Le syndrome de Bartter chez l’enfant : étude de trois observations

Le syndrome de Bartter chez l’enfant : étude de trois observations

Journal de pédiatrie et de puériculture (2009) 22, 55—61 ARTICLE ORIGINAL Le syndrome de Bartter chez l’enfant : étude de trois observations Bartter...

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Journal de pédiatrie et de puériculture (2009) 22, 55—61

ARTICLE ORIGINAL

Le syndrome de Bartter chez l’enfant : étude de trois observations Bartter syndrome in children: A study of three cases H. Aloulou a,*, S. Ben Ameur a, I. Zouch a, A. Ben Thabet a, R. Vargas Poussou b, S. Abdelhakk c, T. Kammoun a, M. Hachicha a a

´ diatrie, CHU Hedi Chaker, route El ain km 0.5, 3029 Sfax, Tunisie Service de pe ´ partement de ge ´ ne ´ tique, ho ˆ pital Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75908 Paris cedex 15, France De c ´ ne ´ tique, institut Pasteur, 13, place Pasteur, BP 74, 1002 Tunis Belve ´ de ` re, Tunisie Laboratoire de ge b

MOTS CLÉS Syndrome de Bartter ; Enfant ; Néphrocalcinose ; Prostaglandine E2 ; Indométacine

Résumé Introduction. — Le syndrome de Bartter est une tubulopathie héréditaire caractérisée par une alcalose métabolique hypokaliémique, une hypertrophie de l’appareil juxtaglomérulaire et une pression artérielle normale. Le trouble primaire est une anomalie de réabsorption de sodium responsable d’une perte de sel avec un hyperaldostéronisme. Il existe une variabilité phénotypique et génétique du syndrome de Bartter puisque actuellement on identifie cinq gènes responsables de cinq formes différentes du syndrome de Bartter. Me ´thodes. — Étude rétrospective de cas de syndrome de Bartter hospitalisés au service de pédiatrie de Sfax (Tunisie) sur une période de cinq ans (2003—2007). Re ´sultats. — Durant la période d’étude, les auteurs ont colligé trois cas de syndrome de Bartter. Parmi les patients, il y avait deux garçons et une fille. L’âge au moment du diagnostic était de deux ans et trois mois pour le patient no 1 et de trois mois pour les patients no 2 et no 3. Sur le plan clinique, la polyurie était constante chez tous les patients. Une hypotrophie a été notée chez deux patients. Sur le plan biologique, l’alcalose métabolique hypokaliémique a été notée chez nos trois patients. La rénine plasmatique était élevée chez deux patients (no 1 et no 3) ; l’activité rénine plasmatique était élevée chez le deuxième patient. L’échographie rénale a montré une néphrocalcinose chez le deuxième patient. Sur le plan thérapeutique, nos patients ont été mis sous supplémentation par chlorure de potassium et de sodium pour le premier et troisième patient et sous chlorure de potassium et sulfate de magnésium pour le deuxième patient. Un traitement par indométacine a été instauré dans tous les cas. L’évolution était favorable chez tous les patients. Conclusion. — Le syndrome de Bartter est une affection rare dont le pronostic est dominé, à court terme, par la sévérité des troubles hydroélectrolytiqes et le risque de déshydratation et, à long terme, par la possibilité d’une insuffisance rénale chronique. # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (H. Aloulou). 0987-7983/$ — see front matter # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jpp.2009.01.003

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KEYWORDS Bartter syndrome; Children; Nephrocalcinosis; Prostaglandin E2; Indometacin

