Le traitement pharmacologique des douleurs neuropathiques

Le traitement pharmacologique des douleurs neuropathiques

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Actualités pharmaceutiques Ř n° 491 Ř Décembre 2009

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Le traitement pharmacologique des douleurs neuropathiques La douleur neuropathique a des répercussions négatives sur la qualité de vie du patient, à court comme à long terme. Allodynie, hyperalgésie, dysesthésies et troubles du sommeil empêchent d’assumer les activités quotidiennes et professionnelles, avec un retentissement psychologique d’autant plus important que ces signes affectent souvent des patients âgés. Il est donc nécessaire de proposer, dans cette situation, des traitements antalgiques efficaces, adaptés et bien tolérés.

L

a névralgie du trijumeau est, historiquement parlant, la première douleur neuropathique à avoir bénéficié d’un traitement médicamenteux spécifique. Toutefois, si, dès 1853, le clinicien Armand Trousseau (1801-1867) avait suggéré que les décharges paroxystiques brèves affectant le territoire d’une, deux, voire trois branches du trijumeau, à la suite d’une stimulation d’une zone “gâchette” (joue, lèvres, gencives) étaient de nature identique aux décharges épileptiques et que les produits efficaces sur l’épilepsie le seraient sur cette névralgie, la preuve de l’efficacité de la carbamazépine (Tégrétol®) dans cette indication ne fut rapportée qu’en 1963.

de tolérance) sont à l’origine d’une mauvaise observance du traitement antalgique, notamment par antidépresseurs tricycliques.

À savoir Chez le patient âgé en particulier, les effets secondaires et les affections concomitantes empêchent souvent d’adapter convenablement la posologie et de prolonger dans le temps la prise du médicament antalgique par voie générale. En ce sens, la tolérance et les propriétés cinétiques constituent les premières exigences d’un traitement médicamenteux chez le patient âgé souffrant de douleurs neuropathiques.

Traitement systémique, des classes thérapeutiques diversifiées Le mécanisme d’action des médicaments actifs contre les douleurs neuropathiques

Le traitement pharmacologique d’une douleur neuropathique, intégrant une analyse approfondie pour adapter la stratégie thérapeutique proposée au patient, repose sur l’association de molécules diverses ayant une activité plus spécifique, pour les unes, sur les douleurs continues et pour les autres, sur les douleurs paroxystiques.

L’altération des canaux calciques voltage-dépendants est à l’origine de nombreuses pathologies chroniques, incluant notamment l’émergence de douleurs neuropathiques : il est logique que les médicaments bloquant les canaux sodiques voltage-dépendants soient donc généralement efficaces contre ce type de douleurs et que certains d’entre eux aient été agréés. Toutefois, leur

Malgré les progrès réalisés dans la compréhension de la physiopathologie de la douleur neuropathique, son traitement reste toujours difficile, car elle ne réagit pas à l’administration des médicaments antalgiques habituels (salicylés type aspirine, paracétamol, anti-inflammatoires non stéroïdiens). En revanche, les antidépresseurs comme les antiépileptiques ont prouvé leur efficacité lors d’études randomisées, contrôlées versus placebo, conduites notamment chez des patients souffrant de névralgie post-zostérienne et de polyneuropathie diabétique. Ces médicaments sont désormais recommandés dans les conférences de consensus. Toutefois, divers effets secondaires, des interactions médicamenteuses et l’augmentation progressive des doses administrées sur une longue période (phénomène

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Un traitement compliqué

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efficacité est inconstante et leur index thérapeutique parfois médiocre, ce qui peut faire hésiter à les administrer à certains patients de façon prolongée. Les progrès dans la connaissance de la transmission glutamatergique et la prise de conscience du rôle important des récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA), une catégorie de récepteurs ionotropiques, dans la transmission des stimuli douloureux entre le raphé dorsal et le cortex cingulaire antérieur sont à la base de la découverte d’autres médicaments actifs contre les douleurs neuropathiques.

Les antidépresseurs Les antidépresseurs comptent parmi les médicaments les plus communément prescrits (tableau 1) pour traiter les douleurs neuropathiques chroniques comme lancinantes.

