Le syndrome malin des neuroleptiques

Le syndrome malin des neuroleptiques

pratique iatrogénie Le syndrome malin des neuroleptiques François PILLON Pharmacologue 17 boulevard de Brosses, 21000 Dijon, France Le syndrome mali...

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pratique iatrogénie

Le syndrome malin des neuroleptiques François PILLON Pharmacologue 17 boulevard de Brosses, 21000 Dijon, France

Le syndrome malin des neuroleptiques est une réaction médicamenteuse grave et imprévisible qui se caractérise par quatre symptômes : une altération des fonctions mentales, de la fièvre, une rigidité musculaire et une instabilité du système nerveux autonome. Le pharmacien doit être vigilant lorsque son patient utilise des neuroleptiques ou antipsychotiques mais aussi certains autres médicaments. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Mots clés - médicament antipsychotique ; pharmacovigilance ; syndrome malin des neuroleptiques

Neuroleptic malignant syndrome. Neuroleptic malignant syndrome is a serious and unpredictable drug reaction which is characterised by four symptoms: altered mental functions, fever, muscle rigidity and autonomic dysfunction. The pharmacist must be vigilant when a patient uses neuroleptic or antipsychotic drugs as well as some other medications. © 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved

Keywords - antipsychotic drug; neuroleptic malignant syndrome; pharmacovigilance

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L

a cause exacte du syndrome malin des neuroleptiques est inconnue. Une déplétion et un blocage du système dopaminergique pouvant engendrer une dérégulation de la température corporelle ainsi qu’un pseudo-syndrome parkinsonien sont évoqués. La majorité des cas fait suite à la prise de médicaments antipsychotiques même si d’autres principes actifs peuvent contribuer à la survenue de ce syndrome. Le syndrome malin des neuroleptiques se développe généralement dans les deux premières semaines suivant l’instauration d’un traitement antipsychotique ou après un changement de posologie. Il concernerait 0,01 à 0,02 % des patients traités par antipsychotiques atypiques et 1 à 3 % des

Les signes cliniques révélateurs du syndrome malin des neuroleptiques regroupent des altérations des fonctions mentales, de la fièvre, une instabilité du système nerveux autonome ou des rigidités musculaires.

personnes prenant des neuroleptiques de première génération.

Le diagnostic La classification internationale des maladies (CIM) définit le syndrome

malin des neuroleptiques selon quatre critères : une altération des fonctions mentales, de la fièvre, une rigidité musculaire et une instabilité du système nerveux autonome (tableau  1). Les symptômes

Tableau 1. Signes cliniques du syndrome malin des neuroleptiques.

Adresse e-mail : [email protected] (F. Pillon).

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Altération des fonctions mentales

Fièvre

Instabilité du système nerveux autonome

Rigidité musculaire

Confusion Délire Vertiges Convulsions Coma

Température corporelle supérieure à 38,5 °C

Fluctuation de la pression artérielle Tachycardie Tachypnée Incontinence Hypertension artérielle

Élévation des créatines phosphokinases (CPK) Syndrome extrapyramidal Trismus Rhabdomyolyse Chorée Opisthotonos

© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2015.11.032

Actualités pharmaceutiques • n° 553 • février 2016 •

pratique iatrogénie

Encadré 1. Quelques définitions F L’hyperthermie maligne est une réponse anormale aux agents anesthésiques halogénés et/ou au curare dépolarisant chez des personnes présentant une anomalie génétique affectant le muscle strié squelettique. F Le syndrome sérotoninergique se caractérise par un excès de sérotonine dans le système nerveux central, lié à la prise de certains antidépresseurs, notamment les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (ISRS). Le tableau clinique associe rigidité musculaire, myoclonies, agitation, confusion, hyperthermie, hyperréflexie, manifestations dysautonomiques, avec un risque de choc à résistances vasculaires périphériques basses, de convulsions, de coma, de rhabdomyolyse et/ou de coagulation intravasculaire disséminée.