H. Aloulou et al. Summary Introduction. — Bartter syndrome is a hereditary tubulopathy characterized by hypokaliema, metabolic alkalosis, hypertrophy of the juxtaglomerular complex with secondary hyperaldosteronism, and normal blood pressure. The primary disorder is an anomaly of sodium reabsorption, responsible for a salt loss with hyperaldosteronism. There is phenotypical and genetic variability of Bartter syndrome since were identified five genes responsible for five different forms of Bartter syndrome. Methods. — Retrospective study over five years included all patients with Bartter syndrome admitted to the department of paediatric of Sfax (Tunisia). Results. — Three cases of Bartter syndrome were reported: two boys and one girl. The diagnosis was made in patient number 1 at two years and three months of age. In the other two children, diagnosis was made at three months of life. In clinical presentation, all patients had polyuria. Hypotrophia was noted in two cases. One patient (number 2) presented with typical manifestations of neonatal Bartter syndrome including polyhydramnios, prematurity and intrauterine growth retardation. All patients had metabolic alkalosis and hypokalemia. Serum bicarbonate concentration ranges from 28mmol/l to 36mmo/l. Plasma rennin level was elevated in patients number 1 and 3 (respectively, 3890pg/ml and 603pg/ml) as well as plasma rennin activity in patient number 2 (18.12 mg/ml/h). Ultrasounds of the kidney revealed nephrocalcinosis in patient number 2. Patients number 1 and 3 received supplementation with sodium and potassium chloride. Patient number 2 received potassium chloride and magnesium sulphate. Treatment with indometacin was started at 0.5 to 2 mg/kg per day, with favourable outcome. Conclusion. — Bartter syndrome is a rare disorder. The prognosis is followed initially by severe salt and water depletion whereas long term prognosis can lead to chronic renal failure. # 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Le syndrome de Bartter, décrit par Bartter et al. en 1962 [1], est une tubulopathie chronique de transmission autosomique récessive le plus souvent. Il est caractérisé par une alcalose métabolique hypokaliémique, une hypertrophie de l’appareil juxtaglomérulaire et une pression artérielle normale [2]. Le diagnostic est généralement porté dans l’enfance devant un retard staturopondéral, un syndrome polyuropolydipsique et des troubles digestifs [2]. Une forme anténatale a été décrite, qui associe en plus un hydramnios, une prématurité et une polyurie postnatale [3]. L’anomalie primaire est une anomalie de réabsorption de sodium située dans l’anse de Henlé et le tubule distal, entraînant une perte de sel responsable d’un hyperaldostéronisme, et, sur le plan clinique, un syndrome polyuropolydipsique avec risque de déshydratation. Il existe une variabilité phénotypique et génétique du syndrome de Bartter, et, actuellement, cinq gènes ont été identifiés, responsables chacun d’un type particulier de syndrome de Bartter, qui diffère par l’âge de révélation, la sévérité du tableau clinique et la protéine de transport tubulaire impliquée :  le gène SLC12A1, situé sur le chromosome 15, code pour le NKCC2 ;  le gène KCNJ1, situé sur le chromosome 11, code pour le canal ROMK ;  le gène CLCNKB, situé sur le chromosome 1, code pour le cotransporteur CLCKB ;  le gène BSND, situé sur le chromosome 1, code pour la barttine ;  le gène CASR, situé sur le chromosome 3, code pour le récepteur de calcium.

Seyberth [4] a proposé une nouvelle classification des syndromes de Bartter et associés en trois types :  un dysfonctionnement tubulaire distal, conduisant à une hypokaliémie classiquement appelée le syndrome de Bartter classique et le syndrome de Gitelman ;  une polyurie sévère par dysfonctionnement au niveau de l’anse de Henlé (le syndrome de Bartter anténatal) ;  une forme plus sévère secondaire à un dysfonctionnement au niveau de l’anse de Henlé et du tube contourné distal (syndrome de Bartter anténatal associé à une surdité neurosensorielle). Dans le but d’étudier les particularités physiopathologiques, cliniques, biologiques et thérapeutiques de ce syndrome, nous rapportons les trois observations suivantes (Tableau 1).

Observations Patient no 1 Yasmine a été hospitalisée à l’âge de deux ans et trois mois pour exploration de vomissements chroniques avec syndrome polyuropolydipsique. Elle est issue d’une grossesse normalement déroulée, menée à terme, avec un poids de naissance de 3100 g, une taille à 50 cm et un périmètre crânien à 30 cm. Par ailleurs, il n’y a pas de consanguinité parentale ni d’antécédents familiaux particuliers. L’examen à l’admission a trouvé un poids à 12 kg (moyenne), une taille à 82 cm (-1,5 DS), un discret syndrome dysmorphique avec un faciès triangulaire et un front bombé ; elle avait des cernes oculaires, un pli cutané pâteux

Le syndrome de Bartter chez l’enfant : étude de trois observations Tableau 1

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Caractéristiques cliniques, biologiques et radiologiques de nos patients.

