Le pneumomédiastin : un aspect du barotraumatisme pulmonaire au cours de la ventilation mécanique du syndrome de détresse respiratoire aiguë

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ARTICLE IN PRESS

PNEUMO-430; No. of Pages 4

Revue de Pneumologie clinique (2014) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

Le pneumomédiastin : un aspect du barotraumatisme pulmonaire au cours de la ventilation mécanique du syndrome de détresse respiratoire aiguë Pneumomediastinum: An aspect of pulmonary barotrauma during mechanical ventilation of acute respiratory distress syndrome Y. Aissaoui a,∗, I. En-Nafaa b, K. Chkoura c, M. Boughalem a, N. Drissi Kamili c a

Pôle anesthésie réanimation, hôpital militaire Avicenne, université Cadi Ayyad, faculté de médecine et de pharmacie, 40010 Marrakech, Maroc b Service d’imagerie médicale, hôpital militaire d’instruction Mohammed V, université Mohammed V-Souissi, faculté de médecine et de pharmacie, 10045 Rabat, Maroc c Pôle anesthésie réanimation, hôpital militaire d’instruction Mohammed V, université Mohammed V-Souissi, faculté de médecine et de pharmacie, 10045 Rabat, Maroc

MOTS CLÉS Syndrome de détresse respiratoire aiguë ; Ventilation mécanique ; Barotraumatisme pulmonaire ; Pneumomédiastin ; Imagerie thoracique ; Tomodensitométrie



Résumé La ventilation mécanique est un traitement fondamental du syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA). Malgré le respect des recommandations de ventilation mécanique protectrice, elle peut engendrer des complications graves dont le barotraumatisme pulmonaire. Ce dernier se manifeste souvent par un pneumothorax. Cette observation relate un aspect inhabituel du barotraumatisme qui est le pneumomédiastin. Les auteurs pointent aussi le rôle de l’imagerie thoracique dans la prise en charge ventilatoire du SDRA. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (Y. Aissaoui).

0761-8417/$ — see front matter © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2013.09.010

Pour citer cet article : Aissaoui Y, et al. Le pneumomédiastin : un aspect du barotraumatisme pulmonaire au cours de la ventilation mécanique du syndrome de détresse respiratoire aiguë. Rev Pneumol Clin (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2013.09.010

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Y. Aissaoui et al.

KEYWORDS Acute respiratory distress syndrome; Mechanical ventilation; Pulmonary barotrauma; Pneumomediastinum; Chest imaging; Computed tomography

Summary Mechanical ventilation is a fundamental treatment of acute respiratory distress syndrome (ARDS). Despite compliance with the recommendations of protective mechanical ventilation, it can results in serious complications including the pulmonary barotrauma. This is often manifested by a pneumothorax. This observation describes an unusual aspect of barotrauma which is pneumomediastinum. The authors also point out the role of chest imaging in the management of mechanical ventilation during ARDS. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction La ventilation mécanique (VM) est un volet thérapeutique essentiel dans la prise en charge du syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA). Cependant, elle peut être responsable d’effets secondaires graves, dont le barotraumatisme pulmonaire. Cette observation rapporte un aspect inhabituel de barotraumatisme.

Observation Un homme âgé de 58 ans, ayant des antécédents de séjours multiples en Afrique sub-saharienne, a été admis en réanimation pour prise en charge d’un paludisme grave à plasmodium falciparum. Il présentait des troubles de la conscience, une insuffisance rénale aiguë (créatinine sanguine = 340 ␮mol/l) et un ictère prononcé (bilirubine totale = 102 ␮mol/l). Le patient a été traité par une association de quinine—doxycycline administrées en intraveineuse. Le patient présentait également une pneumopathie infectieuse du à Klebsiella pneumoniae qui a été isolée sur le lavage bronchoalvéolaire (105 UFC/ml). La pneumopathie a été traitée par ceftriaxone, la sensibilité de Klebsiella ayant été confirmée par l’antibiogramme. L’évolution était marquée par l’apparition au troisième jour d’admission d’un SDRA. En effet, la radiographie thoracique montrait un infiltrat alvéolaire bilatéral et diffus, les gaz du sang artériel révélaient un rapport PaO2 /FiO2 égal à 12 Kpa et l’échocardiographie était normale. Après intubation trachéale, le patient a été mis sous VM en mode volume contrôlé. Afin de limiter les risques de barotraumatisme et de volotraumatisme une ventilation protectrice était réalisée. Le volume courant était réglé à 6 ml/Kg et la pression expiratoire positive (PEP) entre 8 et 12 cmH2 O avec comme objectif une pression de plateau < 30 cmH2 O. Des séances quotidiennes de décubitus ventral de 10 heures étaient également réalisées. Au huitième jour de VM, persistait l’hypoxémie (rapport PaO2 /FiO2 = 16 Kpa) avec apparition d’un emphysème sous-cutané thoracique gauche étendu et d’un bombement de l’hémithorax gauche. L’auscultation pulmonaire montrait des ronchus et des crépitants diffus sans asymétrie entre les deux champs pulmonaires. Les pressions d’insufflation étaient élevées avec une pression de crête de 50 cmH2 O et une pression de plateau de 35 cmH2 O. Devant la suspicion d’un pneumothorax gauche, une radiographie thoracique

