Les dilutions en homéopathie

Les dilutions en homéopathie

La Revue d'Homéopathie 2012;3:9–14 Savoirs Les dilutions en homéopathie Dilutions in homeopathy Médecin homéopathe, 3, place du Général-de-Gaulle, 3...

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La Revue d'Homéopathie 2012;3:9–14

Savoirs

Les dilutions en homéopathie Dilutions in homeopathy Médecin homéopathe, 3, place du Général-de-Gaulle, 33240 Saint-André-deCubzac, France

RÉSUMÉ Hahnemannienne, korsakovienne, basse, moyenne ou haute, il n'est pas toujours facile de choisir nos dilutions. En fonction du remède, chaque dilution a un impact particulier sur le patient et seules la compréhension et la connaissance des différences et points communs entre chacune d'entre elles nous permettent une prescription en accord avec la clinique et les lois de l'homéopathie. Même si les limites entre elles ne sont pas toujours évidentes et se trouvent modifiées en fonction des époques, nos dilutions restent un point primordial pour notre thérapeutique.

Nadine Babeau Kreiter

Mots clés Dilutions homéopathiques Hahnemann Korsakov Règles de prescription

© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Keywords

SUMMARY

Hahnemann Homeopathic dilutions Korsakov Prescription rules

Hahnemannian, Korsakovian, low, medium or high, it is not always easy to choose our dilutions. Depending on the remedy, each dilution has a particular impact on the patient and only the understanding and knowledge of the differences and similarities between each of them enable a prescription to be made in accordance with the clinical aspects and laws of homeopathy. Even if the limits between them are not always obvious and are modified according to the period, our dilutions remain an essential element for our therapy. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

our obtenir une prescription adaptée aux lois de l'homéopathie, il est nécessaire de connaître le « pourquoi » des dilutions, leurs origines et surtout leurs différences. . .

P

LA FABRICATION DES DILUTIONS HOMÉOPATHIQUES Lors de son exercice médical, Samuel Hahnemann (1755–1843) constate, qu'en fonction de la dose, les substances toxiques peuvent avoir un effet inverse et que les doses faibles mais pondérales provoquent une aggravation transitoire avant même d'exercer leur effet curatif. C'est pour éviter ces aggravations secondaires survenant après la prise de remèdes qu'il diminue encore les doses jusqu'à obtenir des doses infinitésimales. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revhom.2012.01.007

Il constate alors que les effets thérapeutiques sont loin de diminuer et, qu'au contraire, ils peuvent même s'accroître de façon étonnante au fur et à mesure qu'il monte dans les dilutions. Hahnemann s'aperçoit aussi que les remèdes liquides sont plus actifs quand il les donne au domicile du patient plutôt qu'à son cabinet : la seule différence entre les deux étant qu'en faisant ses visites à cheval, les remèdes subissent une agitation importante. En fonction de ses observations, il soumet chacune des dilutions à une agitation vigoureuse, nommée dynamisation ou succussion. Dans son Traité des maladies chroniques (1846), Hahnemann souligne : « Quand un remède n'agit pas, alors que les signes que présente le malade semblent parfaitement correspondre au bon choix du médicament, agitez-le, dynamisez-le, vous aurez un nouveau remède. »

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Savoirs Le colonel comte Nicholaïe Von Korsakov (1788– 1853) découvre l'homéopathie en 1829 lors de la guérison de ses vieilles blessures de guerre aux jambes, après avoir pris du Ledum palustre en 30 décimale hahnemannienne (DH). Il s'oriente alors vers l'homéopathie et prépare lui-même ses remèdes, et de façon à pouvoir soigner le maximum de personnes avec un minimum de flacons, il simplifie la méthode hahnemannienne en utilisant qu'un seul récipient. En 1831, il publie un essai sur une « manière plus simple de préparation des médicaments homéopathiques ». Les principales préparations homéopathiques sont donc au nombre de deux : les dynamisations hahnemanniennes et les dynamisations korsakoviennes. Nous les utilisons sous la dénomination de centésimale hahnemannienne (CH) et de décimale hahnemannienne (DH) ou korsakovienne (K). À noter, une autre technique d'Hahnemann utilisant l'échelle des « millionièmes » où il employait alors les chiffres romains : 3 CH = I ; 6 CH = II ; 9 CH = III ; 12 CH = IV ; 15 CH = V ; 18 CH = VI ; 21 CH = VII ; 24 CH = VIII ; 27 CH = IX ; 30 CH = X. Cette technique permettait de sauter les dilutions de 3 CH en 3 CH et de les augmenter d'une façon progressive. On retrouve ces dilutions dans de vieux livres allemands d'Hahnemann. Exemple : Belladona 9 CH = Belladona III.

