a été un placebo dans trois cas sur quatre et la méfloquine une fois. Nous avons considéré (Fig. 1) que la primaquine à un effet protecteur supérieur (Favours B) au comparateur pour un odds ratio (OR) supérieur à un (95 % CI) (Practical metaanalysis, version 2, Biostat, Englewood, USA). Le poids relatif de chaque étude est représenté par la taille du bloc correspondant. Les études les plus significatives sont celles pour lesquelles la valeur basse de l’intervalle de confiance est supérieure à un. La prévention des infections causées par P. falciparum est analysée dans la Fig. 1-A, celles causées par P. vivax dans la Fig. 1-B. L’OR est similaire dans les deux cas (2,6 et 2,7 pour P. falciparum et P. vivax, respectivement). Les schémas prophylactiques et les durées de traitement ont été différents selon les études, limitant la portée de cette méta-analyse qui montre que la primaquine est plus efficace qu’un placebo pour prévenir une infection par P. falciparum, mais moins que la méfloquine (Fig. 1-A). En revanche, concernant la prévention de l’infection par P. vivax, la primaquine se montre nettement supérieure, y compris vis-à-vis de la méfloquine (Fig. 1–B). Cette analyse de la littérature, certes non exhaustive, est en faveur de l’efficacité de la primaquine contre P. vivax et pas contre P. falciparum. Ces données sont différentes de celles obtenues lors des études utilisant la primaquine pour la prévention des rechutes tardives.

Primaquine Traitement de référence Inclus Échec Inclus Échec

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Tableau 3 Études publiées concernant l’efficacité de la prophylaxie continue par primaquine vis-à-vis de P. falciparum et P. vivax Table 3 Published studies on the efficiency of continuous primaquine prophylaxis for P. falciparum and P. vivax

174

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Fig. 1. Méta-analyse des données extraites du Tableau 3, comparant l’effet de la primaquine par rapport à un traitement préventif de référence (méfloquine) ou un placebo, en terme de nombre de patients ayant présentés un accès palustre au cours ou au décours de la prévention. Fig. 1 Meta-analysis of data extracted from Table 3, comparing the efficiency of primaquine to a reference preventive treatment (mefloquine) or placebo, according to the number of patients having presented with malaria during or after the preventive treatment.

afin d’éliminer d’éventuels schizontes hépatiques primaires ou secondaires issus des hypnozoïtes. La dose proposée est de 30 mg/j (0,5 mg/kg par jour pour les enfants) pendant 15 jours. En raison de l’apparition d’une tolérance des parasites à la primaquine dans certaines zones, en particulier la Papouasie Nouvelle Guinée et l’Océanie, les doses proposées sont le double de ce qui était classiquement admis auparavant. Cette prophylaxie terminale doit être proposée en même temps que la prise de la prophylaxie « normale » destinée à lutter contre les formes érythrocytaires de P. falciparum, c’est-à-dire principalement la méfloquine ou l’association atovaquone–proguanil, moins souvent la doxycycline. Ce traitement post-exposition semble présenter beaucoup d’avantages : il se superpose à la dernière phase d’une prophylaxie « classique » et pourrait favoriser la compliance, en rappelant au voyageur l’existence d’un risque, l’utilisation d’une seconde molécule antipaludique pourrait favoriser une synergie et limiter les risques de résistance à l’une et à l’autre de ces molécules et il préviendrait les rechutes tardives, dont le diagnostic est souvent difficile, en raison de l’ancienneté du

voyage à risque. À l’inverse, la définition claire d’une exposition importante à P. vivax et P. ovale est difficile en dehors des deux situations épidémiologiques les mieux documentées que sont les séjours en Papouasie Nouvelle Guinée et le « rafting » sur la rivière Omo en Éthiopie. Force est de reconnaître que ce ne sont pas les situations les plus fréquentes. 10. Place de la primaquine dans le traitement Aujourd’hui, nombreux sont les patients et les médecins qui ignorent encore qu’il est possible d’interrompre les rechutes de paludisme à P. vivax et P. ovale grâce à un traitement par primaquine. Il n’est cependant indiqué que chez les patients présentant une infection confirmée à P. vivax ou P. ovale et en combinaison avec un schizonticide sanguin à doses curatives. L’administration des deux médicaments doit être concomitante et non plus différée comme évoqué antérieurement [3]. Les effets supposés sur la réponse immunitaire n’ont pas été clairement documentés.

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Tableau 4 Comparaison des principales études publiées concernant l’efficacité de la primaquine vis-à-vis de P. vivax en prophylaxie terminale (*) ou en cure radicale (**) Table 4 Comparison of the main published studies on the efficiency of primaquine for P. vivax as a terminal prophylaxis (*) or as a radical cure (**) Étude

Prise du traitement

Âge (ans)

Zone d’endémie

Posologie

26 3 14 7 7 3 32 26 12 128 32 1

14

210 mg

50

7

0,6 mg/kg

14

420 mg maximum

142

0

0,25 mg/kg par jour

14

245 (70 kg)

143

0

Thaïlande

1,7–50

Ouest Thaïlande

> 14

Nord de la Colombie

15 mg/j

>3

Pakistan, frontière Afghanistan Nord Vietnam

[57]**

Supervisée

> 14

[58]**

Supervisée

6–85

Les principales informations ont été extraites des publications. The main data was extracted from published studies.