faite au lit du malade, évoquait la présence d’un pneumomédiastin (Fig. 1). Ce dernier a été suspecté devant la présence d’air dessinant le contour de la silhouette cardiaque. On remarquait également la cardiomégalie secondaire au cœur pulmonaire aigu, l’échocardiographie montrant une dilatation du ventricule droit. Toutefois, la qualité insuffisante des radiographies faites en réanimation ne permet pas d’éliminer formellement l’éventualité d’un pneumothorax. Après s’être assuré que le transport du patient au scanner ne compromettait pas son oxygénation, une tomodensitométrie (TDM) thoracique sans injection de contraste a été réalisée (Fig. 2). Elle a confirmé la présence d’un pneumomédiastin associé à un important emphysème sous-cutané disséquant les muscles de la paroi thoracique gauche. Par ailleurs, elle a montré des images de condensations alvéolaires diffuses associées à des opacités en

Figure 1. Radiographie thoracique faite chez un patient atteint de syndrome de détresse respiratoire aiguë faisant suspecter la présence de pneumomédiastin. La cardiomégalie est due au cœur pulmonaire aigu. On note également la présence d’emphysème sous-cutané thoracique gauche.

Pour citer cet article : Aissaoui Y, et al. Le pneumomédiastin : un aspect du barotraumatisme pulmonaire au cours de la ventilation mécanique du syndrome de détresse respiratoire aiguë. Rev Pneumol Clin (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2013.09.010

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Figure 2. Tomodensitométrie thoracique sans injection de contraste (fenêtres parenchymateuses). Coupes axiales montrant la présence d’un pneumomédiastin associé à un important emphysème sous-cutané thoracique gauche. Il existe des images de condensations alvéolaires diffuses associées à des opacités en verre dépoli. On peut noter des lésions dystrophiques kystiques et bulleuses bilatérales.

verre dépoli. La TDM a aussi révélé la présence de lésions dystrophiques kystiques et bulleuses bilatérales non suspectées sur la radiographie thoracique. L’évolution ultérieure était marquée par une résorption de l’emphysème souscutané en trois jours environ. Les radiographies thoraciques ultérieures montraient une réduction puis une disparition du pneumomédiastin. Cependant, avec la dégradation profonde de l’hypoxémie, le patient est décédée au 19e jour d’admission dans un tableau d’hypoxémie réfractaire et de défaillance multivicérale.

Discussion Le pneumomédiastin fait partie des lésions de barotraumatisme, qui sont des complications de la VM au cours du SDRA. Il s’agit d’un aspect inhabituel du barotraumatisme, le pneumothorax étant son expression clinique et radiologique la plus courante [1]. Sur le plan physiopathologique, la réduction du volume pulmonaire aéré au cours du SDRA (baby lung ou poumon de bébé) est responsable d’une importante baisse de la compliance pulmonaire avec augmentation des pressions d’insufflation pulmonaire au cours de la VM. Cette surpression peut engendrer une rupture alvéolaire avec irruption d’air extra-alvéolaire définissant le barotraumatisme [1]. Le barotraumatisme ne représente que l’un des aspects de l’agression occasionnée par la VM au cours du SDRA,

également appelée VILI ou ventilator-induced lung injury [2]. En effet, la VM entraîne aussi d’autres lésions pulmonaires plus subtiles : volotraumatisme, atélectraumatisme et biotraumatisme. Les lésions de volotraumatisme, qui sont des lésions apparentés au SDRA, sont dues à la surdistension alvéolaire par un volume courant excessif. L’atélectraumatisme s’explique par un phénomène de fermeture (atélectasie) et d’ouverture cyclique de certains territoires alvéolaires (déclives notamment) engendrant un cisaillement alvéolaire. Le biotraumatisme est la réaction inflammatoire pulmonaire déclenchée par la VM par production locale de médiateurs de l’inflammation [2]. Ces concepts sont à l’origine des recommandations actuelles pour la VM du SDRA [3,4]. Ces dernières préconisent une réduction des volumes (volume courant = 6 ml/Kg de poids théorique) et des pressions (pression de plateau < 30 cmH2 O) pour prévenir les effets secondaires de la VM [3,4]. Dans cette observation, le respect des recommandations ventilatoires, n’a pas prévenu le barotraumatisme. Selon les données de l’ARDS network, une PEP élevée est un facteur de risque indépendant de barotraumatisme [5]. Cependant, la récente méta-analyse de la Cochrane data base contredit ces données. Lorsqu’une stratégie ventilatoire protectrice est utilisée, de hauts niveaux de PEP ne sont pas statistiquement associés au développement du barotraumatisme [6]. Les cas cliniques relatant la survenue de pneumomédiastins au cours de la VM sont rares. Lai et al. ont décrit un barotraumatisme extensif chez un

Pour citer cet article : Aissaoui Y, et al. Le pneumomédiastin : un aspect du barotraumatisme pulmonaire au cours de la ventilation mécanique du syndrome de détresse respiratoire aiguë. Rev Pneumol Clin (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2013.09.010

