Le programme français de lutte contre la rage

Le programme français de lutte contre la rage

Ann. Inst. Pasleur/Virol. 1985, 136 E, 483-490 9 ELSEVIER Paris 1985 LE DE PROGRAMME LUTTE FRAN~AIS CONTRE LA RAGE par B. T o m a et R. Ligni~...

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Ann. Inst. Pasleur/Virol. 1985, 136 E, 483-490

9 ELSEVIER Paris 1985

LE DE

PROGRAMME LUTTE

FRAN~AIS

CONTRE

LA

RAGE

par B. T o m a et R. Ligni~res

t~cole Nalionale V~t~rinaire d'Al/orl, 94704 Maisons-Al[ort (France) el Direction de la QualitY, 175, rue du Chevaleret, 76018 Paris

SUMMARY THE FRENCH RABIES CONTROL PROGRAM The authors present the main aspects of the French program for control of rabies on 3 fronts: wild animals, domestic animals and man; results obtained over the last few years are discussed. KEY-WORDS: Rabies; Control, French program; Note.

Depuis 1968, la France est aux prises avec l'enzootie europ~enne de rage vulpine. Cette forme ~pidemiologique, nouvelle pour notre pays qui ne connaissait au cours des d&ennies pr5cSdentes que la rage des rues, a n&essit~ une adaptation du plan de lutte et de la rSglementation sanitaire. Celle-ci doit tenir le plus grand compte des connaissances ~pid~miologiques. t~PIDI~MIOLOGIE DE LA RAGE VULPINE

EN

FRANCE.

Les statistiques concernant les cas de rage diagnostiqu& sur les diff~rentes esp~ces confirment le r61e de vecteur pr6f6rentiel de la maladie jou6 actuellement par le renard dans les pays d'Europe. En France, du 26 mars 1968 h la fin du mois de f6vrier 1985 la rage a ~t6 diagnostiqu6e pour 23 060 renards et 1 028 animaux d'autres esp&es sauvages, et pour 724 chiens, 1 117 chats, 2 736 bovins, 1 277 ovins-caprins, 258 chevaux et 16 porcs. Le cycle 6pid6miologique de la rage vulpine peut ~tre r6sum6 par la figure 1 : le reservoir du virus rabique en Europe est constitue par l'esp&e vulpine au sein de laquelle le virus circule en permanence. Les animaux domestiques sont accidentellement contamin6s et jouent le r61e de relais domestique pour l'homme. I1 existe done 3 niveaux de circulation du virus: (1) les renards et autres animaux sauvages, (2) les animaux domestiques et (3) l'homme, et les mesures de lutte, sanitaires ou m6dicales, doivent ~tre appliqu&s h chacun de ces 3 niveaux. Aan. Ir~t. Pasfeur/Virol., 136 E, n o &, 1985.

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B. TOMA E T R. L I G N I ~ R E S

CIRCULATION DUVIRUS

Mesures de lutte Contr~le des populations vulpines AUTRES ,ANIMAUX SAUVAGES

Vaccination

Mesures s a n i t a i r e s

__CiAT .

/ BOVINS...

Vaccination

f

Information

HOMME

Vaccination

Fro. 1. - - Cycle ~piddmiologique de la rage vulpine el mesures de lulte.

MESURES

CONCERNANT

LES

ANIMAUX

SA.UVAGES.

Mesures sanilaires.

Diff6rentes techniques ont ~t6 utilis6es en vue de r6duire la densit~ des populations vulpines : attribution de prime par renard d6truit, distribution gratuite de ehloropicrine aux f6d~rations d6partementales de chasseurs, gazage des terriers h l'aide d'acide cyanhydrique, tir de nuit...

Nombre de primes

D6partements

75000

-7

50000

!

50 40 25000

J1 1 ,

30 20 I

i

10

i I J

69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 8 4 FIa. 2. - - l~volution de 1969 ~ 1984 du hombre de primes dislribudes pour rdduire la densitd de population vulpine el du hombre de ddpartements concernds.