0,25 mg/kg

14

14

Durée du suivi

/

48

38

6 mois 63 jours 6 mois

250 100

129 49

>5 mois 28 jours 6 mois

157

82

28 jours 28 jours

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22,5 mg/j en deux prises 15 mg/j

14 3 7 14 5 14 7

60 18 45 38 41 43 71 71 68 250 100 28

15–60

Brésil, sud-ouest de l’Amazonie Frontière Thaïlande, Myanmar Azerbaidjan

180 jours 14 mois

210 mg 420 mg 210 mg 210 mg 315 mg 245 (adulte 70 kg) 45 mg 105 mg 210 mg 87,5 mg (70 kg) 245 mg (70 kg) 157,7 mg

Somalie

14–77

13

3 1

18–39

Supervisée

[55]*

142

131 39

Bombay Guyane Afrique, Asie du sud-est Inde

[41]**

[54]**

6 mois 1 an 3 mois

210 mg

16–68 18–45

15 mg/j 0,75 mg/kg à j1 0,50 mg/kg à j2, j3, j4 0,25 mg/kg à j5 0,25 mg/kg par jour 15 mg/j 15 mg/j en deux prises 15 mg/j 30 mg/j 15 mg/j 15 mg/j 22,5 mg/j 0,25 mg/kg

[56]**

[53]**

7 7 62

14 14

Orissa, est de l’Inde Brésil, sud-ouest de l’Amazonie

[52]**

60 60 723

2

/

[51]*

Échec

30

Supervisée Supervisée

Non supervisée Non supervisée Non supervisée Supervisée Supervisée Supervisée Supervisée Supervisée Supervisée Supervisée Supervisée Supervisée

Inclus

245 mg (70 kg)

[47]**

[51]**

Échec

14

15 mg/j

Supervisée Non supervisée

Inclus

0 16 49 8

Bombay

[49]** [50]**

Absence de primaquine

63 62 759 31

16–63

Supervisée

Primaquine

210 mg 75 mg 75 mg 175 mg (70 kg)

Supervisée

> 12

Dose totale administrée

14 5 5 5

[46]**

[48]**

Durée traitement (jours)

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Utilisée dans le cadre de la cure éradicatrice pour P. vivax ou P. ovale, la posologie recommandée par l’OMS est de 0,25 mg/kg par jour pendant 14 jours, de 0,5 mg/kg par jour pendant 14 jours en Asie du sud-est et en Océanie et de 0,75 mg/kg une fois par semaine pendant huit semaines pour les patients présentant un déficit modérée en G6PD [38]. Il est aujourd’hui préférable, comme pour la prophylaxie terminale, de proposer systématiquement une dose de 30 mg/j et de 0,5 mg/kg par jour pour les personnes de poids supérieur à 70 kg [41]. Une revue récente et complète apporte toutes les informations justifiant cette posologie [3,42]. Les principales études concernant le traitement par primaquine sont résumées dans le Tableau 4. 11. En France et en pratique La primaquine ne possède pas d’autorisation de mise sur le marché. Elle peut être utilisée à la suite d’une première rechute de paludisme à P. vivax ou P. ovale à la posologie de 0,25 mg/kg par jour pendant 14 jours, soit 15 mg/j pendant 14 jours dans le cadre uniquement de la cure éradicatrice. Même si le risque de rechutes peut diminuer avec le temps pour P. vivax et P. ovale, il n’y a pas d’argument formel pour retarder le recours individuel à cette cure éradicatrice au-delà de la première rechute, d’autant que l’on expose alors le patient à la morbidité des accès de reviviscence et au risque de complications spléniques. L’ATU est une procédure administrative préalable au traitement. Les demandes sont effectuées à l’aide du formulaire Cerfa No 10058601. Le médecin doit préciser sur cet imprimé, les initiales du nom et du prénom du patient, son sexe, son poids, son âge, le nom du médicament, la posologie, la durée de traitement ainsi que l’indication exacte et la justification de la demande. Dans le cas où la posologie n’est pas usuelle, il faut justifier la demande. L’absence de déficit en G6PD doit être explicitement mentionnée sur l’imprimé. Ce formulaire, complété par le pharmacien hospitalier, est adressé à l’Afssaps bureau des ATU. Dans le cas de la primaquine, il n’existe actuellement pas d’autres molécules capables d’éradiquer les hypnozoïtes hépatiques. L’indication n’est donc jamais remise en cause, contrairement à la posologie, car, malgré les recommandations de l’OMS et du CDC, l’Afssaps est réticente pour délivrer des ATU à une posologie supérieure à 15 mg/j. Ces conditions d’utilisation devraient être remises à jour en fonction des récentes données de la littérature. Les délais de réponse de l’Afssaps sont variables en fonction de l’urgence thérapeutique et du niveau de connaissance de l’Afssaps sur le médicament. Pour la primaquine, l’Afssaps donne, en général, une réponse positive en 24 heures pour la posologie usuelle. Avant toute administration, le patient doit être informé par le prescripteur des caractéristiques du médicament, en particulier sur la portée exacte de l’autorisation exceptionnelle dont il fait l’objet. La primaquine n’est pas distribuée en France, l’approvisionnement doit se faire auprès d’un fournisseur britannique. Les boîtes contiennent 100 comprimés à 7,5 mg. Le coût d’un traitement est d’environ 1 D par comprimé [43]. Il n’y a pas d’attitude standardisée en matière d’indication et de modalités de surveillance de la méthémoglobinémie ni sur la conduite à tenir en cas d’élévation asymptomatique (seuil ?). Tout effet indési-