Patient

Patient no 1

Patient no 2

Patient no 3

Antécédents

Pas de consanguinité parentale

Consanguinité parentale

Âge de diagnostic Circonstances de découverte Dysmorphie faciale

2 ans et 3 mois Vomissements chroniques, syndrome polyuropolydipsique, déshydratation Faciès triangulaire, front bombé

Biologie

Alcalose métabolique hypokaliémique, hypercalciurie, RP à 3890 pg/ml

Échographie rénale Étude génétique

Pas de néphrocalcinose Non

Consanguinité parentale, hydramnios, prématurité 3 mois Hypotrophie, déshydratation, fracture osseuse Faciès triangulaire, gros yeux, front bombé, petit menton, oreilles décollées Alcalose métabolique hypokaliémique, hypercalciurie, ARP à 18,12 mg/l/h Néphrocalcinose Mutation à l’état homozygote au niveau du gène SLC12A1

et une langue sèche ; la tension artérielle était de 90/ 60 mmHg et le reste de l’examen était sans particularité. Sur le plan biologique, l’ionogramme sanguin a montré une hypokaliémie à 1,8 mmol/l, une hyponatrémie à 133 mmol/l, une alcalose métabolique avec un pH à 7,55 et HCO3 à 33 mmol/l ; l’urée était à 2,24 mmol/l et la magnésiémie à 1,03 mmol/l ; la calciurie était élevée à 5,8 mg/kg par jour. L’échographie rénale n’a pas montré de néphrocalcinose. Les potentiels évoqués auditifs étaient normaux. Devant ce tableau associant des vomissements chroniques, un syndrome polyuropolydipsique, avec, sur le plan biologique, une alcalose métabolique hypokaliémique et une hypercalciurie, le syndrome de Bartter a été évoqué, complété par le dosage de la rénine plasmatique, qui montrait un taux élevé à 3890 pg/ml (VN : 15 à 35 pg/ml), et celui de l’angiotensine plasmatique, dont la valeur élevée était à 354,5 pmol/l (VN : 19 à 38 pmol/l). Sur le plan thérapeutique, l’enfant a été mise sous chlorure de potassium (5 meq/kg par jour), chlorure de sodium (3 meq/kg par jour) et indométacine (0,5 mg/kg par jour). Les vomissements et la polyurie ont progressivement régresse ; la croissance staturopondérale était satisfaisante et, sur le plan biologique, la kaliémie moyenne était à 3,04 mmol/l, la calciurie à 2,8 mg/kg par jour et la fonction rénale était correcte. L’échographie rénale de contrôle était normale.

Patient no 2 Ali, nourrisson de sexe masculin issu de parents cousins germains, est hospitalisé à l’âge de trois mois pour exploration de fractures multiples et d’une hypotrophie sévère. Dans ses antécédents familiaux, deux frères sont morts à l’âge de dix et de 15 jours dans un tableau d’hydramnios et de prématurité. Ce nourrisson est issu d’une grossesse compliquée d’un hydramnios, menée au terme de 29 semaines d’aménorrhée ; le poids de naissance était de 1150 g (25e percentile). Il a été hospitalisé à la période néonatale en Lybie pour prématurité et suspicion d’infection maternofœtale pendant 45 jours. À

3 mois Hypotrophie, déshydratation Faciès triangulaire, oreilles décollées Alcalose métabolique hypokaliémique, RP à 603 pg/ml Pas de néphrocalcinose Non