Les dilutions hahnemanniennes Les décimales On divise la souche, c'est-à-dire la teinture mère (TM) dans un solvant hydrosoluble au 1/10e. On prend et on met dans un flacon, une partie de la TM, à laquelle on ajoute neuf parties de solvant, on secoue au moins 100 fois (avec une force analogue au martèlement d'un livre relié en cuir), ce qui correspond à la dynamisation ou à la succussion et on obtient ainsi la 1 DH. On met dans un deuxième flacon une partie de 1 DH à laquelle on ajoute neuf parties de solvant, on dynamise et on obtient ainsi la 2 DH. Le nombre d'opérations effectuées définit la hauteur de la concentration = xDH = 10 x. Exemples : 10 3 = 3 DH ou 3 D ou 3 X. Une dilution 8 DH correspond à une concentration de 10 8.

Les centésimales On divise la souche (la TM) dans un solvant hydrosoluble au 1/100e. On prend et on met dans un flacon une partie de la TM à laquelle on ajoute 99 parties de solvant, on secoue 100 fois au moins et on obtient ainsi la 1 CH. On met dans un deuxième flacon, une partie de la 1 CH à laquelle on ajoute 99 parties de solvant, on dynamise et on obtient la 2 CH. 10

La dilution finale est le résultat de dilutions successives au centième avec agitation de la préparation entre chaque : xCH = 10S2x. Exemple : 10 6 = 3 CH ; une dilution 8 CH correspond à une concentration de 10 16.

Les dilutions korsakoviennes et les dilutions de Kent Les dilutions korsakoviennes Elles s'effectuent dans un seul flacon. Une fois le flacon vidé, il reste par adhérence sur les parois, l'équivalence d'une goutte de liquide. On ajoute dans ce même flacon 99 gouttes de solvant, et après avoir agité 100 fois, on obtient la première centésimale korsakovienne ou 1 K. On vide de nouveau le flacon et on ajoute encore 99 gouttes de solvant. . . La méthode par retournement de flacon étant très longue, on vide à présent le flacon par la méthode d'aspiration, ce qui est plus facile, plus répétitif. Exemple : pour réaliser une 10 MK, cela demande un jour et demi, l'appareil étant en marche 24 heures sur 24. À la main, la dilution serait fabriquée en cinq jours à raison de huit heures par jour. À chaque passage du solvant, une dynamisation de 100 secousses est réalisée, ce qui donne des temps de dynamisation très élevés et de ce fait un potentiel énergétique très important. Ces dilutions étant toutes préparées dans un même flacon, une dilution déterminée contient la trace de toutes les autres qui l'ont précédée. Le docteur Max Tétau précise que « toute dilution korsakovienne est un mélange de dilution de la substance en cause. . . » et que « chaque korsakovienne est en fait une mosaïque de dilutions. . . ». Jusqu'en 1965, les dilutions korsakoviennes étaient largement prescrites, sauf par Léon Vannier et ses élèves qui utilisaient les hahnemanniennes qui étaient, selon eux, plus « scientifiques ». L'imprécision de la méthode « au flacon unique » fut la cause de la non-inscription des dilutions korsakoviennes dans la rubrique des « préparations homéopathiques » de la Pharmacopée française de 1965. Celles-ci eurent donc interdiction d'être préparées et délivrées en France alors qu'elles restaient parfaitement légales dans les autres pays. En 1992, une directive européenne unifiait le statut réglementaire des médicaments homéopathiques : les dilutions korsakoviennes pouvaient de nouveau être préparées et prescrites en France !

Les dilutions de Kent Elles se font aussi avec un flacon unique, mais plutôt que d'utiliser comme base une TM, il utilise une 30 CH. On obtient donc des doses très fortement diluées.

