Le syndrome de résection antérieure du rectum. Quels messages délivrer aux praticiens et aux patients en 2018 ?

Le syndrome de résection antérieure du rectum. Quels messages délivrer aux praticiens et aux patients en 2018 ?

Journal de Chirurgie Viscérale (2018) 155, 390—399 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com MISE AU POINT Le syndrome de résect...

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Journal de Chirurgie Viscérale (2018) 155, 390—399

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

MISE AU POINT

Le syndrome de résection antérieure du rectum. Quels messages délivrer aux praticiens et aux patients en 2018 ?夽 Anterior resection syndrome: What should we tell practitioners and patients in 2018? T. Sarcher a, B. Dupont b,c, A. Alves a,c, B. Menahem a,∗,c,d a

Service de chirurgie générale et digestive, CHU de Caen, avenue de la Côte-de-Nacre, CS 30001, 14032 Caen cedex, France b Service de gastroentérologie, CHU de Caen, avenue de la Côte-de-Nacre, CS 30001, 14032 Caen cedex, France c Pôle des formations et de recherche en santé 2, rue des Rochambelles, 14032 Caen cedex, France d Laboratoire Inserm U 1086, centre Franc¸ois-Baclesse, avenue du Général-Harris, 14076 Caen cedex 5, France Disponible sur Internet le 17 aoˆ ut 2018

MOTS CLÉS LARS score ; Cancer du rectum ; Réhabilitation du plancher pelvien

Résumé La prise en charge multidisciplinaire du cancer du rectum sous-péritonéal a permis de repousser les limites de la conservation sphinctérienne, sans péjorer le pronostic carcinologique. Les séquelles fonctionnelles digestives, dont l’ensemble des symptômes est regroupé sous le terme syndrome de résection antérieure du rectum (SRA), sont devenues une préoccupation de plus en plus fréquente des patients et des praticiens. De physiopathologie complexe, le SRA associe à des degrés divers une poly-exonération, une incontinence aux gaz et/ou aux selles, une impériosité, des troubles de la discrimination et de l’évacuation. Le « LARS » score, validé en 2012, est actuellement utilisé pour évaluer précisément la sévérité du SRA et son impact sur la qualité de vie. Si ce SRA s’améliore au cours des deux premières années, il persiste au-delà, chez près de 60 % des patients et dans sa forme sévère chez un patient sur deux. Les facteurs de risque indépendants de SRA sévère les plus fréquemment rapportés incluent la radiothérapie néo-adjuvante, l’étendue de la résection (exérèse totale du mésorectum, y compris la résection inter-sphinctérienne), l’absence de réservoir colique et la survenue d’une fistule anastomotique. En l’absence de complications chirurgicales et/ou de récidive locale, les praticiens disposent d’un arsenal thérapeutique permettant d’améliorer le résultat fonctionnel

DOI de l’article original : https://doi.org/10.1016/j.jviscsurg.2018.03.006. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Journal of Visceral Surgery, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B. Menahem). 夽

https://doi.org/10.1016/j.jchirv.2017.09.008 1878-786X/© 2018 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.

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des patients, incluant des mesures hygiéno-diététiques, des régulateurs du transit, la réhabilitation multimodale (biofeedback, électrostimulation) et enfin la neuro-modulation sacrée. Bien que solution ultime, la stomie définitive est à proposer en cas d’échec. Une meilleure connaissance de l’histoire naturelle du SRA, de ces facteurs de risque ainsi que de ses alternatives thérapeutiques permettra à l’avenir une meilleure information et prise en charge de nos patients. © 2018 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDS LARS score; Rectal cancer; Pelvic floor rehabilitation

Summary Multidisciplinary management of infra-peritoneal rectal cancer has pushed back the frontiers of sphincter preservation, without impairment of carcinological outcome. However, functional intestinal sequelae, grouping together several symptoms known under the name of anterior resection syndrome (ARS), have emerged and become an increasingly frequent concern for both patients and physicians. The pathophysiology is complex: ARS is a combination in various degrees of stool frequency, incontinence for flatus and/or stools, urgency, and disorders in discrimination and evacuation. The ‘‘Low Anterior Resection Score’’ (LARS), validated in 2012, is currently used to evaluate the severity of ARS and its impact on quality of life. While ARS can show improvement over the first two years, symptoms persist for longer than two years in nearly 60% of patients and in half of these patients, ARS is considered severe. The most frequently reported independent risk factors of severe ARS include neo-adjuvant radiation therapy, the extent of resection (total mesorectal excision that includes inter-sphincteric resection), absence of colonic pouch and anastomotic leak. In the absence of surgical complications and/or local recurrence, physicians can draw from a wide therapeutic armamentarium in order to improve the functional outcome of patients, including diet and life-style modifications, gut motility regulators, multimodal rehabilitation (biofeedback, electro-stimulation) and sacral nerve modulation. Permanent colostomy is an alternative of last resort, proposed only when all other solutions fail. A better understanding of the natural history of ARS, its risk factors as well as the array of therapeutic alternatives should provide better patient information and optimize management. © 2018 Published by Elsevier Masson SAS.

