Le syndrome de Whim : une cause exceptionnelle de bronchiectasies diffuses

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Cas clinique Le syndrome de Whim : une cause exceptionnelle de bronchiectasies diffuses Déficit immunitaire en CXCR4 et suppuration bronchique chroni...

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Cas clinique

Le syndrome de Whim : une cause exceptionnelle de bronchiectasies diffuses Déficit immunitaire en CXCR4 et suppuration bronchique chronique

H. Vinurel, N. Freymond, Y. Pacheco, G. Devouassoux

Résumé Le syndrome de Whim, qui associe des verrues (Warts), une hypogammaglobulinémie (Hypogammaglobulinemia), des infections bactériennes récurrentes (Infections) et une rétention médullaire de neutrophiles matures ( Myélokathesis) est une maladie orpheline, consécutive à un déficit immunitaire complexe (mutation et/ou anomalie fonctionnelle de CXCR4, récepteur naturel de la chimiokine stromal cell-derived factor-1 [SDF1 ou CXCL12], impliquée dans le trafic lymphocytaire et la régulation du homing médullaire des neutrophiles). De description récente, ce déficit immunitaire mal reconnu, souvent à transmission autosomique dominante est responsable d’épisodes infectieux essentiellement respiratoires, du développement de verrues diffuses HPV-induites. Nous rapportons l’observation d’un patient âgé de 36 ans, suivi depuis de nombreuses années pour un tableau de bronchiectasies diffuses, avec épisodes infectieux bronchiques itératifs, responsables d’une détérioration progressive de sa fonction respiratoire. L’identification, même tardive de la mutation du gène codant pour CXCR4 a permis de mieux comprendre sa physiopathologie, d’envisager des voies thérapeutiques futures et surtout de dépister sa famille pour une prise en charge précoce de ses enfants. Mots-clés : Syndrome de Whim • CXCR4/SDF-1 (CXCL12) • Neutropénie • Lymphopénie • Hypogammaglobulinémie • Bronchiectasie.

Service de Pneumologie, Centre Hospitalier Lyon Sud, HCL, Lyon, France. Correspondance : G. Devouassoux Service de Pneumologie, CHLS, 165 chemin du Grand-Revoyet, 69495 Pierre-Bénite Cedex. [email protected] Réception version princeps à la Revue : 27.08.2007. Demande de réponse aux auteurs : 02.10.2007. Réception de la réponse des auteurs : 15.11.2007. Acceptation définitive : 17.11.2007. Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 614-8 Doi : 10.1019/200720265

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Le syndrome de Whim : une cause exceptionnelle de bronchiectasies diffuses

Introduction The Whim syndrome: a rare cause of diffuse bronchiectasis. Immune defect of CXCR4 and chronic bronchial suppuration

H. Vinurel, N. Freymond, Y. Pacheco, G. Devouassoux

Summary Whim syndrome, an association of warts, hypogammaglobulinemia, recurrent bacterial infections and the retention of mature polymorphonuclear cells within the bone marrow is an orphan disease. It occurs due to a complex immune defect, mutation and/ or dysfunction of CXCR4, the natural receptor of stromal cell-derived factor 1 [SDF-1 or CXCL12], which is implicated in the control of bone marrow homing of precursor cells and lymphocyte trafficking. Recently described, this poorly recognized immune defect is often inherited as an autosomal dominant trait and is responsible for multiple respiratory infectious events and the development of extensive HPV-induced warts. We report the case of a 36 year old man, who had been under follow up for many years because of diffuse bronchiectasis, with frequent pulmonary infections and progressive lung function deterioration. Late identification of a CXCR4 gene mutation led to a better understanding of the pathophysiology of his condition, allowing the discussion of future therapeutic strategies and finally to test relatives for similar mutations. Key-words: Whim syndrome • CXCR4/SDF-1 (CXCL12) • Neutropenia • Lymphopenia • Hypogammaglobulinemia • Bronchiectasis.