Les tricycliques comptent au nombre des molécules les plus efficaces dans le traitement des douleurs neuropathiques, notamment périphériques. L’amitriptyline (Laroxyl®) bénéficie ainsi d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans les “algies rebelles”, la désipramine (Pertofran®) dans les “douleurs neuropathiques de l’adulte”, la clomipramine (Anafranil® dans les “douleurs neuropathiques de l’adulte”) et l’imipramine (Tofranil®) dans les “algies rebelles”. La doxépine (Quitaxon®) est assez fréquemment prescrite dans cette indication, mais hors AMM. Si l’efficacité globale des molécules est similaire (exception faite de la maprotiline, qui peut être moins efficace), chaque tricyclique a son profil propre : les molécules sont plus ou moins sédatives ou incisives, plus ou moins bien tolérées du fait de leur composante anticholinergique plus ou moins puissante (ainsi la clomipramine est souvent mieux tolérée que l’imipramine) – on peut noter que la structure de la carbamazépine, un antiépileptique également efficace dans cette indication (voir ci-après “Les anticonvulsivants”), est proche de celle des antidépresseurs tricycliques. L’efficacité s’observe en une semaine environ et le mécanisme de l’action antalgique reste mal expliqué : l’amitriptyline potentialise l’action de la morphine et en accroît les concentrations sériques.

Tableau 1 : Situation des principaux antidépresseurs dans le traitement des douleurs neuropathiques

Tricycliques (amines tertiaires : amitryptiline, doxépine, imipramine) Venlafaxine Duloxétine Bupropion Tricycliques (amines secondaires : desipramine, nortriptyline) Paroxétine, citalopram Fluoxétine

Efficacité

Validation

oui

+++

oui oui oui oui

++ ++ + ++

limitée non

+ --

Posologie quotidienne faible à moyenne moyenne moyenne moyenne faible à moyenne moyenne moyenne

La venlafaxine (Effexor®) et la duloxétine (Cymbalta®) inhibent la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine. La première a démontré son action dans les douleurs neuropathiques chez le diabétique et dans les polyneuropathies (150-225 mg/jour, hors AMM), alors que la seconde ne l’a démontrée, actuellement, que chez le diabétique (60-120 mg/jour). Les essais venlafaxine versus imipramine sont en faveur de l’imipramine. Ces antidépresseurs bénéficient d’un index thérapeutique plus satisfaisant que celui des tricycliques, mais leur prescription expose à un risque de syndrome hypersérotoninergique, à des signes digestifs et, s’agissant de la duloxétine, à des troubles hépatiques.

Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (IRS)

Les antidépresseurs tricycliques (TC)

Antidépresseurs

Les antidépresseurs d’action duale (bi-aminergiques)

Risque iatrogène +++ + + + +++ + +

Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine sont peu ou pas efficaces dans le traitement des douleurs neuropathiques, mais les données de la littérature demeurent discordantes. Le citalopram (Séropram®, Séroplex®) et la paroxétine (Déroxat®, Divarius®) ont fait preuve d’une efficacité réduite dans les douleurs du diabétique (hors AMM), indépendamment de leur action antidépressive. La fluoxétine (Prozac®) semble quant à elle quasiment inefficace.

Les anticonvulsivants Plusieurs anticonvulsivants, anciens ou récents, se révèlent adaptés au traitement des troubles de l’humeur comme à celui des douleurs neuropathiques, mais on ignore encore pour quelle raison exacte ces molécules sont simultanément actives sur ces deux types de symptomatologie. Cette activité résulterait de leur capacité globale à réduire l’activité neuronale périphérique comme centrale : – soit en bloquant les canaux sodiques voltage-dépendants : phénytoïne (Di-Hydan®, indiqué dans la névralgie du trijumeau), carbamazépine (Tégrétol® indiqué dans le traitement de la névralgie du trijumeau et du glossopharyngien, ainsi que dans les douleurs neuropathiques de l’adulte) et oxcarbazépine (Trileptal®, hors AMM), valproate, lamotrigine ; – soit en bloquant les canaux calciques voltage-dépendants : gabapentine (Neurontin ®, indiqué dans les douleurs post-zostériennes de l’adulte), prégabaline (Lyrica®) ; – soit en stimulant la transmission GABAergique : gabapentine (Neurontin®), barbituriques, benzodiazépines, valproate (Dépakine®, Micropakine®, hors AMM), vigabatrin (Sabril®, hors AMM) ; – soit en inhibant la transmission glutamatergique : phénobarbital, topiramate (hors AMM). Ces antalgiques, surtout efficaces dans les accès paroxystiques neuropathiques (qu’ils “écrêtent”) et sur les dyses-