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Y. Aissaoui et al.

patient en SDRA associant pneumothorax, pneumomédiastin et emphysème sous-cutané malgré une stratégie ventilatoire adéquate [7]. Leray et al. ont relaté la survenue d’un pneumomédiastin isolé lors d’un SDRA ventilé en mode aide inspiratoire en pression. L’analyse de ce cas a montré que le volume courant rec ¸u était très élevé de l’ordre de 14 ml/Kg, ce qui suggère que même en mode aide inspiratoire, les règles de VM protectrice doivent être respectées [8]. L’intérêt de cette observation n’est pas seulement de rapporter une complication barotraumatique rare, mais aussi de rappeler l’intérêt de l’imagerie thoracique—radiographie thoracique et TDM dans la gestion du SDRA. En effet, en cas de SDRA il est impératif de guetter la survenue de barotraumatisme (pneumothorax ou de pneumomédiastin), devant toute aggravation respiratoire ou hémodynamique inexpliquée sous VM. Le recours à la TDM doit être large même en cas de normalité de la radiographie thoracique. Les limites de cette dernière dans le diagnostic du barotraumatisme sont connues. Par ailleurs, la TDM permet d’identifier d’autres complications non détectées par la radiographie thoracique telles que celles décrites dans cette observation : fibrose pulmonaire, kystes et bulles. En dehors de son rôle diagnostique, la TDM apporte une aide pour le réglage des paramètres du ventilateur en étudiant le potentiel de recrutabilité du poumon à différents niveaux de PEP [9]. Enfin, la TDM est aussi un moyen pronostique dans le SDRA en décelant la présence de la fibrose pulmonaire [10]. L’intérêt de la TDM doit être mis en balance avec ses inconvénients, essentiellement les risques liés au transport de patients très graves en unités d’imagerie et le niveau élevé d’irradiation (une TDM = 100 radiographies thoraciques) [10].

Conclusion L’apparition d’un emphysème sous-cutané ou d’une instabilité respiratoire et/ou hémodynamique au cours de la VM du SDRA doit faire suspecter la survenue d’un barotraumatisme. Cette complication peut survenir même en cas de respect de règles de VM protectrices. La réalisation d’une radiographie thoracique voire TDM permet de faire un bilan lésionnel pulmonaire précis.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Weg JG, Anzueto A, Balk RA, Wiedemann HP, Pattishall EN, Schork MA, et al. The relation of pneumothorax and other air leaks to mortality in the acute respiratory distress syndrome. N Engl J Med 1998;338:341—6. [2] Biehl M, Kashiouris MG, Gajic O. Ventilator-induced lung injury: minimizing its impact in patients with or at risk for ARDS. Respir Care 2013;5:927—37. [3] Richard JC, Girault C, Leteurtre S, Leclerc F, le groupe d’Experts de la SRLF. Prise en charge ventilatoire du syndrome de détresse respiratoire aiguë de l’adulte et de l’enfant (nouveau-né exclu). Recommandations d’Experts de la Société de Réanimation de Langue Franc ¸aise. Réanimation 2005;14:313—22. [4] The Acute Respiratory Distress Syndrome Network. Ventilation with lower tidal volumes as compared with traditional tidal volumes for acute lung injury and the acute respiratory distress, syndrome. N Engl J Med 2000;342:1301—8. [5] Eisner MD, Thompson BT, Schoenfeld D, Anzueto A, Matthay MA, Acute Respiratory Distress Syndrome Network. Airway pressures and early barotrauma in patients with acute lung injury and acute respiratory distress syndrome. Am J Respir Crit Care Med 2002;165:978—82. [6] Santa Cruz R, Rojas JI, Nervi R, Heredia R, Ciapponi A. High versus low positive end-expiratory pressure (PEEP) levels for mechanically ventilated adult patients with acute lung injury and acute respiratory distress syndrome. Cochrane Database Syst Rev 2013;6 [CD009098]. [7] Lai JI, Lin PC, Wang WS, Chang SC, Lai YC. Barotrauma related extensive pneumothorax, pneumomediastinum, and subcutaneousemphysema in a patient with acute respiratory distress syndrome with low tidal volume. Postgrad Med J 2010;86:567—8. [8] Leray V, Bourdin G, Flandreau G, Bayle F, Wallet F, Richard JC, et al. A case of pneumomediastinum in a patient with acute respiratory distress syndrome on pressure support ventilation. Respir Care 2010;55:770—3. [9] Gattinoni L, Caironi P, Cressoni M, Chiumello D, Ranieri VM, Quintel M, et al. Lung recruitment in patients with the acute respiratory distress syndrome. N Engl J Med 2006;354:1775—86. [10] Sheard S, Rao P, Devaraj A. Imaging of acute respiratory distress syndrome. Respir Care 2012;57:607—12.

Pour citer cet article : Aissaoui Y, et al. Le pneumomédiastin : un aspect du barotraumatisme pulmonaire au cours de la ventilation mécanique du syndrome de détresse respiratoire aiguë. Rev Pneumol Clin (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2013.09.010