Les apparences sont parfois trompeuses… Quel est votre diagnostic ?

Les apparences sont parfois trompeuses… Quel est votre diagnostic ?

Imagerie de la Femme (2015) 25, 252—256 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com QUEL EST VOTRE DIAGNOSTIC ? Les apparences son...

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Imagerie de la Femme (2015) 25, 252—256

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

QUEL EST VOTRE DIAGNOSTIC ?

Les apparences sont parfois trompeuses. . . Quel est votre diagnostic ? False appearance. . . What is your diagnosis? Fadila Bouvier-Mihoubi a, Jérôme Didier b, Marie-Christine Mathieu b, Corinne Balleyguier a,∗ a

Service de radiodiagnostic, institut Gustave-Roussy, 114, rue Édouard-Vaillant, 94805 Villejuif, France b Service d’anatomopathologie, institut Gustave-Roussy, 114, rue Édouard-Vaillant, 94805 Villejuif, France Rec ¸u le 27 juillet 2015 ; accepté le 25 septembre 2015 Disponible sur Internet le 21 d´ ecembre 2015

MOTS CLÉS Sein ; Immuno-histochimie ; IRM ; TEP scanner

Observation clinique Une patiente de 59 ans, sans antécédent particulier, s’est présentée à un examen de dépistage par mammographie, lors duquel des formations kystiques et des ganglions intramammaires ont été retrouvés. Le bilan étant classé BI-RADS 2, il a été renvoyé en seconde lecture, où d’anciens clichés de la patiente ont été retrouvés et ont alors montré une augmentation de taille des opacités intramammaires. Un complément d’imagerie a donc été réalisé (Fig. 1—4).

KEYWORDS Breast; Immunohistochemistry; MRI; PET scan



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Balleyguier).

http://dx.doi.org/10.1016/j.femme.2015.09.002 1776-9817/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Figure 2. Échographie axillaire droite chez une patiente de 59 ans, sans antécédent particulier.

Figure 1. Mammographie bilatérale chez une patiente de 59 ans, sans antécédent particulier ; a : de face ; b : oblique externe.

Figure 3.

Échographie des lésions intramammaires droites chez une patiente de 59 ans, sans antécédent particulier.

Figure 4.

Angiomammographie bilatérale chez une patiente de 59 ans, sans antécédent particulier.

Quel est votre diagnostic ?

254 Cancer lobulaire de type pléiomorphe.

Analyse des images Les mammographies mettent en évidence : • d’une part, des opacités nodulaires intramammaires droites, denses, à contours bien limités, dans un sein de densité B ; • d’autre part, des opacités axillaires bilatérales supra centimétriques qui semblent présenter un hile graisseux, d’allure ganglionnaire (Fig. 1). Sur l’angiomammographie, malgré leur aspect rassurant, un rehaussement intense et homogène de l’ensemble des lésions sus-décrites est observé (Fig. 4). À l’échographie, les opacités intramammaires droites sont de deux types (Fig. 2 et 3), décrites selon les critères BI-RADS : • rondes, parallèles, circonscrites, hypo-échogènes, homogènes, à renforcement postérieur, d’allure bénigne ; • irrégulières, non parallèles, spiculées, hypo-échogènes, hétérogènes, sans atténuation des faisceaux ultrasonores, et donc d’allure suspecte.

Figure 5. Examen histologique de lésions mammaires chez une patiente de 59 ans, sans antécédent particulier ; a : lame colorée à l’hématéine-éosine-safran (HES) retrouvant une prolifération tumorale faite de cellules pléiomorphes, parfois de grandes tailles, avec noyaux irréguliers, tantôt vésiculaires, tantôt hyperchromatiques, souvent excentrés ; b : immuno-histochimie de la E-cadhérine retrouvant une absence de marquage des cellules tumorales par la E-cadhérine en défaveur d’un carcinome canalaire infiltrant. L’ensemble de ces deux éléments est en faveur d’un carcinome lobulaire pléiomorphe.

F. Bouvier-Mihoubi et al. Les lésions ganglionnaires axillaires présentent des critères suspects à type de : taille supra centimétrique, aspect hypo-échogène et hile excentré. L’analyse histologique montre principalement des cellules pléiomorphes et un immunomarquage négatif de l’E-cadhérine (Fig. 5). En raison de l’histologie, une IRM et un TEP scanner sont effectués afin de déceler d’autres lésions locales ou à distance : • l’IRM retrouve les lésions nodulaires intramammaires droites et les adénopathies, nettement rehaussées après injection de chélates de gadolinium (Fig. 6) ; • le TEP scanner retrouve un franc hypermétabolisme intéressant les anomalies sus-décrites, sans autre localisation à distance (Fig. 7).