la sortie, les parents ont découvert des tuméfactions des deux membres supérieurs motivant son hospitalisation dans notre service. L’examen à l’admission notait un poids à 2500 g (-4 DS), une taille à 45 cm (-4 DS) et un périmètre crânien à 34 cm ; l’enfant présentait un faciès triangulaire et il avait des globes oculaires enfoncés, une fontanelle déprimée et un pli cutané persistant. Nous n’avons pas noté de gros reins ni d’hépatosplénomégalie. L’auscultation cardiopulmonaire était normale. La diurèse était de 5 cc/kg par heure. Sur le plan biologique, l’ionogramme sanguin a trouvé une natrémie à 141 mmol/l, une kaliémie à 3,6 mmol/l et une chlorémie à 96 mmol/l ; la NFS était normale ; la créatinémie était élevée à 280 mmol/l et la calcémie était normale à 2,25 mmol/l. Après une réhydratation par voie intraveineuse, un bilan sanguin de contrôle a montré une amélioration de la créatinémie à 50 mmol/l, une natrémie à 140 mmol/l, une hypokaliémie à 2,5 mmol/l ; les gaz du sang ont objectivé une alcalose métabolique avec un pH à 7,49 et HCO3- à 28 mmol/ l. Le bilan urinaire a objectivé une hypercalciurie (10 mg/kg par jour). Les radiographies des deux membres supérieurs et du membre inférieur droit ont montré des fractures au niveau des deux humérus et du fémur droit, associées à une déminéralisation osseuse. L’échographie rénale a montré une néphrocalcinose bilatérale. Devant ce tableau associant une consanguinité parentale, des antécédents d’hydramnios et de prématurité, une hypotrophie sévère, avec sur le plan biologique une alcalose hypokaliémique, nous avons évoqué le diagnostic de syndrome de Bartter dans sa forme anténatale. Nous avons complété le bilan par le dosage de l’aldostéronémie qui s’est révélée très élevée à 1080 pg/ml (100 à 490 pg/ml) et de l’activité rénine plasmatique, qui était aussi élevée, à 18,12 mg/l par heure (9,7+/- 17 ng/ml par heure). Une étude génétique par biologie moléculaire a été réalisée chez l’enfant ainsi que chez ses parents ; elle a montré la présence d’une mutation au niveau de l’exon 3 (C.626T > A) et l’exon 14 (C.1875G > T) du gène SLC12A1. Cette mutation a été trouvée à l’état homozygote chez notre

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H. Aloulou et al.

Figure 2 Patient no 3 à l’âge de cinq ans : faciès triangulaire, gros yeux et oreilles décollées. Figure 1 Patient no 2. Dysmorphie faciale caractéristique : gros yeux, faciès triangulaire, larges golfes temporaux et des oreilles décollées.

patient et à l’état hétérozygote chez ses deux parents. Ces données cliniques et génétiques nous ont permis de retenir le diagnostic du syndrome de Bartter de type 1. Sur le plan thérapeutique, le nourrisson a été mis sous indométacine à la dose 2 mg/kg par jour et a reçu une supplémentation en chlorure de potassium (5 meq/kg par jour) et en magnésium. L’évolution a été faite vers l’amélioration de l’état d’hydratation, une prise pondérale modérée et une normalisation de la kaliémie. Après un recul de dix mois, l’enfant avait un poids de 6 kg (-3 DS) et une taille de 63 cm (-3 DS) ; la dysmorphie faciale est devenue typique avec un faciès triangulaire, un grand front bombé, de larges golfes temporaux, des oreilles décollées, de gros yeux, un strabisme et un petit menton (Fig. 1). Sur le plan biologique, la kaliémie était correcte aux différents contrôles.

Patient no 3 Achraf, nourrisson de sexe masculin issu de parents cousins germains, a été hospitalisé à l’âge de trois mois pour gastroentérite avec hypotrophie. Il est issu d’une première grossesse bien suivie, menée à terme, avec un poids de naissance de 2750 g, une taille de 50 cm et un périmètre crânien de 35 cm. L’examen à l’admission a trouvé un poids de 4 kg (-2 DS), une taille de 58 cm (moyenne) et un périmètre crânien de 37 cm ; l’enfant présentait une dysmorphie faciale avec un faciès triangulaire et des oreilles décollées ; il avait des fontanelles déprimées et des cernes oculaires, ainsi qu’une polyurie avec une diurèse de 8 cc/kg par heure. Le bilan biologique a objectivé une anémie à 8,4 g/dl. L’ionogramme sanguin a montré une hyponatrémie à 124 mmol/l, une hypokaliémie à 2 mmol/l et une hypochlorémie à 64 mmol/l ; la créatinémie était à 44 mmol/l. Les gaz du sang ont montré une alcalose métabolique, avec un pH à 7,6 et HCO3- à 35,9 mmol/l. Le dosage de la rénine