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thésies, moins efficaces sur les douleurs continues, sont prescrits à la posologie standard préconisée en neurologie. Pour autant, chacune des molécules a un profil d’efficacité mais surtout de tolérance qui lui est propre.

tiques. Sa cinétique est plus linéaire. Elle bénéficie d’une activité antalgique puissante en 1,5 à 4 jours avec une posologie comprise entre 150 et 600 mg/jour. Le traitement est bien toléré si l’on veille à ne pas excéder la posologie quotidienne de 600 mg.

La carbamazépine (Tégrétol®) La lamotrigine (Lamictal®)

La carbamazépine est efficace sur les douleurs neuropathiques, mais a un profil de tolérance parfois médiocre. En particulier, sa toxicité hématologique, potentialisée chez des patients thrombocytopéniques ou en aplasie médullaire, peut constituer un écueil à son utilisation. Son administration expose à d’autres types de réactions idiosyncrasiques (hépatites, éruptions cutanées) et à un risque d’hyponatrémie. Malgré la nécessité d’une surveillance clinique et biologique importante, la carbamazépine demeure toutefois un traitement de première ligne dans le traitement du tic trigéminal (névralgie du trijumeau) douloureux avec une posologie comprise entre 600 mg/jour et 1 600 mg/jour, obtenue par accroissement progressif des doses. La carbamazépine est de plus un inducteur enzymatique puissant, notamment vis-à-vis des opioïdes indiqués dans les douleurs nociceptives. Son association au dextropropoxyphène augmente de façon significative sa toxicité.

Le topiramate (Epitomax ® ) et l’acide valproïque (Dépakine®, Micropakine®) se sont révélés faiblement actifs contre les douleurs neurogènes lors d’essais cliniques de portée réduite (hors AMM). Le lacosamide (Vimpat®), un bloqueur des canaux potassiques, récemment commercialisé comme anti-épileptique, est efficace sur les douleurs neuropathiques du diabétique (hors AMM).

L’oxcarbazépine (Trileptal®)

Les opioïdes

La puissance de l’oxcarbazépine est analogue à la carbamazépine sur la névralgie du trijumeau, mais elle bénéficie d’une meilleure tolérance et elle expose moins à un risque d’interaction. Son usage comme antalgique est hors AMM.

Le mécanisme moléculaire susceptible d’expliquer les différences dans l’action antalgique des opiacés reste encore inconnu, mais pourrait reposer sur une affinité variable des molécules pour les divers sous-types de récepteurs μ.

La gabapentine (Neurontin®) La gabapentine est un analogue de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA) dont l’efficacité sur les douleurs neuropathiques est connue depuis maintenant quinze ans, au vu des résultats d’études multicentriques contrôlées. Elle est avant tout active sur les douleurs postzostériennes, mais également sur les douleurs fantômes, sur les douleurs neuropathiques chez le patient cancéreux, ou encore vis-à-vis des douleurs d’origine médullaire. Sa puissance antalgique serait comparable, au vu d’études limitées, à celle des tricycliques avec une fourchette posologique comprise entre 1 200 mg et 3 600 mg/jour. Le traitement est globalement bien toléré : sont décrits des troubles neurologiques (somnolence, vertiges, céphalées), des troubles digestifs, une sécheresse buccale.

