Les actualités de DDS (2e trimestre 2010)

Les actualités de DDS (2e trimestre 2010)

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362 Actualités Les actualités de DDS (2e trimestre 2010) Le co...

223KB Sizes 18 Downloads 139 Views

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

Actualités

Les actualités de DDS (2e trimestre 2010) Le comité de rédaction de DDS 22, rue Constantine, 69001 Lyon, France

Thèmes abordés International 1. Conflits dans les pays les moins avancés et état sanitaire 2. Onu et planification familiale en Afrique Droits fondamentaux 3. Préjudice de vie : le Conseil constitutionnel valide l’essentiel de la loi 4. Signature illisible sur un certificat officiel Éthique–bioéthique 5. Gestation pour autrui (GPA) 6. Retentissement psychologique de l’IVG Politiques publiques et réglementation des activités de santé 7. Biberons produits à base de bisphénol A 8. Médicament générique 9. Liste des médicaments contraceptifs oraux dispensés sans prescription médicale 10. Recommandations vaccinales 11. Vaccination Hépatite B et SEP 12. Plan canicule 2010 Établissements de santé 13. Publication des résultats des indicateurs de qualité et de sécurité des soins 14. Campagne tarifaire 2010 des établissements de santé 15. Mise en place des conseils de surveillance 16. Représentation du personnel au sein des conseils de surveillance 17. Pôles d’activité clinique ou médicotechnique 18. Commission médicale d’établissement 19. Dispositions propres à l’Assistance publique–Hôpitaux de Paris, aux hospices civils de Lyon et à l’Assistance publique–Hôpitaux de Marseille 20. Autres textes HPST Professions de santé

Adresse e-mail : [email protected] 1629-6583/$ – see front matter doi:10.1016/j.ddes.2010.10.008

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

327

21. Validation des acquis de l’expérience 22. Formation aux gestes et soins d’urgence pour certaines professions de santé 23. Formation à l’exercice des fonctions de chef de pôle d’activité clinique ou médicotechnique 24. Sanction disciplinaire de la maltraitance 25. Exclusion d’un IFSI 26. Droit disciplinaire : preuve et proposition de la sanction 27. Portée de l’entente préalable dans une procédure disciplinaire (exercice libéral) Droits sociaux 28. Politique du handicap 29. La réforme de la santé au travail 30. Médecine du travail et aménagement de poste Responsabilité 31. Contradictoire lors d’une expertise judiciaire 32. Faute dans le diagnostic de la trisomie 33. Responsabilité pour insuffisance de l’information (Cour de cassation) 34. Responsabilité pour insuffisance de l’information (Conseil d’État) 35. Caractérisation d’une infection nosocomiale (non) 36. Conséquences graves d’une infection 37. Conséquences dommageables d’un acte chirurgical 38. Geste chirurgical malheureux 39. Geste chirurgical, information et infection nosocomiale 40. Geste chirurgical et information 41. Faute en chirurgie orthopédique 42. Séquelles non imputables au geste chirurgical 43. Absence de faute mais séquelles 44. Délégation d’acte irrégulière IDE – AS, mais disproportion dans la sanction 45. Délégation d’acte irrégulière IDE – AS et appréciation de la faute 46. Chirurgien et recours à du personnel assistant non diplômé 47. Non-lieu du médecin et contexte d’une faute du patient 48. Décès et fonctionnement erratique du service d’urgence 49. Prise en charge en urgence, décès et non-lieu 50. Responsabilités cumulées dans le décès d’un enfant 51. Prise en charge difficile, décès mais non-lieu Santé mentale 52. Hospitalisation d’office et référé-liberté 53. Hospitalisation d’office, indemnisation par le juge judiciaire 54. Hospitalisation d’office : certificat d’un médecin non psychiatre 55. HDT, qualité pour être le tiers demandeur 56. HDT, procédure d’admission 57. Dépression et suicide par défénestration 58. Abus de faiblesse

International 1. Conflits dans les pays les moins avancés et état sanitaire 䊏 Hill PS, Mansoor GF, Claudio F. Conflits dans les pays les moins avancés et état sanitaire : un défi pour la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement. Bull Organisation Mondiale Sante 2010 :88:562.

328

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

Les pays en proie à un conflit sont ceux qui peinent à réaliser les objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Or, un tiers des pays à faible développement humain sont touchés par un conflit, dont les répercussions s’étendent aux régions voisines. De tels contextes sont particulièrement peu propices à la réalisation des OMD : les conflits désorganisent le système de santé et les autres structures publiques d’un pays, mettent à mal les capacités, fragilisent les instances dirigeantes et compromettent la légitimité des autorités. L’objectif premier dans ces situations est certes d’instaurer la paix, mais, de ce point de vue, la maîtrise locale du processus des OMD et le recensement des programmes efficaces à l’échelle locale constituent des priorités importantes. L’exemple de l’Afghanistan est intéressant et, à certains égards, encourageant : en 2000, la proclamation des OMD était dépourvue du moindre sens pour le gouvernement taliban de l’époque et la myriade de seigneurs de la guerre qui étaient ses alliés. Avec un indicateur du développement – indice composite tenant compte de l’espérance de vie à la naissance, de l’éducation et des résultats économiques – de 0,345, l’Afghanistan occupait la 174e place sur 178 dans le classement général des pays pour le développement humain. Ses taux de mortalité néonatale et infantile étaient élevés. Son taux de mortalité maternelle, compris, selon les estimations, entre 1000 et 2200 pour 100 000 naissances vivantes (6500 dans la province du Badakhshan), était élevé comparé à celui de ses voisins. L’aide au développement était très limitée. Les femmes étaient privées d’accès à l’éducation. Quant au système de santé, il était fragmenté et défaillant. Puis est venue, en 2001, la « guerre contre le terrorisme », qui a propulsé l’Afghanistan au centre de toutes les attentions internationales. Dès les lendemains de la défaite des Taliban, l’aide internationale au développement a rapidement pallié les carences du système de santé. Des services de santé, assurés par des organismes civils et militaires internationaux, se sont mis en place sans réelle intégration, soutenus par l’appui aux projets dans les grands centres de population, mais sans cadre général de coordination ni structures de gouvernance bien établies. De premières tentatives ont été faites pour définir une approche stratégique du développement. En 2002, le cadre de développement national a mis l’accent sur les besoins pressants de reconstruction du pays. Le document de 2004 intitulé Securing Afghanistan’s future : accomplishments and the strategic path forward s’inscrivait quant à lui dans une perspective à plus long terme et préconisait un développement plus durable de différents secteurs, dont celui de la santé, mais il y manquait quelque chose d’essentiel : une détermination à agir de la part des autorités afghanes et l’adhésion de la population locale. En mars 2004, le gouvernement afghan a nommé une commission de haut niveau chargée d’adapter le cadre des OMD au contexte local. La commission a évalué de manière systématique l’ampleur des dommages intervenus au cours des années 1990, ainsi que les contraintes imposées par l’insurrection et le manque de données de qualité. En dépit de ressources et de compétences techniques locales limitées, d’une main-d’œuvre inégalement répartie et de la difficulté d’avoir affaire à des organismes internationaux multiples (dont certains à caractère militaire), le gouvernement afghan reste ferme dans son intention de coordonner les interventions dans le domaine de la santé. Les progrès accomplis au regard des OMD sont inégaux mais le bilan est globalement positif : le taux de vaccination des nouveau-nés contre la diphtérie, la coqueluche et le tétanos est passé de 54 % en 2003 à 85 % en 2008 ; le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans a été ramené de 257 pour 1000 naissances vivantes en 2001 à 191 en 2006 ; et, pendant la même période, le taux de mortalité infantile est tombé de 165 à 129 pour 1000 naissances. Pour des raisons complexes d’ordre social, géographique et politique, la mortalité maternelle demeure un sérieux problème bien que le pourcentage d’accouchements assistés par du personnel qualifié soit passé de 14 % en 2003 à 19 % en 2007. Par ailleurs, l’augmentation massive de l’accès aux services de santé, lequel est passé d’un taux de couverture pratiquement inexistant à 82 % en 2006, constitue une base qui devrait permettre de nouveaux progrès. Cette étude de cas apporte de féconds enseignements en ce qui concerne les progrès vers la réalisation des OMD. Premièrement, les avancées sont subordonnées au règlement d’un éventuel conflit : le contexte dans lequel s’inscrit le suivi des OMD est déterminant. Dans les situations instables, des objectifs intérimaires,

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

329

susceptibles d’être revus et développés progressivement, seront plus utiles à la direction d’un programme que des objectifs lointains. 2. Onu et planification familiale en Afrique 䊏 L’accès à la médecine procréative universelle, Rapport 2010 de l’Onu L’accès à la médecine procréative universelle d’ici à 2015 est l’un des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) fixés par l’Onu : il a été ajouté aux autres objectifs en 2005 à la demande de plusieurs ONG. Cet objectif veut élargir la planification des naissances dans le monde par un accès facilité à la contraception pour toutes les femmes. Il est aujourd’hui loin d’être réalisé d’après le rapport 2010 de l’Onu qui note qu’ « entre 2000 et 2007, le taux annuel d’augmentation de la prévalence contraceptive était plus bas que pendant les années 1990 dans presque toutes les régions ». La planification familiale échoue notamment en Afrique subsaharienne. Ceux qui veulent mettre en œuvre cette planification estiment que sa réussite conditionne celle de tous les autres objectifs compte tenu de la forte croissance démographique en Afrique noire. Mais le « forcing humanitaire ne suffit pas ». D’une part parce que l’aide financière pour la planification familiale a diminué de 8,2 à 3,2 % entre 2000 et 2008, d’autre part parce que les pays africains ne sont pas favorables aux politiques de contrôle des naissances. Pour les gouvernements africains et les bailleurs de fonds, ce sont la lutte contre la pauvreté et l’accès à l’éducation qui peuvent entraîner un changement des questions liées à la démographie et à la croissance économique. Les pourcentages montrent qu’en Afrique subsaharienne, la part des femmes de 15 à 49 ans utilisant un mode de contraception est la plus faible du monde : elle n’outrepasse pas 22 % contre 72 % dans la zone Amérique latine et Caraïbes et 86 % en Asie de l’Est. La « transition démographique » n’est pas engagée en Afrique à la différence du reste du monde en développement. Si l’Asie a un taux de fécondité de 2,3 et l’Amérique latine de 2,2, l’Afrique subsaharienne possède une moyenne de 4,9 enfants par femme, allant jusqu’à 5,1 en Afrique de l’Ouest et 5,4 en Afrique centrale. L’usage de la contraception avoisine les 10 % dans ces régions.

Droits fondamentaux 3. Préjudice de vie : le Conseil constitutionnel valide l’essentiel de la loi 䊏 Conseil Constitutionnel, Décision no 2010-2 QPC, 11 juin 2010 Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 14 avril 2010, par le Conseil d’État, dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par Madame L. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du régime de responsabilité instauré par le I de l’article 1er de la loi no 2002-303 du 4 mars 2002 relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Le Conseil constitutionnel a jugé ces dispositions conformes à la Constitution. Il n’a censuré que les dispositions transitoires relatives à l’application de la loi de 2002 aux personnes ayant engagé, antérieurement à celle-ci, une procédure en vue d’obtenir la réparation de leur préjudice. En premier lieu le Conseil a examiné le premier alinéa de l’article L. 114-5 du Code de l’action sociale et des familles qui interdit à l’enfant de réclamer la réparation d’un préjudice du seul fait de sa naissance. L’enfant né avec un handicap ne peut ainsi pas demander la réparation de celui-ci, dans le cas où la faute invoquée n’est pas à l’origine de ce handicap. Le Conseil a jugé que la fixation de cette règle relève de l’appréciation du législateur. Celui-ci n’a fait en l’espèce qu’exercer sa compétence sans porter atteinte à une exigence constitutionnelle. D’une part, les professionnels et les établissements de santé ne sont pas exonérés de toute responsabilité. D’autre part, les critères retenus par le législateur, relatifs à l’enfant né avec un handicap et à la faute à l’origine du handicap, sont en lien direct avec l’objet de la loi ; le principe d’égalité n’est ainsi pas méconnu.

330

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

En deuxième lieu, le Conseil a examiné le troisième alinéa de l’article L. 114-5 du Code de l’action sociale et des familles. Cet alinéa restreint les conditions de mise en jeu de la responsabilité médicale en subordonnant à l’existence d’une « faute caractérisée » la mise en œuvre de la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse. Le Conseil constitutionnel a rappelé sa jurisprudence selon laquelle le principe de réparation intégrale d’un préjudice n’a qu’une valeur législative. Le législateur peut apporter au principe de responsabilité pour faute des restrictions justifiées par un motif d’intérêt général. En l’espèce, le législateur a interdit aux parents d’obtenir, par la mise en cause de la responsabilité médicale, la réparation du préjudice résultant des charges du handicap. D’une part, la compensation de ce handicap est mise à la charge de la collectivité nationale. D’autre part, un tel régime n’institue pas une irresponsabilité générale des professionnels et établissements de santé. Enfin, le législateur a fondé son choix sur des considérations éthiques et sociales ainsi que sur des motifs d’ordre financier qui relèvent de son pouvoir d’appréciation. Pour toutes ces raisons, la limitation du préjudice indemnisable décidée par le législateur ne revêt pas un caractère disproportionné. Elle n’est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit. En troisième lieu, le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution la disposition législative qui appliquait immédiatement le nouveau dispositif « aux instances en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi (. . .) à l’exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l’indemnisation ». Il a estimé qu’il n’existait pas, en l’espèce, un motif d’intérêt général suffisant pour modifier rétroactivement les règles applicables à un litige en cours devant une juridiction. 4. Signature illisible sur un certificat officiel 䊏 Conseil d’État, 16 avril 2010, no 311316 Par deux arrêtés des 31 août et 16 novembre 2005, le préfet de police a successivement refusé de renouveler le titre de séjour de M. A., puis décidé que celui-ci serait reconduit à la frontière. Aux termes de l’article L. 313-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, et sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit à l’étranger résidant habituellement en France dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve qu’il ne puisse effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l’autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l’intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Or, l’avis médical transmis au préfet de police comporte une signature illisible précédée de la mention pour ordre et ne justifie ni de l’identité ni du fondement des pouvoirs de son signataire. Faute d’être signé par le médecin-chef ou par un médecin membre du service médical de la préfecture de police auquel il aurait donné régulièrement délégation, l’avis du 12 mai 2005 était irrégulier, et par suite étaient entachés d’illégalité tant la décision refusant de renouveler le titre de séjour de M. A. que l’arrêté décidant la reconduite à la frontière.

Éthique–bioéthique 5. Gestation pour autrui (GPA) 䊏 Comité Consultatif National d’Éthique, Avis no 110, 6 mai 2010 Dans un long et très motivé avis du 6 mai 2010, le CCNE fait part de toute son opposition aux projets de législation sur la gestation pour autrui. Voici des extraits de la conclusion. II.1. Une loi n’empêchera pas les risques qu’elle vise à prévenir

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

331

II.1.1 Il est évident que, quel que soit le cadre législatif qui serait susceptible d’être adopté, et aussi sérieux que soit le choix des gestatrices, ni les accidents médicaux ni les inconvénients d’ordre physiologique ne pourraient leur être totalement évités. Le Conseil d’orientation de l’Agence de la Biomédecine, se plac¸ant dans la perspective originale des questions qui se poseraient concrètement à elle si le législateur faisait le choix de la légalisation, a fait état de ses inquiétudes à cet égard. La mortalité maternelle périnatale notamment, fléau qui l’on n’est pas parvenu à éradiquer, n’est-elle pas encore plus insupportable lorsqu’elle survient au décours d’une grossesse au bénéfice d’autrui ? II.1.2 En outre, la volonté du législateur de limiter à une juste indemnisation les transferts d’argent ne saurait faire obstacle à des pratiques clandestines. En effet, si les sentiments d’altruisme et de générosité sont une réalité dans les rapports humains, la dépendance réciproque instaurée par le principe même de la GPA pose problème. Elle est liée au fait que dans tous les pays qui ont légalisé la GPA, il a été constaté que les parents sont issus d’un milieu social plus élevé que la gestatrice et en même temps qu’ils sont en situation d’attente forte par rapport à celle-ci. Cela constitue une situation à risques pour les deux parties. En effet, c’est bien la générosité matérielle des parents d’intention qui peut les conduire à céder à des sollicitations plus ou moins discrètes de gratifications ou de cadeaux. L’existence d’un système légal et sécurisé de GPA n’a pas mis fin à des formes clandestines non médicalisées. II-1-3 Pour le CCNE, ce sont ces dérives inhérentes à la GPA qui conduisent à des réserves sur sa légalisation et non la non-reconnaissance du souhait d’un couple d’avoir un enfant qui soit génétiquement le sien. Son désir de transmettre, avec son histoire familiale, des caractéristiques physiques ou des ressemblances est naturel et légitime. Ce désir est d’ailleurs, dans bien des cas, l’un des facteurs qui conduisent des couples à recourir au don de gamètes afin que l’enfant soit au moins biologiquement celui de l’un des parents. Aussi le fait pour un couple de vouloir avoir un enfant qui soit génétiquement celui de ses parents n’a-t-il rien en soi de contraire à l’éthique. Ce sont les conséquences extrêmes qui en découlent lorsque les couples ont recours à une GPA qui est problématique. Selon le Comité, ce désir ou besoin légitime ne peut suffire à justifier une GPA. II.2. La GPA ne peut être éthiquement acceptable du seul fait qu’elle s’inscrirait dans un cadre médical. Comme il en va plus généralement en matière de bioéthique, les questions éthiques que soulève la GPA n’ont en leur fond aucun lien avec les connaissances et applications scientifiques et médicales. Il s’agit d’une pratique qui concerne l’avenir même de la société et dont les enjeux dépassent largement les problèmes médicaux : de quoi peut-il être fait commerce concernant la personne humaine ? Jusqu’où le respect de sa dignité peut-il conduire à la protéger contre elle-même sans pour autant porter atteinte à sa liberté ou à son autonomie ? Ces questions ne mettent pas en cause les diagnostics médicaux d’infertilité mais pointent les problèmes éthiques qui pourraient résulter pour l’individu et pour le groupe de la mise en œuvre de tels procédés. Enfin, le CCNE rappelle qu’il a souligné, dans son avis no 105 précité que si les principes fondateurs de la législation relative à la biomédecine, notamment la dignité de la personne humaine, la primauté de l’intérêt de l’enfant et la non-commercialité du corps, sont assortis d’exceptions, celles-ci ne peuvent être trop importantes ni permanentes, sauf à ce que ces principes se vident de leur substance. La juxtaposition de principes et d’exceptions majeures porte atteinte à l’intelligibilité et à la sincérité de la loi. II.3 La mise en œuvre d’éventuelles règles juridiques relatives à la GPA pose des problèmes difficilement solubles au regard de la préservation de l’intérêt des personnes. Le rôle premier du droit est d’organiser les rapports sociaux en protégeant et en conciliant les intérêts en présence. La GPA faisant intervenir au moins trois catégories de personnes, la gestatrice, le couple d’intention et l’enfant, cette conciliation s’avère particulièrement ardue. Toute légalisation, même partielle devrait en effet s’accompagner de dispositions visant à sécuriser la filiation de l’enfant issu de la GPA, qui ne peut être réglée par la seule application des dispositions édictées pour les besoins de l’assistance médicale à la