plasmatique a montré une valeur très élevée à 603 pg/ml (VN : 15 à 35 pg/ml). L’échographie rénale n’a pas montré de néphrocalcinose. L’urétérocystographie était normale ; l’urographie intraveineuse a montré un méga-uretère gauche avec dilatation pyélocalicielle en amont. Les potentiels évoqués auditifs étaient normaux. Le diagnostic de syndrome de Bartter a été retenu et l’enfant a été mis sous chlorure de sodium (12 meq/kg par jour), chlorure de potassium (20 meq/kg par jour) et indométacine (1 mg/kg par jour). L’évolution s’est faite vers la régression de la polyurie, avec une diurèse moyenne de 2,5 cc/kg par jour et un rattrapage de la croissance. Sur le plan biologique, l’hypokaliémie était persistante aux différents contrôles (kaliémie moyenne à 2,75 mmol/l). L’enfant est actuellement âgé de cinq ans et demi, son poids est à 16 kg, sa taille est à 105 cm (Fig. 2).

Discussion Le syndrome de Bartter est une affection rare, mais non exceptionnelle. En effet, dans notre service, nous n’avons pu colliger que trois cas de syndrome de Bartter. Sa prévalence n’est pas bien connue dans le monde, car beaucoup de prématurés meurent par déshydratation avant même l’établissement du diagnostic. Son incidence mondiale a été estimée à 1,2 cas/million d’habitants et sa prévalence à un patient pour 830 000 [2,3,5]. Sa physiopathologie est actuellement bien connue. Le trouble primaire est une anomalie de la réabsorption de sodium dans l’anse de Henlé et le tube contourné distal secondaire à des anomalies au niveau des canaux transporteurs de Na+, k+ et cl- : NKCC2, ROMK1 et C1CKB. La perte de sodium et la polyurie provoquent une contraction du volume extracellulaire et de la volémie, responsable de la stimulation de l’appareil juxtaglomérulaire avec activation du système rénine—angiotensine. L’angiotensine II stimule la sécrétion d’aldostérone qui agit au niveau du tube collecteur en augmentant la réabsorption du sodium et la sécrétion de potassium [6,7].

Le syndrome de Bartter chez l’enfant : étude de trois observations Par ailleurs, au cours du syndrome de Bartter, on trouve une augmentation de la sécrétion tissulaire de prostaglandine E2 (PGE2) en réponse à l’abaissement de la volémie et de la déshydratation extracellulaire. Bien que cet hyperprostaglandisme soit un signe constant, il est plus marqué dans la forme néonatale aboutissant à une polyurie fœtale avec polyhydramnios [6,8,9]. Au cours du syndrome de Bartter, les signes cliniques sont non spécifiques et sont dominées par les troubles digestifs. Ainsi, les vomissements chroniques constituent une circonstance de découverte fréquente, qu’elle soit accompagnée ou non de déshydratation [2,10], comme cela était noté chez deux de nos patients. La polyurie constitue une circonstance de découverte habituelle du syndrome de Bartter (50 à 70 % des cas) ; elle peut aboutir à une déshydratation sévère, notamment chez le nouveau-né et le nourrisson [11,12]. Chez nos patients, la polyurie était constante ; elle était même massive chez notre deuxième patient conduisant à un hydramnios caractéristique. Le retard de croissance est souvent rapporté au cours du syndrome de Bartter, comme cela a été trouvé chez deux de nos patients [2,11]. Une dysmorphie faciale caractéristique du syndrome de Bartter a été constatée chez notre deuxième patient, avec un faciès triangulaire, un grand front bombé, des oreilles décollées, de gros yeux et un petit menton [13]. Cette dysmorphie n’est cependant pas constante et peut être réduite à un ou deux signes, comme ça était le cas des deux autres enfants [14]. Sur le plan biologique, l’alcalose métabolique hypokaliémique avec augmentation de l’activité rénine plasmatique caractéristique du syndrome de Bartter a été notée chez tous nos enfants. L’hypokaliémie constitue un signe fréquent, mais non constant. Elle peut ne pas être évidente pendant les épisodes de déshydratation [2,11,15], comme chez notre deuxième patient qui avait initialement une kaliémie normale, mais, après la réhydratation, nous avons objectivé une hypokaliémie constante aux différents prélèvements. Dans les urines, on retrouve souvent une hyperkaliurèse qui est inappropriée à l’hypokaliémie, donnant la preuve de Tableau 2