La prégabaline (Lyrica®) La prégabaline a le même profil pharmacologique que la gabapentine mais a révélé une activité antalgique plus puissante sur modèle animal, peut-être en raison d’une affinité supérieure pour les canaux calciques présynap-

La lamotrigine agit sur la neurotransmission glutamatergique. Elle est active, au vu d’essais cliniques parfois contradictoires, sur les douleurs trigéminées et les douleurs neuropathiques du diabétique, mais son administration, surtout si les paliers d’escalade posologique ne sont pas respectés, peut exposer à des réactions cutanées iatrogènes sévères (syndrome de Lyell ou de Stevens-Johnson).

Les autres anticonvulsivants

À savoir S’il est vrai que les douleurs neuropathiques répondent moins favorablement aux opioïdes que les douleurs nociceptives, il n’en demeure pas moins pertinent de recourir à leur administration face à certaines douleurs neurogènes rebelles.

Contrairement à ce qui a jadis pu être allégué, les opiacés, notamment la morphine et l’oxycodone, prescrits à dose suffisante, sont efficaces sur les douleurs neuropathiques, comme l’ont démontré plusieurs essais cliniques. L’oxycodone (Oxycontin®, Oxynorm®) semble même avoir, du moins sur modèle animal, une action plus importante que celle de la morphine sur les douleurs neuropathiques, voire même que celle d’un opioïde aussi puissant que le fentanyl. Ř/DEXSU«QRUSKLQH 7HPJ«VLF®), agoniste-antagoniste morphinique, est plus efficace sur les douleurs neurogènes que les opiacés conventionnels et ne donne pas lieu à tolérance croisée avec ceux-ci. Elle se révèle notamment active sur l’hyperalgie.

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Ř/DP«WKDGRQH a des propriétés antagonistes des récepteurs NMDA, ce qui explique qu’elle puisse, face à l’échec de deux ou trois premières lignes de traitement, être prescrite, hors AMM, dans le traitement de certaines douleurs neuropathiques comme l’ont montré deux essais cliniques n’ayant porté que sur de faibles populations de patients. Ř/HWUDPDGRO (Contramal®, Topalgic®, Zamudol®, dans le Zaldiar®, etc.) est un agoniste faible des récepteurs aux opiacés de type μ mais aussi un inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, ce qui le rapproche des antidépresseurs tricycliques ou d’action duale (venlafaxine - Effexor®, duloxétine - Cymbalta®). Des essais cliniques ont prouvé son intérêt dans le traitement des douleurs neuropathiques chez le diabétique ou d’origine mixte. Son administration induit moins de constipation et de nausées que celle d’un opiacé comme la codéine.

Autres Le clonazépam L’action antalgique du clonazépam, benzodiazépine anticonvulsivante, est étroitement liée à ses conditions d’utilisation, qui permettent d’en bénéficier (hors AMM) sans développer d’effets latéraux gênants. Dans la pratique, on privilégie initialement la forme buvable (Rivotril® gouttes) en une prise vespérale unique, jusqu’à obtention d’un équilibre entre bénéfice et effets indésirables, pour une dose extrêmement variable selon les individus (0,2 mg/jour à 12 mg). Il est possible de proposer des comprimés (2 mg) dès que la posologie excède quarante à cinquante gouttes. Le clonazépam peut être associé aux antidépresseurs tricycliques ou à l’électrostimulation.

Le baclofène Cet agoniste GABAergique (Liorésal®) est communément prescrit (hors AMM) dans le traitement des paroxysmes algiques neuropathiques à la posologie d’entretien de 30 à 90 mg/jour, voire plus, mais son index thérapeutique étroit en fait un traitement de seconde ligne.

Les glucocorticoïdes Les glucocorticoïdes, dexaméthasone et prednisone, manifestent des propriétés antalgiques intrinsèques sur les douleurs par lésions nerveuses (envahissement d’un plexus nerveux par le tissu tumoral), mais aussi sur l’ensemble des autres types de douleurs neuropathiques. Leur mécanisme d’action antalgique reste obscur (exception faite lorsqu’est mise à profit leur puissance anti-inflammatoire bien entendu) : ils inhibent partiellement la transmission des stimuli douloureux de la périphérie vers la moelle, puis des centres médullaires vers le cerveau.