332

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

procréation et qui n’ont pour objet que l’établissement de la paternité en cas de recours aux gamètes d’un tiers ou d’accueil d’embryon. De plus, il est très difficile de mettre en œuvre une GPA en respectant le principe de l’anonymat, même aménagé comme c’est le cas en matière d’adoption. Dès lors, on peut se demander si l’anonymat des dons de gamètes, en particulier des dons d’ovocytes, pourrait coexister avec la GPA : en effet, il y aurait un « effet domino » assez automatique de disparition de l’anonymat, interdisant de prendre en compte les exigences propres aux dons de gamètes. Or on sait que l’anonymat a en particulier pour fonction de faire définitivement obstacle à des transferts d’argent, et de renforcer le principe de gratuité. Si le législateur souhaitait mettre fin à l’anonymat des dons de gamètes, au nom du besoin éventuel de certains enfants d’avoir accès à leur histoire, il conviendrait que ce soit à la suite d’un choix raisonné et non par un effet indirect de la légalisation de la GPA. II.4 La GPA pourrait porter atteinte au principe de dignité de la personne humaine ou à l’image symbolique des femmes. Le respect de la dignité de la personne humaine, concept clé issu de la Déclaration des droits de l’homme de 1948 et repris dans de nombreux textes internationaux au soutien des droits de l’homme afin de se prémunir contre la barbarie ou l’esclavage, repose sur l’égale valeur de l’ensemble des êtres humains. La dignité, qualité intrinsèque de l’humanité, interdit, dans une conception kantienne, de considérer l’homme seulement comme un moyen et de lui conférer un prix. Ce respect est affirmé, dans le domaine de la bioéthique par les lois franc¸aises et par le Conseil constitutionnel. Bien qu’il ne soit pas défini par la loi, il impose à tout un chacun le devoir de respecter la dignité d’autrui et fonde juridiquement des dispositions aussi diverses que celles qui interdisent la traite des êtres humains, l’esclavage moderne ou le harcèlement au travail. Il demeure cependant, malgré le consensus général en faveur du respect de la dignité humaine, un clivage entre ceux qui estiment que la dignité donne aussi à l’individu des devoirs envers lui-même, afin de se montrer « digne » de sa condition d’homme et ceux qui pensent que, dans la mesure où il n’est pas porté atteinte à la dignité d’autrui, chacun demeure libre de déterminer ce qui est de l’ordre de sa propre dignité. Le débat relatif à la gestation pour autrui est en partie lié à cette divergence philosophique. Selon les tenants d’une conception de la dignité entendue comme valeur intrinsèque de l’homme, devant être respectée non seulement chez autrui mais aussi en soi-même, la GPA représente une instrumentalisation du corps des femmes et aboutit à considérer l’enfant comme une marchandise, de sorte que cette pratique est d’une manière irréductible contraire au respect de la dignité de la personne humaine. Mais pour les partisans d’une conception plus individualiste de la dignité, ce principe ne permet pas de juger de la valeur éthique de la gestation pour autrui lorsqu’elle est librement consentie par tous et que la gestatrice estime que le processus ne porte pas atteinte à sa propre dignité. Au respect de la dignité s’oppose alors la liberté de disposer de soi. II.5. Des incertitudes demeurent quant à l’avenir de l’enfant issu de la GPA. L’avenir de tout enfant est par nature empreint d’incertitude et il serait illusoire de vouloir garantir à chacun un contexte familial optimal. En outre, la décision de devenir parent ne saurait être soumise à un contrôle social généralisé. Mais s’agissant de la GPA, le comité estime problématique de se prononcer en faveur de conditions très particulières de venue au monde, que la plupart des individus hésiteraient à mettre en œuvre pour eux-mêmes. II-6 La revendication de la légalisation de la GPA procède d’une conception contestable de l’égalité devant la loi. Le CCNE estime aussi qu’il faut se garder d’accréditer l’idée que toute injustice, y compris physiologique, met en cause l’égalité devant la loi. Même si la détresse des femmes stériles suscite un sentiment d’émotion ou de révolte, elle ne saurait imposer à la société d’organiser l’égalisation par la correction de conditions compromises par la nature. Une telle conception conduirait à sommer la collectivité d’intervenir sans limites pour restaurer la justice au nom de l’égalité et correspond à l’affirmation d’un droit à l’enfant – alors que le désir ou le besoin d’enfant ne peut conduire à la reconnaissance d’un tel droit.

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

333

En outre, cette conception de l’égalité ne trouve pas en elle-même de limites. Comment alors ne pas ouvrir la maternité de substitution pour répondre à d’autres détresses ? Estimer que toute situation de souffrance mérite une solution législative conduit rapidement à une impasse, la souffrance humaine étant à la fois éminemment subjective et infiniment variée dans ses causes. Conclusion Finalement, à l’issue d’une réflexion riche et collégiale, pour les six ordres de raisons qui viennent d’être exposées et pour la grande majorité des membres du CCNE, l’ensemble des arguments favorables au maintien de la législation en vigueur l’emportent sur ceux qui sont favorables à la légalisation de ce procédé de PMA, même de manière strictement limitée et contrôlée. 6. Retentissement psychologique de l’IVG 䊏 Question au ministre de la santé, Journal officiel du 25 mai 2010 Un rapport de l’IGAS sur l’IVG et la prévention des grossesses non désirées, remis à la ministre, note qu’il existe actuellement « peu de données concernant le retentissement psychologique de l’IVG ». Le rapport précise qu’ « au-delà des seuls aspects physiologiques, l’IVG demeure un évènement souvent difficile à vivre sur le plan psychologique. Cette dimension, si elle est volontiers mise en avant, manque d’éclairage objectif et scientifique ». Les conséquences psychologiques d’une IVG « apparaissent fortement liées à la qualité de la prise en charge de l’acte tout au long de la démarche de l’intéressée : attitude positive des professionnels [. . .], possibilité donnée à la femme de participer aux décisions à prendre ». Un accompagnement à caractère psychosocial est proposé aux femmes qui le souhaitent conformément aux recommandations faites par la HAS sur l’IVG en 2001, et que toute femme peut obtenir des entretiens « avec des professionnels qualifiés avant et après l’intervention ».

Politiques publiques et réglementation des activités de santé 7. Biberons produits à base de bisphénol A 䊏 Loi no 2010-729 du 30 juin 2010 La fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de biberons produits à base de bisphénol A sont suspendues jusqu’à l’adoption, par l’Agence franc¸aise de sécurité sanitaire des aliments, d’un avis motivé autorisant à nouveau ces opérations. 8. Médicament générique 䊏 Conseil national de l’Ordre des médecins, rapport du 4 février 2010, Docteur Pierre Hecquard Les enjeux politiques et économiques que représentent les génériques sont considérables et l’on comprend que les États et leurs organismes de protection sociale, soucieux de l’évolution de leurs dépenses de santé, se préoccupent de l’accroissement de ce marché et mettent en œuvre des mesures très incitatives tant auprès des professionnels concernés, notamment les médecins, qu’auprès des consommateurs de soins pour le voir se développer. La France n’est certes pas en reste ; cependant, le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale 2007, se penchant sur le marché des génériques, notait que si ce dernier connaissait un fort développement, il ne faisait que rattraper son retard par rapport aux pays du Nord de l’Europe (Allemagne, Royaume-Uni) et qu’aux États-Unis. Le rapport relève également que « depuis le 1er janvier 2005, près de 1,3 MdD d’économies en année pleine ont été accumulées sur les médicaments du répertoire que ce soit par le développement des génériques (365 MD ), les baisses de prix des princeps et des génériques (695 MD ) ou les applications et baisses de tarif forfaitaire de responsabilité (200 MD ) ».

334

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

Le Conseil National de l’Ordre des Médecins estime opportun de rappeler que : • le médecin reste maître de sa prescription et qu’il lui appartient de signaler, lorsqu’il l’estime nécessaire, qu’il ne veut pas que le produit princeps qu’il a prescrit soit substitué par un générique ; • la loi prévoit que le dispositif « substitution contre dispense d’avance des frais » peut ne pas s’appliquer dans les cas pour lesquels la substitution peut poser des problèmes particuliers au patient ; • dans l’intérêt même des patients, notamment âgés ou particulièrement vulnérables, le respect de l’aspect extérieur d’un princeps par un générique est source de sécurité. 9. Liste des médicaments contraceptifs oraux dispensés sans prescription médicale 䊏 Arrêté du 25 mai 2010 䊏 Avis du CN OM du 1er juin 2010 L’arrêté du 25 mai précise la liste des médicaments contraceptifs oraux que le pharmacien peut dispenser, en application de l’article L. 5125-23-1 CSP, c’est-à-dire sur la base d’une ordonnance dont la durée est expirée, et ceux que l’infirmier est autorisé à renouveler, en application des articles L. 4311-1 CSP, s’agissant de prescriptions, datant de moins d’un an, de médicaments contraceptifs oraux pour une durée maximum de six mois non renouvelable. Lors de la discussion de ces textes de loi, le Conseil national avait demandé la suppression de ces dispositions « susceptibles de faire courir des risques aux patientes et d’entraîner une prise en charge dégradée des femmes » dès lors que celles-ci pouvaient ne plus voir la nécessité de se rendre chez le médecin ou chez la sage-femme. Il s’est inquiété de ce que la liste de médicaments fixée comprend tous les contraceptifs oraux, y compris ceux qui ont des indications très particulières qui nécessitent une prise en charge spécifique qui ne pourrait avoir lieu dans le cadre de ce dispositif. Aussi, pour pallier les risques que le renouvellement d’une prescription de contraceptifs oraux, sans consultation clinique, pourrait faire courir aux femmes, le Conseil national invite-t-il les médecins prescripteurs à indiquer sur l’ordonnance, dès qu’ils l’estimeront nécessaire, la mention « non renouvelable ». 10. Recommandations vaccinales 䊏 Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2010, Haut Conseil de la santé publique, NOR: SASP1030249X. La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique qui a créé le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) précise que « la politique de vaccination est élaborée par le ministre chargé de la santé qui fixe les conditions d’immunisation, énonce les recommandations nécessaires et rend public le calendrier des vaccinations après avis du HCSP ». Le comité technique des vaccinations (CTV), qui regroupe des experts de différentes disciplines (infectiologie, pédiatrie, microbiologie, immunologie, épidémiologie, santé publique, médecine générale, économie de la santé, sociologie. . .), comité technique permanent dépendant d’une des commissions spécialisées du HCSP, élabore une proposition de calendrier vaccinal qui est ensuite validée par le Haut Conseil de la santé publique. Le calendrier vaccinal, qui fixe les vaccinations applicables aux personnes résidant en France en fonction de leur âge, résume les recommandations vaccinales « générales ». Il existe en outre des recommandations vaccinales « particulières » propres à des conditions spéciales (risques accrus de complications, d’exposition ou de transmission) ou à des expositions professionnelles. Ces recommandations sont présentées depuis 2009 vaccin par vaccin. Les missions du comité technique des vaccinations sont d’assurer la veille scientifique sur les évolutions et les perspectives en matière de vaccins, d’élaborer la stratégie vaccinale en fonction des données épidémiologiques et d’études sur le rapport bénéfice-risque individuel et collectif et d’études médicoéconomiques relatives aux mesures envisagées, de proposer des adaptations en matière de recommandations et d’obligations vaccinales pour la mise à jour du calendrier vaccinal. De plus, les recommandations des experts tiennent compte des orientations générales de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en matière

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

335

d’élimination de certaines maladies, notamment des objectifs d’élimination de la rougeole en Europe et d’éradication de la poliomyélite dans le monde. 11. Vaccination Hépatite B et SEP 䊏 Conseil d’État, 5 mai 23010, no 324895 M. A. impute à la vaccination obligatoire contre l’hépatite B qu’il avait rec¸ue en sa qualité d’élève-infirmier militaire la sclérose en plaques diagnostiquée en février 1995 dont il est atteint, et il recherche la responsabilité de l’État sur le fondement des dispositions de l’article L. 3111-9 du Code de la santé publique. M. A. avait rec¸u quatre injections les 25 septembre 1992, 23 octobre 1992, 30 novembre 1992 et 11 février 1994 et il s’était plaint, dans les semaines ayant suivi le rappel, de violentes céphalées et d’altérations fugaces de l’acuité visuelle retracées lors d’une consultation médicale en juin 1994. Alors inexpliquées, elles ont constitué de manière certaine les premiers symptômes de l’affection dont il est atteint. Le bref délai qui s’était ainsi écoulé entre la dernière injection et les premiers symptômes établit le lien de causalité entre la vaccination et l’apparition de la sclérose en plaques, et l’État doit réparer le préjudice résultant pour l’intéressé des conséquences de son affection. 12. Plan canicule 2010 䊏 Circulaire interministérielle DGS/DUS/UAR no 2010-175 du 28 mai 2010 Du fait des améliorations régulières apportées depuis 2004 et de la forte implication de tous les acteurs de terrain, le plan national canicule (PNC) est un dispositif « robuste et efficient ». Les modifications ponctuelles apportées en 2010 n’en bouleversent pas l’organisation générale. Elles concernent essentiellement les évolutions organisationnelles induites par la mise en place des agences régionales de santé (ARS) et la réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE). L’efficacité du plan national canicule repose aussi sur l’indispensable organisation de la permanence des soins tant ambulatoire qu’hospitalière, propre à la période estivale. Une attention particulière doit être apportée à sa préparation. Enfin, en raison de l’absence de canicule depuis la saison 2006, compte tenu de la mobilité importante des personnels dans certains services dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et de la mise en place des ARS, la mise en œuvre du PNC 2010 devra relancer la mobilisation des services autour d’un risque canicule. La version 2010 du PNC est accessible sur le site internet du ministère de la santé et des sports, à l’adresse suivante : www.sante-sports.gouv.fr (accès par thèmes « canicule et chaleurs extrêmes ») et sur le portail Internet des ARS à l’adresse suivante : http://www.ars.sante.fr. Voir aussi : • Circulaire DGCS/SD3A no 2010-93 du 2 avril 2010 relative à l’application du Plan national canicule 2010. • Circulaire DGS/DUS no 2009-84 du 24 mars 2009 rappelant les actions à mettre en œuvre au niveau local pour la prise en charge des personnes à haut risque vital et des personnes hospitalisées à domicile en prévision et en situation d’événements climatiques extrêmes. • Circulaire interministérielle INTE0700102C du 15 octobre 2007 relative à la procédure de vigilance et d’alerte météorologiques. • Circulaire DHOS/CGR no 2006-401 du 14 septembre 2006 relative à l’élaboration des plans blancs des établissements de santé et des plans blancs élargis.