Introduction De toutes les exérèses de cancer digestif, la proctectomie pour cancer du rectum est une de celles qui comporte le plus de risques de séquelles et d’altération de la qualité de vie, la colostomie définitive étant considérée par les patients comme la plus handicapante [1,2]. Ces séquelles digestives ont longtemps été considérées comme inhérentes au caractère carcinologique de l’exérèse et difficilement évitables. L’évolution des techniques chirurgicales et une meilleure connaissance de l’histoire naturelle du cancer du rectum sous-péritonéal ont permis de repousser les limites de la conservation sphinctérienne tout en améliorant le pronostic carcinologique [1,2]. Ainsi, il est actuellement admis que la marge distale suffisante sous le pôle inférieur de la tumeur est de 1 cm [2]. Les techniques de rétablissement de la continuité varient en fonction de la hauteur de la lésion par rapport au sphincter anal. Une tumeur du haut rectum siégeant en pratique au-delà de 10 cm impose une résection rectale antérieure associée à une exérèse partielle du mésorectum (EPM) jusqu’à 5 cm sous le pôle inférieure de la lésion et une anastomose colorectale [2]. Une tumeur du moyen rectum nécessite une exérèse totale du mésorectum (ETM) suivie d’une anastomose colorectale basse et une tumeur du bas

rectum, une anastomose colo-anale [2]. L’envahissement de l’appareil sphinctérien et/ou l’impossibilité d’obtenir une marge distale de 1 cm requièrent une amputation abdomino-périnéale avec colostomie définitive [1,2]. Toutefois, certaines équipes expérimentées ont proposé dans ces situations, avec ou sans atteinte limitée du sphincter interne mais sans atteinte du sphincter externe, une alternative à l’amputation abdomino-périnéale : la résection intersphinctérienne (RIS) avec confection d’une anastomose colo-anale [2]. Parallèlement aux résultats carcinologiques, le résultat fonctionnel est devenu une préoccupation non seulement pour le praticien mais surtout pour les patients [3]. Plus le sacrifice rectal est important, plus les séquelles fonctionnelles digestives risquent d’être invalidantes [4]. Dans sa forme complète, il s’agit du « syndrome de résection antérieure du rectum » (SRA). Cette mise au point a pour objectifs : • de définir ce SRA ; • de déterminer sa prévalence et ses facteurs de risque éventuels ; • d’identifier le(s) score(s) pertinent(s) à utiliser ; • de préciser son évolution spontanée ; • d’évaluer les alternatives thérapeutiques multidisciplinaires de manière à mieux informer nos patients.

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Physiopathologie, facteurs de risque de SRA Le SRA est probablement d’origine multifactorielle et ferait intervenir des lésions musculaires et nerveuses [4]. Les différents facteurs sont : • la faible épaisseur du muscle puborectal (< 3,5 mm) [5] ; • une lésion du sphincter interne (qu’elle soit directe ou indirecte) : ◦ directe lors de l’introduction par l’anus de la pince mécanique utilisée lors de l’anastomose observée dans près de 18 % des cas, soit lors d’une mucosectomie appuyée en cas de confection d’une anastomose coloanale [6], ◦ indirecte plutôt d’origine neurologique par lésion ou étirement d’une branche du système nerveux autonome, lors de l’exérèse rectale, ou liée à la radiothérapie (RTT) [7] ; • des troubles de la statique pelvienne illustrés par une disparition du réflexe recto-anal inhibiteur [8] ; • une réduction de la compliance et de la capacité rectales, due à l’exérèse rectale [9] d’origine neurologique. Cette hypothèse avait déjà été évoquée par des auteurs japonais qui avaient rapporté le rôle de la préservation du système nerveux autonome dans la survenue de séquelles digestives [10].

Sémiologie clinique Le SRA [4] se manifeste par : • une poly-exonération (augmentation du nombre de selles diurne et/ou nocturne) par 24 h ; • un fractionnement des selles, c’est-à-dire l’émission répétée de plusieurs selles en quelques heures, imposant parfois au patient d’aller à la selle 4 à 5 fois en une à deux heures de temps ; • des troubles de la continence avec fuites de gaz ou souillures minimes, pouvant aller jusqu’à une incontinence aux selles liquides et/ou solides, très invalidante ; • une impériosité, c’est-à-dire l’impossibilité de se retenir plus de quinze minutes quand survient la sensation de besoin. L’utilisation du « LARS » score dans les études récentes a permis d’évaluer précisément la prévalence de ces séquelles digestives chez des patients sans stomie de protection depuis plus d’un an, sans récidive locale ni métastatique et capables de comprendre et remplir le questionnaire. Dans les études initiales danoises [11,12] un SRA était observé chez 64 % des patients, mineur dans 23 % des cas et majeur dans 41 % des cas. Des chiffres identiques de prévalence et de sévérité étaient également rapportés dans l’expérience multicentrique britannique, ayant inclus 451 patients (60 % d’hommes, âge moyen 70 ans), avec un suivi médian de 4,9 ans [13].

Facteurs de risque Dans l’étude danoise [12], la sévérité du « LARS » score était significativement corrélée à la réalisation d’un traitement néo-adjuvant (risque relatif [RR] : 2,48), à l’étendue de l’exérèse rectale (l’ETM versus EPM ; RR : 2,31), à la survenue d’une fistule anastomotique (RR : 2,06), au sexe féminin (RR : 1,35) et à l’âge jeune des patients (< 64 ans) (RR : 1,90). Quel que soit le domaine étudié du « LARS » score, la sévérité était maximale avec l’association RTT + ETM,

T. Sarcher et al. comparée à l’ETM seule et à l’EPM seule. Parmi les nombreux facteurs de risque de séquelles digestives étudiés dans la littérature [6], 4 apparaissent prépondérants et sont spécifiquement étudiés dans cette mise au point : la RTT, l’étendue de la résection rectale y compris la RIS, la confection ou non d’un réservoir colique, et la survenue d’une fistule anastomotique.