Le traitement local, place de la lidocaïne L’administration d’antalgiques par voie locale présente un certain nombre d’avantages par rapport au traitement systémique. Permettant d’éviter des concentrations sanguines en médicament importantes dont les conséquences sont significatives au plan clinique, elle expose peu à des effets secondaires généraux et diminue le risque d’interactions médicamenteuses (ceci peut être particulièrement important chez les patients âgés polymédicamentés).

Quel est l’intérêt de la lidocaïne ? Introduite en thérapeutique en 1948, la lidocaïne est, à ce titre, l’anesthésique local le plus communément utilisé aujourd’hui. Elle a une structure de type aminoéthylamide (non une structure de type ester) et est désormais considérée comme le médicament de référence dans la classe des anesthésiques locaux. Comme tous les anesthésiques locaux, elle agit par blocage de la formation et de la conduction de l’influx nerveux au niveau de la membrane des neurones en inhibant, notamment de manière sélective, les canaux sodiques voltage- et fréquence-dépendants situés dans les membranes neuronales électriquement excitables et par là même l’augmentation de la perméabilité aux ions sodium de ces membranes lors du passage de l’influx nerveux. Cette action explique un effet anesthésique local au niveau des nerfs périphériques (mise à profit pour réaliser de façon répétée des blocs nerveux périphériques parfois utilisés dans une visée antalgique), une action antalgique, une action anti-arythmique, des effets sur le système nerveux central. L’efficacité de la lidocaïne dans les névralgies est documentée par des études in vivo. Effectivement, une névralgie peut être simulée sur des modèles animaux en lésant partiellement un nerf. La douleur neuropathique consécutive à cette lésion peut être quantifiée au fur et à mesure de l’augmentation des décharges des nerfs lésés et des modifications des réponses comportementales aux stimuli thermiques ou mécaniques dans des régions innervées correspondantes. La lidocaïne est capable de supprimer les décharges ectopiques après lésion des nerfs périphériques et de diminuer les modifications comportementales dans la douleur neuropathique expérimentale. En outre, elle diminue l’hyperalgie et l’allodynie.

Sensibilité à la lidocaïne des divers types de fibres nerveuses Les nerfs sont constitués de fibres nerveuses de diamètre variable : les plus épaisses ont une vitesse de conduction de l’influx plus rapide. Trois types de fibres entrent généralement dans la sous-classe des fibres nerveuses sensitives.

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La lidocaïne en topique La compresse imprégnée de lidocaïne (Versatis®) agit localement, au niveau de son site d’application par un double effet. Ř8QHIIHWP«FDQLTXHAprès application, la compresse d’hydrogel procure un effet rafraîchissant immédiat et assure une protection mécanique de la peau expliquant le soulagement des symptômes algiques dès les premières heures suivant l’application. Ř8QHIIHWSKDUPDFRORJLTXH L’effet mécanique s’accompagne parallèlement d’une libération de lidocaïne dans l’épiderme et la couche cornée de la peau. Cette petite quantité de lidocaïne est suffisante pour réduire la douleur, en bloquant l’activité des fibres nerveuses lésées, sans que ces faibles concentrations entraînent un effet anesthésique. L’effet thérapeutique augmente après une utilisation répétée de la compresse. La génération des douleurs neuropathiques post-zostériennes ayant une composante centrale, des applications répétées de compresses de lidocaïne pourraient influencer indirectement les mécanismes centraux de génération de la douleur (down-regulation induite par une réduction de l’hyperexcitabilité des nocicepteurs périphériques) et augmenter l’efficacité du médicament lors d’une utilisation régulière et continue.