Établissements de santé 13. Publication des résultats des indicateurs de qualité et de sécurité des soins 䊏 Instruction No DGOS/PF/192/2010/du 9 juin 2010

336

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

Les établissements de santé doivent désormais rendre publics des indicateurs en matière de qualité et de sécurité des soins. La loi no 2009-879 du 21 juillet 2009 (CSP. Art. L. 6144-1 et L. 6161-2) prévoit que des indicateurs de qualité et de sécurité des soins sont mis à la disposition du public par les établissements de santé chaque année. En cas de non-respect de cette obligation, les directeurs généraux des agences régionales de santé peuvent prendre les mesures appropriées, notamment des sanctions financières. Pour l’application de ces dispositions, deux textes ont été publiés : • l’arrêté du 30 décembre 2009 fixant les conditions dans lesquelles l’établissement de santé met à la disposition du public les résultats des indicateurs de qualité et de sécurité des soins publiés chaque année ; • le décret no 2009-1763 du 30 décembre 2009, relatif aux dispositions applicables en cas de non-respect de mise à la disposition du public par les établissements de santé des résultats des indicateurs de qualité et de sécurité des soins, crée un article D. 6113-23 dans le Code de la santé publique. Ce texte définit les modalités de mise en œuvre et les objectifs à atteindre. 14. Campagne tarifaire 2010 des établissements de santé 䊏 Circulaire No DGOS/R1/DSS/2010/177 du 31 mai 2010 La campagne tarifaire 2010 est marquée par une évolution de l’ONDAM hospitalier de +2,8 %. Cette évolution implique de la part des établissements de santé et des agences régionales de santé la poursuite des efforts d’efficience et d’adaptation de l’offre de soins aux besoins régionaux. 15. Mise en place des conseils de surveillance 䊏 Instruction DGOS/PF1 no 2010-112 du 7 avril 2010 La composition et le nombre des représentants au sein des conseils de surveillance des établissements dépendent de leur ressort géographique. Le ressort détermine ainsi, d’une part, les collectivités territoriales compétentes pour désigner des représentants au sein des conseils de surveillance et, d’autre part, les préfets territorialement compétents. Les ressorts restent inchangés par rapport aux précédents rattachements, à l’exception des centres hospitaliers interdépartementaux, régionaux, et par extension, hospitalo-universitaires, pour lesquels le ressort territorial devient régional. Le nombre des membres du conseil de surveillance des établissements dont le ressort est intercommunal, départemental, régional, interrégional et national est fixé à 15. Le nombre des membres du conseil de surveillance des établissements dont le ressort est communal est fixé à 9. Toutefois, le directeur général de l’agence régionale de santé pourra, par arrêté, fixer ce nombre à 15. Il appartient au directeur général de l’agence régionale de santé d’obtenir, de la part des instances susceptibles d’être représentées au sein des conseils de surveillance, les noms des membres devant y siéger. 16. Représentation du personnel au sein des conseils de surveillance 䊏 Instruction DGOS/PF1 no 2010-155 du 7 mai 2010 Cette instruction vient en application de la loi no 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires et du décret no 2010-361 du 8 avril 2010 relatif au conseil de surveillance des établissements publics de santé. L’article L. 6143-5 du Code de la santé publique dispose que : « Le conseil de surveillance est composé comme suit : [. . .]. Au plus cinq représentants du personnel médical et non médical de l’établissement public, dont un représentant élu parmi les membres de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médicotechniques, les autres membres étant désignés à parité respectivement par la commission médicale d’établissement et par les organisations syndicales les plus représentatives compte tenu des résultats obtenus lors des élections au comité technique d’établissement. ».

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

337

Par ailleurs, l’article R. 6143-4 du même Code dispose que : « Les organisations syndicales appelées à désigner un membre sont déterminées par le directeur général de l’agence régionale de santé compte tenu du nombre total des voix qu’elles ont recueillies, au sein de l’établissement concerné, à l’occasion des élections au comité technique d’établissement. ». Ainsi, cette nouvelle rédaction du Code de la santé publique confie la désignation des représentants des personnels aux conseils de surveillance, aux organisations syndicales les plus représentatives, et l’instruction précise les modalités de mise en œuvre. 17. Pôles d’activité clinique ou médicotechnique 䊏 Décret no 2010-656 du 11 juin 2010 (CSP, art. D. 6146-1 et suivants). Dans les centres hospitaliers et les centres hospitaliers universitaires, les chefs de pôle sont nommés par le directeur pour une période de quatre ans renouvelable. Le directeur nomme les chefs de pôle clinique ou médicotechnique sur présentation d’une liste de propositions établie, dans les centres hospitaliers, par le président de la commission médicale d’établissement et, dans les centres hospitaliers universitaires, par le président de la commission médicale d’établissement, conjointement avec le directeur de l’unité de formation et de recherche médicale ou du président du comité de coordination de l’enseignement médical. Dans les centres hospitaliers et les centres hospitalo-universitaires, les responsables de structure interne, services ou unités fonctionnelles des pôles d’activité clinique ou médicotechnique sont nommés par le directeur sur proposition du chef de pôle, après avis du président de la commission médicale d’établissement, selon des modalités fixées par le règlement intérieur. Dans les deux mois suivant leur nomination, le directeur propose aux praticiens nommés dans les fonctions de chef de pôle une formation adaptée à l’exercice de leurs fonctions et dont la durée et le contenu sont fixés par arrêté du ministre chargé de la santé. Sur la base de l’organisation déterminée par le directeur, le contrat de pôle mentionné à l’article L. 61461 définit les objectifs, notamment en matière de politique et de qualité des soins, assignés au pôle ainsi que les moyens qui lui sont attribués. Il fixe les indicateurs permettant d’évaluer la réalisation de ces objectifs. Le contrat de pôle définit le champ et les modalités d’une délégation de signature accordée au chef de pôle permettant d’engager certaines dépenses. Il précise également le rôle du chef de pôle dans les domaines suivants : • la gestion du tableau prévisionnel des effectifs rémunérés et répartition des moyens humains affectés entre les structures internes du pôle ; • la gestion des tableaux de service des personnels médicaux et non médicaux ; • la définition des profils de poste des personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques ainsi que des personnels du pôle relevant de la fonction publique hospitalière ; • la proposition au directeur de recrutement du personnel non titulaire du pôle ; • l’affectation des personnels au sein du pôle ; • l’organisation de la continuité des soins, notamment de la permanence médicale ou pharmaceutique ; • la participation à l’élaboration du plan de formation des personnels de la fonction publique hospitalière et au plan de développement professionnel continu des personnels médicaux, pharmaceutiques, maïeutiques et odontologiques. Un arrêté du 11 juin 2010 fixe le montant et les modalités de versement de l’indemnité de fonction des chefs de pôles. 18. Commission médicale d’établissement 䊏 Décret no 2010-439 du 30 avril 2010 Ce texte, modifiant les articles R. 6144-1 du CSP redéfinit les attributions de cette importante instance. La commission médicale d’établissement est consultée sur les matières suivantes :

338

• • • • • •

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

le projet médical de l’établissement ; le projet d’établissement ; les modifications des missions de service public attribuées à l’établissement ; le règlement intérieur de l’établissement ; les programmes d’investissement concernant les équipements médicaux ; la convention constitutive des centres hospitaliers et universitaires et les conventions passées en application de l’article L. 6142-5 ; • les statuts des fondations hospitalières créées par l’établissement ; • le plan de développement professionnel continu relatif aux professions médicales, maïeutiques, odontologiques et pharmaceutiques ; • les modalités de la politique d’intéressement et le bilan social. Elle est par ailleurs informée sur les matières suivantes : • l’état des prévisions de recettes et de dépenses initial et ses modifications, le compte financier et l’affectation des résultats ; • le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens de l’établissement ; • le rapport annuel portant sur l’activité de l’établissement ; • les contrats de pôles ; • le bilan annuel des tableaux de service ; • la politique de recrutement des emplois médicaux ; • l’organisation de la formation des étudiants et internes et la liste des postes que l’établissement souhaite leur ouvrir ; • le projet de soins infirmiers, de rééducation et médicotechniques ; • l’organisation interne de l’établissement ; • la programmation de travaux, l’aménagement de locaux ou l’acquisition d’équipements susceptibles d’avoir un impact sur la qualité et la sécurité des soins. Elle contribue à l’élaboration de la politique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins, notamment en ce qui concerne : • la gestion globale et coordonnée des risques visant à lutter contre les infections associées aux soins et à prévenir et traiter l’iatrogénie et les autres événements indésirables liés aux activités de l’établissement ; • les dispositifs de vigilance destinés à garantir la sécurité sanitaire ; • la politique du médicament et des dispositifs médicaux stériles ; • la prise en charge de la douleur ; • le plan de développement professionnel continu pour le personnel médical, maïeutique, odontologique et pharmaceutique. Enfin, elle contribue à l’élaboration de projets relatifs aux conditions d’accueil et de prise en charge des usagers, notamment : • la réflexion sur l’éthique liée à l’accueil et à la prise en charge médicale ; • l’évaluation de la prise en charge des patients, et en particulier des urgences et des admissions non programmées ; • l’évaluation de la mise en œuvre de la politique de soins palliatifs ; • le fonctionnement de la permanence des soins, le cas échéant par secteur d’activité ; • l’organisation des parcours de soins. L’article R. 6144-3.-I. définit la composition de la CME : • l’ensemble des chefs de pôle d’activités cliniques et médicotechniques de l’établissement ; • des représentants élus des responsables des structures internes, services ou unités fonctionnelles ; • des représentants élus des praticiens titulaires de l’établissement ; • des représentants élus des personnels temporaires ou non titulaires et des personnels contractuels ou exerc¸ant à titre libéral de l’établissement ; • un représentant élu des sages-femmes, si l’établissement dispose d’une activité de gynécologieobstétrique ;

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

339

• des représentants des internes comprenant un représentant pour les internes de médecine générale, un représentant pour les internes de médecine des autres spécialités, un représentant pour les internes de pharmacie et un représentant pour les internes en odontologie. Assistent en outre avec voix consultative : • le président du directoire ou son représentant, qui peut se faire assister de toute personne de son choix. ; • le président de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médicotechniques ; • le praticien responsable de l’information médicale ; • le représentant du comité technique d’établissement, élu en son sein ; • le praticien responsable de l’équipe opérationnelle d’hygiène. Le président du directoire. Dans les CHU, et selon l’article R. 6144-3-1.-I, la CME comprend : • l’ensemble des chefs de pôle d’activités cliniques et médicotechniques lorsque l’établissement compte moins de 11 pôles ; lorsque le nombre de chefs de pôles est supérieur ou égal à 11, le règlement intérieur de l’établissement détermine le nombre de représentants élus par et parmi les chefs de pôle, ce nombre ne pouvant être inférieur à dix ; • des représentants élus des responsables des structures internes, services ou unités fonctionnelles ; • des représentants élus des personnels enseignants et hospitaliers titulaires de l’établissement ; • des représentants élus des praticiens hospitaliers titulaires de l’établissement ; • des représentants élus des personnels temporaires ou non titulaires et des personnels contractuels ou exerc¸ant à titre libéral de l’établissement ; • un représentant élu des sages-femmes, si l’établissement dispose d’une activité de gynécologieobstétrique ; • des représentants des internes comprenant un représentant pour les internes de médecine générale, un pour les internes de médecine des autres spécialités, un pour les internes de pharmacie et un pour les internes en odontologie. Assistent en outre avec voix consultative : • le président du directoire ou son représentant, qui peut se faire assister de toute personne de son choix ; • les directeurs d’unité de formation et de recherche de médecine ou le président du Comité de coordination de l’enseignement médical et, quand ils existent, le directeur d’unité de formation et de recherche de pharmacie et le directeur d’unité de formation et de recherche d’odontologie ; • le président de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médicotechniques ; • le praticien responsable de l’information médicale ; • le représentant du comité technique d’établissement, élu en son sein ; • le praticien responsable de l’équipe opérationnelle d’hygiène. 19. Dispositions propres à l’Assistance publique–Hôpitaux de Paris, aux Hospices civils de Lyon et à l’Assistance publique–Hôpitaux de Marseille 䊏 Décret no 2010-426 du 29 avril 2010 Selon l’article R. 6147-2 CSP, l’Assistance publique–Hôpitaux de Paris, les Hospices civils de Lyon et l’Assistance publique–Hôpitaux de Marseille sont dirigés par un directeur général. Le directeur général de l’Assistance publique–Hôpitaux de Paris est assisté d’un secrétaire général, qui le supplée en cas d’absence ou d’empêchement. Le directeur général des Hospices civils de Lyon et le directeur général de l’Assistance publique–Hôpitaux de Marseille sont assistés par un directeur général adjoint et par un secrétaire général. L’article R. 6147-4 CSP précise comment, pour l’organisation interne de l’établissement, le directeur général peut, après concertation avec le directoire constituer un groupement d’hôpitaux placés sous une même direction ou créer des pôles autres que ceux mentionnés à l’article L. 6146-1, dénommés « pôles d’intérêt commun ».

340

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

20. Autres textes HPST 䊏 Régime financier, budgétaire et comptable des hôpitaux : Décret no 2010-425 du 29 avril 2010. 䊏 Comité technique d’établissement des établissements publics de santé : Décret no 2010-436 du 30 avril 2010. 䊏 Montant et les modalités de versement de l’indemnité forfaitaire de fonction au président de la commission médicale d’établissement : Arrêté du 30 avril 2010 (Art. D. 6143-37-3 CSP). 䊏 Mise en place des conseils de surveillance : instruction No DGOS/PF1/2010/112 du 7 avril 2010.

Professions de santé 21. Validation des acquis de l’expérience 䊏 Conférence des présidents d’université, 9 juin 2010 䊏 Conseil national de l’Ordre des médecins, 25 juin 2010 Conférence des présidents d’université et Conseil national de l’Ordre des médecins étalent leur rivalité s’agissant du processus de validation des acquis pour les spécialités médicales, que le gouvernement, s’apprête à confier à l’Ordre, en application de la loi HPST. La protestation de la conférence des présidents d’université Pour la conférence des présidents d’université, la validation des acquis de l’expérience pour les médecins ne peut que relever de l’université. Le principe, prévu par le Code de l’éducation, est celui de la compétence des universités dans le domaine de la validation des acquis de l’expérience (VAE). La délivrance de diplômes universitaires par la reconnaissance de compétences et de qualifications est une des missions essentielles des universités et ne peut donc relever que de la responsabilité des autorités académiques. Un Ordre professionnel, aussi excellent soit-il, n’a pas vocation à se substituer aux autorités universitaires pour la délivrance d’un diplôme, afin de se prémunir contre tout risque de corporatisme. La procédure de VAE est distincte, dans son principe comme dans ses effets, de celle qui consiste à autoriser, après appréciation de la qualification et en l’absence des diplômes requis, l’exercice d’une spécialité, pour laquelle un Ordre professionnel peut être légitime. Placer sous l’autorité du Conseil national de l’Ordre des médecins, la délivrance de diplôme universitaire pourrait entraîner des demandes reconventionnelles pour toutes sortes de diplômes, concernant des professions dotées ou non d’un Ordre professionnel, qui bloquerait tout progrès de la VAE, plus que jamais nécessaire à l’heure du droit individuel à la formation (DIF) et de la formation tout au long de la vie. Le statut de PU-PH (professeur des universités/praticien hospitalier) des universitaires engagés dans les démarches de VAE pour les médecins garantit pleinement, de manière aussi efficace que pourrait le faire un Ordre professionnel et avec davantage d’impartialité et de garanties scientifiques, la prise en compte des expériences pratiques des candidats qui souhaiteraient obtenir les diplômes de spécialité. C’est pourquoi la Conférence des présidents d’université ne peut être que fermement opposée à tout projet qui dessaisirait les universités de cette responsabilité et en appelle aux deux ministres concernés et au Premier ministre pour que les principes fondamentaux de la délivrance des diplômes et de la VAE soient respectés. La réplique du Conseil national de l’Ordre des médecins Le Conseil national de l’Ordre des médecins tient à rappeler que la validation des acquis de l’expérience s’est avérée indispensable au point que depuis 1949 les pouvoirs publics ont demandé à l’Ordre d’organiser, avec le concours de l’université et des représentants de la profession, des commissions de qualification dans chaque spécialité : « Faut-il rappeler que la composition des commissions de première instance et d’appel comprend majoritairement des Professeurs des universités-praticiens hospitaliers et que la présidence leur est statutairement confiée ? ». Le fonctionnement des commissions s’est toujours effectué sans aucune contestation et la Directive européenne 2005/36/CE, dans ses annexes, attribue à juste titre à l’Ordre franc¸ais des médecins cette responsabilité au même titre qu’à l’Université.

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

341

Jamais, l’Ordre des médecins n’a souhaité se substituer à l’université dans la délivrance de diplômes. Il assure sa mission institutionnelle d’attribuer des attestations et des autorisations d’exercice en veillant à la compétence des médecins, acquise par l’expérience dont il est officiellement le garant. Le caractère national des commissions garantit une objectivité scientifique et une cohérence des décisions. À l’heure où les textes officiels, et notamment l’article 43 de la loi HPST, soulignent la nécessité d’une régulation de la profession médicale, il est plus que jamais indiqué qu’un dispositif national soit chargé de la mission de la validation des acquis de l’expérience et de l’autorisation d’exercer sur le territoire franc¸ais. 22. Formation aux gestes et soins d’urgence pour certaines professions de santé 䊏 Circulaire DGOS/DGS/RH1/MC no 2010-173 du 27 mai 2010 Ce texte complète la circulaire DGS/SD2 no 2006-207 du 10 mai 2006 relative à l’attestation de formation aux gestes et soins d’urgence (AFGSU) et la circulaire DHOS/P1 no 2007-453 du 31 décembre 2007 relative à l’obligation d’obtenir l’attestation de formation aux gestes et soins d’urgence pour l’exercice de certaines professions de santé. L’arrêté du 3 mars 2006 susvisé a créé l’attestation de formation aux gestes et soins d’urgence. Cette attestation est destinée aux professionnels de santé, quel que soit leur mode d’exercice libéral ou salarié, et aux autres personnels administratifs, techniques et ouvriers des établissements sanitaires et médicosociaux. Elle ne revêt cependant pas de caractère obligatoire pour l’ensemble de ces personnels en exercice. Outre des connaissances spécifiques pour la réalisation des gestes et soins d’urgence, cette attestation vise à fournir à l’ensemble des personnels concernés une culture commune de gestion des risques sanitaires, biologiques, chimiques ou nucléaires, à leur permettre d’entreprendre les mesures adaptées et d’éviter des conduites inappropriées dans ces situations pour lesquelles ils sont en première ligne. Les personnes en formation à compter du 1er janvier 2010 doivent suivre et valider la formation de 70 heures, formation incluant l’obligation de détenir l’AFGSU de niveau 2. Les professionnels en exercice ou ayant déjà travaillé dans une entreprise de transport sanitaire ne sont pas soumis à cette obligation. La formation aux gestes et soins d’urgence par des formateurs habilités par les CESU doit respecter un cahier des charges ou « charte de qualité » jointe en annexe. Par ailleurs, la détention de l’AFGSU de niveau 2 est obligatoire en 2010 pour l’obtention des diplômes d’État de la quasi-totalité des filières de formation préparant à un diplôme permettant l’exercice d’une profession de santé. Ne sont pas encore concernés à ce jour par cette obligation les étudiants sages-femmes, psychomotriciens et orthophonistes. Pour les instituts de formation, il est rappelé que les CESU habilités ont pour responsabilité première de former les formateurs aux gestes et soins d’urgence. Pour l’enseignement de l’AFGSU de niveau 2, les CESU n’interviennent dans les instituts de formation qu’à la demande de ces derniers. 23. Formation à l’exercice des fonctions de chef de pôle d’activité clinique ou médicotechnique 䊏 Arrêté du 11 juin 2010, NOR: SASH1013879A La formation à l’exercice des fonctions de chef de pôle organisée par l’établissement public de santé qui les emploie comprend les apprentissages suivants : • la gestion budgétaire et financière ; • le pilotage médicoéconomique et performance hospitalière ; • les systèmes d’information hospitaliers ; • le management des ressources humaines ; • la qualité, sécurité et gestion des risques liés aux activités de soins ; • le management d’équipe et conduite du changement. Le contenu de ces apprentissages est agréé par l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médicosociaux.