Encadré 2. Différents médicaments susceptibles d’engendrer un syndrome malin des neuroleptiques F Agonistes dopaminergiques. F Antidépresseurs : tricycliques +++. F Antiémétiques : métoclopramide, dompéridone. F Antipsychotiques atypiques : clozapine, olanzapine, rispéridone, amisulpride, aripiprazole, quétiapine, palipéridone. F Lithium. F Neuroleptiques de première génération : halopéridol +++.

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Les médicaments responsables

Les premiers cas de syndrome malin des neuroleptiques ont été décrits en 1960.

apparaissent rapidement, en moins de 24 à 72 heures. Ce syndrome est identifié par un diagnostic d’exclusion. Ainsi, doivent être principalement éliminés : • une hyperthermie maligne (encadré 1) ; • une infection ; • un accident vasculaire cérébral ; • un syndrome sérotoninergique (encadré 1) ; • un abus de drogues (cocaïne, amphétamine et autres stimulants) ; • un syndrome de sevrage.

Actualités pharmaceutiques • n° 553 • février 2016 •

Divers médicaments sont susceptibles d’engendrer un syndrome malin des neuroleptiques (encadré 2). F Les neuroleptiques de première génération sont souvent impliqués, avec une incidence se situant autour de 1 % [1]. Les premiers cas de syndrome malin des neuroleptiques ont d’ailleurs été décrits en 1960 suite à l’introduction d’un médicament neuroleptique bloquant le système dopaminergique. L’halopéridol, en forme injectable retard, serait particulièrement pourvoyeur de cet effet indésirable : en effet, 44 % des syndromes malins des neuroleptiques de première génération seraient associés à cette forme galénique. F Tous les antipsychotiques (clozapine, olanzapine, rispéridone, amisulpride, aripiprazole, quétiapine et palipéridone) sont susceptibles

d’engendrer un tel effet indésirable (0,01 à 0,02 %) [2,3]. F Les agonistes dopaminergiques et notamment la lévodopa seraient impliqués dans quelques cas survenant plus précisément après l’arrêt des traitements chez des patients parkinsoniens substitués [4]. F Les antidépresseurs ont parfois été incriminés [5]. Dans la plupart des situations répertoriées, la prise d’un antipsychotique était associée à celle d’un antidépresseur. Parmi les antidépresseurs, ce sont les tricycliques qui seraient les plus concernés. F Le métoclopramide et la dompéridone, antiémétiques, sont susceptibles d’engendrer un syndrome malin des neuroleptiques mais il s’agit de cas isolés [6]. Ces médicaments sont des bloqueurs du système dopaminergique. F La prise de lithium en association avec des médicaments antipsychotiques ou en surdose augmenterait, elle aussi, le risque de survenue de syndrome malin des neuroleptiques [5].

Références [1] Maule E. Management of Neuroleptic Malignant Syndrome. Clinical Pharmacy. 2009;1(7):203-5. [2] Troller JN, Chen X, Sachdev PS. Neuroleptic Malignant Syndrome Associated with Atypical Antipsychotic Drugs. CNS Drugs. 2009; 23(6):477-92. [3] Troller J, Chen X, Sachdev P. Neuroleptic Malignant Syndrome Associated With Atypical Antipsychotic Drugs. CNS Drugs. 2009;23(6):477-92. [4] Friedman JH, Feinberg SS, Feldman RG. A neuroleptic malignantlike syndrome due to levodopa therapy withdrawal. Jama.1985 Nov 15;254(19): 2792-5. [5] Assion HJ HF, Laux G. Neuroleptic malignant syndrome under treatment with antidepressants? A critical review. Eur Arch Psychiatry Clin Neurosci. 1998;248:231-9. [6] Stein M SM, Caroff S. Neuroleptic Malignant Syndrome Induced by Metoclopramide in an Infant with Freeman-Sheldon Syndrome. Anaesthesia and Analgesia. 2006;3:786-7.

Conseil à l’officine À l’officine, lors de l’initiation d’un traitement antipsychotique et à chaque augmentation de posologie, il convient de préciser au patient d’arrêter immédiatement le traitement et de consulter son médecin traitant en cas d’hyperthermie et/ou de rigidité musculaire et/ou d’altération de la conscience. w

Déclaration de liens d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

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