Le psoriasis et son traitement

Le psoriasis et son traitement

Rev Rhum [E´d Fr] 2002 ; 69 : 615-23 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1169833002003472/SSU Le psoriasis...

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Rev Rhum [E´d Fr] 2002 ; 69 : 615-23 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1169833002003472/SSU

Le psoriasis et son traitement Bernard Guillot*, Jean-Jacques Guilhou Service de dermatologie et phlébologie, hôpital Saint-Eloi, CHU de Montpellier, 34295 Montpellier cedex 5, France

érythrodermie / psoriasis / psoriasis pustuleux erythroderma / psoriasis / pustular psoriasis

Le psoriasis est une dermatose très fréquente. Le diagnostic en est clinique, devant un érythème squameux, le plus souvent caractéristique par son aspect et sa topographie. L’évolution se fait par poussées successives, sur un mode chronique. S’il s’agit en règle générale d’une maladie bénigne, certaines formes peuvent cependant mettre en jeu le pronostic fonctionnel comme le psoriasis palmoplantaire et le rhumatisme psoriasique voire le pronostic vital comme les érythrodermies psoriasiques ou le psoriasis pustuleux généralisé. Le traitement sera adapté à la sévérité clinique de la maladie et à son retentissement sur la qualité de vie physique et psychique du malade. PATHOGÉNIE Les facteurs étiologiques du psoriasis classiquement reconnus sont l’hérédité (le psoriasis est familial dans 30 % des cas), les infections bactériennes (chez l’enfant, l’affection débute fréquemment après une rhinopharyngite) et les facteurs psychologiques qui sont retrouvés dans la moitié des cas avant les poussées ou au début de la maladie. Cependant, les mécanismes exacts conduisant à la lésion psoriasique sont pour l’instant mal connus malgré d’innombrables travaux rythmés par les avancées de la biologie. On estime actuellement que la lésion psoriasique est sous la dépendance de phénomènes immunitaires et certains n’hésitent pas à parler d’auto-immunité. Tout ceci sur un terrain géné*Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail : [email protected] (B. Guillot).

tique qui devient de plus en plus complexe à mesure que de nouveaux locus de prédisposition sont découverts dans le génome. Caractéristiques de la lésion psoriasique La lésion de psoriasis cutané est le siège d’un état hyperprolifératif des kératinocytes, sans doute par recrutement de cellules qui, normalement, n’entrent pas dans le cycle cellulaire. Il est également possible que cette prolifération soit liée à un défaut d’apoptose. Elle s’associe à des troubles de la kératinisation : blocage de la synthèse de la filagrine et de la loricrine alors que sont précocement exprimés transglutaminase et involucrine ; présence de kératines de prolifération K6, K16 et K17, absence ou apparition retardée des kératines 1 et 10 dans l’épiderme, persistance des kératines basales 5 et 14 dans les couches suprabasales. Ces anomalies de la cinétique cellulaire et de la différentiation des kératinocytes sont sans doute sous la dépendance de phénomènes immunitaires cutanés et peut être systémiques. Troubles immunitaires Les anomalies de la réponse immunitaire dans le psoriasis sont connues de longue date. Leur rôle dans la maladie a été conforté par l’action remarquable des immunosuppresseurs (ciclosporine, tacrolimus) et, plus récemment, par l’efficacité de divers anticorps ou protéines de fusion bloquant l’activation des lymphocytes T. Les preuves expérimentales ont été apportées par la démonstration de la capacité des lymphocytes psoriasiques activés d’induire la prolifération de kératinocytes