Influence de la RTT Selon une revue récente de la littérature [14], ayant inclus 18 études de 1980 à 2012 (2 essais randomisés, 7 études prospectives et 9 études rétrospectives, soit au total 1739 patients) la RTT augmentait significativement le risque d’incontinence fécale avec un RR de 1,67. Cet effet significatif de la RTT persistait en séparant les essais non randomisés des essais randomisés. Toutefois, ces résultats sont à nuancer en raison de l’hétérogénéité des études, liée à la longue période d’inclusion. Quel que soit le protocole d’irradiation (schéma court ou long), la RTT altère significativement le résultat fonctionnel [15,16]. La RTT représente un facteur de risque indépendant de SRA majeur dans les études récentes ayant utilisé le « LARS » score [12,13,17—20]. Cet effet délétère persiste y compris en cas d’EPM, ce qu’a récemment suggéré une étude ayant corrélé le résultat fonctionnel avec le « LARS » score à la longueur du rectum restant mesurée par IRM [21]. Parmi les 100 patients sans RTT, un SRA majeur était observé dans 27 % des cas. Il était significativement plus fréquent lorsque le moignon rectal était inférieur à 4 cm (46 % vs 10 %, p < 0,0001). En revanche, un SRA sévère était observé chez 80 % des patients ayant eu une RTT (n = 25).

Influence de l’étendue de la résection y compris la RIS Quels que soient les items du « LARS » score utilisés, les résultats sont corrélés à l’étendue de la résection et les séquelles digestives plus prononcées après ETM comparée à l’EPM [12]. Cette étendue de la résection est dictée par la localisation tumorale et entraîne la confection soit d’une anastomose colorectale basse, soit d’une anastomose coloanale avec ou sans RIS associée. Selon plusieurs travaux récents, la localisation basse de la tumeur et/ou la confection d’une anastomose basse (< 5 cm de la marge anale) représentaient des facteurs de risque indépendant de SRA majeur que ce soit avec le « LARS » score [17—20,22] ou le score développé par le Memorial Sloan Kettering Cancer Center (« MSKCC-BFI score ») [23]. Si les limites de la conservation sphinctérienne ont été repoussées par certaines équipes réalisant une RIS sans péjorer le pronostic carcinologique, il est important d’informer les patients des résultats fonctionnels attendus. On dispose depuis 2012 [24] d’une revue de la littérature, ayant inclus 8 études soit 727 patients, évaluant les résultats fonctionnels de cette technique. Le nombre moyen de selles était de 2,7 par 24 heures ; 51,2 % (35,4—67,1 %) des patients rapportaient une continence parfaite, 29,1 % (15,3—43 %) des fuites de selles et 23,8 % (16,7—30,9 %) une incontinence aux gaz. Les auteurs observaient une impériosité et l’utilisation de ralentisseurs du transit dans respectivement 18,6 % et 18,4 %. Les auteurs recommandaient de réserver la RIS aux patients jeunes ayant une bonne fonction sphinctérienne préopératoire, un long canal anal, en raison des conséquences fonctionnelles digestives [24]. Selon l’expérience bordelaise à propos de 100 patients consécutifs, près de la moitié d’entre eux rapportaient des fuites, 75 % une fragmentation

Le syndrome de résection antérieure du rectum et 25 % des difficultés d’évacuation [25]. En termes de continence, près d’un malade sur 2 rapportait une continence correcte (14 % étaient totalement continents et 36 % avaient une incontinence aux gaz seulement) ; l’autre moitié étant incontinente (légère chez 39 % et sévère chez 11 % des cas respectivement). Là encore la localisation tumorale (plus de 1 cm au-dessus de la ligne pectinée) et la hauteur de l’anastomose (2 cm au-dessus de la marge anale) représentaient les facteurs de risque indépendant de bons résultats fonctionnels [25]. Pour améliorer ces résultats, il est actuellement recommandé d’associer un réservoir colique à une RIS [2,3].

Influence de la réalisation d’un réservoir colique Depuis 2007, il est recommandé de réalisé un réservoir colique en J de 5 à 6 cm [3] lorsque le moignon rectal restant est inférieur à 4 cm, les alternatives étant l’anastomose latéro-terminale ou la coloplastie transverse. On dispose actuellement d’une méta-analyse récente comparant les différents types de reconstruction après ACA sur la fonction ano-rectale, n’ayant inclus que les essais randomisés avec un suivi minimum de 6 mois [26]. De manière arbitraire, les résultats étaient analysés précocement (< 8 mois), à une période intermédiaire (entre 8 et 18 mois) et tardivement (> 18 mois). Le critère principal de jugement était le nombre de selles par jour, les critères secondaires étant l’incontinence aux gaz, aux selles liquides et solides ; l’impériosité ; la sensation incomplète d’évacuation et l’utilisation régulière de ralentisseurs du transit. Le nombre de patients traités par RTT était identique dans chaque groupe. La majorité des patients avait été opérée par laparotomie ; la distance médiane de la tumeur à la marge anale étant de 6,8 cm ; 11,4 % des ACA étaient manuelles [26]. La confection d’un réservoir en J de 5 à 6 cm par rapport à une ACA directe améliorait significativement le résultat fonctionnel au cours de 8 premiers mois, diminuant la poly-exonération et les troubles de l’évacuation. Entre le 8e et le 18e mois, le réservoir en J diminuait significativement le nombre de selles et l’utilisation de ralentisseurs du transit. Selon cette méta-analyse, les résultats fonctionnels étaient comparables quelle que soit la technique utilisée : le réservoir colique en J, l’anastomose latéroterminale ou la coloplastie transverse [26]. En revanche, les données étaient insuffisantes pour conclure à la supériorité de l’anastomose latéro-terminale et/ou de la coloplastie transverse par rapport à l’anastomose directe. Enfin, il était difficile de conclure, au-delà de 1 an, à la supériorité d’un montage par rapport à l’autre [26].

