Les dentifrices, notions de base et cas de comptoir

Les dentifrices, notions de base et cas de comptoir

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Actualités pharmaceutiques Ř n° 495 Ř Avril 2010

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Les dentifrices, notions de base et cas de comptoir Les dentifrices sont classés dans les catégories de produits cosmétiques sous l’appellation “produits pour soins dentaires et buccaux”. Ils ont, selon l’article L. 5131-1 du Code de la santé publique, pour vocation d’être mis en contact avec les dents ou les muqueuses buccales en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, d’en modifier l’aspect, de les protéger ou de les maintenir en bon état.

Comment définir un dentifrice ? Les dentifrices sont des préparations, employées à l’aide d’une brosse, pour éliminer, par frottement des dents, les restes alimentaires ainsi que la plaque dentaire. Ils permettent également de polir et blanchir les dents et de rafraîchir l’haleine. Ils véhiculent par ailleurs différents actifs destinés à protéger l’émail, à fortifier les gencives, à réduire l’hypersensibilité dentaire… Ils se présentent sous forme de pâtes (forte proportion de poudre) ou de gels et, plus rarement, de poudres.

Quelle est la composition de base d’un dentifrice ? Ř Des agents nettoyants ou polissants Ces agents représentent 30 à 50 % de la formule des dentifrices. Ce sont des agents abrasifs qui se présentent en poudre avec des particules sphériques, une granulométrie fine et une dureté calibrée. Ils ont pour propriété d’éliminer les dépôts alimentaires et de plaque dentaire. Sont utilisés : le carbonate de calcium, le phosphate dicalcique, l’alumine, les silices et les silicates. Ř Des épaississants Les épaississants représentent 0,5 à 2 % de la formule et sont très importants pour la viscosité du dentifrice (donc son utilisation) et sa stabilité. Sont retrouvés : des dérivés cellulosiques, des alginates, des carraghénates, de la gomme xanthane, des silices. Ř Des tensioactifs Les tensioactifs représentent 1 à 2 % de la formule et ont un pouvoir nettoyant (en émulsionnant les dépôts organiques de plaque dentaire pour faciliter leur décol-

lement et leur élimination) et moussant (rôle psychologique dans la perception de l’efficacité du dentifrice). Généralement, sont utilisés des tensioactifs anioniques : lauryl sulfate de sodium, alkylsulfate ou alkyléthersulfate. Les tensioactifs non ioniques sont réservés aux préparations destinées aux personnes souffrant d’inflammations gingivales. À savoir Le lauryl sulfate de sodium (dodécylsulfate de sodium) ne doit pas être confondu avec le laureth sufate de sodium (lauryl éther sulfate de sodium) qui est le produit obtenu par éthoxylation du lauryl sulfate de sodium (LSS). Le LSS est irritant pour les muqueuses et souvent à l’origine d’allergies buccales. Il est pourtant couramment rencontré dans les formules de dentifrices car peu cher.

Ř Des humectants Les humectants représentent 10 à 25 % de la formule. Ils permettent d’éviter le dessèchement du dentifrice (plasticité de la pâte) mais aussi d’améliorer son goût (par leur nature sucrée) et sa conservation en abaissant l’activité de l’eau (milieu ainsi moins contaminable). Le sorbitol, le glycérol, le xylitol sont les produits les plus utilisés.

Qu’est-ce qu’un bon dentifrice ? Les dentifrices doivent posséder les qualités suivantes : un bon pouvoir nettoyant, une abrasivité douce adaptée à l’émail et la dentine, une bonne stabilité pendant la durée d’utilisation, une consistance adaptée à leur utilisation sur une brosse et une utilisation agréable (aspect et goût). Ils ne doivent pas être irritants pour les gencives ni colorer les dents. Ils peuvent être traitants : prévention de la carie, réduction des saignements et des inflammations de la gencive, diminution de la sensibilité des dents...

© Fotolia.com/Elena Schweitzer

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ar définition, les dentifrices ne sont pas des médicaments mais ils garantissent et facilitent une bonne hygiène buccale en participant à la prévention de l’apparition des caries dentaires et de l’inflammation des gencives.