ŘLes fibres A-bêta, les fibres les plus conséquentes, servent de médiateur aux sensations du toucher et de pression légère, ainsi qu’à la proprioception et à la sensation des vibrations. Elles ont une vitesse de conduction électrique de 30 mètres/seconde. ŘLes fibres A-delta, plus petites que les fibres A-bêta, de médiateur à la sensation de froid et à la composante principale de la sensation de douleur. Elles ont une vitesse de conduction comprise entre 2 et 30 mètres/seconde. ŘLes fibres C, les plus petites de toutes, servent de médiateur à la sensation de chaud et sont la composante essentielle de la sensation de la douleur. Elles ont une vitesse de conduction inférieure à 2 mètres/seconde. En outre, les fibres C permettent la plupart des fonctions périphériques du système autonome. La taille des fibres ainsi que leur type sont des éléments déterminants de leur sensibilité aux anesthésiques locaux. D’une manière générale, les petites

fibres C non myélinisées et les petites fibres Aδ myélinisées sont bloquées plus précocement que les fibres myélinisées plus épaisses (Aγ, Aβ, et Aα). De ce fait, la sensation de douleur sera la première à disparaître, puis, à leur tour, la sensation au froid, à la chaleur, au toucher, à la pression profonde et enfin la fonction motrice. Il semble que l’effet antalgique de la lidocaïne soit médié via des actions sur les fibres A-delta sensibilisées pathologiquement et sur les fibres C spécifiques de la perception du froid.

Des approches innovantes ou alternatives La fréquence des douleurs neuropathiques restant insensibles ou insuffisamment sensibles aux traitements antalgiques conventionnels évoqués précédemment justifie les recherches en vue de proposer aux patients réfractaires des traitements innovants et plus constamment efficaces. Ř 'H QRPEUHXVHV «WXGHV FOLQLTXHV VRXOLJQHQW l’inté rêt des cannabinoïdes dans le traitement des douleurs neurogènes, qu’elles aient pour origine une lésion nerveuse mécanique, le diabète, un traitement médicamenteux, l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), une sclérose en plaques (SEP), une infection zostérienne. Les agonistes des récepteurs aux cannabinoïdes CB1 et CB2 sont efficaces, comme les agonistes CB2 spécifiques, ou encore les molécules modulant l’activité des endocannabinoïdes. ŘLa capsaïcine, extraite du piment, est une neurotoxine dotée de propriétés antalgiques puissantes, dont l’efficacité est démontrée dans les douleurs postzostériennes et post-chirurgicales, notamment dans leurs composantes paroxystiques et allodyniques. Son utilisation sous la forme d’une crème dosée à 0,025 % ou 0,075 % expose à des effets indésirables locaux à type de brûlure. Cette iatrogénie explique que les abandons de traitement soient nombreux. De plus, l’action antalgique n’est cliniquement significative qu’au terme de deux à quatre semaines d’application. Si ce produit bénéficie d’une AMM aux États-Unis dans le traitement des douleurs post-zostériennes, ce n’est pas le cas en France où seules les préparations magistrales peuvent être employées – à moins d’obtenir une autorisation

Au comptoir, la compresse de lidocaïne (Versatis®) La compresse de lidocaïne (Versatis®) bénéficie d’une autorisation de mise sur le marché pour une application d’une durée de 12 heures, respectant un intervalle libre de 12 heures avant l’application de la compresse suivante. Cet intervalle libre, d’une durée égale donc à celle de l’application de la compresse, permet de diminuer la charge

que représente pour la peau la compresse et permet d’éviter des effets indésirables locaux dus à l’occlusion continue de la zone traitée. Plusieurs années d’expérience aux ÉtatsUnis et des essais contrôlés ont montré que l’effet antalgique de Versatis® est continu malgré cet intervalle libre.