342

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

24. Sanction disciplinaire de la maltraitance 䊏 Cour de cassation, chambre sociale, 30 juin 2010, no 09-65255 Mme A. engagée le 31 mars 1996 en qualité d’aide médicopédagogique par l’association de gestion des établissements pour handicapés du Val-de-Seine a été convoquée le 30 mars 2005, avec mise à pied conservatoire, à un entretien préalable le 6 avril et licenciée pour faute grave le 11 avril suivant pour avoir, le 2 mars 2005, maltraité une personne handicapée résidente de l’établissement. L’employeur verse aux débats les attestations manuscrites de Mesdames Y. et Z., toutes les deux infirmières, lesquelles témoignent qu’arrivant pour opérer la distribution des médicaments dans l’unité 3, elles ont trouvé dans la salle à manger une patiente torse nu et mouillée, voire très mouillée. Madame Y. ayant demandé ce qui s’était passé, Madame A. lui a répondu « lui avoir renversé un broc d’eau », que, de son côté, Madame Z. précise qu’elle a entendu : « elle n’a rien à faire ici, elle touche à tout, alors je lui ai envoyé un broc d’eau pour la faire partir ». Ces deux témoignages lesquels n’émanent pas de la direction, ni de l’employeur, mais de personnels soignants, ne se contredisent pas. Mademoiselle A. ne peut invoquer le retard avec lequel les faits ont été dénoncés, dès lors qu’ils n’ont été portés à la connaissance de la directrice que le 22 mars 2005, laquelle a ensuite fait procéder à l’audition de toutes les personnes concernées. Les faits reprochés sont donc établis et qui consistent à avoir volontairement renversé de l’eau sur une résidente en ayant au surplus connaissance du risque traumatique d’un tel comportement sur une personne particulièrement vulnérable et de la souffrance pouvant en résulter. Ces faits constituent une faute d’une telle gravité qu’elle ne permettait pas le maintien de la salariée même pendant la durée limitée du préavis au sein de l’association, alors qu’en sa qualité d’aide médicopsychologique, le fait que la salariée ne paraisse au surplus pas avoir eu conscience du caractère fautif de son acte pouvait faire craindre la réitération d’actes de même nature. La salariée a volontairement, et non pas accidentellement, jeté de l’eau sur une résidente handicapée particulièrement vulnérable, ce qui dans les circonstances, constitue une faute grave. 25. Exclusion d’un IFSI 䊏 CAA Paris, 28 juin, no 08PA04697 M. Éric A., né à Lens le 1er septembre 72, a été intégré en qualité d’étudiant infirmier au cours de l’année 2006 à l’Institut de formation en soins infirmiers d’un CHU. Durant sa deuxième année, il a fait l’objet d’une mesure d’exclusion définitive du 30 avril 2007, prise à la suite d’un entretien préalable, le 30 mars 2007 et de la convocation d’un conseil de discipline le 5 avril suivant. À la suite d’un stage pratique de deuxième année effectué du 5 février au 2 mars 2007 dans le service de chirurgie ORL de l’hôpital, M. A. a fait l’objet d’un rapport défavorable en date du 20 mars 2007, adressé à la directrice de l’IFSI et au coordinateur général et signé par deux cadres de santé. Ce rapport fait état d’insuffisances de la part de l’étudiant, de l’absence de celui-ci durant une journée, de son comportement désinvolte, d’un humour inadapté et d’une absence de distance professionnelle, d’un ton jugé insolent par certains patients, d’un air sûr de soi, de difficultés à se remettre en question et à accepter les remarques et de retards à la prise de service. En outre, ce rapport se termine par la relation du résultat d’une évaluation de chaque étudiant quant à ses qualités personnelles, très défavorable en l’espèce à M. A. Si les pièces du dossier et notamment le rapport susmentionné ainsi que la relation des faits par M. A. dans un recours en date du 24 mai 2007, établissent l’existence de difficultés relationnelles reconnues par l’intéressé lui-même, notamment dans l’usage de propos familiers, celui-ci s’engageant à adopter à l’avenir une attitude plus discrète, courtoise et conforme à la profession, les autres griefs relatifs aux absences ou aux retards ne sont nullement établis dans leur caractère répété. M. A. souligne avoir été à l’heure sauf deux fois, ainsi qu’il est noté, en ayant prévenu son service pour signaler le retard. La récupération d’absences a été effectuée selon les possibilités de service. Enfin, les relations de certains propos grossiers qui auraient été tenus par l’intéressé sont dénuées de toute précision, et particulièrement devant le conseil de discipline, lequel n’a entendu que le témoignage d’un cadre infirmier faisant une relation indirecte des incidents reprochés à l’intéressé.

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

343

Aussi bien les appréciations émises au cours des stages antérieurs de première année, que celles du début de la deuxième année et particulièrement le rapport en date du 12 mars 2007 rédigé par Mme B., suivant lequel M. A. a su s’adapter à la pluridisciplinarité du service et à l’équipe, et a su prendre en charge ses quatre patients dans leur globalité, ne révèlent pas d’incident particulier et se concluent par des annotations très souvent favorables avec de bonnes notes jusqu’à la fin de l’année 2006. Par ailleurs, il n’est pas mentionné sur les comptes-rendus ou bilans de stage non plus que sur des rapports antérieurs l’existence d’un entretien avec l’intéressé, au cours duquel auraient pu être évoquées les difficultés ayant amené le service à recourir directement à la sanction suprême de l’exclusion définitive. Dans ces conditions, cette exclusion définitive, prononcée alors que le conseil de discipline n’a pas su dégager une majorité en faveur de l’une des sanctions prévues par les dispositions précitées, les huit votants se partageant également entre les quatre sanctions disponibles, est manifestement disproportionnée par rapport à la faute commise. 26. Droit disciplinaire : preuve et proposition de la sanction 䊏 CAA Lyon, 8 juin 2010, no 10LY00200 Sur les faits Une décision de révocation est fondée sur l’attitude provocante et déplacée de Mlle A., envers une collègue sur son lieu de travail, sur son manque de respect des droits fondamentaux de certains de ses collègues dans une relation de travail, ainsi que sur l’existence de nombreux problèmes au niveau de ses relations professionnelles avec ses collègues infirmières et l’encadrement. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les faits reprochés à l’intéressée de s’être fait masser les pieds à deux reprises par des collègues de travail ainsi que d’avoir partagé une accolade avec une de ses collègues sont liés, pour le premier, à la circonstance que Mlle A. souffrait dans ses nouvelles chaussures après une journée de travail et pour le second, à la circonstance que la personne concernée n’allait pas bien. De même, le fait d’avoir téléphoné à une de ses collègues, à son domicile, afin qu’elle participe à un repas entre collègues au restaurant ne permet pas d’établir à lui seul, qu’elle aurait harcelé cette dernière ou qu’elle aurait porté atteinte à son principe de vie. Enfin, il n’est pas plus établi, compte tenu des témoignages contradictoires produits par les parties sur ce point, que Mlle A. aurait connu de nombreux problèmes dans ses relations professionnelles portant préjudice à la qualité du travail et à la prise en charge du patient. Ainsi, les faits reprochés qui ne sont pas matériellement établis ne sauraient justifier une sanction de révocation. Disproportion dans la sanction La décision est également fondée sur des fautes professionnelles liées à une méconnaissance d’instructions concernant la conservation de la clé de l’armoire des toxiques ainsi que sur le fait que, le 25 juin 2006, Mlle A. n’aurait procédé à aucune relève écrite avant de quitter son poste de travail. Mlle A. ne conteste pas le fait, que le 13 septembre 2006, elle a refusé de prendre en charge la clé de l’armoire des toxiques, conformément aux instructions qui lui avaient été données dans ce sens. Ce comportement qui traduit indéniablement un manquement de Mlle A. à son devoir d’obéissance est fautif et de nature à justifier une sanction disciplinaire. En se bornant à alléguer que, le 25 juin 2006 au soir, elle a transmis la relève orale à une de ses collègues, Mlle A. ne conteste pas sérieusement, que, ce jour-là, elle a quitté le Centre hospitalier avant l’heure de fin de son service, sans s’assurer par un transmission écrite ou orale conforme aux instructions données par sa hiérarchie en la matière, des informations utiles à l’équipe de relève, nécessaires au maintien de la continuité de la surveillance et des soins nécessaires aux patients. Ce manquement aux obligations de sa tâche constitue également une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire. Mlle A. se prévaut toutefois de ce qu’elle n’a jamais mis les patients en danger, dès lors que le 13 septembre 2006, elle a confié la clé de l’armoire des toxiques à une collègue, qu’elle l’a immédiatement reprise dès qu’elle a été sommée de le faire et que tous les patients qui nécessitaient des soins en ont bénéficié. Elle fait également valoir sans être contestée, que le 25 juin 2006, avant de quitter l’établissement hospitalier, elle a procédé à l’annotation des soins à effectuer dans le dossier du seul patient devant bénéficier de morphinique ; qu’ainsi, le Centre hospitalier n’établit pas que, par son comportement fautif au cours de ces deux journées, Mlle A. aurait porté atteinte à la sécurité des patients. Dans ces circonstances, les griefs retenus concernant

344

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

ces deux journées, à l’encontre de Mlle A., ne pouvaient à eux seuls justifier la sanction de révocation prononcée qui doit être regardée comme entachée d’une disproportion manifeste. 27. Portée de l’entente préalable dans une procédure disciplinaire (exercice libéral) 䊏 Conseil d’État, 23 juillet 2010, no 327268 M. A., masseur-kinésithérapeute, a fait valoir devant la section des assurances sociales du conseil national de l’ordre des médecins que, pour 13 patients au titre desquels lui est reprochée une surfacturation, dès lors que la cotation des actes, dite AMS 12, ne correspondait pas aux pathologies décrites, une demande d’entente préalable avait été présentée dans les conditions prévues à l’article 7 de la nomenclature générale des actes professionnels et avait fait l’objet d’une acceptation tacite de la caisse primaire d’assurance maladie à l’origine de la plainte. Or, la section des assurances sociales du conseil national de l’ordre des médecins n’a pas répondu à ce moyen, qui n’est pas inopérant, et sa décision insuffisamment motivée doit être annulée.

Droits sociaux 28. Politique du handicap 䊏 Circulaire DGCS/SD3 no 2010-97 du 23 mars 2010 Ce texte récapitule et précise la répartition des compétences entre les agences régionales de santé et les directions régionales et départementales de la cohésion sociale dans le champ de la politique du handicap. Les ARS sont compétentes pour toute la politique afférente aux établissements et services médicosociaux assurant la prise en charge et l’accompagnement des personnes handicapées et des personnes âgées, y compris les établissements et services d’aide par le travail (ESAT) financés par l’État. Cette compétence des ARS dans le champ médicosocial n’épuise cependant pas la totalité de la politique du handicap. D’une part, au-delà des établissements et services, cette politique interministérielle comporte un important volet fondé sur le principe d’accessibilité généralisée, qui vise à permettre « l’accès de toutes les personnes handicapées aux droits de tous » et à promouvoir leur insertion sociale. D’autre part, les missions de protection des personnes vulnérables (au nombre desquelles figurent les personnes handicapées) et d’insertion sociale des personnes handicapées entrent explicitement dans les missions des DRJSCS (deuxième alinéa du 1er de l’article 2 du décret no 2009-1540 du 10 décembre 2009) et des DDCS (PP) (1er de l’article 4 du décret no 2009-1484 du 3 décembre 2009). En conséquence, les directions de la cohésion sociale conservent un rôle : • pour garantir aux personnes handicapées ou en perte d’autonomie l’accès et le respect de leurs droits, tant au niveau individuel qu’à celui, collectif, de la garantie apportée à l’expression des représentants de ces personnes dans un certain nombre d’instances ; • pour promouvoir leur autonomie sociale et leur citoyenneté : cet aspect se traduit par une mission générale d’ingénierie sociale consistant, pour ces services, à s’assurer de la prise en compte des besoins des personnes handicapées dans les autres politiques déclinées localement (éducation, emploi, accessibilité, tourisme. . .). Compte tenu de leur champ de compétence, les DDCS (PP) seront particulièrement attentives à la promotion et au développement de la pratique sportive et de l’accès aux loisirs des personnes handicapées. 29. La réforme de la santé au travail 䊏 Conseil national de l’Ordre des médecins, 25 juin 2006 L’indépendance des médecins du travail ne doit pas être altérée par de nouvelles règles de gouvernance des services de santé au travail. Il ne peut appartenir au directeur du service de santé au travail de définir de son propre chef les orientations et objectifs médicaux du service. Le directeur doit se centrer sur un rôle

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

345

de coordination et d’organisation du travail, indispensable au bon fonctionnement du service et doit être le facilitateur des missions que la loi confie aux médecins du travail. Les objectifs locaux doivent être élaborés et validés en commission médicotechnique (CMT) et ne peuvent porter atteinte à l’indépendance médicale. La pénurie médicale n’affecte pas que la médecine du travail et des solutions innovantes doivent être mises en œuvre sans porter atteinte à la qualité du service que les salariés et les employeurs sont en droit d’attendre. Il faut offrir des perspectives de carrière à tous les médecins, et l’ouverture d’un DESC permettant aux médecins une reconversion à la médecine du travail doit s’accompagner de la création d’autres passerelles offrant aux médecins du travail eux-mêmes comme aux praticiens d’autres spécialités de réelles perspectives de reconversion. La coopération avec d’autres professionnels de la santé au travail apporte un bénéfice aux salariés et permet aussi de libérer le temps médical. La délégation de tâches aux infirmiers peut intervenir à trois stades : • elle peut intervenir au stade de l’entretien de santé au travail. Les infirmiers de santé au travail peuvent effectivement initier l’entretien de santé au travail et porter dans le dossier médical un certain nombre d’informations préalables (recueil du curriculum laboris, des expositions professionnelles, des risques, des conditions de travail. . .) sans qu’il soit dérogé au décret relatif aux actes infirmiers. Cette intervention des infirmiers au niveau de l’entretien de santé au travail devra se faire sur la base de protocoles mis en œuvre par les médecins ; • la délégation pourrait éventuellement porter sur certains actes médicaux bien identifiés dans les conditions de l’article L.4011-1 du Code de la santé publique et notamment sur la base d’un protocole de coopération médecin-infirmier validé par la HAS ; • enfin, la délégation peut intervenir au niveau de l’action en milieu de travail la base de protocoles établis par les médecins. S’agissant du secret professionnel, le Conseil national de l’Ordre des médecins pose des conditions à l’accès au dossier médical personnel par le médecin du travail, en lecture et en écriture, même s’il estime que cet accès présente un intérêt indiscutable pour la santé du salarié. Le salarié doit donner un consentement exprès, renouvelé, libre et éclairé au médecin du travail. Le consentement ou l’absence de consentement du salarié ne peut, sous quelque forme que ce soit, être porté à la connaissance d’une tierce personne. Tout comportement d’un employeur visant directement ou indirectement à faire pression auprès d’un salarié pour qu’il donne accès à son DMP doit être sévèrement puni. 30. Médecine du travail et aménagement de poste 䊏 Conseil d’État, 16 avril 2010, no 326553 Aux termes de l’article L. 4624-1 du Code du travail, le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des travailleurs. Le chef d’entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord sur les propositions formulées par le médecin du travail concernant l’aptitude d’un salarié à occuper son poste de travail, il appartient à l’inspecteur du travail, saisi par l’une des parties, de se prononcer définitivement sur cette aptitude et son appréciation, qu’elle soit confirmative ou infirmative de l’avis du médecin du travail, doit être regardée comme portée dès la date à laquelle cet avis a été émis.