Influence de la fistule anastomotique Trois études cas-témoins [27—29] ont décrit une détérioration de la fonction ano-rectale après survenue d’une fistule anastomotique mais le nombre total de patients inclus était faible (de 22 à 63). Selon l’étude récente d’Ashburn et al., ayant inclus 864 patients, la survenue d’une fistule anastomotique, identifiée chez 52 patients, était significativement associée à une poly-exonération diurne (4,9 vs 2,8, p = 0,001) et nocturne (1,8 vs 1,2, p = 0,03), à une augmentation du nombre d’épisodes d’incontinence aux selles solides (2,6 vs 2,0, p = 0,01) et de l’utilisation de protection (2,7 vs 1,8, p = 0,001) [30]. À notre connaissance, une seule étude, franc ¸aise, cas-témoins, a rapporté l’influence de la fistule anastomotique symptomatique (c’est-à-dire avec des signes de sepsis, de péritonite, émission de gaz ou de pus par le

393 drain pelvien, émission de pus par l’anus ou la présence d’une fistule recto-vaginale) sur les séquelles digestives en utilisant le « LARS » score [31]. Quarante-six patients avec une fistule anastomotique (23 symptomatiques et 23 asymptomatiques) étaient appariés à 89 témoins selon l’âge, le sexe, la RTT, et le type d’anastomose. Seule la fistule anastomotique clinique augmentait significativement la prévalence du SRA et de sa forme sévère par rapport à la population témoin (44 % vs 17 %, p = 0,004). Les séquelles digestives étaient comparables en fréquence et en sévérité entre la population témoin et les patients avec une fistule anastomotique asymptomatique. En analyse multivariée, les 4 facteurs de risque indépendants de séquelles digestives étaient la survenue d’une fistule anastomotique, la RTT, la RIS et une anastomose colo-anale manuelle [31]. En résumé, le SRA est observé chez près de deux tiers des patients et dans une forme sévère chez près de la moitié d’entre eux, engendrant une altération de leur qualité de vie. Les principaux facteurs de risque sont la RTT, l’étendue de la résection et la confection d’une anastomose basse, la réalisation d’une RIS, l’absence de réservoir colique et la survenue d’une fistule anastomotique symptomatique.

Utilisation rationnelle des scores Deux revues récentes de la littérature [32,33] ont évalué les séquelles digestives après proctectomie. Malheureusement ces résultats sont difficilement interprétables en raison de l’hétérogénéité des outils d’évaluation utilisés, que ce soit un simple interrogatoire, des scores propres aux équipes, des scores non validés ; ce chiffre atteignant 65 % des 48 études incluses dans la revue de Scheer et al. [33]. Beaucoup d’auteurs ont considéré et considèrent encore l’incontinence fécale comme la principale séquelle digestive, en sous-estimant l’impériosité et les troubles de l’évacuation. Une étude récente a évalué la fiabilité de 5 scores [34], distinguant respectivement :

Le score de Wexner Il évalue la fréquence des 3 composantes de l’incontinence fécale (aux selles solides, aux selles liquides et aux gaz respectivement) et leurs conséquences (utilisation de protection et altération de la qualité de vie). Pour chaque item, la fréquence oscille de jamais à toujours. Le score total varie de 0 (continence parfaite) à 20 (incontinence complète) ; un score > 9 signifiant une incontinence clinique.

Le score du St Mark’s Construit après le score de Wexner, il incorpore 3 modifications : un item sur l’impériosité (réponse oui/non) ; l’utilisation de ralentisseurs du transit (réponse oui/non) et l’utilisation de protections (réponse oui/non). Le score total varie de 0 (continence parfaite) à 24 (incontinence).

Le « FISI » (Fecal Incontinence Severity Index) score Il évalue la fréquence des 3 composantes de l’incontinence fécale (gaz, selles liquides et selles solides) et inclue la fréquence des souillures. Chaque item est codé selon la fréquence des réponses, le score total variant de 0 à 61. Toutefois, ces scores sont incomplets dans leur interprétation. Ainsi dans le score de Wexner, un symptôme mineur

394 peut être fréquent sans pour-autant que l’incontinence fécale soit sévère. De plus dans les scores de Wexner et du St Marks, les différents types d’incontinence (gaz, selles liquides, selles solides) sont pondérés de la même manière, alors qu’ils n’ont pas la même signification pour le patient et pour le clinicien. À l’inverse des deux précédents scores, le « FISI » score objective les symptômes ressentis par le patient dans le mois qui précède le recueil des données. Enfin, ces 3 scores n’évaluent que l’aspect de la continence et sont donc incomplets pour évaluer tous les aspects du syndrome de SRA, en particulier la discrimination et l’impériosité [34].