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normaux en culture et de transformer en peau psoriasique une peau apparemment normale greffée sur des souris immunodéficientes. La nature des lymphocytes en cause n’est pas parfaitement déterminée mais on sait qu’il s’agit essentiellement de lymphocytes TCD4 dans le derme et TCD8 dans l’épiderme. Ces lymphocytes ont un profil cytokinique de type TH1 avec production d’interféron gamma et d’IL-2. On insiste actuellement sur le rôle des lymphocytes TCD8 portant des récepteurs NK (natural killer). En fait, le mécanisme par lequel ces sous-populations de lymphocytes entraînent les troubles épidermiques n’est pas actuellement déterminé, pas plus que la nature des antigènes responsables de leur activation. Les études divergent quant au rôle possible de superantigènes, en particulier bactériens et d’antigènes classiques, responsables d’une stimulation lymphocytaire plus spécifique. Des similitudes antigéniques entre certaines protéines streptococciques et des peptides de kératine ont été décrites pouvant expliquer l’induction de certains psoriasis post-infectieux. De même, la présence de certains virus des papillomes humains dans les lésions pourrait déclencher une réaction immunitaire. Enfin, l’hypothèse de l’expression anormale de rétrovirus endogènes a également été évoquée.

Figure 1. Psoriasis : atteinte symétrique des genoux.

DIAGNOSTIC DE LA FORME CLASSIQUE Le psoriasis atteint 2 % de la population générale et touche aussi bien l’homme que la femme. La lésion élémentaire permet d’emblée d’évoquer le diagnostic. Il s’agit d’une plaque érythémato-squameuse, bien limitée, parfois légèrement surélevée par rapport à la peau saine périphérique (figures 1 et 2). La couche superfi-

Gènes et psoriasis Le caractère héréditaire de la maladie est confirmé par l’étude des jumeaux homozygotes avec une concordance de la survenue du psoriasis dans 70 % des cas. Le psoriasis a un caractère familial dans 30 % des cas, le risque d’avoir un psoriasis pour un enfant est bien plus important si l’un des parents est atteint, et de l’ordre de 50 % si les deux parents le sont. Plusieurs locus de prédisposition ont été décrits, en particulier le locus psors 1 sur le chromosome 6p. En effet, il existe une forte liaison entre psoriasis et antigènes d’histocompatibilité, en particulier avec CW6. Cependant, ce locus psors1 n’est pas constitué par CW6 lui-même, mais par une séquence voisine qui serait distante d’environ 100 Kb d’HLA C, et en déséquilibre de liaison avec le complexe majeur d’histocompatibilité. D’autres locus de susceptibilité ont été décrits, en particulier sur les chromosomes 17q, 4q et 1q dans une zone qui porte de nombreux gènes impliqués dans la différentiation. Le séquençage de ces zones de susceptibilité n’a pas été réalisé à ce jour, mais devrait permettre d’importants progrès dans la compréhension de la pathogénie de la maladie.

Figure 2. Psoriasis en plaque du tronc.

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cielle, squameuse, est d’épaisseur variable. Les squames sont de couleur blanchâtre, ternes, plus rarement micacées, leur taille est inégale, et si parfois elles couvrent l’ensemble de la plaque érythémateuse, le plus souvent, elles ne la recouvrent qu’en partie. La tache érythémateuse est bien limitée, lisse, sèche. Elle disparaît à la vitropression. Deux autres éléments cliniques vont venir renforcer le diagnostic : la topographie des lésions et les éléments anamnestiques. La topographie des plaques est caractérisée par sa symétrie sur les membres et par l’atteinte de certaines zones bastions : les coudes et les genoux (figure 1), la région lombaire, le cuir chevelu. L’anamnèse va préciser l’existence de poussées antérieures, d’antécédents familiaux de psoriasis qui seront trouvés dans plus d’un tiers des cas et les facteurs favorisant les poussées notamment d’ordre psychologique qui sont souvent rapportés par les malades. Des signes fonctionnels comme le prurit sont observés dans près de la moitié des cas. FORMES CLINIQUES Nombre et taille des lésions Il s’agit rarement d’un élément unique, plus classiquement de grandes plaques multiples siégeant sur les zones de prédilection. Parfois, ces plaques sont si nombreuses qu’elles deviennent coalescentes, formant un psoriasis généralisé. Des éléments de petite taille, souvent à début brutal et éruptif, font parler de psoriasis en gouttes. Cette forme survient plus volontiers chez l’enfant ou l’adolescent, à la suite d’un épisode infectieux notamment streptococcique. Des lésions de taille intermédiaire sont appelées psoriasis nummulaire. Topographie Lorsque les localisations sont atypiques, le diagnostic peut être difficile et la recherche de lésions dans les zones classiques peut confirmer le diagnostic. – Le cuir chevelu est fréquemment atteint. Les lésions forment des médaillons érythémateux et squameux, bien limités. Ces plaques peuvent confluer et l’importance des squames peut aboutir à la constitution d’un véritable casque psoriasique. Les lésions débordent souvent sur la peau avoisinante, nuque et lisière du cuir chevelu notamment (figure 3). Classiquement, le psoriasis du cuir chevelu n’est pas alopéciant mais des alopécies psoriasiques ont parfois été décrites au cours de psoriasis familiaux.