Responsabilité 31. Contradictoire lors d’une expertise judiciaire 䊏 Cour de cassation, chambre criminelle, 23 mars 2010, no 08-83688 et 09-82385

346

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

Il résulte des dispositions combinées des articles 10 du Code de procédure pénale et 160 du Code de procédure civile que l’expert commis par une juridiction pénale statuant sur les intérêts civils doit convoquer les parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par remise à leur défenseur d’un simple bulletin. Ces dispositions, destinées à donner un caractère contradictoire à l’expertise, sont valables pour toutes les phases d’exécution de celle-ci lors desquelles sont fournis et discutés les éléments nécessaires à la solution du litige, leur méconnaissance entraînant la nullité de la mesure d’instruction dès l’instant où il est établi que cette méconnaissance a eu pour effet de faire grief à celle des parties qui l’invoque. En conséquence, ne donne pas de base légale à sa décision la Cour d’appel qui a refusé d’annuler le rapport d’expertise déposé à la suite d’une réunion dite de synthèse clôturant les opérations d’expertise, organisée en méconnaissance de ces formalités, sans avoir vérifié s’il n’a pas été porté atteinte aux intérêts de la partie concernée. Sur la nécessité, pour l’expert commis par une juridiction pénale statuant sur les intérêts civils, de convoquer les parties pour toutes les phases d’exécution de l’expertise : Crim., 3 mai 1988, pourvoi no 86-90.372, Bull. crim. 1988, no 190. Sur la nécessité de convoquer les parties aux opérations d’expertise : Civ. 2 ◦ Ch., 24 novembre 1999, pourvoi no 97-10.572; Civ. 2 ◦ Ch., 12 juin 2003, pourvoi no 01-13.502. 32. Faute dans le diagnostic de la trisomie 䊏 Cour de cassation, 1er chambre civile, 6 mai 2010, no 09-11157 En vertu de l’article L. 1111-2 du Code de la santé publique, tout professionnel de santé a la charge, dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables de procéder à l’information des personnes sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui leur sont proposés quant à leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus et que seule l’urgence ou l’impossibilité d’informer peut l’en dispenser. Mme X., âgée de 25 ans, était suivie par le Docteur Z., gynécologue, depuis 1997, s’est rendue chez ce dernier le 15 mai 2000 pour avoir confirmation de son état de grossesse. L’obstétricien qui pratique, sur une patiente habituelle, primigeste, l’unique visite obligatoire du premier trimestre est tenu, même s’il n’escompte pas la suivre ultérieurement, de prescrire les examens indispensables de ce trimestre. Au nombre de ces examens figure l’échographie morphologique, qui doit être réalisée entre la 11e et la 14e SA et constitue le moyen le plus fiable et le mieux adapté de déceler, par l’analyse de la « clarté nucale », une éventuelle trisomie 21. En l’espèce, il ressort des énonciations du rapport expertal et de l’arrêt attaqué que le Docteur Z. a effectué, le 10 mai 2000 la consultation de déclaration au cours de laquelle doit obligatoirement être prescrite l’échographie morphologique de la 12e semaine et n’avait pas procédé à cette prescription. Pour débouter Mme X. et M. Y. de leur action en responsabilité envers M. Z., médecin gynécologue, à la suite de la naissance de leur fille Zoé, atteinte de trisomie 21, l’arrêt attaqué retient que : • le déroulement chronologique des rendez-vous entre le praticien et Mme X. montre clairement qu’à l’issue du premier rendez-vous, le 15 mai 2000, la grossesse ne devait pas être suivie par M. Z. mais par le Centre médicochirurgical obstétrical (CMCO) de Strasbourg ; • dans ces conditions, alors que l’échographie de la 12e semaine ne pouvait s’envisager que cinq semaines plus tard, ce qui permettait à sa cliente de prendre attache avec le CMCO pour être suivie de manière satisfaisante, il ne pouvait être reproché à M. Z. de ne pas avoir informé cette dernière de ce qu’elle pouvait faire pratiquer une échographie à la 12e semaine dans le cadre de la détection des signes de la trisomie et de ne pas la lui avoir prescrite. L’expert a précisé qu’une telle échographie ne permettait de dépister une « nuque épaisse » que dans 70 % des cas. Cette incertitude ne permet pas d’établir un lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice subi par les demandeurs, et il n’est pas certain non plus que ce signe qui peut également être constaté, selon l’expert chez 5 % des enfants non atteints, s’il avait été décelé, aurait influé sur la suite de la grossesse de Mme X. Enfin, l’examen sanguin du 21 juillet, prescrit par M. Z., qu’elle consultait à nouveau depuis le 3 juillet, n’avait fait apparaître qu’un risque très minime et les échographies réalisées par la suite

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

347

n’avaient mis en évidence aucune anomalie neurologique, cardiaque ou digestive en lien avec la trisomie 21 fœtale. Or, selon l’expert, cette échographie constituait le moyen le plus fiable et le plus adapté de déceler, par la mesure de la nuque du fœtus, une éventuelle trisomie 21, à condition qu’il soit pratiqué dans les délais indiqués. L’existence d’une nuque épaisse de plus de 3 mm à 12 semaines d’aménorrhée constituait une indication de caryotype, et cette analyse se pratiquait sur le liquide amniotique prélevé à 17 semaines par amniocentèse. Il était dès lors possible, si se révélait une trisomie 21, considérée comme une affection incurable et d’une particulière gravité, de recourir à une interruption de grossesse. M. Z., qui n’était pas dispensé de son obligation d’information par l’intention, d’ailleurs non suivie d’effet, exprimée par Mme X. de consulter un autre médecin, avait, par son abstention, privé celle-ci de la possibilité d’obtenir un des éléments du diagnostic de la trisomie 21 du fœtus, lequel lui aurait permis d’exercer le choix éclairé d’interrompre ou non sa grossesse. En exonérant le praticien de toute responsabilité consécutive à un manquement à ses devoirs professionnels la Cour d’appel a violé l’article 1147 du Code civil. 33. Responsabilité pour insuffisance de l’information (Cour de cassation) 䊏 Cour de cassation, 1er chambre civile, 3 juin 2010, no 09-13591 Un patient, souffrant depuis plusieurs années de troubles de la miction, présente début avril 2001 une rétention urinaire aigue l’amenant à se rendre aux urgences du CHU, où est installée une sonde vésicale. Est ensuite pratiquée une adénomectomie, nécessaire compte tenu des risques d’infection et devant être effectuée rapidement. Le geste n’est pas critiqué, mais il en résulte, par la survenance d’un aléa, une impuissance. Pour la Cour d’appel, il y avait eu faute dans l’information, mais le patient, avisé du risque de troubles érectiles, aurait renoncé à l’intervention, et la responsabilité est écartée. La Cour de cassation casse cet arrêt, par un spectaculaire revirement de jurisprudence. L’obligation du médecin d’information est fondée sur la sauvegarde de la dignité humaine, et le médecin qui manque à cette obligation fondamentale cause nécessairement un préjudice à son patient (Abandon de la jurisprudence Hédreul, du 20 juin 2000, no 98-23046). 34. Responsabilité pour insuffisance de l’information (Conseil d’État) 䊏 Conseil d’État, 19 mars 2010, no 310421 M. A., qui souffrait d’une artérite bilatérale des membres inférieurs, a subi dans un CHU, le 14 novembre 2000, une opération chirurgicale lors de laquelle lui a été posée une prothèse aorto-bifémorale. À la suite de cette opération, une complication est survenue, provoquant une paraparésie définitive et divers troubles liés à cette infirmité, et M. A. a recherché la responsabilité du CHU. Lorsqu’un acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l’art, comporte des risques connus de décès ou d’invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n’est pas requise en cas d’urgence, d’impossibilité ou de refus du patient d’être informé, les seules circonstances que ces risques ne se réalisent qu’exceptionnellement ou que l’état de santé du patient ait nécessité l’intervention réalisée ne dispensent pas les praticiens de leur obligation. Il est acquis que M. A. n’avait pas été informé du risque de complication médullaire présenté par l’opération et ce défaut d’information constitue une faute susceptible d’engager la responsabilité du service public hospitalier. La Cour administrative d’appel a relevé qu’une intervention médicale s’avérait nécessaire, que les alternatives envisagées ne présentaient pas moins de risques que l’option choisie. Elle a ensuite jugé que, dans ces conditions, la faute commise par le centre hospitalier régional de Bordeaux n’avait pas entraîné de perte de chance pour M. A. de se soustraire au risque qui s’est réalisé.

348

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

Le rapport d’expertise s’était interrogé sur la question de savoir si un traitement endovasculaire n’eût pas été préférable, mais il avait toutefois relevé qu’un tel traitement présentait des risques de complication et de mauvais résultats sur un patient présentant comme M. A. des calcifications susceptibles de provoquer une dissection vasculaire, et il avait estimé que les choix thérapeutiques faits avaient été conformes aux données actuelles de la médecine. M. A. aurait du être informé avant l’opération des risques vitaux d’une occurrence de 9/100 que celleci comportait. Mais cette faute commise par le centre hospitalier, ne pas avoir informé des risques de compression médullaire, n’a pas entraîné de perte de chance pour celui-ci de se soustraire à ce risque qui s’est en définitive réalisé. De telle sorte, le recours doit être rejeté. Cet arrêt, classique, devient opposé à la solution désormais adoptée dans ce genre d’affaires par la Cour de cassation. 35. Caractérisation d’une infection nosocomiale (non) 䊏 CAA Versailles, 22 juin 2010, No 09VE01433 Mme A., alors âgée de 50 ans, victime d’une chute le 13 mai 2001, a présenté une fracture de l’extrémité inférieure du tibia droit, associée à une fracture du péroné droit. Le centre hospitalier, où elle a été aussitôt transportée, a pratiqué le lendemain une intervention chirurgicale au cours de laquelle il a été procédé à une ostéosynthèse par plaque vissée. Mme A. a dû être à nouveau hospitalisée le 10 avril 2003, à la suite de l’apparition de sécrétions purulentes dans la zone de la cicatrice. Au cours de l’intervention chirurgicale réalisée le 14 avril suivant, il a été procédé à la fois à l’ablation de la plaque d’ostéosynthèse au niveau du tibia et à l’évacuation de l’infection après excision des tissus concernés. Les hémocultures réalisées au cours de cette période ont révélé la présence de staphylocoques dorés. En raison de la persistance de l’infection, Mme A. a dû subir une nouvelle intervention chirurgicale le 4 mai 2004, qui a été pratiquée dans un autre établissement hospitalier et au cours de laquelle les tissus infectés emplissant la cavité osseuse ont été retirés. Mme A. s’est rendue en consultation à l’hôpital à de nombreuses reprises au cours des 18 mois suivant l’intervention chirurgicale du 14 mai 2001. Le praticien qui l’a opérée a noté, à chacune des visites médicales, que la blessure évoluait favorablement, que la patiente ne présentait pas un état fébrile et que les clichés radiologiques ne révélaient aucune anomalie. Si lors des opérations d’expertise, Mme A. a signalé la survenue d’un écoulement purulent au niveau de la cicatrice, en août 2001, le compte rendu de la consultation du 8 août 2001 ne fait état d’aucune manifestation suspecte à cette date. En outre, cet épisode n’a été porté à la connaissance du centre hospitalier ni lorsqu’il s’est produit, ni lors de la visite médicale suivante du 11 septembre 2001, au cours de laquelle le chirurgien n’a pas constaté de symptôme inflammatoire. La nouvelle hospitalisation de Mme A. au centre hospitalier, le 10 avril 2003, est consécutive à un traumatisme de la cheville droite dont a été victime Mme A. huit jours auparavant, à la suite duquel sont apparus un œdème et des sécrétions purulentes importantes. Les hémocultures réalisées à cette occasion ont permis d’identifier un staphylocoque aureus dont l’expert précise qu’il s’agit vraisemblablement d’un germe non hospitalier car dans ce dernier cas, le germe aurait été beaucoup plus virulent comme on peut l’observer dans les infections nosocomiales. Aucune infection nosocomiale n’a été enregistrée dans le service de chirurgie orthopédique et traumatologique dans les 30 jours ayant précédé et suivi l’intervention chirurgicale du 14 mai 2001. Ainsi, eu égard à ces divers éléments, la présence d’un staphylocoque doré, découvert à l’occasion de l’hospitalisation d’avril 2003, doit être regardée comme trouvant sa cause non dans l’intervention chirurgicale pratiquée le 14 mai 2001, soit deux ans auparavant, mais dans le traumatisme dont a été victime Mme A. en avril 2003, lequel a provoqué un hématome évoluant vers un œdème infecté. 36. Conséquences graves d’une infection 䊏 CAA Lyon, 6 mai 2010, no 08LY00319 M. B., né en 1934, a été hospitalisé au centre hospitalier universitaire de Grenoble le 10 septembre 2001 pour des douleurs épigastriques. Une nouvelle récidive d’épisode douloureux dans la nuit du 11 septembre et

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

349

l’apparition de fièvre le 12 septembre ont justifié un traitement antibiotique et la réalisation d’une échographie le 13 septembre suivant qui a mis en évidence une vésicule biliaire anormale. M. B. a néanmoins regagné son domicile le 14 septembre 2001. Après un nouvel épisode infectieux associé à des douleurs abdominales apparus le 30 septembre, il a de nouveau été hospitalisé à compter du 2 octobre suivant et est décédé le lendemain, victime d’un choc septique sur septicémie à Escherichia coli. Le compte-rendu d’échographie du 13 septembre 2001 note que le radiologue n’a pas pu explorer complètement la région abdominale et retient un aspect radiologique de pseudo-cholécystite sur rétention lithiasique. Dans le courrier du 19 septembre 2001 au médecin traitant de l’intéressé, l’hôpital relève que M. B a été admis à la suite d’un troisième épisode douloureux abdominal et pose le diagnostic d’une probable rétention lithiasique sur pseudo-cholécystite mais exclut toute indication d’ablation chirurgicale de la vésicule en l’absence de récidive d’épisode douloureux. Il résulte cependant de l’instruction que le diagnostic de pseudo-cholécystite porté à la suite de l’échographie n’était pas suffisant et que, compte tenu des antécédents de la victime, de cardiopathie ischémique et d’hypertension artérielle en particulier, d’autres diagnostics auraient dû être évoqués et des examens complémentaires réalisés. De plus, M. B. a souffert en cours d’hospitalisation d’une quatrième récidive d’épisode douloureux qui, selon l’expert, aurait dû justifier la consultation d’un chirurgien pour une éventuelle cholécystectomie. La réalisation d’examens complémentaires et la prise d’un avis chirurgical spécialisé auraient ainsi, selon l’expert, permis à l’hôpital de mettre en place rapidement des traitements adaptés et d’éviter à M. B. le choc septique d’origine biliaire dont il est décédé. Contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, bien que normale, l’échographie du 2 octobre 2001 ne pouvait exclure une dissémination septique des voies biliaires dans les 48 heures précédentes. En s’abstenant de procéder à des investigations complémentaires et de recueillir un avis chirurgical, l’hôpital a donc commis une faute directement à l’origine du décès de M. B, et sa responsabilité est engagée. 37. Conséquence dommageables d’un acte chirurgical 䊏 Cour de cassation, 1er chambre civile, 3 juin 2010, no 09-66752 M. X., chirurgien, a été jugé responsable des conséquences de l’atteinte du plexus brachial gauche dont a été victime Mme Y., à la suite de l’intervention qu’il avait pratiquée sur elle à des fins esthétiques. La Cour d’appel a constaté que si la complication survenue était exceptionnelle, elle constituait néanmoins un risque connu de l’intervention. Le mécanisme, bien que complexe, était pour partie lié au positionnement de la patiente sur la table d’opération avec les bras écartés de l’axe du corps et en a déduit que M. X. avait été imprudent d’y recourir au regard notamment de la durée de l’intervention. De plus, le positionnement de la patiente pendant l’intervention, dont le lien scientifique avec la complication survenue était établi même si tout n’était pas clairement connu dans le mécanisme de sa survenance, a été, au moins partiellement, à l’origine du dommage subi. Dès lors, l’imprudence du chirurgien était en lien de causalité avec le préjudice subi. 38. Geste chirurgical malheureux 䊏 CAA Versailles, 6 mai 2010, no 09VE01160 Lors de l’intervention réalisée le 30 octobre 2000 dans un centre hospitalier, le chirurgien qui a opéré M. A. n’a pas protégé la suture digestive effectuée par une iléostomie temporaire. Cette abstention a constitué une imprudence fautive, laquelle a fait perdre à M. A. une chance de minimiser les conséquences de la fistule digestive apparue par la suite et d’éviter de subir ultérieurement une iléostomie définitive. Cette faute est de nature à engager la responsabilité du Centre hospitalier. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d’un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et