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temporaire d’utilisation (ATU). Des patchs à base de capsaïcine (Qutenza®) sont à l’étude. Il est à noter que des “baumes” sédatifs commercialisés hors circuit pharmaceutique peuvent contenir de la capsaïcine sous le nom de “capsicum”. Ř&RQVLG«U«HFRPPHXQP«GLFDPHQWDQWDOJLTXH essentiel par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la kétamine (Kétalar®, indiqué comme anesthésique général en France) agit en bloquant les récepteurs de type NMDA. Elle se révèle active sur des douleurs répondant mal à d’autres types de traitements, et, spécialement, sur les douleurs neuropathiques. La kétamine est administrée en perfusion (0,1 à 1,5 mg/kg/heure) ou par voie orale. Elle est bien tolérée aux doses sub-anesthésiques préconisées au plan somatique mais elle peut induire des réactions d’allure psychotique expliquant que son usage reste très limité. Les antagonistes NMDA administrés per os (amantadine, dextrométorphane, etc.) demeurent peu, voire pas actifs sur les douleurs neuropathiques. ŘLes anesthésiques locaux sont des inhibiteurs des canaux sodiques voltage-dépendants ayant une action stabilisatrice de membrane (d’où leurs propriétés antiarythmiques de classe 1). Quelques travaux font état de l’intérêt du recours à des anesthésiques locaux type tocaïnide, mexilétine (150 mg x 2 à 4/jour), flécaïnide (50 à 200 mg x 2/jour) ou lidocaïne par voie systémique dans le traitement des douleurs neuropathiques. L’expérience reste cependant limitée, largement empirique et l’index thérapeutique étroit. L’association tricyclique + anti-arythmique est déconseillée (risque d’arythmie). Pour autant, le recours à l’application topique de compresses imprégnées de lidocaïne constitue une option de traitement pertinente et validée.

Les stratégies thérapeutiques Deux stratégies consensuelles différentes, récemment publiées outre-Atlantique, sont présentées ici à titre d’illustration.

Stratégie de la Société canadienne de la douleur La Société canadienne de la douleur (SCD) a proposé, en 2007, une stratification du traitement médicamenteux des douleurs neuropathiques en quatre lignes succes-

À savoir La stratégie thérapeutique optimale de la douleur neuropathique reste controversée, mais différents algorithmes d’utilisation des médicaments ont été publiés. Tous soulignent l’efficacité des inhibiteurs des canaux sodiques voltagedépendants.

sives. Elle intègre non seulement l’efficacité des traitements mais encore leur index thérapeutique et la facilité pratique avec laquelle ils sont susceptibles d’être mis en œuvre. Ř/HVDQDOJ«VLTXHVUHFRPPDQG«VHQSUHPLªUHLQWHQtion sont les antidépresseurs tricycliques et les anticonvulsivants (gabapentine, prégabaline). La carbamazépine constitue un traitement de première ligne dans la prise en charge des tics douloureux (névralgie trigéminale idiopathique). ŘLes médicaments préconisés en deuxième intention sont les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (action duale), type venlafaxine ou duloxétine ainsi que la lidocaïne en applications locales. ŘLe traitement de troisième ligne repose sur la prescription d’opioïdes à libération prolongée ou sur celle de tramadol. ŘEn quatrième et dernière ligne, le médecin peut proposer un traitement par cannabinoïdes, méthadone, ou par des anticonvulsivants dont l’efficacité est moins documentée (lamotrigine, topiramate, acide valproïque, hors AMM). À côté de ces traitements, la SCD préconise, dans des situations spécifiques, l’essai de la mexilétine, de la lidocaïne par voie intraveineuse ou encore de la clonidine (Catapressan®).

Stratégie de l’Association internationale pour l’étude de la douleur L’International Association for the Study of Pain (IASP), également en 2007, a dégagé quant à elle trois lignes de traitement antalgique. Ř En première intention, elle préconise la prescription d’antidépresseurs tricycliques ou d’action duale ainsi que celle d’agonistes des canaux calciques (gabapentine, prégabaline) ainsi que le recours à la lidocaïne sous forme de topique. ŘOpioïdes et tramadol constituent des offres de deuxième intention, sauf exception susceptible d’en faire des médicaments de première ligne (douleur insuffisamment contrôlée pendant la titration des médicaments de première ligne, exacerbation de la douleur, douleur neuropathique aiguë, douleur neuropathique d’origine cancéreuse). ŘLe traitement de troisième ligne repose sur l’adminis tra tion, souvent hors AMM en France, d’antidépresseurs (citalopram, paroxétine, bupropion), d’anticonvulsivants (carbamazépine, oxcarbazépine, lamotrigine, topiramate, acide valproïque), de mexilétine, d’antagonistes des récepteurs au NMDA et de capsaïcine topique. Des situations particulières peuvent parfois justifier le recours en seconde intention à certains de ces produits.