L U T T E CONTRE LA RAGE E N F R A N C E

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La figure 2 montre l'evolution du nombre de primes attribuees (50 francs) et du nombre de departements concernes au cours des 15 derni~res annees. Ces mesures ne p e r m e t t e n t qu'une r6duction insuffisante des densites de population vulpine.

Vaccination. L a vaccination antirabique des renards par vote orale fait l'objet d'une etude attentive depuis une dizaine d'annees, au Laboratoire National d'Etudes sur la rage de Nancy, mats l'utilisation de ce procede ne pourra ~tre envisagee en France que lorsque la preuve de l'efficacite et surtout de l'innocuit6 de cette vaccination aura ere mlse en evidence dans les pays europeens voisins qui l'emploient actuellement. MESURES CONCERNKNT LES ANIMAUX DOMESTIQUES.

Mesures sanitaires. Cette lutte vise essentiellement h 61trainer systematiquement et rapidement les animaux atteints ou susceptibles d'gtre atteints, et ~ eviter la contain!nation des animaux sains. Le diagnostic experimental de la rage n'est eonfie qu ~ un petit nombre de laboratoires agrees (5 ~ l'heure actuelle). 1) Animaux domestiques atteints par la rage. En vue de faire disparaltre le virus rabique le plus rapidement possible, les articles 226 et 232 du Code Rural font obligation aux proprietaires de proceder sans delai h l'abattage de leurs animaux domestiques atteints de rage et d'informer le maire de leur commune de l'apparition de cette maladie r6putee contagieuse. 2) Animaux domesliques contamin~s. La reglementation impose le sacrifice de t o u s l e s animaux a y a n t pu gtre contamines par un animal enrage au cours de sa maladie ou pendant les 15 jours precedant les premiers symptbmes. Les animaux de boucherie contamines par la rage peuvent etre livres ~ la consommation ~ condition qu'ils soient abattus darts un delai compris entre 2 et 8 jours apres la contamination. P a r ailleurs, pour inciter les proprietaires ~ faire vacciner leurs animaux domestiques contre la rage, il est prevu une derogation au sacrifice obligatoire des chiens, des herbivores et des porcins vaccinas contre la rage anterieurement ~ lear contamination. I1 est exige que ces animaux reqoivent une injection de vaccin antirabique de rappel avant l'expiration d'un delai de 5 jours suivant leur contamination. Actuellement, une procedure est engagee pour ~tendre le benefice de cette derogation aux chats vaccines contre la rage et identifies par tatouage. 3) Animaux domestiques suspects. Les animaux suspects et ceux qu'ils auraient pu 6ventuellement contaminer doivent ~tre places, par arr~t~ prefectoral, sous la surveillance des Services Veterlnalres. 4) Animaux mordeurs. Tout animal domestique qui a mordu ou griff6 une personne doit ~tre soumis par son proprietaire ou detenteur - - et ~ ses frais - - fi la surveillance d'un veterinaire sanitaire qui proc~de ~ trois examens cliniques de cet animal, le premier dans les 24 h suivant la morsure, le second et le troisi~me 7 et 14 jours apres cette morsure.

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5) Animaux erranls. Pour reduire lea risques de transmission du virus rabique aux animaux domestiques sains, des dispositions ont ete prises pour limiter dana route la mesure du possible l'errance des chiens et des chats sur t o u t le territoire national et plus particuli~rement darts lea d e p a r t e m e n t s declares, par arr~te ministeriel, atteints par l'enzootie de rage vulpine. C'est ainsi que dans toutes lea communes de France lea carnivores domestiques errants doivent ~tre conduits dana lea fourri~res et euthanasies, si leurs proprietaires ne sont pas venus lea reclamer a v a n t l'expiration d'un delai de huit jours lorsque ces animaux sont dana un d e p a r t e m e n t non infecte, et d'un delai de deux jours ouvrables et francs lorsqu'ils sont dana un des d e p a r t e m e n t s ofliciellement declares infectes. I1 faut signaler que dans ce dernier cas les I)ropri~taires doivent en outre, pour obtenir satisfaction, pr(~senter le certiiicat de vaccination antirabique en cours de validit('~ et la cartc d'idcntification par tatouagc de leurs animanx.