Le score du Memorial Sloan Kettering Cancer Center Bowel Function Instrument (MSKCC-BFI) Il s’agit du premier questionnaire publié, spécifiquement dédié à l’évaluation de la fonction ano-rectale après conservation sphinctérienne pour cancer du rectum [35]. Il regroupe 18 items évaluant la fréquence des selles, la nécessité ou non d’un régime alimentaire, les troubles de l’évacuation avec ou sans fragmentation, l’impériosité avec ou sans fuites et la discrimination gaz-selles, dans le mois précédent le recueil. Si le score le plus élevé représente un très bon résultat fonctionnel, l’inconvénient majeur de ce score réside dans son utilisation complexe.

Le « LARS » score Depuis 2012, on dispose d’un score dédié spécifiquement au syndrome de résection antérieure du rectum, validé dans plusieurs langues [11], mesurant l’impact des séquelles digestives sur la qualité de vie des patients (Annexe 1). Le « LARS » score a été développé à partir d’une étude de cohorte danoise incluant 483 patients puis validé chez 478 patients. Au total, 961 patients ont été inclus, (405 femmes et 556 hommes, d’âge moyen de 69 ans) et suivis en moyenne pendant 56 mois. Ce score inclue 5 items : l’incontinence aux gaz, l’incontinence aux selles liquides, la fragmentation et l’impériosité (en précisant pour chaque item la fréquence : jamais, moins d’une fois par semaine ou plus d’une fois par semaine) et la fréquence des selles (en précisant respectivement plus de 7, entre 4 et 7, entre 1 et 3 et moins d’une selle par 24 heures). Il évalue comment ces séquelles fonctionnelles digestives affectent la qualité de vie, à savoir jamais, très peu, souvent ou tout le temps. Il n’existe pas de SRA si le score est compris entre 0 et 20. En revanche, ce SRA est mineur si le score est compris entre 21 et 29 et majeur si le score varie de 30 à 42. Ce score a été validée dans différentes langues (anglais, allemand, espagnol, suédois), mais à notre connaissance pas en franc ¸ais [13,17]. En résumé, lorsque l’on s’intéresse spécifiquement à l’incontinence fécale, les scores de Wexner, du St Marks ou le FSFI sont adéquats, le FSFI étant le plus rigoureux sur le plan méthodologique. En revanche, ils sont incomplets pour évaluer l’ensemble des composantes de la fonction ano-rectale postopératoire [34]. Si le score du MSKCC-BFI est le questionnaire de choix pour évaluer le SRA [35], il est trop complexe à utiliser. Raison pour laquelle, le « LARS » score est actuellement utilisé préférentiellement de première intention [11,34]. Ce score validé dans plusieurs pays est reproductible et permet d’apprécier le retentissement

T. Sarcher et al. sur la qualité de vie des patients, en particulier la fragmentation et l’impériosité [36].

Histoire naturelle du SRA et évolution avec le temps Selon une revue récente de la littérature [32], les symptômes du SRA sont plus sévères et plus fréquents dans les 4 premiers mois qui suivent la fermeture de la stomie, puis s’améliorent avec le temps pour se stabiliser entre la 1re et la fin de la 2e année. Toutefois, ce SRA peut persister à long terme. Nous abordons ici successivement la poly-exonération, l’incontinence fécale, l’impériosité et les troubles de l’évacuation.

La poly-exonération Par rapport au préopératoire, les selles sont 2 à 6 fois plus fréquentes au cours des 6 premiers mois, puis 2 à 5 fois au cours de la 1re année. À 2 ans, le résultat persiste et varie entre 2 et 4 selles par jour. En raison de cette polyexonération, jusqu’à trois quarts des patients utilisent des ralentisseurs du transit [32].

Incontinence fécale Sa prévalence est élevée en postopératoire immédiat et diminue avec le temps. L’incontinence aux gaz varie de 19 % à 6 mois à 12 % à un an. L’incontinence aux selles liquides est comprise entre 16 et 71 % à 6 mois, et entre 9 et 72 % à un an. Enfin, l’incontinence aux selles solides est rapportée entre 12 et 48 % à 6 mois et entre 5 et 50 % à un an. Au-delà, 32 à 55 % des patients rapportent des épisodes d’incontinence aux selles liquides et 15 à 26 % des épisodes d’incontinence aux selles solides. Ces épisodes entraînent le port de protection chez 3 à 77 % des patients et des soins en raison d’excoriations périnéales dans 5 à 51 % des cas [32].

Impériosité et troubles de la discrimination Tout comme les autres symptômes, l’impériosité va diminuer avec le temps. Elle est comprise entre 25 et 77 % à 4 mois, entre 17 et 67 % à 6 mois et entre 8 et 76 % à 1 an. Dans les études de cohorte disponibles, l’impériosité oscille entre 40 et 46 % à 4 ans et entre 16 et 38 % à 5 ans. Les troubles de la discrimination gaz-selles sont également fréquents compris entre 11 à 67 % la 1re année, puis entre 17 à 20 % la 2e année et entre 14 et 32 % la 4e année [32].