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LES DIFFÉRENCES ENTRE LES DILUTIONS Les dilutions hahnemanniennes et korsakoviennes La dilution homéopathique est non seulement fondée sur le principe de l'infinitésimalité, mais aussi sur la dynamisation provoquée par une forte agitation verticale du flacon ou du tube. À chaque dilution, la préparation est dynamisée, celleci représentant une étape essentielle à la préparation homéopathique. Ce phénomène est primordial, car beaucoup parlent d'équivalence entre les dilutions décimales, centésimales et korsakoviennes. Or, du fait de la dynamisation après chaque dilution, nous ne pouvons en aucun cas subtiliser une dilution homéopathique par une autre sans risquer de modifier l'effet désiré. Ainsi, si une dilution homéopathique 5 CH a la même concentration en substance de base qu'une dilution homéopathique 10 DH, soit 10 10, leur nombre de dynamisation est différent : dix dynamisations pour une 10 DH et cinq dynamisations pour une 5 CH ! Mais attention, il n'est pas pour autant possible de considérer la même équivalence clinique entre une 5 CH et une 5 DH, tout simplement du fait d'une concentration en substance de base différente : concentration de 10 10 pour la 5 CH et concentration de 10 5 pour la 5 DH. En ce qui concerne les dilutions korsakoviennes, il est plus difficile de les mettre en parallèle du fait de leur mode de fabrication. Effectivement, si les dilutions hahnemanniennes suivent un mode exponentiel, les dilutions korsakoviennes sont plutôt sur un mode logarithmique. Ceci a été démontré par P. Bonet-Maury, en 1954, lors de l'Étude des dilutions homéopathiques par les radioisotopes et par G. Dussert lors d'une thèse de médecine, à Bordeaux en 1973 : À propos d'un dynamiseur korsakovien : étude de fiabilité au moyen de radio-indicateurs. Les conclusions sont identiques : lors des dilutions hahnemanniennes, la déconcentration est régulière et la substance radioactive peut être suivie jusqu'à la 18e décimale (10 18). En revanche, pour les dilutions korsakoviennes, la déconcentration est rapide et analogue aux dilutions hahnemanniennes jusqu'à la 4e ou 6e, la teneur en éléments radioactifs est alors faible, mais pratiquement constante ; il n'y a pas de différence significative entre une 200 K et une 1000 K, celles-ci contenant autant de substances radioactives qu'une 18e décimale hahnemannienne. La radioactivité persiste pour une dynamisation Korsakovienne de 3000 K. Cela s'expliquerait par le fait que les molécules s'accrochent à la paroi, rendant le relargage en solution non proportionnel au volume passé dans le flacon, mais à l'efficacité du lavage de la paroi.

Savoirs Ces différentes études prouvent que les dilutions hahnemanniennes et korsakoviennes ne sont pas équivalentes à numéro égal et que les correspondances sont difficiles puisque les techniques s'avèrent différentes. Cependant, bien que faux, certains tableaux de concordance des concentrations existent et sont admis (Tableau I).

Les dilutions basses, moyennes et hautes Il est difficile de mettre une limite nette entre les basses, moyennes et hautes dilutions. Celles-ci peuvent être modifiées en fonction des époques, mais aussi des différentes écoles :  en 1981, Georges Demangeat écrivait qu'« en 1942, au cours du CHF, il était enseigné que trois échelles de dynamisation ou dilutions étaient utilisées en homéopathie :  les basses dilutions de la 1 D à la 6 D ;  les moyennes dilutions représentées par la 4e et la 5e CH ;  les hautes dilutions constituées de la 7e et de la 9e CH ;  en 1973, Roland Zissu et Michel Guillaume publient un excellent Manuel de médecine homéopathique, destiné à l'enseignement et dans l'optique d'une certaine pratique de l'homéopathie en France. Dans cet ouvrage est donnée une échelle de dilutions :  dilutions basses de la TM à la 4 CH ;  dilutions dites moyennes de la 5 à la 9 CH ;  dilutions dites hautes de la 12 à la 30 CH. Qu'elle est la véritable échelle ? S'il n'y en a pas, pour quelle nécessité en créer une, puisque de toute manière elle sera démentie quelques années plus tard ». À noter, que Hahnemann en 1833, dans la cinquième édition de l'Organon, aux paragraphes 270 et 271, présente la 30e dynamisation comme dose standard pour la plupart des médicaments et, pour mémoire, Kent considérait la 30CH comme étant une basse dilution. Actuellement, nous pouvons dire que :  les décimales hahnemanniennes, de la 1 DH à la 10 DH et les centésimales hahnemanniennes jusqu'à la 7 CH se trouvent être des basses dilutions. Celles-ci commencent principalement à la TM pour les souches végétales, à la première atténuation pour les souches minérales et à la 4 CH pour les souches animales. Les basses dilutions peuvent être prescrites sur une faible similitude en unitaire ou en formules composées. Les basses dilutions ont parfois été considérées comme n'étant pas de l'homéopathie, et c'est grâce au travail bibliographique (plus de 700 références) de Claude Jousset et d'André Coulamy, que « les instances administratives européennes et françaises » ont pu obtenir la preuve de l'utilisation traditionnelle d'un médicament homéopathique en basse dilution. Ces deux auteurs 11

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9 CH MK 6 CH 7 CH 8 CH 100 K 200 K 10 D 5 CH 30 K 8D 9D 4 CH 6K 6D 7D 3 CH 3K 4D 5D 2 CH 2D 3D 1 CH 1D

10S1 10S2 10S3 10S4 10S5 10S6 10S7 10S8 10S9 10S10 10S12 10S14 10S16 10S18 10S24

Tableau I. Concordance entre concentrations hahnemanniennes et korsakoviennes.