350

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d’éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l’hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue. L’état de santé de M. A. était très dégradé antérieurement aux diverses interventions chirurgicales qu’il a dû subir à la suite de son hospitalisation, le 12 avril 2000, intervenue en raison de son autolyse médicamenteuse en date du 8 avril 2000. Compte tenu de l’état de santé détérioré de M. A. et des difficultés opératoires qui ont été rencontrées par le chirurgien, la perte de chance d’éviter le dommage corporel dont la réparation est demandée doit être évaluée à 50 %. 39. Geste chirurgical, information et infection nosocomiale 䊏 CAA Bordeaux, 4 mai 2010, No 09BX01181 M. Didier X, âgé de 40 ans au moment des faits, qui souffrait d’une lombosciatique rebelle aux traitements médicamenteux a été hospitalisé du 2 au 9 octobre 2000 au centre hospitalier universitaire de Bordeaux pour y subir le 3 octobre 2000 une intervention chirurgicale en vue de l’ablation d’une hernie discale. Au cours de l’intervention a été observée une brèche de la dure-mère réparée immédiatement par le chirurgien. Devant la persistance des douleurs, l’accentuation des troubles sensitifs préexistant à l’opération et l’apparition d’un syndrome déficitaire moteur, M. X. a été, de nouveau, hospitalisé du 26 décembre 2001 au 10 janvier 2002 au centre hospitalier universitaire de Bordeaux. Une arthrodèse a été réalisée le 31 décembre 2001 pour bloquer le rachis lombaire. La patient a, de nouveau, été hospitalisé du 16 au 30 janvier 2002 à la suite d’une infection de la plaie opératoire qui a nécessité une nouvelle intervention chirurgicale pour nettoyage suivie d’une antibiothérapie de trois mois. Il conserve une lombosciatique chronique et une raideur définitive du rachis lombaire, et il a engagé un recours. Geste chirurgical L’état de santé s’est aggravé à la suite de l’intervention pratiquée le 3 octobre 2000 par l’apparition d’un syndrome déficitaire moteur et une accentuation des troubles sensitifs préexistants. Toutefois, l’échec de l’opération n’est pas, en lui-même, de nature à établir que le patient a été victime d’une faute dès lors que pèse sur le service public hospitalier une obligation de moyens et non de résultats. La technique endoscopique utilisée pour l’intervention était justifiée au regard de l’âge du patient et de ses conséquences moins mutilantes, et au cours de cette intervention, le chirurgien qui a constaté, au lieu de l’hernie discale dont les examens radiographiques avaient conduit à poser le diagnostic, une discopathie dégénérative entraînant un bombement du disque, n’a pas pratiqué l’exérèse discale qui aurait aggravé cette dégénérescence discale. Si durant l’ablation du ligament intervertébral permettant d’aborder le disque lombaire, une brèche durale s’est produite, cet accident thérapeutique, identifié et réparé immédiatement, relève de l’aléa connu dans cette chirurgie et n’est pas constitutif d’une faute. L’intervention réalisée a, ainsi, été pratiquée conformément aux connaissances de la science médicale et les soins ont été prodigués selon les règles de l’art ; dès lors, aucune faute ne peut être reprochée au centre hospitalier. Défaut d’information Lorsque l’acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l’art, comporte des risques fréquents ou graves de complication, le patient, hors les cas d’urgence ou à moins que lui-même ne s’y refuse, doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Le centre hospitalier universitaire de Bordeaux n’apporte pas la preuve qu’avant la réalisation de l’opération du 3 octobre 2000, il aurait informé M. X. des risques auxquels l’a exposé cette intervention chirurgicale. Si ce défaut d’information a constitué une faute, il n’engage la responsabilité de l’hôpital que dans la mesure où il prive le patient d’une chance de se soustraire au risque lié à l’intervention. Or, le centre hospitalier de Bordeaux fait valoir, sans être contesté, qu’il n’existait aucune alternative à l’intervention réalisée. Le patient ne soutient pas que, mieux informé, il aurait renoncé à l’intervention alors que les traitements médicamenteux administrés pendant les six mois précédents n’avaient pas entraîné d’amélioration de son état de santé. Ainsi, le défaut d’information n’a, en tout état de cause, pas entraîné, dans les circonstances de l’espèce, de perte de chance pour M. X. de se soustraire au risque de brèche durale qui s’est réalisé.

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

351

Infection nosocomiale Le patient a présenté trois semaines après l’opération réalisée le 31 décembre 2001 visant à réaliser une arthrodèse, une infection à staphylocoque doré au niveau de la plaie opératoire ayant nécessité une reprise chirurgicale pour nettoyage de la plaie, réalisée le 24 janvier 2002 ainsi que l’administration d’un traitement antibiotique pendant trois mois. Ainsi, alors même que le germe responsable de cette complication infectieuse serait un staphylocoque meticillinosensible, l’infection dont a été victime M. X, eu égard au délai d’apparition de l’infection et à sa localisation, présente les caractéristiques d’une infection nosocomiale dont la responsabilité incombe au centre hospitalier en vertu de l’article L.1142-1 du Code de la santé publique, sauf s’il rapporte la preuve d’une cause étrangère. En arguant du caractère endogène du germe responsable de l’infection contractée par la victime et de l’absence de défaut d’asepsie, le centre hospitalier universitaire n’apporte pas la preuve d’une telle cause. Par suite il doit être jugé responsable des conséquences dommageables de l’infection nosocomiale. 40. Geste chirurgical et information 䊏 CAA Nancy, 5 mai 2010, no 09NC01101 M. Manuel A. a été hospitalisé le 29 janvier 2006 dans un centre hospitalier de Belfort pour y subir une gastrectomie totale avec splénectomie, en raison d’un cancer de l’estomac. Il a développé, après cette intervention, une pancréatite qui a entraîné de multiples complications et son décès le 26 février 2006. Son épouse recherche la responsabilité du centre hospitalier. Geste opératoire Le bilan préopératoire effectué au centre hospitalier avait mis en évidence chez M. A. un cancer de l’estomac à un stade avancé, avec des ganglions périgastriques empêchant toute alimentation par voie orale. Ce diagnostic, dont la pertinence n’est pas contestée, justifiait la réalisation d’une gastrectomie totale avec splénectomie, pratiquée le 30 janvier 2006. Il ne résulte pas de l’instruction que la mise en place d’une jéjunostomie d’alimentation et la pose d’une chambre implantable, en vue d’une chimiothérapie, aurait constitué en l’espèce une alternative thérapeutique d’une efficacité comparable et moins risquée. Après ouverture de l’abdomen, le chirurgien a constaté l’inutilité de l’opération eu égard à la persistance de ganglions envahis et à une libération difficile de la tumeur par rapport au pancréas, ce qui a entraîné une pancréatite aiguë à l’origine, entre autres éléments, du décès de M. A., et ainsi l’intervention chirurgicale a précipité le décès de l’intéressé. Mais ce décès serait sinon survenu quelques mois après. Aussi, cette circonstance ne saurait être constitutive d’une faute du centre hospitalier, dès lors que l’intervention chirurgicale était justifiée nonobstant l’état avancé de la tumeur, dans la mesure où il s’agissait d’un patient relativement jeune sans lésion métastatique à distance et dont le cancer infiltrait tout l’estomac. Mme A. n’établit pas qu’une seconde intervention chirurgicale aurait dû être pratiquée les 8 ou 9 février 2006, l’expert ayant précisé qu’une nouvelle intervention chirurgicale n’aurait conduit, dans les circonstances de l’espèce, qu’à l’aggravation de l’état de santé de M. A. L’opération chirurgicale réalisée le 30 janvier 2006 et la prise en charge des complications survenues ultérieurement ont par ailleurs été réalisées conformément aux règles de l’art et aux données acquises de la science. Devoir d’information du patient Lorsque l’acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l’art, comporte des risques connus de complications, le patient doit être informé dans les conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Il résulte de l’instruction, et notamment d’un courrier adressé le 23 janvier 2006 par le chirurgien au médecin traitant de M. A., que le patient a été longuement rec¸u avec sa famille et qu’il a été informé à cette occasion de la nature de l’intervention envisagée et de ses éventuelles conséquences. Ce courrier mentionne que le chirurgien et la famille du patient sont tombés d’accord pour une laparotomie exploratrice, espérant que cette tumeur était enlevable. Il mentionne également que le patient a décidé de consulter un autre spécialiste avant l’opération envisagée, un rendez-vous ayant été pris à cet effet le 20 janvier. Ainsi, le médecin a respecté son devoir d’information.

352

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

41. Faute en chirurgie orthopédique 䊏 CAA Lyon, 23 mars 2010, no 07LY01997 Mme A., née en 1959, qui a été victime d’une chute à l’origine d’une torsion du pied droit, a été admise au centre hospitalier d’Aurillac le 26 mai 2001 où son pied a été immobilisé dans la résine. Souffrant de douleurs persistantes, elle a de nouveau été admise au centre où une fracture du scaphoïde au pied droit a été diagnostiquée, justifiant le 29 juin 2001 une arthrodèse partielle du tarse au cours de laquelle, du fait de l’impossibilité de réaliser une ostéosynthèse par vissage en raison de la taille de l’os fracturé, ont notamment été posées deux broches. Elle a été victime d’une nouvelle chute le 21 septembre 2001 à l’origine d’importantes douleurs causées par la rupture de l’une des deux broches dont l’une des extrémités, incluse dans le cunéiforme, n’a pu être retirée lors de l’opération réalisée le 10 octobre 2001 au centre pour l’enlèvement de ces broches. La patiente a subi une nouvelle opération le 10 janvier 2002 comportant le blocage par agrafage de l’articulation suivie d’une autre opération le 29 janvier 2003 pour procéder notamment à l’ablation de ce morceau de broche, mais sans succès. Une nouvelle intervention a été pratiquée le 23 novembre 2006 pour une reprise de la pseudarthrodèse de son pied droit. Mme A., qui est atteinte d’un symptôme douloureux et de boiterie, a recherché la responsabilité pour la qualité des soins. Compte tenu de la difficulté à déterminer l’existence de la fracture du scaphoïde dont Mme A. était atteinte, il ne résulte pas de l’instruction que les médecins, en immobilisant son pied dans la résine pendant trois semaines avant de porter le diagnostic d’une telle fracture et de l’opérer le 29 juin 2001, auraient commis une faute. La mise en œuvre au cours de cette opération, en raison de la trop faible taille de l’os fracturé, d’une ostéosynthèse par haubanage à la place de la technique de vissage initialement prévue n’a pas été fautive. En outre, malgré les douleurs dont Mme A. a pu se plaindre lors d’une consultation au centre hospitalier le 21 septembre 2001, les pièces du dossier ne mettent en évidence aucune faute de cet établissement à n’avoir pas procédé à l’ablation des broches avant le 10 octobre 2001. En revanche, en autorisant la patiente, lors de la consultation du 7 août 2001, à reprendre la marche et à entamer une rééducation de son pied droit alors que la présence d’une broche dans l’interligne astragaloscaphoïdien rendait sa rupture prévisible, le centre hospitalier a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. 42. Séquelles non imputables au geste chirurgical 䊏 CAA Lyon, 9 mars 2010, no 07LY00573 À la suite d’un accident du travail survenu le 10 octobre 2001, puis de douleurs persistantes, un scanner lombaire, réalisé le 26 octobre, a révélé chez M. A. une hernie discale L4-L5 médiane importante et une hernie discale L5-S1 droite responsable d’une contrainte sur la racine nerveuse S1 droite. Son médecin traitant l’a orienté vers un chirurgien neurologue, qui l’a opéré le 7 février 2002 pour une lombosciatique droite. L’intervention était d’autant plus licite et justifiée que M. A. présentait un début de paralysie sur le nerf sciatique droit, et elle a été réalisée selon une technique opératoire habituelle et rigoureuse. La récidive postopératoire des douleurs est un phénomène classique, normalement très temporaire, alors que les douleurs persistantes sont en revanche une suite, beaucoup plus rare, d’une compression radiculaire, qu’elle soit opérée ou non. Ainsi, les séquelles dont M. A. demande réparation découlent de son état antérieur et non de l’intervention dont il a fait l’objet. 43. Absence de faute mais séquelles 䊏 CAA Lyon, 9 mars 2010, no 07LY01798 Mme A., née en 1952, qui présentait un syndrome de la pince costoclaviculaire droite, a été opérée le 26 mars 1996 dans un CHU, l’intervention ayant principalement consisté dans la résection de la première côte. Dans les suites de cette intervention, elle a développé un syndrome douloureux de névralgie chronique

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

353

longtemps invalidant, guéri par la mise en place en avril 2003 d’un neurostimulateur. La patiente a recherché la responsabilité pour faute du centre hospitalier. Si la névralgie chronique dont s’est trouvée atteinte Mme A. a vraisemblablement pour origine la contusion d’un élément nerveux du plexus brachial lors de l’intervention au CHU, cette complication, reconnue dans la littérature, qui est inhérente à l’innervation de la partie du corps en cause, n’est pas la conséquence d’une méconnaissance des règles de l’art constitutive d’une faute ou d’une négligence médicale. Au surplus, le centre hospitalier ne saurait être rendu responsable des séquelles douloureuses consécutives à cette intervention alors que l’intéressée, plutôt que de donner suite à la proposition faite par cet établissement, le 14 mai 1996, de les traiter par infiltrations qui, pratiquées précocement auraient pu conduire à une guérison, a fait le choix de s’adresser à d’autres praticiens. 44. Délégation d’acte irrégulière IDE - AS, mais disproportion dans la sanction 䊏 CAA Nancy, 27 mai 2010 no 09NC01354 Aux termes de l’article R. 4311-4 du Code de la santé publique : Lorsque les actes accomplis et les soins dispensés relevant de son rôle propre sont dispensés dans un établissement ou un service à domicile à caractère sanitaire, social ou médicosocial, l’infirmier ou l’infirmière peut, sous sa responsabilité, les assurer avec la collaboration d’aides-soignants, d’auxiliaires de puériculture ou d’aides médicopsychologiques qu’il encadre et dans les limites de la qualification reconnue à ces derniers du fait de leur formation. Mlle A., infirmière en service dans un centre hospitalier, a fait l’objet d’une sanction d’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de trois mois pour avoir demandé à une aide-soignante de faire une injection sous cutanée d’un anticoagulant à une patiente diabétique, au motif que cet acte ne peut être délégué. Ces faits, qui doivent être regardés comme établis, sont constitutifs d’une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire. En effet, à supposer même que, comme elle le soutient, les patients souffrant de diabète s’administrent eux-mêmes fréquemment ce type de produit, l’acte en cause relevait du rôle propre de l’intéressée, dès lors qu’il n’est pas établi ni même allégué que les conditions prévues par les dispositions précitées, lui permettant le cas échéant de le déléguer à une aide-soignante, étaient réunies en l’espèce. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mlle A., qui venait d’être affectée dans le service correspondant, a agi dans le contexte d’une surcharge de travail, qui avait conduit l’aide-soignante à lui proposer de l’aider. Au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier que la faute alléguée aurait eu des répercussions sur l’état de santé de la patiente concernée ou aurait occasionné une perturbation dans l’organisation du service. Si le centre hospitalier soutient que l’intéressée n’aurait pas toujours eu un comportement irréprochable par le passé, il est constant qu’elle n’a jamais été sanctionnée auparavant. Dans ces conditions, eu égard au caractère isolé du geste en question, la sanction d’exclusion temporaire pour la période du 15 novembre 2008 au 14 février 2009 inclus infligée à Mlle A. était manifestement disproportionnée aux faits qui lui sont reprochés, et que celle-ci était ainsi fondée à en demander l’annulation. En réparation, il y a lieu de condamner le centre hospitalier à verser Mlle A. une indemnité de 3000 euros en réparation du préjudice subi outre 1500 euros au titre des frais exposés pour la défense. 45. Délégation d’acte irrégulière IDE–AS et appréciation de la faute 䊏 Conseil d’État, 7 avril 2010, no 301784 Dans la nuit du 23 au 24 avril 2006, Mlle B., auxiliaire de puériculture stagiaire et une infirmière titulaire avaient la charge de cinq nourrissons dans l’unité de pédiatrie néonatale du service de réanimation néonatale d’un CHU. Au lieu d’administrer à l’un des patients, conformément à la prescription médicale dont elle avait demandé confirmation à l’infirmière, 12 mg de sectral, anti-hypertenseur habituellement présenté sous forme de comprimés dosés à 12 mg de principe actif, Mlle B. lui a administré 12 ml de ce produit, qui avait été fourni cette nuit-là sous forme de solution buvable dosée à 40 mg/ml en flocon de 125 ml, soit au total 480 mg de principe actif. Ce surdosage a entraîné, malgré l’intervention de l’équipe médicale, le décès de l’enfant.