Figure 3. Psoriasis du cuir chevelu débordant sur le cou et la nuque.

– L’atteinte du visage survient le plus souvent au cours de psoriasis sévères, diffus. Cependant, une atteinte isolée peut être signalée, faisant alors discuter le diagnostic de dermite séborrhéique. Dans certaines formes où le diagnostic différentiel est impossible, on sera amené à parler de sébopsoriasis. – L’atteinte isolée des plis est de diagnostic très difficile et doit faire discuter tous les autres intertrigos notamment infectieux. Le psoriasis des plis est appelé psoriasis inversé. Il peut s’agir d’une atteinte des grands plis (axillaires, inguinaux, interfessiers ou sous mammaires) où les lésions prennent l’aspect d’une vaste nappe vernissée, bien limitée non ou peu squameuse en raison de la macération propre à cette topographie (figure 4). Cependant, un examen attentif de la lésion permet souvent de trouver une fine desquamation périphérique. L’atteinte des petits plis est également possible. La maladie se manifeste alors sous forme d’un intertrigo hyperkératosique et souvent fissuraire. La négativité du prélèvement mycologique et la résistance à un traitement antifongique bien conduit orienteront le diagnostic.

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Figure 4. Psoriasis inversé sous-mammaire.

– L’expression clinique des formes palmoplantaires est très variable. Il peut s ’agir d’une simple pulpite sèche et fissurée de quelques doigts ou orteils. La forme la plus fréquente est une hyperkératose à contours nets, prédominant sur les points d’appuis mais débordant sur les faces latérales des mains ou des pieds, avec un contour bien dessiné, nettement érythémateux. Plus rarement, il s’agit d’une hyperkératose localisée, en îlots, réalisant de véritables clous cornés et pouvant en imposer pour un syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter. – Les ongles sont atteints dans plus d’un tiers des cas (figure 5). L’onychopathie psoriasique peut être inaugurale, isolée ou au contraire apparaître au cours d’un psoriasis connu. Plusieurs aspects cliniques sont possibles : la forme mineure la plus caractéristique se manifeste par des dépressions cupuliformes de la tablette unguéale, donnant un aspect de dé à coudre. Un aspect blanchâtre ou jaunâtre du lit de l’ongle (leuchonychie) souvent bordé par un liseré rose violacé et s’étendant en tache d’huile est aussi très évocateur. Une hyperkératose de l’ongle avec décollement (onycholyse) représente une forme plus handicapante sur le plan fonctionnel, de même que les destructions complètes de l’ongle remplacé par un amas squamo-kératosique irrégulier et parfois douloureux. Une atteinte péri-unguéale (péri-onyxis) est fréquemment observée sous forme de lésions érythémato-squameuses parfois limités à un simple épaississement du rebord sus-unguéal. – Le psoriasis peut atteindre les muqueuses orales ou génitales. Dans la bouche, l’aspect le plus caractéristique est celui d’une langue géographique ou glossite marginale exfoliée sous forme d’une plaque érythroleucoplasique à bordure blanchâtre surélevée et dont les

Figure 5. Psoriasis de l’ongle : hyperkératose distale et dystrophie de la tablette unguéale.