Fragmentation et troubles de l’évacuation La fragmentation et les troubles de l’évacuation sont également fréquemment rapportés et suivent la même cinétique avec le temps que les autres symptômes. Ils varient entre 28 et 75 % à 6 mois, entre 13 et 93 % à un an, entre 28 et 58 % à 2 et entre 29 et 74 % à 4 ans [32].

Séquelles digestives à long terme Les résultats fonctionnels digestifs à plus de 10 ans ont été peu publiés [37—43]. Dans les 4 premières études, issus d’un essai randomisé [37] et de 3 études observationnelles [38—40], les résultats étaient difficiles à interpréter car la chirurgie carcinologique n’était pas optimale selon la technique de l’ETM et la RTT était réalisée en néo- ou en

Le syndrome de résection antérieure du rectum adjuvant. Les résultats à plus de 10 ans, utilisant le « LARS » score, ont récemment été rapportés dans une étude italienne bi-centrique, ayant inclus 93 patients avec un suivi médian de 13,7 ans [41]. Un SRA était observé chez 47,5 % des patients (mineur dans 20,5 % des cas et majeur dans 27 % des cas). Issu de l’essai randomisé multicentrique néerlandais (Dutch trial), Chen et al. avaient observé en utilisant le « LARS » score chez 242 patients avec un suivi médian de 14,6 ans, un SRA dans 68 % des cas (mineur dans 22 % des cas et majeur dans 46 % des cas) [42]. Issu du même essai, Wiltink et al. ont observé chez 478 patients (241 avec et 237 sans RTT) avec un suivi médian de 14 ans, un impact significativement négatif de la RTT sur la poly-exonération, l’impériosité, les pertes muqueuses et l’utilisation de protection [43]. En résumé, les séquelles digestives sont fréquentes après proctectomie et s’améliorent avec le temps, notamment au cours des 2 premières années quels que soient les symptômes. Toutefois, ces séquelles digestives peuvent persister au-delà de la 2e année chez près d’un patient sur deux, altérant de manière significative leur qualité de vie. Or, la prévalence et la sévérité du SRA sont souvent sous-estimées par les praticiens, comme le soulignent deux études récentes ayant interviewé respectivement 484 chirurgiens américains et espagnols (membres des sociétés savantes de chirurgie colorectale américaine et colo-proctologie espagnole) et 58 experts [44,45]. Dans la première étude, près de 3 chirurgiens sur 4 considéraient que le SRA était sévère chez moins de 40 % des patients et 1/3 d’entre eux utilisaient un score approprié pour le mesurer, l’ensemble des symptômes du SRA n’étant pas correctement évalué [44]. De même dans l’étude de Chen et al., il existait une discordance entre les symptômes exprimés par les patients et ceux soulignés par les 58 experts. Si les experts surestimaient la prévalence de l’incontinence aux selles liquides et/ou solides, les patients étaient préférentiellement invalidés par l’impériosité et les troubles de l’évacuation [45]. De ce fait, leur prise en charge thérapeutique était souvent peu ou mal connue. Ainsi, seuls 56 % des chirurgiens américains et 41 % des chirurgiens espagnols disaient prescrire des mesures diététiques et un traitement médical alors que l’irrigation colique rétrograde, le biofeedback et/ou la neuro-modulation sacrée n’étaient proposées que par moins d’un chirurgien sur 3 [44].

Prise en charge thérapeutique du SRA Devant un SRA, il est habituel de proposer une escalade thérapeutique après avoir éliminé une cause chirurgicale (sténose anastomotique), ou une récidive tumorale accessible à un traitement spécifique (Fig. 1). Nous traitons ici successivement la place du traitement médical, de la réhabilitation multimodale, de la neuro-modulation sacrée et du traitement chirurgical pouvant aller jusqu’à la stomie définitive [46].

Place du traitement médical Dans l’incontinence comme dans la dyschésie, la base du traitement médical repose sur l’obtention de la vacuité du réservoir en jouant sur le transit et sur les lavements évacuateurs. En cas de diarrhée, les ralentisseurs du transit sont utiles tout autant que des mesures diététiques [47]. Si le transit est régulier, la consistance des selles correcte, on doit favoriser des évacuations régulières par des

395 suppositoires évacuateurs ou des lavements à l’eau dont l’utilisation doit être quotidienne [46]. L’irrigation colique rétrograde matinale peut permettre d’obtenir une meilleure vacuité du réservoir éventuel et du côlon d’amont qu’après lavement évacuateur simple. Dans une étude prospective réalisée chez 14 malades souffrant du SRA plus de 9 mois après la chirurgie, les irrigations coliques trans-anales pratiquées toutes les 24 à 72 heures amélioraient significativement le score de Wexner (5 versus 17) et la qualité de vie des patients [48]. Toutefois, la durée nécessaire à la réalisation de l’irrigation rétrograde était de 44 min [49]. La lourdeur du geste et son caractère chronophage représentent les principaux inconvénients de cette technique.