Discussion Dix à 15 % des cancers du sein invasifs sont des cancers lobulaires infiltrants [1]. Le cancer lobulaire pléiomorphe est une variante rare de cancer lobulaire infiltrant et représente environ 13 % de ces cancers. Cette pathologie touche généralement la femme en post- et périménopause et les femmes porteuses d’une mutation de type BRCA2. Le cancer lobulaire pléiomorphe est un cancer de pronostic défavorable [1], associant une atteinte généralement multifocale, justifiant la réalisation d’une IRM préthérapeutique, et fréquemment découvert à un stade métastatique (à prédominance ganglionnaire, osseux, cutané, et ovarien), justifiant la réalisation d’un TEP scanner. À l’examen histologique, on observe principalement des atypies nucléaires et un pléomorphisme cellulaire, parfois à l’origine d’une détermination diagnostique difficile [2]. Il existe une perte de l’expression de la E-cadhérine à l’immunomarquage [2], permettant ainsi de différencier le cancer lobulaire pléiomorphe du carcinome canalaire infiltrant. On observe un plus grand risque d’amplification génomique de HER 2, et une fréquente négativation des récepteurs aux estrogènes et à la progestérone [1]. Par ailleurs, des altérations génétiques similaires à un carcinome canalaire infiltrant de haut grade ont été retrouvées. Ainsi, les principaux diagnostics différentiels sont les cancers lobulaires et canalaires infiltrants. En imagerie, il n’existe pas de critères spécifiques des cancers lobulaires pléiomorphes, qui peuvent se présenter sous de multiples formes, parfois faussement rassurantes comme dans notre cas : masse arrondie, asymétrie de densité, distorsion architecturale, masse spiculée, voire microcalcifications. Il n’existe pas de différence significative en imagerie entre un cancer lobulaire infiltrant classique et un cancer lobulaire pléiomorphe [3,4]. Quelques différences significatives, mais cependant non spécifiques, ont été mises en évidence entre un cancer lobulaire pléiomorphe et un carcinome canalaire infiltrant : une taille tumorale au diagnostic plus importante (taille moyenne = 3,2 ± 1,8 cm pour les cancers lobulaires pléiomorphes et 2,2 ± 1,5 cm pour les carcinomes canalaires infiltrants, p < 0,001), des adénopathies axillaires et une multifocalité lésionnelle plus fréquentes dans le groupe cancer lobulaire pléiomorphe [2]. La prise en charge associe généralement une chimiothérapie première à but de réduction tumorale, puis une chirurgie et une radiothérapie pariétale. De même que le

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Figure 6. Coupe axiale d’IRM chez une patiente de 59 ans, sans antécédent particulier : séquence en pondération T1 injectée après soustraction de la graisse, mettant en évidence un rehaussement lésionnel suspect.

pronostic est défavorable, la réponse au traitement est parfois mauvaise : selon l’étude de Fisher et al., la réponse complète à quatre cycles de chimiothérapie conventionnelle est évaluée à 10 % pour les carcinomes canalaires infiltrants et inférieure à 2 % pour les cancers lobulaires infiltrants ou pléiomorphes [5].

Conclusion Le carcinome lobulaire pléiomorphe est une variante de cancer lobulaire infiltrant agressif, lymphophile et métastatique souvent multifocal, ce pourquoi l’IRM est primordiale. Il se présente sous des formes multiples, difficilement différenciables à l’imagerie d’un carcinome canalaire infiltrant ou encore, comme c’était le cas ici, d’une lésion bénigne à type de kyste ou ganglion intramammaire.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références (18 F)-fluoro-

Figure 7. Coupe axiale de TEP scanner au désoxyglucose chez une patiente de 59 ans, sans antécédent particulier, retrouvant un hypermétabolisme des lésions ganglionnaires et mammaires droites.

[1] Lien HC, Chen YL, Juang YL, Jeng YM. Frequent alterations of HER2 through mutation, amplification, or over expression in pleomorphic lobular carcinoma of the breast. Breast Cancer Res Treat 2015;150(2):447—55. [2] Jung SP, Lee SK, Kim S, Choi MY, Bae SY, Kim J, et al. Invasive pleomorphic lobular carcinoma of the breast: clinicopathologic

256 characteristics and prognosis compared with invasive ductal carcinoma. J Breast Cancer 2012;15(3):313—9. [3] Butler D, Rosa M. Pleomorphic lobular carcinoma of the breast: a morphologically and clinically distinct variant of lobular carcinoma. Arch Pathol Lab Med 2013;137(11):1688—92. [4] Jung HN, Shin JH, Han BK, Ko EY, Cho EY. Are the imaging features of the pleomorphic variant of invasive lobular

F. Bouvier-Mihoubi et al. carcinoma different from classic ILC of the breast? Breast 2013;22(3):324—9. [5] Fisher B, Brown A, Mamounas E, Wieand S, Robidoux A, Margolese RG, et al. Effect of preoperative chemotherapy on local-regional disease in women with operable breast cancer: findings from National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project. J Clin Oncol 1997;15(7):2483—93.