contours évoluent d’une semaine à l’autre. Des leucoplasies, une langue scrotale sont parfois observées. Sur les muqueuses génitales masculines, l’aspect est celui d’une érythroplasie bien limitée non squameuse sur gland couvert, discrètement squameuse sur gland découvert. L’évolution par poussées et rémissions est très évocatrice du diagnostic ; – Psoriasis sur cicatrices : le psoriasis peut siéger avec prédilection sur des cicatrices anciennes, vaccinations, griffures, cicatrices chirurgicales. Il s’agit du phénomène de Koebner, fréquemment observé dans cette maladie mais non spécifique. Terrain Chez l’enfant La forme la plus classique est le psoriasis en gouttes, qui fait suite très fréquemment à un épisode infectieux. Il s’agit d’une éruption aiguë, formée de petites lésions érythémato-squameuses de quelques millimètres de diamètre. L’évolution peut être définitivement régressive mais dans un certains cas, cette poussée peut être le mode d’entrée dans la maladie psoriasique. Des aspects

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de psoriasis en plaques sont aussi rencontrés, avec souvent une tendance à la kératose pilaire. Chez le nourrisson, une forme particulière est décrite : le psoriasis des langes ou napkin psoriasis. Dans cette forme, les lésions érythémateuses, bien limitées touchent les zones convexes du siège, en culotte. Le diagnostic différentiel se pose avec une banale dermite du siège ou une dermite séborrhéique. Au cours de l’infection VIH Des formes sévères et étendues de psoriasis ont été décrites. Il peut s’agir de l’exacerbation d’un psoriasis connu avant l’infection par VIH ou au contraire d’un psoriasis apparaissant à l’occasion de l’infection dont il peut alors être révélateur. Les psoriasis survenant sur ce terrain sont souvent associés à des atteintes articulaires. Chez la femme enceinte Le psoriasis est exceptionnel ; l’impétigo herpétiforme est une éruption érythémato-pustuleuse survenant dans le dernier trimestre de la grossesse. Il est assimilé par beaucoup à un psoriasis pustuleux de la grossesse. L’éruption débute dans les plis et se généralise progressivement. L’état général est souvent altéré et des perturbations du métabolisme phosphocalcique sont fréquentes avec une hypocalcémie parfois sévère et responsable de manifestations générales et cardiaques associées. Le pronostic peut être réservé chez la mère et chez l’enfant. Évolution Dans la forme classique Le psoriasis va évoluer par poussées successives, imprévisibles, avec des périodes de rémissions plus ou moins longues. Pendant ces rémissions, il n’est pas rare que persistent des lésions minimes dans les zones bastions comme les coudes ou les genoux, sur le cuir chevelu ou au niveau des ongles. Parfois, des facteurs favorisant les poussées sont décrits par le malade. Il peut s’agir de traumatismes psychiques, d’effractions cutanées (phénomène de Koebner), d’infections bactériennes en particulier pour les psoriasis en goutte ou enfin de médicaments. Parmi les médicaments les plus souvent en cause, on peut citer : le lithium, les bêtabloquants, les antimalariques de synthèse, l’interféron alpha. La corticothérapie générale peut être à l’origine d’une poussée sévère ou de complications de la maladie, en particulier lors du sevrage. Formes compliquées Elles peuvent survenir d’emblée ou au cours de l’évolution d’un psoriasis déjà connu. Les trois grandes com-

plications du psoriasis sont : le psoriasis pustuleux, l’érythrodermie psoriasique et le psoriasis arthropathique que nous n’aborderons pas dans ce chapitre. Psoriasis pustuleux Il se caractérise par la présence de pustules amicrobiennes, non folliculaires, sur fond érythémateux. Deux formes cliniques sont décrites. Dans le psoriasis pustuleux palmoplantaire, les lésions sont formées par des plaques érythémateuses parsemées de pustules jaunâtres évoluant par poussées successives (figure 6). Les pustules peuvent être d’âge différent. Si leur aspect est bien caractéristique au début, elles vont rapidement se dessécher pour former une squame-croûte plus ou moins épaisse. Les zones de prédilection sont sur les zones d’appui des plantes, sur les éminences thénars et hypothénars des paumes mais aussi la pulpe des doigts. Une forme particulière de psoriasis pustuleux palmoplantaire est l’acrodermatite continue de Hallopeau. Cette forme clinique se manifeste par des pustules de la pulpe digitale associées à une onychodystrophie partielle ou totale. Les pustules vont devenir coalescentes et les poussées subintrantes vont aboutir à une disparition de l’ongle et à une modification du contour du doigt. Il s’agit d’une forme sévère avec un retentissement fonctionnel souvent important. Le psoriasis pustuleux généralisé est une forme rare de psoriasis. La forme grave (psoriasis pustuleux de Zumbusch) débute le plus souvent de manière brutale chez un malade avec ou sans antécédents de psoriasis. La fièvre et l’altération de l’état général sont marquées. La peau est le siège de vastes placards érythémateux recouverts de fines pustules débutant en règle générale dans les plis. Les pustules