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son origine rénale. Une hypernatriurèse est constante au cours de ce syndrome, mais son intensité est variable selon la forme clinique [16]. Les anomalies du système rénine—angiotensine—aldostérone constituent un signe commun à tous les types de syndrome de Bartter. Il s’agit d’une augmentation de l’activité rénine plasmatique, de l’angiotensine II [17], comme retrouvé dans nos observations. L’aldostéronémie est aussi augmentée, mais cette augmentation est inférieure à ce que prédisent les valeurs de la rénine et de l’angiotensine [2,6]. On différencie, au sein du syndrome de Bartter, cinq formes cliniques (Tableau 2) qui peuvent se regrouper en deux aspects cliniques selon l’âge de début :  autour de la naissance, pour la forme néonatale, qui regroupe les types I, II, IV, et V du syndrome de Bartter ;  plus tard dans l’enfance et à l’âge adulte, pour la forme classique et c’est le type III.

Forme classique Elle est due à une anomalie du canal chlore C1CKB, secondaire à une mutation du gène C1CNKB, situé sur le chromosome 1 (1p36) [6]. Les premiers symptômes apparaissent généralement au cours des premières années de la vie par l’installation d’un syndrome polyuropolydipsique, des vomissements chroniques, une constipation, une fatigabilité musculaire et des accès de paralysie hypokaliémique [11,16]. L’affection peut être totalement latente ou découverte d’une façon fortuite lors des bilans systématiques. À l’examen, la dysmorphie faciale n’est pas évidente, alors que le retard de croissance est quasi constant. La néphrocalcinose est rare [8,12]. Le premier et troisième patient de notre observation appartiennent vraisemblablement à cette forme.

Syndrome de Bartter de type I Il est dû à une anomalie du canal NKCC2, secondaire à une mutation du gène SLC12A1 situé au niveau du chromosome 15 (15q21.1) [18—20]. Les manifestations cliniques commencent dès la vie intra-utérine avec un RCIU et un

Caractéristiques cliniques, biologiques et génétiques de différents types du syndrome de Bartter.

Âge

Type I

Type II

Type III

Type IV

Type V

Nouveau-né, nourrisson Polyhydramnios, prématurité Polyuriepolydipsie, RC Alcalose hypokaliémique, PGE2 élevée

Enfant

Nouveau-né, nourrisson Normale

Vomissements

Nouveau-né, nourrisson Polyhydramnios, prématurité Surdité, RC

Alcalose hypokaliémique

Alcalose hypokaliémique

Alcalose hypokaliémique, Hypocalcémie, PTH diminuée

ClCKB ClCKA CLCNKB Chromosome 1

Barttine

Récepteur du calcium

BSND Chromosome 1

CASR Chromosome 3

Protéine mutée

NKCC2

Nouveau-né, nourrisson Polyhydramnios, prématurité Polyuriepolydipsie, RC Alcalose hypokaliémique, Hyperkaliémie +/PGE2 élevée ROMK

Génétique

SLC12A1 Chromosome 15

KCNJ1 Chromosome 11

Grossesse Clinique Biologie

RC : retard de croissance ; PGE2 : prostaglandine E2.

Souvent normale

Tétanie -RC

60 polyhydramnios marqué entre la 24e et la 30e semaine de gestation, aboutissant à un accouchement prématuré. La polyurie se prolonge au moins un ou deux mois après la naissance avec des épisodes de déshydratation menaçant la vie. Sur le plan biologique, l’alcalose métabolique modérée, l’hyperprostaglandinémie et l’hyperprostaglandinurie sont très caractéristiques. Au cours du syndrome de Bartter de type I, l’hypercalciurie massive est caractéristique avec, comme conséquence, une néphrocalcinose et une ostéopénie qui ont été notées chez notre deuxième patient, l’ostéopénie étant responsable de multiples fractures des deux membres supérieurs et du membre inférieur.