Mesures sp~ciales. 1) Cas de rage vulpine dana la [erme. Lorsqu'un cas de rage vulpine eat declare par un exploitant agricole, le maire previent le Directeur des Services Veterinaires du d e p a r t e m e n t , qui fait placer l'exploitation sous arrete d'infection p e n d a n t trois mois et fait proceder ~ une enquete epidemiologique pour determiner quels sont lea animaux sfirement contamines et lea animaux susceptibles d'avoir et6 contamines. Lea mesures prevues par la reglementation en vigueur et prec~demment exposees, sont appliquees ~ ces animaux. 2) Cas de rage erralique des carnivores domestiques. Lorsqu'un cas de rage canine ou f~line eat declare dana une commune situee dana un d e p a r t e m e n t non ofliciellement declare atteint par l'enzootie de rage vulpine, le Commissa!re de la Bepublique prend un arrgte (1), p o r t a n t pendant trois mois declaration d infection dana la commune off se trouve 1 animal reconnu enrage ainsi que dana lea communes environnantes et (2) prescrivant differentes mesures (renforcement de la lutte contre lea animaux errants, limitation des deplacemerits, etc.).

Vaccination. 1) Vaccination anlirabique obligaloire. La vaccination antirabique des a n i m a u x domestiques n'a pas ete rendue system a t i q u e m e n t obligatoire sur tout le territoire national en raison de l'impossibilite de contreler rigoureusement l'application de cette mesure qui concernerait un nombre beaucoup trop i m p o r t a n t d ' a n i m a u x ; h titre d'exemple, 9 ~ 10 millions de chiens et 8 h 9 millions de chats sont recenses actuellement en France. Cependant, des dispositions reglementaires ont ete prises pour rendre cette vaccination obligatoire dana le plus grand hombre de cas possible. a) Dana lea ddparlements officiellement ddclards atleinls par l'enzootie de rage : - - lea chiens circulant librement sous la surveillance directe de leurs maitres doivent ~tre vaccines contre la rage et identifies par t a t o u a g e ; - - lea chiens et les chats errants conduits en fourriere ne peuvent 6tre rendus leur proprietaire que sur presentation d'un certificat de vaccination antirabique en cours de validite et d'une carte d'identification par tatouage de leurs animaux ; - - l e a chiens et lea chats presentes dana un rassemblement de carnivores domestiques (concours, expositions, foires) doivent 6tre vaccines contre la rage et identifies par t a t o u a g e ; - - lea chevaux mis h la disposition du public pour la pratique de l'equitation et

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les chevaux pr6sent6s dans les concours et expositions doivent 6tre vaccin6s contre la rage. b) Dans les autres ddpartements du territoire national : - - les chiens, les chats et les chevaux p r o v e n a n t des d6partements infect6s et des pays 6trangers off la rage s6vit, doivent 6tre vaccin6s contre la rage pour partic~per h u n concours ou une exposition ; seuls les chiens et les chats vaccin6s contre la rage et identifi6s par tatouage peuvent 6tre introduits dans les deux d 6 p a r t e m e n t s de la Corse. -

-

c) Sur routes les [ronti~res du territoire national : les carnivores domestiques proven a n t des pays 6trangers off la rage sevit doivent 6tre vaccin6s contre cette maladie pour 6tre autoris6s ~ p6n6trer en France. 2) Vaccination antirabique /acultative. Elle est fortement encourag6e : - - . p a r l'indemnisation des proprietaires de bovins et de chevaux lorsque ceux-c~ sont vaccin6s mais m o r t s de r a g e ; par la d6rogation au sacrifice des chiens (et tr~s prochainement des chats), des herbivores et des suid6s vaccin6s lorsque ceux-ci sont contamin6s, Le nombre annuel de doses de vaccin antirabique utilis6es en France au eours de ces derni~res ann6es est indiqu6 dans la figure 3. -

-

Doses (10 6 ) 6 5 4 3 2 1

75

77 78

79

80 81

82

83

84

Ann~es

FIG. 3. - - Histogramme repr~sentant l'dvolution du nombre annuel de doses de vaccin antirabique

ulilisdes en France au cours des derni~res anndes.

MESURES

CONCERNANT L'HOMME.