354

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

Une procédure disciplinaire a été engagée à l’encontre de Mlle B pour avoir effectué un acte infirmier ne relevant pas de ses attributions et avoir commis une erreur dans l’administration d’un traitement ayant entraîné le décès du patient. Le conseil de discipline, lors de sa séance du 5 juillet 2006, a proposé une exclusion temporaire des fonctions d’une durée de deux mois, mais le directeur du CHU a prononcé la sanction d’exclusion définitive. Mlle B. a saisi la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière qui, par un avis du 6 décembre 2006, a estimé que la sanction infligée à l’intéressée devait être l’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de deux mois, et le CHU demande l’annulation de cet avis. Pour estimer que les fautes ainsi commises par Mlle B justifiaient seulement une exclusion temporaire de fonctions d’une durée de deux mois, la commission a seulement retenu que Mlle B. avait demandé confirmation des termes de la prescription du médicament à l’infirmière présente ce soir-là, et que cette dernière n’avait été sanctionnée que d’une exclusion temporaire de fonctions d’une durée de trois mois dont deux avec sursis. Pour la commission, le médicament avait été livré dans un conditionnement inhabituel, sans que les risques d’erreur de posologie aient été signalés aux personnels, et laissé par l’équipe soignante précédente dans la chambre de l’enfant alors qu’il aurait dû être replacé dans la pharmacie du poste de soins. Ainsi, les faits étaient partiellement explicables par la fatigue accumulée par les agents après trois nuits consécutives de 12 heures de travail. Or, en administrant à un nourrisson dont elle avait la garde une dose de médicament 40 fois supérieure à celle qui avait été prescrite, provoquant ainsi son décès, Mlle B a d’une part, outrepassé ses fonctions d’auxiliaire de puériculture en effectuant un acte qui devait, compte tenu de la difficulté inhérente au calcul de la dose prescrite, être effectué par le personnel infirmier et d’autre part, fait preuve de négligence dans l’accomplissement de cet acte. La commission, compte tenu de la gravité des fautes commises par Mlle B et des conséquences que ces fautes sont susceptibles d’avoir eu égard à la mission du service public hospitalier, a entaché son appréciation d’erreur manifeste d’appréciation. 46. Chirurgien et recours à du personnel assistant non-diplômé 䊏 Cour de cassation, chambre criminelle, 18 mai 2010, no 09-83032 Sur la mise en danger d’autrui Le décret no 2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier est de portée générale et s’applique d’une manière générale à tout acte entrant dans la catégorie de ceux décrits et détaillés dans ce décret, quel que soit le lieu ou le type d’intervention pratiquée et plus particulièrement de la chirurgie esthétique qui n’est en aucune manière exclue de l’application du décret. En ce qui concerne les personnels employés par Michel X. durant ses opérations et quel que soit d’ailleurs le type de contrat qui les liait à ce médecin, aucun n’avait la qualité ou la compétence d’infirmière de bloc opératoire ou encore d’aide-opératoire ou d’aide instrumentiste. Ainsi, Michel X. a délibérément violé une obligation de sécurité à portée générale et à caractère réglementaire édictée par l’article 12 du décret no 2002-194 du 11 février 2002 et, ce faisant, a mis en danger la vie de ses clients puisqu’il n’avait aucun personnel dûment qualifié durant ses opérations de chirurgie esthétique pour l’assister d’une manière compétente et efficace au cas où aurait surgi une complication anesthésique, comme il s’en produit, y compris lors d’anesthésies locales, ces incidents étant cités par les experts ou encore pour faire face à tout accident de nature cardiaque, vasculaire ou respiratoire tel qu’il en existe dans toute opération, y compris de chirurgie esthétique. Michel X. était d’autant plus à même d’évaluer les risques encourus par ses clients qu’il possédait, outre son diplôme de docteur en médecine, une orientation de médecin-anesthésiste, qu’il avait même dans le passé pratiqué l’anesthésie médicale et qu’il ne pouvait donc ignorer tous les risques encourus par ses clients du fait du manque de personnel infirmier ou autre personnel qualifié tels que spécifiés à l’article 12 du décret no 2002-194 du 11 février 2002. L’assistance du chirurgien dans un bloc opératoire est dévolue à un infirmier titulaire du diplôme d’État de bloc opératoire. Par dérogation aux dispositions conditionnant l’exercice de la profession d’infirmier à

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

355

l’obtention du diplôme correspondant, l’article L. 4311-13 du Code de la santé publique autorise ceux qui exerc¸aient depuis au moins six ans avant le 28 juillet 1999 et qui ont satisfait avant le 31 décembre 2003 à une épreuve de vérification des connaissances, à accomplir des actes d’assistance auprès d’un praticien au cours d’une intervention chirurgicale. Or, aucune des collaboratrices de Michel X., lesquelles accomplissaient pourtant des actes d’assistance au cours des interventions chirurgicales pratiquées par celui-ci, ne satisfaisait ni même ne pouvait satisfaire à ces critères. Michel X. était parfaitement informé de l’existence de ces textes, sans quoi il n’aurait pas prétendu auprès des services de police que Amina Y. était infirmière. Par ailleurs, existait depuis la loi du 27 juillet 1999 un dispositif obligeant les employeurs d’aides opératoires à leur proposer un plan de formation intégré à leur temps de travail (L. 4311-13 du Code de la santé publique). Michel X. a délibérément violé les dispositions de l’article 12 du décret no 2002-194 du 11 février 2002, qui lui imposent l’obligation particulière d’être assisté au cours des opérations qu’il pratique par des personnes spécialement qualifiées, et qui constituent une obligation de sécurité au sens de l’article 223-1 du Code pénal. Ce faisant, Michel X. a mis sciemment la vie de ses patients en danger puisque, pratiquant régulièrement, et souvent simultanément, des opérations mettant les personnes qui les subissaient en risque cardiovasculaire, il ne pouvait compter sur personne pour l’assister utilement dans le cadre d’une réanimation éventuelle. La pratique d’actes invasifs les exposait au risque d’affections nosocomiales, dont certaines peuvent entraîner la mort, à la prévention desquelles les assistantes de Michel X. n’avaient pas été formées. En synthèse, pour déclarer Michel X. coupable de mise en danger de la vie d’autrui, l’arrêt de la Cour d’appel retient qu’il pratiquait sans précaution des interventions de chirurgie esthétique et notamment qu’il avait recours à du personnel sans qualification, alors qu’il résulte de l’article 12 du décret du 11 février 2002 que seuls peuvent assister le chirurgien au cours d’une opération des infirmiers diplômés ou en cours de formation. Les juges ajoutent que le prévenu, qui a faussement affirmé aux enquêteurs que l’une de ses assistantes était infirmière, était parfaitement conscient de cette obligation et qu’il ne pouvait ignorer les risques d’accidents cardiovasculaires, respiratoires et nosocomiaux, pouvant être mortels, qu’il faisait ainsi courir à ses patients. Ces constatations caractérisent le délit de mise en danger de la vie d’autrui, défini par l’article 223-1 du Code pénal. Sur les blessures par imprudence Michel X. a commis une faute en posant des prothèses mammaires surdimensionnées à Albertine Z., ce qui a eu pour conséquence la survenue de cervicalgies « nécessitant la prise régulière d’antalgiques, ainsi qu’un affaissement de la ceinture scapulaire ». Il a également commis une faute en oubliant, au cours de son intervention, un champ opératoire dans le corps de Fabiola A., ce qui a rendu nécessaire une seconde intervention. Il a commis une imprudence fautive en utilisant, à l’égard de Michel B., une technique de réduction de tonsure qu’il ne maîtrisait pas (il a convenu qu’il l’utilisait pour la première fois), ce qui a nécessité la reprise d’une cicatrice élargie, laquelle demeurait inflammatoire plusieurs mois après l’intervention du prévenu. Michel X. s’est rendu coupable de blessures involontaires à l’égard de Marthe-Andrée C. dont il a extrait une simple tuméfaction lipomateuse par un abord chirurgical inhabituel, ce qui a eu pour conséquence l’apparition d’une cicatrice en U, de huit centimètres, avec bride cervicale et tuméfaction profonde. La pratique de la lipoaspiration dans des conditions douteuses est à l’origine des œdèmes persistants subis par Karine D. Ces blessures involontaires n’ayant pas entraîné d’incapacité totale de travail, Michel X. a été déclaré coupable de blessures involontaires n’ayant pas entraîné d’incapacité totale de travail, soit une contravention de deuxième classe. La cour a condamné Michel X. à la peine maximale de quatre ans d’emprisonnement dont une année assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve de deux ans, une amende délictuelle de 75 000 euros et cinq amendes contraventionnelles de 150 euros, avec la peine complémentaire d’interdiction définitive d’exercer la profession de médecin.

356

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

47. Non-lieu du médecin et contexte d’une faute du patient 䊏 Cour de cassation, chambre criminelle, 11 mai 2010, no 09-87010 L’information n’a établi aucun fait caractérisant une faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement à l’encontre des personnes ayant soigné le plaignant et en particulier à l’encontre du docteur Y. Il résulte de l’audition du docteur Z., secrétaire général adjoint de l’ordre des médecins du département du Pas-de-Calais que la prise en charge de Daniel X. par le docteur Y. était conforme aux données de la science et que seul un refus de soins infirmiers par le patient avait abouti à l’amputation ; que le conseil de l’Ordre n’a retenu aucune faute à l’encontre du docteur Y. Le refus de soins et de consultation des urgences par le patient sont confirmés par les notes prises par le docteur Y. et déposées au dossier médical du plaignant ayant fait l’objet d’une saisie. L’amputation est à l’évidence le résultat du comportement du patient décrit par le docteur Y. comme non compliant et par le docteur A. comme opposant et revendicatif. Il résulte de l’audition du docteur Y. que la cause de la blessure n’a pas été exactement décrite par le patient. En effet, le plaignant disait au juge d’instruction que la blessure était la conséquence d’un écrasement du doigt entre deux blocs de nickel chrome dans le cadre d’une activité de statuaire alors que le docteur Y. se souvenait, lors de son audition, que le patient avait indiqué s’être coupé le doigt en découpant un grillage ou en posant une palissade. Eu égard au caractère et au niveau d’instruction du patient, ces explications pouvaient paraître comme exactes et ont dès lors pu orienter les soins prodigués lors de la première consultation. L’information n’a établi aucun élément de mise en danger du plaignant, aucune faute n’ayant été relevée contre quiconque, ni aucune intention de mettre en danger délibérément autrui. 48. Décès et fonctionnement erratique du service d’urgence 䊏 Cour de cassation, chambre criminelle, 9 mars 2010, no 09-80543 Valérie X. est décédée, le 12 février 2003, à l’âge de 35 ans, des conséquences d’un hémopneumothorax dans le CHU où elle avait été admise en urgence le 10 février à la suite d’une chute de sa terrasse la veille au soir. À l’issue de l’information ouverte sur réquisitoire du procureur de la République, le médecin des pompiers, deux internes de l’hôpital et une infirmière appartenant au service d’accueil des urgences ainsi que le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice dont dépendait l’hôpital Saint-Roch ont été renvoyés du chef d’homicide involontaire devant le tribunal correctionnel qui les a relaxés. Les parties civiles et le procureur de la République ont interjeté appel. L’enquête et les débats ont révélé une défaillance manifeste du service d’accueil du CHU. Cette défaillance consiste en l’absence de médecin senior dans ce service alors que le titulaire était autorisé à s’absenter par son supérieur hiérarchique, le docteur Y., responsable de toutes les unités des services des urgences, et ce, en infraction au règlement intérieur. Ce règlement impose la seniorisation dans chaque unité sectorisée de ces services ainsi que l’accueil par un médecin senior de chaque patient à charge pour lui, éventuellement, sous sa responsabilité d’attribuer le suivi de ce patient à un interne ou faisant fonction, et non comme semblait être à l’époque la pratique énoncée par le docteur Y. selon laquelle le médecin senior ne se déplac¸ait que sur demande du service. Cette désorganisation fautive n’a pas permis de prendre, dès l’arrivée de Valérie X., les mesures appropriées qu’un médecin senior aurait dû mettre en œuvre mais surtout dès le retour de cette patiente du service des radiographies puisque c’est à ce moment là que le processus vital s’est enclenché pour défaut de mise en place d’un protocole adéquat qui aurait permis d’éviter l’arrêt cardiocirculatoire alors que l’existence de la pathologie majeure était révélée ; cette faute patente est la cause indirecte et certaine du décès de Valérie X. 49. Prise en charge en urgence, décès et non-lieu 䊏 Cour de cassation, chambre criminelle, 9 mars 2010, no 09-83088 Une patiente a été admise au CHU, pour un tableau d’urgence cardiaque. Un électrocardiogramme a été réalisé qui comporte deux tracés, l’un à 12 heures 37, qui indique « ECG anormal non confirmé, tachycardie sinusale,

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

357

infarctus septal, date indéterminée », l’autre à 12 heures 39, qui indique « ECG anormal non confirmé, tachycardie sinusale, déviation axiale gauche, anomalie non-spécifique de l’onde T ». La lecture de ces deux tracés d’électrocardiogramme a été prise en compte dans le transfert décidé d’Elisabeth X., par prudence, tenant compte également des autres signes présentés par celle-ci et des antécédents dont elle avait fait part. Les experts, auxquels étaient notamment soumis ces deux documents, n’en ont pas moins écarté toute faute dans l’examen qu’ils faisaient des soins prodigués à Elisabeth X. lors de l’intervention à son domicile, retenant au contraire que toutes les précautions avaient été prises. C’est principalement sur l’interprétation de ces deux tracés que se fonde la partie civile pour critiquer le choix de l’orientation d’Elisabeth X. au service des urgences et les soins qui ont été donnés à celle-ci dans ce service où elle a été admise à 13 heures 31. Les investigations menées par le juge d’instruction, avec l’audition de l’ensemble du personnel hospitalier, médical ou infirmier, intervenu auprès d’Elisabeth X. en salle de déchoquage, soit la salle réservée aux urgences vitales, ont confirmé qu’Elisabeth X. était prise de vomissements, surtout était angoissée, mais que son état n’apparaissait pas alarmant au regard du nouvel électrocardiogramme pratiqué sur la demande de Serge Y. Un anti-vomitif et un anti-douleur étaient prescrits et administrés par voie de perfusion. Alors qu’elle déjà placée sous monitoring lors du trajet sans incident, Elisabeth X. restait sous monitoring, lequel faisait apparaître des constantes normales et des paramètres vitaux normaux. La dégradation est apparue brusquement, les diverses auditions confirmant le déroulement donné par Serge Y. dans son audition de témoin assisté. Elisabeth X., de plus en plus angoissée et agitée, recevait de l’oxygène par masque et, lors de la mise en place de l’intubation décidée pour améliorer son oxygénation, faisait un arrêt cardiorespiratoire. Le massage cardiaque immédiatement réalisé, avec deux chocs électriques et injection d’adrénaline, permettait de récupérer un rythme sinusal. Une échographie cardiaque était réalisée, puis une coronographie, Elisabeth X. ayant été alors transférée en salle de cathétérisme cardiaque afin de pratiquer cet examen. La photo de l’écran de l’appareil de coronographie montre que cet examen a été pratiqué à 15 heures 36, par un cardiologue, M. Z. Dans ces conditions, il ne peut être réuni suffisamment de charges contre Serge Y. ou contre quiconque intervenu, de l’admission d’Elisabeth X. au service des urgences jusqu’à son transfert à 16 heures en service de réanimation, de nature à caractériser une faute d’imprudence ou de négligence répondant à la définition de l’article 121-3 du Code pénal. 50. Responsabilités cumulées dans le décès d’un enfant 䊏 Cour de cassation, chambre criminelle, 18 mai 2010, no 09-84433 Le 2 juin 2006, à 23 heures 30, Morgane Z. est décédée au centre hospitalier où elle avait été transférée, à 19 heures 15, en provenance d’une clinique où elle était née le même jour, à 13 heures 55, de Marie A. À l’issue de l’information ouverte sur les circonstances de ce décès, Alain X. et Bernard Y., respectivement gynécologue-obstétricien et pédiatre de la clinique où la naissance avait eu lieu, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire. Le tribunal les a relaxés et a débouté les parents et les grands-parents de la victime, parties civiles, de leurs demandes, et ceux-ci ont relevé appel de cette décision, et la cour a déclaré les deux médecins coupables du délit d’homicide involontaire. La Cour de cassation confirme cet arrêt. Morgane A. est décédée le 2 juin 2000 d’une infection généralisée au streptocoque B dans sa forme aiguë, dite fulminante néonatale. Le décès est la conséquence de la rupture prématurée des membranes. Le professeur C. et le collège des experts D. et E. ont estimé que, en cas de rupture prématurée des membranes survenue à un terme compris entre 34 et 36 semaines d’aménorrhée, le risque de prématurité pour l’enfant est extrêmement faible et en tout cas très inférieur au risque d’infection qu’il importe donc de privilégier. Ils ont considéré que la décision de prolonger la grossesse pendant près de 60 heures était « absolument inopportune » et que l’absence d’un traitement antibiotique avait très largement favorisé la survenue de l’infection maternofœtale streptocoque B ayant entraîné le décès de l’enfant.