Place de la réhabilitation multimodale Avec l’utilisation du « LARS » score, la fragmentation et l’impériosité représentent les symptômes qui handicapent le plus les patients [45]. S’il n’existe pas à l’heure actuelle de traitement spécifique du SRA, une revue récente de la littérature a précisé la place et les résultats d’une prise en charge multimodale, basée sur des procédés aussi divers que les conseils comportementaux, les exercices musculaires, le biofeedback, la stimulation électrique (ou électrostimulation), la rééducation proprioceptive et coordination des muscles du pelvis et la sensibilité viscérale à la distension [50]. Les outils utilisés étaient proposés en fonction des résultats de la manométrie ano-rectale (pression de repos, contraction volontaire maximale, perception de la sensibilité rectale, volume maximal toléré et compliance rectale). Parmi les 5 études retenues, 3 étudiaient précisément le traitement de l’incontinence fécale ou du SRA majeur. Ce programme a été proposé à 89 % des patients (286 au total) qui avaient majoritairement été irradiés et avaient une anastomose colorectale basse (< 5 cm de la ligne pectinée). La rééducation pelvi-périnéale était utilisée dans toutes les études, associée au biofeedback dans 4 d’entre elles. La durée du programme variait de 10 à 17 semaines et pouvait atteindre plus d’un an. Dans 4 études, le score de Wexner était significativement amélioré par ce programme, notamment lorsque le biofeedback était démarré plus de 15 mois après la chirurgie. Il en découlait une amélioration de la qualité de vie, illustrée par une meilleure image corporelle et moins d’épisodes dépressifs. L’amélioration des résultats se traduisait sur le plan manométrique dans une étude par une augmentation significative de la pression maximale de contraction et de la capacité rectale. Cette réhabilitation multimodale suggérait un effet bénéfique sur la continence et la poly-exonération [50]. L’association d’une électrostimulation au biofeedback a été récemment testée chez 32 patients ayant eu une RIS [51], entraînant une diminution significative de la poly-exonération (18,8/j vs 7,8/j avant traitement, p < 0,001), de l’utilisation de ralentisseurs du transit (9/32 vs 27/32, p < 0,001), et du score moyen de Wexner (12,9 vs 17,7, p < 0,001) et une augmentation de la pression maximale de contraction sans effet sur la pression de repos, sur le plan manométrique. Quel que soit le niveau de l’anastomose digestive, cette réhabilitation serait d’autant plus efficace qu’elle est réalisée de manière différée (10 à 18 mois) et qu’elle dure au moins 3 mois [50,51].

Place de la neuro-modulation des racines sacrées Dans l’escalade thérapeutique, la neuro-modulation sacrée a été proposée chez des patients afin d’éviter la stomie

396

Figure 1.

T. Sarcher et al.

Algorithme décisionnel de prise en charge d’un syndrome de résection antérieure (SRA).

définitive avec des résultats encourageants. Une revue récente de la littérature [52] a évalué la place et les résultats de la neuro-modulation des racines sacrées dans le traitement du SRA majeure. Sept études ont été sélectionnées dont 6 prospectives, incluant au total 43 patients avec un suivi médian de 15 mois. L’implantation définitive a été possible chez 34 patients (79 %). Une amélioration a été observée chez 32 patients (94 %), soit en intention de traiter 74,4 % de bons résultats. La neuro-modulation sacrée avait un effet bénéfique sur la poly-exonération nocturne (de 3 à 0,5 épisodes par nuit), le nombre d’épisodes d’incontinence diurne (de 7 à 0,5), le nombre d’épisodes d’incontinence fécale par semaine (42,5 ± 13,7 vs 13,7 ± 7,4). Elle permettait également d’observer une disparition de la fragmentation, de l’impériosité et des fuites chez deux tiers des patients [52]. Une étude plus récente multicentrique franc ¸aise [53] a conforté la pertinence de cette approche thérapeutique chez des patients opérés d’une résection rectale avec une amélioration des scores de LARS et de Wexner chez 87,5 % d’entre eux. Toutefois, ces résultats préliminaires méritent d’être validés par d’autres études à plus grande échelle.

Place de la chirurgie En cas de séquelles digestives, il faut savoir patienter, ce d’autant que les résultats fonctionnels vont s’améliorer au cours des 2 premières années [32]. Toutefois, il est indispensable d’éliminer au préalable une récidive locale ou une sténose anastomotique. En cas de sténose anastomotique, le plus souvent observée après anastomose mécanique qu’après anastomose manuelle, la réalisation systématique d’un toucher rectal permet de faire le diagnostic en consultation, voire de dilater la sténose. En cas de sténose courte, une ou plusieurs séances de dilatation à la bougie peuvent être nécessaires et en cas d’échec, une intervention d’Arnous peut être proposée [54]. La stratégie thérapeutique est plus délicate en cas de sténose anastomotique longue et/ou associée à une fistule anastomotique. Dans certains cas, certaines équipes expérimentées proposent de réaliser en l’absence d’une récidive locale, une réfection de l’anastomose colorectale basse ou colo-anale, intervention délicate et morbide. Dans l’expérience récente de 3 équipes franc ¸aises, ayant inclus respectivement 33, 50 et 66 patients, la mortalité était nulle

Le syndrome de résection antérieure du rectum et la morbidité variait de 26 à 55 % [55—57]. La confection d’une nouvelle anastomose fut impossible chez 5 patients et 80 à 100 % des patients ont pu avoir une fermeture de leur stomie. Selon les études, 70 % des patients avaient moins de 3 selles par jour [55], le score médian de Wexner était de 8 (28 % ayant une continence parfaite et 60 % une fragmentation) [56]. Si ces résultats illustrent l’expertise des centres, la plupart des patients se voient proposer une stomie définitive.