Inlormation. Diff~rentes mesures sont prises, destinOes & informer les personnes a y a n t un r01e dans la protection de l ' h o m m e ou ~ diffuser aupr~s du grand public les recommandations pour 6viter la contamination rabique. I1 s'agit, par exemple : - - du bulletin mensuel du Centre National d'l~tudes de la Rage, qui fournit r~guli~rement ~ de nombreux destinataires la situation ~pid~miologique de la maladie ;

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du (( bulletin semestriel )) de l ' I n s t i t u t Pasteur de Paris qui rassemble les informations relatives aux traitements antirabiques de l ' h o m m e ; de la Commission Interminist~rielle de L u t t e contre la Rage dont la mission est de faciliter les ~changes d'informations entre minist~res concernds par la lutte contre la rage, etc. -

-

-

-

Vaccinalion. Elle est pratiqu~e, soit a v a n t contamination, pour les personnes sp~cialement expos~es (en particulier, les v6t6rinaires en zone d'enzootie), soit apr6s contamination, dans la soixantaine de centres de t r a i t e m e n t antirabique.

RESUL'rATS.

l,es r~suitats t)euvent 6tre t)r~sent~s et analysSs bri~vement en ce qui concerne l'~volution de l'incidence de la rage animale (sauvage et domestique), la distribution g~ographique de la maladie et l'atteinte de l'homme. La figure 4 repr~sente l'6volution de l'incidence trimestrielle de la rage animale au cours des derni~res ann6es. On y constate des fluctuations mais aucune tendance g~n~rale h la baisse. Il est simplement ~vident qu'en l'absence des mesures sanitaires et vaccinales d6crites Nombre d'animaux sauvage5 enrages F--~.--~ Nombve d'animaux ~omestiques enrages~z~

750. 700 650600 55O5,00450400350300250200 150 I00 50-

1972

1973 Fio.

1974

1975

1971 1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

Hislogramme reprdsentant l'dvolution de l'ineidence trimeslrielle de la rage des anirnaux sauvages el des a n i m a u x domestiques au cours de ces derni~res anndes en France.

4. - -

1984

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ci-dessus, l'incidence de la rage aurait ~t6 beaucoup plus 6levee chez les animaux sauvages et chez les animaux domestiques. La figure 5 montre de fagon compar4e la position des fronts de l'enzootie en d~cembre 1980 et en octobre 1984. On y constate que, d'une fa?on g~nerale, le front a subi des oscillations autour d'une position moyenne, mais que la progression reguli~re constat~e de 1968 h 1977 n'est plus enregistrae. Les mesures de lutte appliquees, n o t a m m e n t chez les animaux sauvages, ont dfi contribuer h cette relative stabilisation du front. Enfin, il faut rappeler qu'aucun cas de rage humaine autochtone n'a ~te enregistr~ depuis 1968 en France.

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F r o . 5. - - C a r t e m o n t r a n t de ] a f o n c o m p a r ~ e la p o s i t i o n des ]ronts de l'enzootie en d~cembre 1980 el en oetobre 3984.

D a n s t o u s les d d p a r t e m e n t s s i t u ~ s d a n s l a m o i t i 6 n o r d - e s t d e l a F r a n c e d e s p r i m e s h l a q u e u e d e renard sont distributes (olt). F r o n t s : o c t o b r e 1984 ( ) et d~cembre 1980 (---). o = d~partements iniect~s.

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CONCLUSION. Le plan de lutte fransais contre la rage a 6t6 adapt6 progressivement en fonction des donn6es 6pid6miologiques et des progr~s scientifiques. II est arriv6 fi un stade de forte complexit6, compte tenu du grand nombre de facteurs h prendre en consid6ration. II se heurte fi des difficult6s r a n t techniques (recherche des terriers de renards) ue psychologiques (protecteurs de la faune sauvage); Les r6sultats qu'il a permis obtenir sont limit,s - - puisque le nombre de foyers n a pas tendance h diminuer - et le demeureront car aucune perspective de recul de la maladie ne peut s6rieusement &tre envisag~e. N6anmoins, l'objectif primordial represent6 par la protection de l'homme a pu ~tre atteint jusqu'h present.

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