Figure 6. Psoriasis pustuleux palmaire.

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sont blanc laiteux, non folliculaires, de quelques millimètres de diamètre. Elles aboutissent à une desquamation superficielle scarlatiniforme. Une hypocalcémie est parfois associée, pouvant entraîner des troubles cardiaques, neurologiques ou digestifs. Le pronostic vital peut être mis en jeu et l’hospitalisation est nécessaire pour une rééquilibration hydro-ionique et la mise en route d’un traitement spécifique par rétinoïdes per os. Des récidives sont possibles, identiques à la première poussée ou parfois moins sévères. En effet, à côté de cette forme grave, il existe un psoriasis pustuleux généralisé bénin, sans altération de l’état général qui prend l’aspect de plaques érythémateuses, du tronc ou des membres, dont la périphérie est recouverte de pustules superficielles donnant une desquamation fine. Les lésions prennent alors souvent un aspect annulaire. L’état général est conservé. Érythrodermies psoriasiques Elles compliquent souvent un psoriasis déjà connu et sont rarement inaugurales. L’érythodermie sèche et desquamative correspond à la généralisation d’un psoriasis vulgaire à l’ensemble du tégument. Il persiste souvent des espaces de peau saine et la lésion élémentaire reste facilement reconnaissable. Les signes généraux sont absents ou minimes. L’état général est conservé. Dans la forme œdémateuse au contraire, la peau est infiltrée, rouge de manière uniforme sans espace de peau saine, non squameuse. Les signes généraux sont fréquents : fièvre, oligurie, désordres ioniques. Le pronostic vital peut être mis en jeu si cette poussée a lieu sur un terrain déjà fragile. Cette forme survient volontiers à la suite d’évènements intercurrents comme la prise de certains médicaments, un sevrage cortisonique local ou général brutal, une infection. HISTOLOGIE Au cours du psoriasis, l’aspect histologique comporte des lésions épidermiques et dermiques. Au niveau de l’épiderme il existe une hyperkératose parakératosique, une disparition de la couche granuleuse, une acanthose et une papillomatose avec allongement des papilles dermiques. Des polynucléaires neutrophiles sont présents dans la couche cornée, groupés en amas réalisant des thèques (pseudo-abcès de Munro-Sabouraud). Dans le derme, les capillaires sont souvent en nombre excessif, tortueux et entourés d’un infiltrat inflammatoire dermique superficiel composé essentiellement de lymphocytes. Au sommet des papilles dermiques, il est