Whim est un acronyme, pour un syndrome complexe qui conjugue la présence de verrues (Warts) viro-induites (human papilloma virus), une hypogammaglobulinémie (Hypogammaglobulinemia), des infections bactériennes à répétition (Infection), et une moelle osseuse hyperplasique, riche en cellules myéloïdes matures (Myelokathexis), associée à une neutropénie périphérique sévère et chronique [1]. Ce déficit immunitaire est responsable d’une maladie orpheline, avec quelques dizaines de cas mondiaux recensés [1]. Il est la conséquence d’une mutation, à transmission autosomique dominante, de l’extrémité C terminale de CXCR4 [2], récepteur de stromal cell-derived factor-1 (SDF-1) ou CXCL12, chimiokine impliquée dans le contrôle du homing médullaire des précurseurs leucocytaires CD34+ et le trafic lymphocytaire [3, 4]. Ce déficit immunitaire favorise le développement de pathologies infectieuses récurrentes bactériennes, dès le plus jeune âge, le plus souvent à type d’otite, de sinusite, d’angine et de pneumopathies [1]. Nous rapportons l’observation d’un patient, pour lequel le diagnostic de syndrome de Whim a pu être porté tardivement, dans un contexte de suppuration bronchique chronique, associée à des bronchiectasies diffuses, évoluant depuis l’adolescence.

Observation

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[email protected]

M. P., patient âgé de 36 ans, non-fumeur, père de trois enfants, est hospitalisé en octobre 2003, au décours d’un nouvel épisode infectieux bronchopulmonaire. Ses antécédents médicaux sont marqués par des infections bactériennes répétitives, depuis l’enfance : surinfections bronchiques, pneumopathies, abcès pulmonaire, angine de Vincent, et par la présence de condylomes périnéaux et d’une trentaine de verrues cutanées, essentiellement digitales. Il rapporte la présence depuis de nombreuses années d’une toux productive avec des expectorations purulentes quotidiennes, d’une dyspnée d’effort qui s’accentue progressivement (stade 2 de Sadoul) et des symptômes de sinusite frontale et maxillaire. La tomodensitométrie thoracique (fig. 1) et des sinus de la face (fig. 2) confirment l’existence de dilatations des bronches bilatérales, prédominantes au niveau du lobe inférieur gauche et d’une pansinusite respectivement. L’examen microbiologique de l’expectoration identifie la présence de Morganella morganii. Il existe une hypoxémie de repos (PaO2 = 9,8 KPa, PaCO2 = 5,7 KPa et pH = 7,40). Le test de marche de 6 minutes, réalisé en air objective une désaturation discrète (SaO2 97 % à T0 et 95 % à T6), pour une distance parcourue de 400 m, sans arrêt ni dyspnée ressentie. On note un trouble ventilatoire mixte à prédominance obstructive : VEMS 1 400 ml (40 % de la valeur théorique), VEMS/CV 54 %, CPT 4 500 ml (75 % de la valeur théorique). Il n’y a pas de trouble de la diffusion alvéolo-capillaire du CO. L’hémogramme révèle une leucopénie à 0,84 G/l avec neutropénie à 0,17 G/l, une lymphopénie à 0,51 G/l. Les lignées plaquettaires et érythrocytaires ne sont pas perturbées. L’étude des sous populations lymphocytaires met en évidence une lymphopénie globale et profonde : lymphocytes CD3+ à 338/μl (norme 1100-1700/μl), CD4+ à 150/μl (norme 700-1 100/μl), CD8+ à 189/μl (norme 500-900/μl), CD4+/CD8+ à 0,7 (norme 1,0 à 1,5), CD19+ à 12/μl (norme 200-400/μl) et CD16+/CD56+ à 125/μl (norme 200-400/μl). L’électrophorèse des protéines sériques retrouve une hypogammaglobulinémie à 6,2 g/l. Le dosage pondéral des immunoglobulines sériques montre un taux d’IgG totale normal à 7,22 g/l, mais un déficit portant sur les sous-classes d’IgG 2, 3 et 4, respectivement à 0,36 g/l, 0,135 g/l et

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Fig. 1.

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Fig. 2.

Coupe tomodensitométrique thoracique objectivant des bronchiectasies diffuses, une lobite rétractile inférieure gauche siège de DDB et des foyers multiples d’impaction mucoïde bronchiolaire.

Coupe tomodensitométrique frontale des sinus de la face, révélant une pan-sinusite.