Syndrome de Bartter de type II Il est dû à une anomalie du canal ROMK, secondaire à une mutation du gène KCNJ1 situé sur le chromosome 11 (11q2425) [6,20,21]. Le tableau clinique est similaire à celui du type 1, cependant, sur le plan biologique, l’hypokaliémie est remplacée par une hyperkaliémie transitoire et l’alcalose métabolique est remplacée par une acidose au cours des premières semaines de vie [7,16,22]. Dans la série de Finner et al. [23], comportant 12 nouveau-nés atteints du syndrome de Bartter, la kaliémie était élevée, atteignant une moyenne de 9 mmol/l. Cette hyperkaliémie apparaissait toujours au troisième jour de vie et se normalisait à la fin de la première semaine de vie.

H. Aloulou et al. par jour. La kaliémie n’a été obtenue que chez le deuxième patient qui recevait une dose plus élevée. Le rofécoxib agit de façon sélective sur la COX2 ; il est administré à la dose de 0,7 à 0,8 mg/kg par jour [27,28]. Son efficacité dans le syndrome de Bartter est comparable à celle de l’indométacine, mais il est mieux toléré. Il doit être évité dans la période pré- et postnatale, car le développement rénal dépend de façon critique de la COX2 et il risque d’altérer le développement rénal [27]. Ce traitement n’a pas été utilisé chez nos enfants. Le traitement par indométacine a été préconisé par certains auteurs chez les femmes enceintes en cas d’atteinte fœtale confirmée. Elle permet de réduire la polyurie fœtale et donc l’hydramnios et d’avoir une croissance fœtale normale [23,29]. Cependant, une surveillance stricte est nécessaire, vu le risque de complications sérieuses, comme la fermeture du canal artériel, l’oligurie et l’entérocolite nécrosante avec perforation iléale [8].

Perspectives

Il est dû à une anomalie de la barttine, secondaire à une mutation du gène BSND. Ce type s’associe avec une surdité neurogène et il est caractérisé, comme toute forme néonatale, par un polyhydramnios et une perte de sels, plus sévère, nécessitant une supplémentation importante en fluide pour préserver la vie ; l’hypercalciurie est souvent absente [22,24].

L’évolution sous un traitement bien conduit est le plus souvent bénigne, avec un rattrapage de la croissance, un développement psychomoteur normal. Cependant, les patients atteints du syndrome de Bartter ont une taille plus petite que celle de la population générale avec fréquemment un retard pubertaire [2,16,29,30]. Le pronostic est dominé, à court terme, par la sévérité de l’hypokaliémie et de la déshydratation et, à long terme, par la possibilité d’une insuffisance rénale chronique qui est secondaire à la néphrocalcinose mais qui peut se voir en l’absence de cette dernière, particulièrement au cours du syndrome de Bartter de type IV, qui évolue de façon précoce vers l’insuffisance rénale chronique. La gravité immédiate de cette maladie impose une surveillance rigoureuse de la grossesse ; à la naissance, un bilan clinique et biologique rapide devra s’attacher à faire un diagnostic précoce pour permettre une prise en charge adaptée [31,32].

Syndrome de Bartter de type V

Conflits d’intérêts

Il est dû à une anomalie du récepteur membranaire de calcium qui règle l’activité des cotransporteurs NKCC2 et ROMK1, secondaire à une mutation activatrice du gène CASR [25]. Cliniquement, ce type est semblable au type III, mais il est à début néonatal, et, sur le plan biologique, il est caractérisé par une hypocalcémie marquée qui peut être symptomatique avec une fatigabilité musculaire, des crises de tétanie et des crampes [25,26].

Aucun.

Syndrome de Bartter de type IV

Thérapeutique Sur le plan thérapeutique, les inhibiteurs de synthèse de prostaglandine, notamment l’indométacine et plus récemment le rofécoxib, ont une efficacité prouvée au cours du syndrome de Bartter aussi bien clinique que biologique, avec une diminution de la polyurie, un rattrapage de la croissance, une amélioration des troubles électrolytiques et une diminution de la calciurie [9,23,27]. Le traitement par l’indométacine a été instauré chez nos trois patients avec une dose respective de 0,5, 2 et 1 mg/kg

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