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Ř Des additifs Les additifs sont ajoutés pour améliorer les qualités des dentifrices. Ce sont des édulcorants et des aromatisants (huiles essentielles ou composés synthétiques), des colorants ainsi que des conservateurs. Ř Des substances actives éventuellement En plus de leur activité nettoyante, certains dentifrices revendiquent une ou plusieurs activités comme : – la prévention des caries ; – la réduction des saignements et de l’inflammation gingivale occasionnelle ; – la réduction de l’hypersensibilité dentaire ; – un effet blanchissant.

Quels actifs retrouve-t-on dans les dentifrices traitants ? Ř Des fluorures pour la prévention des caries Les fluorures jouent un rôle essentiel dans la prévention des caries en renforçant l’émail. En effet, ils s’y fixent et ralentissent sa déminéralisation en consolidant la couche superficielle (qui devient plus résistante à l’attaque acide des aliments). De plus, ils possèdent une action bactériostatique et peuvent obturer, par formation d’une couche minérale à la surface dentaire, les tubules dentinaires ouverts et soulager les hypersensibilités dentinaires. En Europe, plus de 90 % des dentifrices sont fluorés. Ils sont considérés comme une véritable mesure de santé publique pour lutter contre la formation des caries dentaires. En fonction de la concentration en fluorures, le produit sera considéré comme : – un médicament (AMM) si la concentration est supérieure à 1 500 ppm (0,15 %) ; – un produit cosmétique si la concentration est inférieure à 1 500 ppm. Parmi les sels de fluor les plus actifs, on distingue : – des sels minéraux ou fluorures inorganiques : fluorure de sodium (gamme Fluocaril®), monofluorophosphate de sodium, fluorure d’étain ; – des sels organiques : fluorures d’amines (Olafluor dans la gamme Elmex®), fluorinol (gamme Elgydium®).

Toxicité du fluor Il ne faut pas ingérer de trop fortes doses de fluor car il y a un risque de fluorose avec des altérations de l’émail (apparition de taches blanches et fragilisation de l’émail) si l’ingestion excessive se produit pendant la phase de minéralisation de la dent (phase pré-éruptive). L’intoxication aiguë au fluor reste cependant exceptionnelle. C’est la toxicité chronique du fluor qu’il faut craindre. Elle se manifeste principalement par une fluorose dentaire et, à doses très élevées de l’ostéosclérose, un retard de croissance, des altérations rénales… Il faut surtout rester vigilant face aux cumuls des apports (dentifrices, sels, eaux, supplémentation médicamenteuse) pendant la période de minéralisation pré-éruptive des dents permanentes.

Ř Des antiseptiques Nombre de pathologies bucco-dentaires sont la conséquence d’une prolifération microbienne pathogène due à un déséquilibre de la flore buccale. En luttant contre la croissance bactérienne, les antiseptiques contribuent à empêcher la formation excessive de plaque dentaire. Sont utilisés : – la chlorhexidine (Elgydium®, Parogencyl® sensibilité gencives), le triclosan-copolymère PVM/MA (Colgate Pharmasystem®), l’eugénol, le xylitol, des extraits végétaux (sauge, thym, girofle dans Parodontax®), le cétylpyridinium (Parogencyl® prévention gencives) ; – certains sels métalliques (zinc, étain dans la gamme Méridol®) altèrent le métabolisme de certaines bactéries pathogènes. Ils offrent l’avantage de pouvoir être utilisés au long cours sans risque de déséquilibrer la flore buccale. Ř Des anti-inflammatoires Des anti-inflammatoires type azulène, acide glycyrrhétinique (Arthrodont®), allantoïne et extraits végétaux (camomille, salsepareille, thuya…) diminuent localement l’inflammation gingivale. Des études récentes ont démontré que le triclosan possédait, en plus de ses propriétés antiseptiques, des propriétés anti-inflammatoires directes sur le processus inflammatoire (Colgate Pharmasystem®). Ř D’autres substances Certaines enzymes peuvent être utilisées pour dépolymériser les polysaccharides de la plaque bactérienne. Des vitamines permettent de renforcer la gencive contre les manifestations d’irritation de la muqueuse buccale ou de la gencive : D-panthénol, permethol, vitamine B6, vitamines C et E, vitamine P (Parogencyl® prévention gencives). Enfin, des sels minéraux sont souvent ajoutés comme le chlorure de sodium (Selgine®, Parodontax®) qui, en stimulant la salivation, améliore le drainage physiologique, ou le carbonate de calcium. Ř Des substances destinées à blanchir les dents Elles ont pour objectif d’enlever efficacement les taches de thé, café, vin, tabac et de redonner aux dents leur éclat naturel. Elles doivent aider à éliminer les colorations de surface, la plaque dentaire tout en respectant l’intégrité de l’émail. Ces substances peuvent agir par effet mécanique. Le bicarbonate de sodium est ainsi souvent utilisé sous forme micronisée (Elgydium® blancheur). Il associe un bon pouvoir nettoyant à un contrôle de l’acidité buccale diminuant ainsi la minéralisation de la plaque en tartre dentaire. Certains produits utilisent des complexes nettoyants-polissants (silice/alumine) associant pouvoir nettoyant sur les taches dentaires et pouvoir polissant retardant la formation de plaque dentaire