fréquent de noter la présence de polynucléaires neutrophiles en exocytose. Le psoriasis pustuleux se caractérise par la présence de pustules multiloculaires (pustules spongiformes de Kogoj) riches en polynucléaires neutrophiles et disposées dans la partie haute du corps muqueux de Malpighi. Au cours du psoriasis érythrodermique, l’image histologique peut être moins caractéristique, en raison notamment d’une fréquente eczématisation pouvant donner un aspect de spongiose épidermique et d’exocytose lymphocytaire intra-épidermique. Si elle était réalisée, l’immunohistochimie permettrait de préciser que les lymphocytes sont essentiellement de type T, surtout de type TCD4+ dans le derme et TCD8+ dans l’épiderme, que les kératinocytes expriment de manière élevée des molécules d’adhésion notamment ICAM (intercellular adhesion molecule 1) ou des récepteurs de facteurs de croissance comme le récepteur à l’EGF (epidermal growth factor) et qu’elles produisent des cytokines en excès comme les interleukines 6 et 8. Les cellules présentatrices d’antigène (cellules de Langerhans) sont en revanche en nombre diminué et irrégulièrement réparties. TRAITEMENT Moyens Le traitement du psoriasis fait appel à trois types de moyens : les traitements locaux, les traitements systémiques, la photothérapie. Ces traitements peuvent être utilisés seuls ou en association. Traitements locaux Kératolytiques Ils éliminent la couche cornée en excès. Le plus utilisé est l’acide salicylique à la concentration de 2 à 10 % dans un corps gras. L’utilisation chez le jeune enfant doit être prudente en raison du risque d’acidose par absorption transcutanée excessive. Réducteurs Il sont constitués du goudron de houille et des dérivés de l’anthraline. Ils sont de moins en moins utilisés en raison du retrait des topiques contenant du goudron et de leur mauvaise tolérance. Dermocorticoïdes Ils ont une forte activité anti-inflammatoire et cytostatique locale et sont donc un traitement local majeur du psoriasis à condition d’employer des dermocoticoïdes

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de classe forte ou très forte (classe I ou II). Utilisés sous forme de pommade sur le corps, de lotion sur le cuir chevelu ou de crème dans les plis, ils permettent d’obtenir des régressions ou des rémissions de bonne qualité mais souvent de courte durée. Ils sont utilisés une à deux fois par jour pendant 3 à 4 semaines. Ces cures peuvent être répétées mais les effets indésirables cutanés à long terme ne sont pas négligeables : atrophie, télangiectasies, hyperpilosité locale. Dérivés de la vitamine D (calcipotriol ou Daivonext ; tacalcitol ou Apsort) Ils sont très utiles aux stades d’hyperkératose. Ils sont utilisés une (tacalcitol) ou deux fois (calcipotriol) par jour par cures de six à huit semaines. Les effets secondaires sont à type d’irritation locale. À une dose inférieure à 100 g par semaine pour le calcipotriol et à 50 g par semaine pour le tacalcitol, il n’a jamais été mis en évidence de modifications significatives du métabolisme phosphocalcique. Les études comparées montrent une efficacité comparable à celle de la bétaméthasone. Rétinoïde topique Un seul est actuellement commercialisé en France dans cette indication : c’est le tazarotène (Zoract) qui se présente sous forme de gel. Il permet d’obtenir des régressions des lésions comparables à celles obtenues avec les dermocorticoïdes seuls mais de durée plus prolongée. Il est irritant et il est souvent utilisé en association aux dermocorticoïdes. Traitements systémiques Cytostatiques Le plus utilisé est le méthotrexate. Son efficacité est liée à son action cytostatique et immunosuppressive. Après une dose test de 2,5 à 5 mg, il est utilisé à la posologie de 15 à 25 mg par semaine soit par voie intramusculaire, soit par voie orale un jour par semaine. L’effet est rapide et spectaculaire à partir de la 2e ou 3e administration. Les effets secondaires sont bien connus. Il existe un effet tératogène pendant les trois premiers mois de grossesse. L’hépatotoxicité avec évolution vers la fibrose voire la cirrhose est dose dépendante et certains proposent la réalisation d’une ponction biopsie hépatique après une dose totale de 1 à 1,5 g. Les effets hématologiques sont plus rares, à type de leucopénie ou de thrombopénie. Une anémie mégaloblastique n’est pas rare et pourrait être prévenue par l’utilisation d’acide folinique. Les effets secondaires pulmonaires sont exceptionnellement