358

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

Les experts se sont accordés pour conclure que la prise en charge de la rupture prématurée des membranes de Marie-Andrée A. n’avait pas été conforme aux règles de l’art rappelées en 1999 par les recommandations de la pratique clinique. Le docteur Y. a prescrit une perfusion de salbutamol afin de prolonger la grossesse de quelques jours. La mise sous salbutamol ayant, pour effet d’augmenter le risque de complication infectieuse et dont le bénéfice était au cas d’espèce très faible, était inopportune. La prescription de salbutamol, conjuguée à l’absence de prescription d’un traitement antibiotique, a contribué fortement et de manière certaine à la survenue de l’infection à streptocoque B qui a entraîné le décès. L’instauration d’une antibiothérapie prophylactique qui n’aurait peut-être pas évité le décès n’est pas de nature à exclure l’existence d’un lien de causalité certain entre, d’une part, les erreurs commises par le docteur Y. dans la prise en charge de la mère et, d’autre part, le décès de l’enfant. Sur le plan pénal Il est au contraire formellement établi que les deux erreurs relevées par les experts dans la prise en charge de Marie-Andrée A. ont contribué de manière certaine à aggraver fortement le risque de complication infectieuse et, partant, à créer les conditions qui ont favorisé la survenue de l’infection maternofœtale et permis la réalisation du dommage, sans qu’il soit nécessaire que ces erreurs aient été à l’origine exclusive du dommage. Les deux erreurs que lui reprochent les experts sont donc bien en relation causale certaine avec le décès de l’enfant et non avec la perte d’une chance de survie. Ces erreurs sont en contradiction formelle avec les règles de bonne pratique médicale qui prévalaient au moment de l’accouchement, qui avaient fait l’objet de recommandations pour la pratique médicale, publiées en novembre 1999, dans le Journal de gynécologie obstétrique et biologie de la reproduction. Contrairement à ce que soutient le docteur Y., ces recommandations indiquent le bénéfice prouvé de l’administration systématique d’antibiotique dans une attitude d’expectative. La circonstance que les études commentées dans l’article publié se rapportent à des cas de rupture prématurée des membranes survenues avant 34 semaines d’aménorrhée et non au-delà est indifférente et ne modifie pas la conduite à tenir pour une rupture prématurée des membranes à 35 semaines dans la mesure où l’objectif de l’article est précisément de démontrer l’intérêt de la prophylaxie de l’infection maternofœtale dans les cas de rupture prématurée des membranes, avant terme, et où la recommandation s’applique aux cas de rupture prématurée des membranes survenant à 35 semaines. En conséquence, les conditions de la prise en charge de Marie-Andrée A. par le docteur Y. caractérisent à son encontre des manquements aux règles de l’art constitutifs de fautes pénales, qui ont exposé la mère mais surtout l’enfant à un risque de mortalité certain, qu’il ne pouvait ignorer et dont l’existence est connue en raison de l’extrême gravité de l’état septique du streptocoque B et de la fragilité du nouveau-né. Le cumul de ces fautes dans le contexte d’une situation à risque connue, ajouté à un défaut de précaution manifeste dans la prescription et le contrôle du dosage du salbutamol, suffit en conséquence à établir l’existence de fautes caractérisées au sens de l’article 121-3 du Code pénal, ayant contribué de manière certaine à la survenue de l’infection à streptocoque B et conduit indirectement au décès de l’enfant. Sur le plan civil Le décès est en relation certaine avec les fautes imputables respectivement au docteur Y. dans la prise en charge de Marie-Andrée A. et au docteur X. dans la prise en charge de l’enfant, il y a lieu de les déclarer responsables in solidum des conséquences du dommage et de fixer la part de responsabilité de chacun ; qu’en considération de la nature et du degré de gravité des fautes incombant à chacun des médecins, dans la réalisation du dommage, la part de responsabilité du docteur Y. sera fixée à 75 % et celle du docteur X. à 25 %. 51. Prise en charge difficile, décès mais non-lieu 䊏 Cour de cassation, chambre criminelle, 18 mai 2010, no 09-83032 Dans la nuit du 21 au 22 mai 2004, Nicolas Y. éprouvait de grandes difficultés à respirer et présentait une température corporelle supérieure à 38◦ C. Son épouse ayant appelé d’abord sans succès SOS médecins le docteur Z. se déplac¸ait finalement vers 22 h 50 au chevet du malade, diagnostiquait une angine et prescrivait

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

359

des médicaments en conséquence. Une heure après le départ du médecin, Nicolas Y. perdait connaissance. Le Samu appelé à nouveau se déplac¸ait et décidait de son hospitalisation. Malgré les soins prodigués, il décédait le 2 juin 2004. Le docteur Z. n’a pas causé directement le dommage, de sorte que sa responsabilité pénale ne pourrait être engagée qu’en cas de faute caractérisée au sens de ce texte. L’erreur de diagnostic qui lui est reprochée repose essentiellement sur l’analyse du professeur A. et est sérieusement contredite par le témoignage du docteur B., qui avait examiné le malade et a précisé : « Il fallait que j’examine spécifiquement le larynx à la recherche de signes d’épiglottite puisque le médecin réanimateur avait avancé ce diagnostic ; j’ai vu un larynx dans les limites de la normale, non œdémacié, c’està-dire non gonflé, avec une petite lésion ulcéreuse, c’est-à-dire une plaie, une lésion blanchâtre sur la partie supérieure gauche de l’épiglotte ; quant j’ai eu achevé cet examen, rien n’évoquait une épiglottite ; j’avais déjà vu un peu moins d’une dizaine d’épiglottites au cours de mes études, de ma carrière et rien dans l’examen de ce jour ne correspondait à ce que j’avais pu constater ; l’épiglottite est un phénomène médical rare et quand on en constate, on ne peut pas passer à côté ; or, une épiglottite traitée dégonfle en quatre ou cinq jours ; comme je l’ai vu au bout de deux jours, il est peu probable que son épiglottite ait eu le temps de dégonfler avant que je le vois ; je pense donc qu’il est très peu probable que Nicolas Y. ait souffert d’une épiglottite ; pour moi, ce cas était donc atypique ; quand je l’ai vu, dans l’état où je l’ai vu, aucun élément objectif ne pouvait laisser conclure que cet arrêt cardiorespiratoire avait une cause ORL ; cela peut donc être une cause non ORL ; si cela devait être une cause ORL, je penserais plutôt à un œdème de Quincke qui se traduit par un gonflement du larynx, de la gorge, de la bouche et qui entraîne un décès par asphyxie ; l’œdème de Quincke est une réaction allergique à, par exemple, une piqûre d’insecte ou à l’absorption de médicaments ». Le docteur Z. n’a commis aucune faute caractérisée ayant exposé la victime à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer, et il convient confirmer l’ordonnance de non-lieu.

Santé mentale 52. Hospitalisation d’office et référé-liberté 䊏 Conseil d’État, 1er avril 2010, No 335753 Aux termes de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative, le juge des référés, saisi d’une demande justifiée par l’urgence, peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce alors dans un délai de 48 heures. Si l’autorité judiciaire est seule compétente pour apprécier la nécessité d’une mesure d’hospitalisation d’office en hôpital psychiatrique prise sur le fondement de l’article L. 3213-1 du Code de la santé publique ou d’une décision qui en prononce le maintien, en application des dispositions de l’article L. 3213-4 du même Code, il appartient à la juridiction administrative, saisie d’une demande présentée sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative, d’apprécier, eu égard aux seules irrégularités dont elles seraient entachées, si ces décisions portent une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale dont la violation est invoquée. 53. Hospitalisation d’office, indemnisation par le juge judiciaire 䊏 Cour de cassation, 23 juin 2010, no 09-66.026 M. C. a été hospitalisé d’office en CHS, unité pour malades difficiles, du 11 avril 2000 au 2 février 2001 par arrêtés préfectoraux des 11 avril, 10 mai et 9 août 2000. Ces décisions ayant été annulées par la juridiction administrative, il a introduit une action en paiement de dommages-intérêts à l’encontre de l’agent judiciaire du Trésor et du centre hospitalier de Montfavet ; que par le même acte, M. et Mme C., ont présenté une demande en réparation du préjudice subi du fait de l’hospitalisation de leur fils.

360

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

Les tribunaux judiciaires sont seuls compétents pour apprécier les conséquences dommageables résultant de l’irrégularité des décisions administratives de placement ou de maintien sous le régime de l’hospitalisation d’office, Pour débouter M. et Mme C. de leur demande en réparation du préjudice subi du fait de l’hospitalisation de leur fils présentée contre l’agent judiciaire du Trésor, l’arrêt retient qu’ils ne justifient pas d’un préjudice direct causé par l’illégalité des arrêtés préfectoraux de placement, dont l’annulation, pour des motifs formels ne peut être génératrice d’un préjudice direct causé à des tiers à ces actes. Or, le placement irrégulier de M. C. en milieu psychiatrique cause aux parents un préjudice direct dont ils sont bien fondés à demander réparation. Pour limiter à la somme de 10 000 euros le montant des dommages-intérêts dus à M. C. en réparation de son préjudice, la Cour d’appel retient que nonobstant les irrégularités formelles des arrêtés ordonnant son placement d’office, celui-ci était justifié par son état pathologique préalable a l’irrégularité commise. Or, M. C. pouvait prétendre à l’indemnisation de l’entier préjudice né de l’atteinte portée à sa liberté par son hospitalisation d’office irrégulièrement ordonnée. 54. Hospitalisation d’office : certificat d’un médecin non psychiatre 䊏 Conseil d’État, 9 juin 2010, no 321506 En matière d’hospitalisation d’office, le certificat médical circonstancié au vu duquel le préfet de la Meuse motive un arrêté, peut être régulièrement établi par un médecin non psychiatre exerc¸ant dans l’établissement d’accueil. Le Conseil d’État abandonne sa jurisprudence antérieure, qui exigeait que le certificat émane d’un psychiatre : CE, 26 juillet 1996, Ministre des affaires sociales et de l’intégration c/S., no 133093. La mesure d’hospitalisation d’office provisoire que peut prendre un maire, en cas de danger imminent, en application de l’article L. 3213-2 du Code de la santé publique, ne constitue pas un préalable nécessaire à l’intervention de l’arrêté préfectoral prévu à l’article L. 3213-1 du même Code. Aussi l’annulation, par le tribunal administratif, de l’arrêté que le maire de avait auparavant pris antérieurement est sans incidence sur la légalité de l’arrêté préfectoral pris ensuite. 55. HDT, qualité pour être le tiers demandeur 䊏 TA Grenoble, 8 juin 2010, no 0904970 Le 15 juin 2008, à la suite d’une demande d’un tiers d’hospitalisation sans son consentement et de deux certificats médicaux établis le même jour, Mlle C. a été admise par le directeur d’un CHS, sous le régime de l’hospitalisation sur demande d’un tiers (Art. L. 3212-1 CSP). La décision d’hospitalisation sans son consentement d’une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être prise sur demande d’un tiers que si celui-ci, à défaut de pouvoir faire état d’un lien de parenté avec le malade, est en mesure de justifier de l’existence de relations antérieures à la demande lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celuici. Or, la demande d’admission de Mlle C. au CHS le 15 juin 2008 a été présentée par le directeur des soins de cet hôpital agissant en sa qualité d’administrateur de garde. Cette personne justifiait de l’existence de relations antérieures à cette demande avec Mlle C. La circonstance que l’administrateur de garde ne fait pas partie du personnel soignant et que l’hospitalisation de la requérante était impérative n’est pas de nature à lui donner qualité pour agir dans l’intérêt de cette dernière au sens du CSP. Par suite, la décision doit être annulée. 56. HDT, procédure d’admission 䊏 TA Versailles, 2 avril 2010, no 0807525 M. X. été admis le 4 février 2008 en hospitalisation libre au service de psychiatrie adulte d’un CHS pour des troubles révélant une pathologie psychiatrique avérée ; le 12 février suivant, une décision d’hospitalisation à la demande d’un tiers a été prise, puis, le 13 février, une décision de maintien en hospitalisation.

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

361

La décision d’hospitalisation d’une personne atteinte de troubles mentaux que le directeur de l’établissement prend sur demande d’un tiers n’a pas à être formalisée par écrit ni à être motivée. Mais les pièces doivent établir les conditions d’intervention de la décision. L’hôpital n’en apportant pas la preuve, la décision doit être considérée comme prise par une autorité émanant d’une autorité incompétente, et doit être annulée. 57. Dépression et suicide par défénestration 䊏 Cour de cassation, 1re chambre civile, 17 juin 2010, no 09-10334 Mme X., hospitalisée depuis le 16 août 2003 dans une clinique spécialisée dans le traitement des maladies mentales, à la demande son médecin psychiatre depuis plusieurs années, lequel exerc¸ait à titre libéral dans l’établissement, est tombée, dans la nuit du 26 au 27 août, de la fenêtre de sa chambre située au premier étage et a été blessée. La patiente qui avait déjà fait sept tentatives de suicide, avait été hospitalisée en raison d’une rechute dépressive sévère avec idées de suicide, et malgré son traitement, son état ne s’était pas stabilisé à la date du 25 août où elle avait présenté une crise anxiodépressive significative faisant suite à des épisodes d’excitation de type hypomaniaque et des décompensations dépressives avec des variations de l’humeur qui s’étaient succédé depuis plusieurs jours. Elle avait eu très peur dans la journée du 26 à la suite de sa chute d’une chaise qui s’était cassée. Elle présentait des troubles bipolaires de type II, sur une personnalité pathologique, « avec des phases dépressives plus ou moins sévères, des moments d’excitation sur une personnalité parfois impulsive ». À son arrivée, Mademoiselle X. a été hospitalisée 68 heures dans une chambre dite d’isolement. Elle a accédé à une chambre dite normale dès le 19 août 2003 au matin, celle-ci étant munie d’une fenêtre à double vitrage, sécurisée, pouvant être verrouillée de l’intérieur. Le registre de surveillance et d’observations de l’équipe soignante porte que la fenêtre de la chambre occupée par Mademoiselle X. a été maintenue fermée pour la nuit aux dates des 23, 24 et 25 août. Il porte à la date du 26 août « fenêtre ouverte » (Docteur Y.) et c’est dans la nuit du 26 au 27 août que Mademoiselle X. a chuté de la fenêtre et a été blessée. L’expert n’a pas mis en évidence de dysfonctionnement patent dans le déroulement des soins, ni de la surveillance. La question principale était de savoir si la fenêtre devait rester ouverte durant la nuit du 26 au 27 août 2003. L’examen clinique n’ayant pas mis en évidence de danger suicidaire évident, ni de confusion manifeste, et compte tenu de la forte chaleur, le docteur Jean-Pierre Y. avait décidé de ne pas fermer la fenêtre. L’expert a considéré que « cette argumentation était entendable et ceci ne lui est pas apparu a priori inapproprié, ni inadapté à l’état de santé de Valérie X. Un risque était pris, mais il était possible de le prendre compte tenu des éléments ci-dessus décrits ». Responsabilité pour faute du médecin psychiatre Elle présentait toujours un risque suicidaire lorsque le 26 août, son médecin psychiatre avait prescrit aux membres de l’équipe soignante de maintenir ouverte la fenêtre de la chambre. Mme X. ne présentait après sa chute aucun signe de confusion médicamenteuse. Il n’était pas allégué que la fenêtre de sa chambre pût être confondue avec une porte ou présentât un risque de chute involontaire, même au cours d’une manifestation légèrement confusionnelle pour une personne qui se serait penchée. La défenestration de Mme X. résultait d’un tel passage à l’acte, au cours de la rechute dépressive sévère comportant des idées de suicide en raison de laquelle elle était hospitalisée. Le médecin psychiatre, qui suivait sa patiente depuis plusieurs années, avait manqué à son obligation de soins et de surveillance en prenant un risque excessif au regard de son état et sa faute a été à l’origine de la chute de Mme X. et des dommages qui en étaient résulté pour elle. Pas de faute de la clinique La chambre de Mme X. comportait une fenêtre à double vitrage, sécurisée, pouvant être verrouillée de l’intérieur, et c’est sur la décision prise le 26 août par le médecin psychiatre, ressortant d’une prescription

362

Le comité de rédaction de DDS / Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 326–362

médicale qui s’imposait à l’équipe soignante, que cette fenêtre avait été laissée ouverte pendant la nuit. Auparavant, des mesures de fermeture avaient été prises à l’initiative des membres de l’équipe de surveillance et indiquées sur le registre. Il n’est pas démontré que Mme X. ait présenté un nouveau trouble de comportement après le départ du médecin le 26 août vers 21 heures, ni même après la dernière visite qu’il avait faite à sa patiente, devant conduire l’équipe infirmière à modifier la consigne qui lui avait été donnée par celui-ci ou à se rapprocher de lui pour connaître sa position sur une éventuelle réévaluation de sa situation. Aussi, la clinique n’avait pas commis de faute en n’alertant pas le médecin sur la nécessité de fermer la fenêtre de la chambre. 58. Abus de faiblesse 䊏 Cour de cassation, chambre criminelle 23 juin 2010, no 09-87809 Est en cause la signature d’une vente à titre viager du domicile d’une personne âgée, au profit d’un commerc¸ant. Le compromis de vente de l’appartement a été signé en juillet 2005 et la vente définitive en octobre de la même année. Pour la Cour, M.A. commerc¸ant résidant à proximité du domicile de Gisèle et lui rendant régulièrement visite, ne pouvait davantage ignorer sa vulnérabilité psychologique. L’expert psychiatre a déposé un rapport précis et circonstancié. Les premiers symptômes de l’altération mentale de cette personne âgée remontaient au moins au début de l’année 2004, ainsi qu’il résultait de la consultation du dossier de ses hospitalisations successives au centre hospitalier de Vichy, et n’avaient par la suite cessé de s’aggraver, de sorte qu’ils étaient bien présents dans le courant de l’année 2005. Par ailleurs, le 3 mars 2006 les policiers venus interroger Gisèle sur la vente de l’appartement ont constaté qu’elle tenait des propos incohérents à ce sujet. Le 13 avril 2006, jour de la réalisation de l’expertise, le médecin psychiatre a relevé qu’elle donnait plusieurs versions à ce propos, indiquant successivement que tout était vendu, que rien n’était vendu, qu’une partie seulement des meubles était vendue, ou qu’une personne lui avait proposé d’acheter sa cuisine. Pourtant, M.A. entendu par les services de police le 17 juillet 2006, soit plusieurs mois plus tard, a affirmé à deux reprises que Gisèle avait encore toute sa tête. Il ressort de l’ensemble de ces éléments qu’il ne saurait valablement invoquer un consentement éclairé de Gisèle A. à la transaction litigieuse, et qu’il a en réalité profité de sa totale absence de défense pour la conduire à passer cet acte. Même si la vente de l’appartement à M.A. a été conclue au prix du marché, il convient de relever que cette vente en viager ne correspondait aucunement à l’intérêt de Gisèle, qui disposait d’un patrimoine conséquent lui permettant de subvenir largement à ses besoins. Son notaire de famille a refusé de prêter la main à cette vente. Cette transaction a eu pour effet de faire sortir sans nécessité du patrimoine de la victime un bien immobilier d’une valeur non négligeable, et de permettre à M.A. de réaliser une opération financière particulièrement avantageuse. Ainsi, ces faits ont occasionné un grave préjudice à Gisèle. M.A. a déclaré être l’objet d’un complot de la part des voisins et copropriétaires de l’immeuble de Gisèle, destiné à lui faire quitter les lieux. Il ressort plutôt de l’examen du dossier que l’entourage de la victime s’est ému de constater qu’elle n’avait aucunement réalisé la portée de l’acte de vente qu’elle avait passé. Aussi, M.A. ne pouvait davantage ignorer sa vulnérabilité psychologique, et les faits sont constitués.