Actualités pharmaceutiques Ř n° 495 Ř Avril 2010 L’hygiène bucco-dentaire à l’officine

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(Elmex® nettoyage intense). Certains actifs sont qualifiés d’antitartre quand ils empêchent la minéralisation de la plaque dentaire résiduelle : pyrophosphates, copolymère PVM/MA (Colgate Pharmasystem®). Les substances blanchissantes peuvent également agir par effet chimique. Des enzymes, comme la broméline ou la citroxaïne (Rembrandt®), sont retrouvées. Le peroxyde d’hydrogène, sous forme de strip ou de mousse imbibée à placer en gouttière (Elgydium iwhite®, iwhiteOxygen®), cible les colorants alimentaires déposés dans les couches superficielles de l’émail et permet l’éclaircissement des dents si le mode opératoire est respecté (20 minutes par jour, 7 jours de traitement).

Ř Des substances utilisées en dilution homéopathique Certains extraits végétaux (calendula, phytolacca, plantago, hamamélis…) ou composés minéraux (Kalium phosphoricum, Calcarea fluoricum…) présentent des activités anti-inflammatoire, antiseptique, cicatrisante et vasculoprotectrice.  Odile Chambin

François Pillon

Professeur des Universités,

Docteur en pharmacie, Dijon (21)

professeur de pharmacie

[email protected]

galénique,

Guy Pillot

Faculté de pharmacie Dijon (21)

Pharmacien, Sennecey-lès-Dijon (21)

[email protected]

[email protected]

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Bibliographie Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Utilisation du fluor dans la prévention de la carie dentaire avant l’âge de 18 ans, octobre 2008. Estrade MN. Guide pratique du conseil cosmétologique à l’officine. Tome 3. ProOfficina, 1998. Martini MC. Introduction à la dermopharmacie et à la cosmétologie. 2e édition. Tec & Doc Lavoisier, 2006. Martini MC, Seiller M. Actifs et additifs en cosmétologie. 3e édition. Tec & Doc Lavoisier, 2006.

Quatre cas de comptoir ˆ Un patient se plaint d’avoir les gencives sensibles En dehors d’un problème de prothèse mal ajustée, une gencive sensible signe une accumulation de plaque dentaire se traduisant par une sensibilité (douleur, rougeur) et un saignement lors du brossage. L’utilisation d’antiseptiques est recommandée (Elgydium®, Colgate Pharmasystem®, Méridol®, Parogencyl®) pour réduire la quantité de plaque et apaiser l’irritation gingivale. Il est conseillé d’utiliser des dentifrices à l’enoxolone 0,7 % ou à base de plantes qui décongestionnent et apaisent (Arthrodont®, Parodontax®). Trois brossages par jour sont recommandés,