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décrits au cours du psoriasis. Les effets cutanés ou muqueux sont rares aux doses utilisées. Immunosuppresseurs La ciclosporine (Sandimmunt, Néoralt) est le seul immunosuppresseur ayant l’autorisation de mise sur le marché dans l’indication « psoriasis ». Elle est débutée après contrôle des chiffres de créatinine sanguine et de la pression artérielle à une dose variable selon les auteurs de 2,5 à 5 mg/kg/j. Un blanchiment des lésions est obtenu dans plus de 80 % des cas. Les effets indésirables sont surtout rénaux (élévation de la créatininémie et hypertension artérielle). Le risque de lymphome est réel mais faible. Les effets secondaires dermatologiques ne sont pas rares : hypertrichose, hyperplasie gingivale, gynécomastie. Enfin, les multiples interactions médicamenteuses qui augmentent ou diminuent sa concentration plasmatique doivent être connues. Rétinoïdes L’acitrétine (Soriatanet) est utilisé à la dose de 25 à 35 mg/j. Les rétinoïdes agissent sur la différentiation et la prolifération épidermiques. Les effets secondaires doivent être bien connus en particulier l’effet tératogène majeur justifiant une contraception efficace débutée un mois avant l’instauration du traitement, maintenue pendant toute sa durée et pendant les deux années qui suivent en raison de l’élimination très lente du produit. Les autres effets indésirables sont cutanéomuqueux (sécheresse cutanée et muqueuse, épistaxis, ) ostéoarticulaires (enthésopathies, atteinte rachidienne, retard de croissance chez l’enfant) et biologiques (élévation des lipides sanguins et des enzymes hépatiques). Photothérapie Cela consiste à irradier l’ensemble du corps ou une zone privilégiée (cuir chevelu, paumes et plantes) par des lampes émettant une longueur d’onde connue et contrôlée dans le spectre des ultraviolets. Les longueurs d’ondes utilisées sont les UVB à spectre large (290–320 nm), les UVB à spectre étroit (311 nm) ou les UVA (320–400 nm). Ces derniers sont utilisés avec la prise préalable d’un photosensibilisant per os, le 8-méthoxypsoralène (Meladininet) ou le 5-méthoxypsoralène (Psoradermt) à la dose de 0,6 mg/kg, deux heures avant l’irradiation. La dose initiale d’irradiation est calculée en joules par cm2 et la croissance des doses est adaptée en fonction du phototype du patient. Les séances sont effectuées au rythme de trois par semaine pendant huit à dix semaines. Les traitements d’entretien n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. La photothérapie est contre-indiquée en cas de prise de

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médicaments photosensibilisants (cyclines, neuroleptiques, anti-inflammatoires). Un examen cutané complet doit éliminer toutes lésions cutanées malignes ou précancéreuses avant de débuter le traitement. – La photothérapie par UVB, le plus souvent actuellement par UVB à spectre étroit permet d’obtenir un blanchiment des lésions dans 70 à 80 % des cas en une douzaine de séances. Les effets secondaires sont dominés par le risque de surdosage entraînant un érythème actinique. En dehors de la prise de médicaments photosensibilisants, cette technique n’a pas de contreindication et aucune augmentation de la carcinogénèse cutanée n’a pu être mise en évidence à ce jour. – La puvathérapie permet d’obtenir 80 à 90 % de très bons résultats. Elle est contre-indiquée chez l’enfant, la femme enceinte, dans les insuffisances hépatique ou rénale sévères et en cas d’antécédents de cancers cutanés. Les effets secondaires sont essentiellement digestifs par mauvaise tolérance du psoralène et oculaires avec un risque de cataracte chez les sujets prédisposés. À long terme le principal risque est celui de carcinomes cutanés, en particulier des organes génitaux. Cependant si la dose totale d’UVA reçue au cours de la vie n’excède pas 1 500 joules/cm2, ce risque paraît négligeable.

les taux de réponse et de diminuer les doses d’UV nécessaires. En cas d’échec ou de résultats insuffisants, il est légitime d’instituer un traitement par ciclosporine ou méthotrexate, le choix dépendant des contreindications relatives des deux produits.