La stomie définitive : la solution ultime La réalisation d’une colostomie définitive représente la solution thérapeutique de dernier recours avec une prévalence comprise entre 3 à 24 % [58,59]. Sa prévalence augmente avec le temps comme le souligne l’expérience bordelaise, passant de 11 % à 1 an à de 22 % à 10 ans [60] ; les raisons principales étant les complications septiques périanastomotiques, l’incontinence fécale et la récidive locale. Ces 3 causes étaient également rapportées dans le travail de Dinnewitzer et al. ; la fistule anastomotique représentant 60 %, l’incontinence fécale 27 % et la récidive locale 13 % des indications [58]. Selon Lee et al., ayant récemment suivis 2528 patients, les deux facteurs de risque indépendants de stomie définitive, effectuée chez 28 patients (11 %), étaient la récidive locale (OR : 5,05) et les complications anastomotiques (OR : 4,37). Toutefois, aucune évaluation des séquelles fonctionnelles digestives n’avait été réalisée [59]. En résumé, même si les résultats fonctionnels s’améliorent avec le temps, près d’un patient sur deux va continuer à vivre avec des séquelles digestives au-delà de 2 ans. Une prise en charge thérapeutique associant mesures diététiques, lavement évacuateurs ou ralentisseurs du transit peut permettre dans un premier temps une amélioration. Dans un second temps, une prise en charge multimodale associant biofeedback, électrostimulation, thérapie comportementale est indiquée, voire une neuro-modulation sacrée en cas d’échec. Les solutions chirurgicales comme la colostomie définitive ne sont indiquées qu’en derniers recours, à condition d’avoir éliminé au préalable une sténose anastomotique et/ou une récidive locale.

Conclusions Les séquelles fonctionnelles digestives regroupées sous le terme de SRA sont très fréquentes en postopératoire et s’améliorent aux cours des 2 premières années. Le « LARS » score a permis de mieux appréhender la complexité et la

397 sévérité de ce SRA. Au-delà de 2 ans, près d’un malade sur 2 va souffrir d’une forme majeure, altérant sa qualité de vie. Les principaux facteurs de risque indépendants sont la RTT, l’étendue de l’exérèse (ETM) y compris la RIS, l’absence de réservoir colique et la survenue de complications anastomotiques. Ce SRA dans sa forme complète est encore mal connu et mal évalué par les praticiens si bien qu’une minorité des patients a accès à l’ensemble des stratégies thérapeutiques disponibles (simples mesures diététiques, régulateurs du transit, irrigation colique, réhabilitation multimodale, neuro-modulation sacrée). La colostomie représente la solution thérapeutique ultime, mais nécessite au préalable d’éliminer une sténose anastomotique ou une récidive. Une meilleure connaissance du SRA, de son histoire naturelle ainsi que de ses alternatives thérapeutiques permettra à l’avenir une meilleure information et prise en charge des patients.

Points forts • Le syndrome de résection antérieure du rectum (SRA), d’origine multifactorielle, associe à des degrés divers une poly-exonération, une incontinence aux gaz et aux selles liquides et/ou solides, une impériosité et des troubles de la discrimination (gaz-selles) et de l’évacuation. • Le « LARS » score est le plus approprié pour mesurer le SRA et son impact sur la qualité de vie. Il comprend 5 items (l’incontinence aux gaz, l’incontinence aux selles liquides, la fréquence des selles, la fragmentation et l’impériosité). En fonction du score, le SRA est absent (0—20), mineur (21—29) ou majeur (30—42). • Le SRA s’améliore au cours des 2 premières années, mais il persiste au-delà chez près de 60 % des patients et dans une forme majeure chez un patient sur deux. Les principaux facteurs de risque d’un SRA majeur sont la radiothérapie néo-adjuvante, l’étendue de la résection (exérèse totale du mésorectum y compris la résection inter-sphinctérienne), l’absence de réservoir colique et la fistule anastomotique. • De nombreuses alternatives thérapeutiques existent afin d’améliorer ce SRA, incluant les mesures hygiéno-diététiques, les régulateurs du transit, les irrigations coliques rétrogrades, la réhabilitation multimodale (biofeedback, électrostimulation) et la neuro-modulation sacrée ; la stomie définitive représentant la solution ultime.

398

T. Sarcher et al.

Annexe 1. Score LARS : modalités de calcul Additionner les scores de chacune des 5 questions pour obtenir le score final. Vous arrive-t-il de ne pouvoir contrôler l’émission de gaz ?  Non, jamais  Oui, moins d’une fois par semaine  Oui, au moins une fois par semaine

0 4 7

Avez-vous des fuites de selles liquides ?  Non, jamais  Oui, moins d’une fois par semaine  Oui, au moins une fois par semaine

0 3 3

Quelle est la fréquence de vos selles ?  Plus de 7 fois par jour (24 h)  4 à 7 fois par jour  1 à 3 fois par jour  Moins d’une fois par jour

4 2 0 5

Avez vous envoie d’aller à la selle moins d’une heure après la précédente défécation ?  Non, jamais  Oui, moins d’une fois par semaine  Oui, au moins une fois par semaine

0 9 11

Avez vous des envies impérieuses d’aller à la selle, vous obligeant à aller rapidement aux toilettes ?  Non, jamais  Oui, moins d’une fois par semaine  Oui, au moins une fois par semaine

0 11 16

Score total : Interpretation: 0—20 : Pas de SRA (LARS) 21—29 : SRA mineur 30—42 : SRA majeur

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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