‰ Une femme enceinte s’inquiète de savoir si elle doit prendre du fluor Il est inutile de supplémenter la femme enceinte en fluor. Les vomissements gravidiques, du fait de l’acidité, agressent l’émail dentaire. Il lui faudra donc se rincer la bouche avec de l’eau ou, mieux, un bain de bouche fluoré ou du bicarbonate, et se brosser les dents (dentifrice de 1 500 à 5 000 ppm de fluor), 30 minutes à une heure après les vomissements. Si la future jeune maman présente une parodontite, il faut lui conseiller de consulter son dentiste rapidement car la parodontite agressive augmente le risque de naissance prématurée.

après les repas et le soir car le flux salivaire riche en lysozyme baisse durant la nuit. Mâcher des chewinggums édulcorés permet, par ailleurs, d’augmenter la sécrétion salivaire et de renforcer les muscles masticatoires. Pour stimuler les gencives et laisser agir le dentifrice, les brossages, doux et réguliers, doivent être effectués pendant trois minutes, avec une brosse à poils souples, petite tête, en respectant les techniques de Bass et du rouleau (balayage de la gencive vers la dent), sans oublier de nettoyer les surfaces masticatoires et de brosser la surface de la langue.

Š Un fumeur demande un dentifrice pour masquer les taches de coloration dentaire dues à la nicotine Il faut bien rappeler au patient que le tabagisme multiplie par trois le risque de maladie parodontale : fumer perturbe la flore buccale et diminue les secrétions salivaires. Par ailleurs, il faut lui préciser que seules les dents naturelles peuvent être blanchies. Deux types de produit peuvent être conseillés : – un produit contenant du peroxyde d’hydrogène provoquant un blanchiment des dents dans la masse (les vertus antiseptiques du peroxyde

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d’hydrogène préviennent par ailleurs la formation de la plaque dentaire). Le taux de peroxyde d’hydrogène est à 6 %. Il sera nécessaire de respecter le mode opératoire pour éviter les irritations gingivales et les hypersensibilités dentinaires ; – un dentifrice contenant le complexe silice/alumine ou un dentifrice avec du bicarbonate de sodium qui, déposé sur la brosse, aura un effet abrasif superficiel, à utiliser trois fois par semaine.

‹ Une jeune mère désire acheter un dentifrice pour son enfant Certaines questions doivent être posées : quel âge a votre ŘDe 6 à 18 mois, un brossage doit être effectué enfant, quels brosse à dents et dentifrice utilisez-vous, allezau moins une fois par jour avec un dentifrice fluoré vous voir votre dentiste régulièrement ? (≤ 500 ppm), distribué en quantité progressivement plus Le rôle de l’adulte dans l’éducation de l’hygiène dentaire de importante de mois en mois (pour arriver à la grosseur l’enfant est capital, dès le plus jeune âge et jusqu’à 6 ans, pour d’un petit pois à 18 mois). La brosse à dents doit être valider le geste mais aussi éviter l’ingestion intempestive de adaptée à la main de l’enfant même si l’adulte doit dentifrice. Seul un apport topique (externe) faible mais régulier finir le brossage pour s’assurer que toutes les surfaces en fluor suffit lorsque les dents de l’enfant apparaissent sont nettoyées. (à l’âge de 6 mois en moyenne). Les besoins de l’enfant en fluor ŘVers 3 ans, un dentifrice à 500 ppm de fluor peut être sont de 0,05 mg/kg/jour, tout apport de fluor confondu. Un excès conseillé dès que l’enfant a moins facilement le réflexe provoque une porosité accrue et une coloration des dents. de l’avaler. La supervision par un adulte est toujours Le fluor ne doit jamais être donné à l’enfant avant recommandée pour s’assurer d’un bon brossage l’apparition de la première dent (six mois). et d’une ingestion minimale. ŘÀ l’apparition des dents de lait, les parents doivent nettoyer ŘVers 6 ans, lorsque les premières dents définitives les dents en appliquant une compresse humide ou une brosse apparaissent, des dentifrices de 1 000 à 1 500 ppm de fluor à dents spéciale bébé avec une très faible quantité de dentifrice peuvent être conseillés. Le dentifrice doit être conservé trois fluoré (≤ 500 ppm) et ceci, une à deux fois par jour. minutes en bouche pour une bonne fixation du fluor.