Indications

L’avenir immédiat va voir l’émergence de nouveaux traitements essentiellement à visée immunitaire qui ont fait l’objet d’études pilotes. Certains sont déjà commercialisés aux États-Unis. Il s’agit d’immunosuppresseurs non spécifiques comme le tacrolimus, la rapamycine, l’ascomycine ou de molécules plus spécifiquement destinées à inhiber l’activation des lymphocytes impliqués dans la maladie. Ainsi, plusieurs anticorps monoclonaux (basiliximab, daclizumab, natilizumab) sont dirigés contre le récepteur de l’IL-2 (CD25). Ce récepteur peut également être inhibé par une protéine de fusion (IL-2–toxine diphtérique). Les résultats obtenus avec ce dernier traitement sont particulièrement intéressants et devraient pouvoir être à notre disposition dans de courts délais. De même, l’inhibition de la molécule CD2 sur les lymphocytes et de LFA3 son ligand sur les cellules présentatrices d’antigène (respectivement spilizumab et alefacept) donnent des résultats encourageants et des rémissions prolongées. Divers cytokines de type TH2 sont à l’étude : l’IL-4 et l’IL-10 sont très efficaces dans des études pilotes et l’IL-11 est en cours d’évaluation. Enfin, les anti-TNF-α (étanercept, infliximab) déjà utilisées par les rhumatologues dans la polyarthrite rhumatoïde et le rhumatisme psoriasique sont également

Le but du traitement n’est pas de faire disparaître totalement la maladie mais de faire régresser suffisamment les lésions pour permettre au patient de retrouver une qualité de vie correcte. Actuellement, la tendance est à alterner les thérapeutiques en tenant compte du préjudice provoqué par la maladie et en adaptant la lourdeur thérapeutique au handicap afin de préserver au mieux la qualité de vie des patients et de diminuer les risques iatrogènes. Psoriasis peu étendu Il ne justifie qu’un traitement local. Les dérivés de la vitamine D en topique seront utilisés en première intention, souvent associés à des dermocorticoïdes pour accélérer l’efficacité et augmenter la tolérance. Sur des lésions peu squameuses, les dermocorticoïdes seront proposés. La place des rétinoïdes locaux est encore mal établie. En cas de psoriasis étendu Le traitement de première intention est la photothérapie, le choix de la longueur d’onde étant fonction des traitements déjà reçus, de l’âge et des contre-indications relatives selon le patient. En cas d’efficacité insuffisante, la prescription de rétinoïdes per os, dix jours avant le début de l’irradiation ultraviolette permet d’augmenter

Érythrodermie psoriasique Elle rend nécessaire une hospitalisation en raison des risques métaboliques et infectieux. Elle permet d’adapter les soins locaux, toujours indispensables, et de choisir la thérapeutique systémique la mieux adaptée : rétinoïdes à faible dose, méthotrexate ou ciclosporine. La photothérapie sera réservée à un second temps, lorsque l’inflammation cutanée aura diminué sensiblement. Traitement du psoriasis pustuleux Il a été transformé depuis l’utilisation des rétinoïdes par voie systémique. C’est en effet le traitement de choix de première intention. En cas d’échec ou de contreindication, le méthotrexate voire la ciclosporine peuvent aussi être proposés. VOIES DE RECHERCHE THÉRAPEUTIQUES

Traitement du psoriasis

remarquablement efficaces sur les lésions cutanées. Les taux d’amélioration sont comparables à ceux obtenus avec la ciclosporine ou le méthotrexate. Cependant, leurs effets secondaires, en particulier pour l’étanercept, en limiteront l’utilisation. L’avenir plus lointain du traitement du psoriasis passe sans doute par la connaissance des facteurs d’activation des lymphocytes pouvant laisser espérer de possibles vaccinations et par l’identification des gènes impliqués dans la maladie, ouvrant la voie à diverses modalités de thérapie génique.

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RE´FE´RENCES Une bibliographie complète peut être constituée à partir des quatre références suivantes : 1 Guilhou JJ. Psoriasis, diagnostic et étiopathogénie. Encycl Méd Chir Dermatologie 98-190-A-10, 2000. 17 p. 2 Guilhou JJ. Psoriasis, traitement. Encycl Méd Chir Dermatologie 98-190-A-10, 2000. 17 p. 3 Dubertret L. Psoriasis. ISED ed Brescia 1994. 4 Thivolet J, Nicolas JF, Eds. Psoriasis, de la clinique à la thérapeutique. Paris : John Libbey Eurotext ; 1997.