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rable doit être signalé à l’Afssaps dans les meilleurs délais. Une fois la cure achevée, il est recommandé d’expliquer au patient le risque d’échec (inférieur à 5 %) qui justifierait une seconde cure à 30 mg/j, voire à 0,5 mg/kg par jour pendant deux semaines et de lui remettre, de principe, une ordonnance pour recherche de paludisme par frottis sanguin à utiliser en cas de suspicion d’une nouvelle récidive du paludisme. 12. Conclusion : la place de la primaquine parmi les antipaludiques doit être revisitée Continuer à négliger la place de la primaquine, en partie à cause d’une éventuelle hémolyse dont la plupart est sans conséquence, alors que l’évolution du paludisme causée par P. vivax montre une accentuation de ce problème, serait une erreur. Ce médicament, utilisé lorsque l’existence d’un déficit en G6PD est écartée pour un patient partant dans une zone d’endémie où il risquera de contracter une infection par P. vivax, peut rendre des services importants. Au cours des infections à P. vivax ou à P. ovale, la cure systématique des hypnozoïtes après un traitement par chloroquine devrait être systématiquement discutée du fait de sa grande efficacité. Les rechutes de paludisme sont toujours des expériences très éprouvantes pour les malades, leur prévention est certainement une option à analyser plus systématiquement. Le risque de contracter P. vivax n’est jamais exclusif du risque de P. falciparum et il serait intéressant que des études soient menées, concernant l’efficacité d’une chimioprophylaxie associant méfloquine et primaquine ou atovaquone–proguanil et primaquine. Références [1] Giroud JP, Mathé G, Meyniel G, editors. Pharmacologie clinique : bases de la thérapeutique. 2e édn. Paris: Expansion Scientifique Franc¸aise; 1989, p1648. [2] Baird JK, Rieckmann KH. Can primaquine therapy for vivax malaria be improved ? Trends Parasitol 2003;19(3):115–20. [3] Baird JK, Hoffman SL. Primaquine therapy for malaria. Clin Infect Dis 2004;39(1):1336–45. [4] Baird JK, Fryauff DJ, Hoffman SL. Primaquine for prevention of malaria in travellers. Clin Infec Dis 2003;37(12):1659–67. [5] Ward SA, Mihaly GW, Edwards G, Looareesuwan S, Phillips RE, Chanthavanich P, et al. Pharmacokinetics of primaquine in man. II. Comparison of acute vs chronic dosage in Thai subjects. Br J Clin Pharmacol 1985;19:751–5. [6] Elmes NJ, Bennet SM, Abdalla H, Carthew TL, Edstein MD. Lack of sex effect on the pharmacokinetics of primaquine. Am J Trop Med Hyg 2006;74(6):951–2. [7] Cuong BT, Binh VQ, Dai B, Duy DN, Lovell CM, Rieckmann KH, et al. Does gender, food or grapefruit juice alter the pharmacokinetics of primaquine in healthy subjects ? Br J Clin Pharmacol 2006;61(6):682–9. [8] Mihaly GW, Ward SA, Edwards G, Nicholi DD, L’Eorme M, Breckenridge AM. Pharmacokinetics of primaquine in man. I. Studies of the absolute bioavailability and effects of dose size. Br J Clin Pharmacol 1985;19:745–50. [9] Bhatia SC, Saraph YS, Revankar SN, Doshi KJ, Bharucha ED, Desai ND, et al. Pharmacokinetics of primaquine in patients with P. vivax malaria. Eur J Clin Pharmacol 1986;31(2):205–10. [10] Ward SA, Edwards G, L’Eorme M, Breckenridge AM. Determination of primaquine in biological fluids by reversed-phase high-performance liquid chromatography. J Chromatogr 1984;305:239–43.

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