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Ces recommandations préconisent aussi l’association de plusieurs antalgiques, ou celle d’un traitement non pharmacologique avec un traitement pharmacologique.

Vers une prévention des douleurs neuropathiques ?

Les douleurs neuropathiques post-zostériennes La meilleure des préventions des douleurs post-zostériennes repose sur la prescription d’antiviraux inhibant la réplication du virus varicelle-zona : en France, l’aciclovir (Zovirax®), le famciclovir (Oravir®) et le valaciclovir (Zelitrex®) sont les molécules prescrites dans ce type d’indication. Ces médicaments sont largement utilisés à la phase aiguë du zona : ils permettent d’en réduire la durée, mais diminuent aussi la durée des douleurs post-zostériennes. Ils ne permettent toutefois pas d’empêcher l’apparition des douleurs post-zostériennes. L’efficacité du valaciclovir est supérieure à celle de l’aciclovir et équivalente à celle du famciclovir. Ces antiviraux doivent être administrés dans les 72 premières heures de survenue du zona. La durée du traitement est d’une semaine, avec des posologies quotidiennes variables selon la molécule active : 800 mg x 5 pour l’aciclovir, 1 000 mg x 3 pour le valaciclovir et 500 mg x 3 pour le famciclovir. Ce traitement bénéficie d’une tolérance très satisfaisante, les rares effets indésirables se résumant à des céphalées et à des nausées. Une immunodépression sévère fait recommander l’usage d’aciclovir par voie intraveineuse. Une autre option dans la prévention des douleurs postzostériennes est celle de la vaccination par un vaccin à virus vivant atténué. Ce vaccin (Zostavax®), agréé par l’Agence européenne, n’est toutefois pas encore disponible en France. Enfin, quelques études soulignent l’intérêt potentiel de l’administration de corticoïdes à la phase aiguë du zona pour prévenir les douleurs post-zostériennes : ce type de traitement semble améliorer la qualité de vie du patient au moins à court terme (< 1 mois), mais aucune étude prouve son intérêt à plus longue échéance.

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La résistance aux traitements et la chronicité des douleurs neuropathiques en font, par excellence, des douleurs pour lesquelles une stratégie de prophylaxie se révélerait particulièrement pertinente. Toutefois, les possibilités actuellement ouvertes dans ce domaine restent limitées.

dence et la sévérité des phénomènes d’hyperalgésie post-opératoire par administration de kétamine ou de gabapentine.

Les douleurs neuropathiques du diabétique Aucune donnée ne permet de valider l’efficacité d’un traitement antidiabétique sur la prophylaxie des douleurs observées chez le sujet diabétique.

Les douleurs neuropathiques par lésions médullaires De même, le contrôle de l’extension des lésions médullaires n’a pas d’incidence sur l’importance des douleurs neuropathiques consécutives à ces lésions.

Conclusion La stratégie thérapeutique proposée au patient pour soulager ses douleurs neuropathiques repose sur l’association de molécules diverses qui ont une activité, pour les unes sur les douleurs continues et pour les autres sur les douleurs paroxystiques. L’administration des médicaments antalgiques habituels (salicylés type aspirine, paracétamol, anti-inflammatoires non stéroïdiens) est d’effet nul. Les antidépresseurs comme les antiépileptiques ont prouvé leur efficacité, ainsi que les inhibiteurs des canaux sodiques voltage-dépendants. La voie de la prophylaxie pour ces douleurs peut être appropriée mais reste à explorer. 

Les douleurs neuropathiques post-opératoires Aucune étude ne permet de valider une stratégie préventive des douleurs observée après amputation (douleurs “fantômes”). S’agissant d’autres types d’interventions chirurgicales, il semble possible de réduire l’inci-

Diane Lévy-Chavagnat Praticien hospitalier, vice-présidente du COMEDIMS, Centre hospitalier Henri Laborit, Poitiers (86) [email protected]

Ř Les antiviraux inhibant la réplication du virus varicelle-zona, largement utilisés à la phase aiguë du zona, diminuent la durée des douleurs postzostériennes.