0,002 g/l. Les IgA et les IgM sont effondrées (< 0,26 g/l et 0,40 g/l respectivement). Il en est de même pour les IgE totales (5 KU/l). Le myélogramme montre une hyperplasie de la lignée granuleuse, contrastant avec la neutropénie périphérique. Les polynucléaires neutrophiles médullaires sont hypersegmentés. L’ensemble évoque une séquestration médullaire des neutrophiles ou myélokathéxis. L’exploration fonctionnelle des polynucléaires neutrophiles circulants périphériques est sans particularité quant à leurs capacités de production de NADPH oxydase ou de phagocytose. Le système du complément (CH50, C3, C4) est normal et il n’y a pas d’auto-anticorps antinucléaires. L’ensemble permet de proposer le diagnostic de syndrome de Whim, confirmé par le séquençage moléculaire du gène codant pour CXCR4, situé en 2q21, qui établit la présence d’une mutation dans son extrémité C terminale (1 013 C → G). En interrogeant le patient, on suspecte aussi la présence d’un déficit immunitaire chez son père, décédé avant l’âge de 40 ans et chez sa sœur, qui ont tous les deux, des antécédents d’épisodes infectieux respiratoires à répétition, de dilatations bronchiques et de condylomes périnéaux. Peu de temps avant son décès, consécutif à l’évolution d’un carcinome invasif vulvaire HPV-induit, une analyse génétique du gène codant pour CXCR4 a aussi été réalisée chez sa sœur, révélant la présence de la même mutation. Cette dernière existe aussi chez son dernier enfant, âgé de deux ans, associée à une hypogammaglobulinémie, substituée. Il bénéficie aussi au long cours d’une antibiothérapie prophylactique par cotrimoxazole et reste jusque-là asymptomatique. Au traitement de l’obstruction bronchique chronique, au drainage bronchique quotidien, et au programme de réhabilitation respiratoire, un traitement substitutif IV mensuel par immunoglobulines polyvalentes (0,6 g/Kg) est adjoint. Divers G-CSF sont utilisés, avec une efficacité inconstante. Le pegfilgrastim 6 mg/4 semaines S/C ne permet aucune amélioration de la neutropénie périphérique, tandis que le lénograstime 150 μg/j S/C permet d’obtenir une correction satisfaisante et stable. Au cours des 3 années suivantes, les épisodes infectieux bronchopulmonaires restent cependant nombreux, responsables d’exacerbations multiples de son obstruction bronchique chronique. On assiste à une dégradation progressive de sa fonction respiratoire et à une majoration de l’hypoxémie de repos.

Discussion

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Le syndrome de Whim est associé à un déficit immunitaire complexe, avec des perturbations immunobiologiques profondes, dont les principales sont une hypogammaglobulinémie et une neutropénie, responsables de manifestations infectieuses itératives [1]. Ici, les épisodes infectieux trachéobronchiques répétés depuis de nombreuses années ont permis le développement de dilatations bronchiques diffuses et l’installation d’une obstruction bronchique. Les principales circonstances cliniques de découverte de syndrome de Whim sont des infections bactériennes récurrentes survenant dès la petite enfance, qui répondent bien aux traitements antibiotiques. Ont été ainsi décrits des cas de pneumonies, de cellulites, d’abcès [5], de périodontites, de thrombophlébites, d’omphalites, et de méningites [6]. Les infections de la sphère respiratoire et ORL sont particulièrement fréquentes avec des pneumonies, des broncho-pneumonies, des pleurésies, [7] des sinusites et des otites moyennes [8]. Comme dans notre observation, elles ont été décrites comme pouvant se compliquer de bronchiectasies ou de déficits auditifs [6]. L’expression tomodensitométrique thoracique (fig. 1) évoque la présence d’une lobite rétractile inférieure gauche, consécutive à un foyer de bronchiectasie. De la même façon, un cas d’atélectasie ayant nécessité une lobectomie chirurgicale a été rapporté chez un jeune patient,

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compliquant des infections répétées trachéobronchiques, qu’il présentait depuis la naissance [9]. Même si le syndrome de Whim repose sur des arguments cliniques et biologiques solides, son diagnostic peut être rendu plus difficile en phase aiguë d’un épisode infectieux, avec amélioration transitoire de la neutropénie [10]. Nous avons également pu le remarquer, à l’occasion de deux épisodes infectieux thoraciques particulièrement sévère (pneumonie et péricardite purulente). Malgré la profondeur des désordres immunobiologiques, l’évolution clinique des épisodes infectieux est le plus souvent simple, avec une mortalité secondaire aux infections très faible [5]. Il n’y a pas de susceptibilité particulière aux infections opportunistes, à l’exception d’une susceptibilité spécifique aux sérotypes communs de human papilloma virus (HPV), qui entraîne dans environ 76 % des cas des verrues cutanées extensives, résistantes, apparaissant le plus souvent dans la deuxième décennie de la vie, y compris au niveau anal et génital, avec un cas de condyloma acuminata dysplasique [5]. Les mêmes auteurs rapportent aussi des pathologies lympho-prolifératives viro-induites [5]. Des cas d’infections à herpes simplex virus ont également été rapportés [7]. La majorité des patients présentant une hypogammaglobulinémie sont atteints de complications pulmonaires à type de dilatations bronchiques atteignant préférentiellement les bronches proximales des segments inférieurs de chaque lobe [11]. Les étiologies d’hypogammaglobulinémie sont multiples, constitutionnelles ou acquises. Parmi les principaux déficits primitifs de l’immunité humorale, on retrouve, par ordre décroissant de fréquence, le déficit en IgA (déficit immunitaire le plus fréquent dans la population caucasienne, avec une prévalence de 1/325), les déficits en sous-classe d’IgG, les déficits immunitaires communs variables (groupe très hétérogène d’affections comportant des déficits incomplets de production des immunoglobulines, dont la prévalence est de 1/10 000 à 1/20 000), l’agammaglobulinémie liée à l’X (maladie de Bruton, 1/200 000 naissances), l’agammaglobulinémie autosomique récessive (1/2.106 naissances) et le syndrome hyper IgM autosomique récessif (1/2.106 naissances) [12]. Parmi les déficits immunitaires humoraux secondaires, les principales étiologies comprennent la malnutrition (première cause mondiale), les infections virales à VIH et à EBV, les thérapeutiques immunosuppressives, les fuites protéiques urinaires ou digestives, certaines fœtopathies virales, en particulier la rubéole [12]. À côté de ces étiologies classiques, le syndrome de Whim est une étiologie exceptionnelle d’hypogammaglobulinémie (H), à laquelle s’associe la présence de verrues (Warts), des infections bactériennes à répétition (I), et une myelokathexis (M). CXCR4 est une protéine membranaire, constituée 1) de sept domaines transmembranaires, associés à une protéine G, 2) d’un domaine extra-cellulaire, site de liaison au ligand CXCL12 et 3) d’un domaine intracellulaire C terminal [13]. C’est une mutation du gène codant pour l’extrémité C ter-

minale (334 C → T) du domaine cytoplasmique de CXCR4 qui a été initialement décrite comme responsable du syndrome de Whim [2]. En fait, une grande hétérogénéité génétique est reconnue, avec de nombreuses mutations possibles du gène [2, 13-15]. Nous décrivons ici une nouvelle mutation (1 013 C → G) de l’extrémité C terminale de CXCR4, responsable d’une délétion partielle du gène. Cette mutation est associée à une expression phénotypique identique à celles consécutives aux autres mutations déjà connues du gène [2, 13-15]. Toutes ces mutations en C terminal du gène codant pour CXCR4 sont associées à une anomalie de phosphorylation de la protéine tronquée, responsable in fine d’un défaut d’internalisation du récepteur membranaire CXCR4 [14]. Il a en effet été montré que dans le contexte clinique du syndrome de Whim, il existait une anomalie fonctionnelle constante de CXCR4, associée ou non à la présence d’une mutation. Ainsi, en réponse à CXCL12, son ligand naturel, le récepteur CXCR4 présente un défaut de désactivation et d’internalisation. Cette anomalie fonctionnelle, qui maintient CXCR4 activé, pourrait expliquer à la fois la myélokathesis et la lymphopénie [14]. Très récemment, les mécanismes de la myélokathesis ont été revisités dans un modèle murin transgénique pour CXCR4 humain muté ou non. Des anomalies du relargage leucocytaire sanguin et de la sénescence des cellules myéloïdes expliquent un excès d’apoptose leucocytaire médullaire chez les souris transgéniques pour CXCR4 muté [16]. La prise en charge thérapeutique du syndrome de Whim n’est pas spécifique. Comme dans notre observation, l’utilisation de G-CSF a déjà été proposée [10]. L’efficacité inconstante des G-CSFs disponibles reste pour l’instant sans explication. Des antagonistes de CXCR4 pourraient également faire partie de l’arsenal thérapeutique futur. En facilitant la désactivation de CXCR4, ils pourraient permettre de remédier à la séquestration médullaire des neutrophiles et faciliter le trafic lymphocytaire [17]. Au total, le syndrome de Whim est une entité rare et méconnue, responsable de profonds désordres immunobiologiques, avec des conséquences cliniques sérieuses, notamment infectieuses et fonctionnelles respiratoires. Il est possiblement sous diagnostiqué et la découverte de dilatations bronchiques et/ou d’épisodes infectieux trachéobronchiques itératifs chez de jeunes patients, porteurs de verrues cutanées ou de condylomes nécessite la réalisation première d’un hémogramme et d’une électrophorèse des protéines sériques, avant de poursuivre éventuellement par la réalisation d’un myélogramme et d’une enquête génétique.

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