10S30

10S40

10S44

10S60

12 CH 15 CH 20 CH 22 CH 30 CH VMK XMK LMK CMK

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appellent basses dilutions homéopathiques « les dilutions inférieures à la 4 CH [ou 8 DH], ces dernières n'étant pas incluses dans la définition. » Il faut rappeler que l'homéopathie est fondée avant tout sur la similitude et seulement après sur la hauteur des dilutions. Ces deux auteurs mettent ainsi en évidence l'usage homéopathique traditionnel des TM et rappellent que la plupart des médicaments d'origine végétale ont été prescrits dès celles-ci, y compris pour les toxiques. La posologie alors est de une à deux gouttes dans un peu d'eau sans oublier d'agiter le mélange avant de l'avaler. Exemples de souches toxiques utilisées dès la TM : Aconitum napellus, Belladona, Nux vomica, Rhus toxicodendron, Thuya occidentalis. Il en est de même pour beaucoup de médicaments d'origine animale prescrits en basses dilutions et parfois même en TM, par exemple Apis mellifica, Cantharis. À l'heure actuelle, il n'est pas possible d'obtenir, pour des raisons de sécurité infectieuse, ces dilutions.  Les moyennes dilutions regroupent la 7 et 9 CH.  Les hautes dilutions regroupent non seulement les centésimales hahnemanniennes de la 12 à la 30 CH, mais aussi les dilutions korsakoviennes. Dans ces hautes dilutions, nous ne retrouvons plus aucune molécule, puisque nous dépassons le nombre d'Avogadro (6,02  10 23), c'est-à-dire qu'entre la dilution 11 et 12 CH soit 10 23 et 10 24, il n'y a plus d'atomes de la souche de départ. Nous entrons alors dans le domaine de l'information et du fait du nombre important des dynamisations, ces hautes dilutions sont, sur le plan énergétique, très puissantes, ce qui nous amènera à devoir respecter plus que pour les faibles dilutions, la notion de similitude. Mais le fait qu'elles soient puissantes, d'un point de vue énergétique, ne prévaut pas d'une action plus « forte » que les basses ou moyennes dilutions.

UTILISATION DES DILUTIONS Selon Pierre Vannier, « en ce qui concerne les remèdes qu'il employait, Hahnemann qui s'instruisait scrupuleusement par l'expérience, s'était aperçu que, peu dilué ou très dilué, le remède agissait souvent aussi bien en général, d'où le précepte devenu classique parmi les homéopathes, de l'efficacité du remède "omni dosi'', pourvu que le principe de similitude fût respecté. Et Hahnemann en était arrivé à cette conclusion que le principe de similitude était plus important que l'infinitésimalité. Il était à peu près sûr d'obtenir une action thérapeutique, quelle que fût la dilution du remède s'il était choisi par similitude. »

Les basses dilutions Les basses dilutions sont plutôt utilisées pour les affections aiguës, subites et qui évoluent rapidement.

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Elles n'ont pas besoin pour agir de symptômes très caractéristiques, en revanche leur action est plus courte et plus superficielle que l'action des hautes dilutions. Elles stimulent les fonctions physiologiques. Elles peuvent être utilisées en drainage dans le but d'éviter les potentielles aggravations dues à la prescription du remède de fond. Le drainage favorise l'élimination (quand celle-ci est nécessaire) et vise à orienter l'action du médicament de fond vers tel organe ou telle fonction. Certaines substances peuvent avoir les mêmes indications en homéopathie, en phytothérapie et en allopathie. (Exemples : Colchicum, Digitalis). Pour André Coulamy : « Beaucoup de médicaments homéopathiques ont, dans leurs matières médicales, les mêmes indications qu'en allopathie ou qu'en phytothérapie. Mais ils ont, en plus, et en dehors d'autres symptômes, des circonstances de survenues, des modalités, des symptômes concomitants qui indiquent, guident et justifient l'utilisation homéopathique en application de la similitude, aussi simple soit-elle. »

Les moyennes dilutions Les cas chroniques soulagés par des dynamisations moyennes ne s'améliorent que pour quelques semaines. Elles régularisent les fonctions physiologiques.

Les hautes dilutions Kent souligne : « Je découvris aussi que les cas chroniques, soulagés par des dynamisations moyennes, ne s'amélioraient que pour quelques semaines, mais qu'en administrant des dynamisations beaucoup plus hautes, le travail réactionnel semblait reprendre, en quelque sorte, et qu'ainsi un remède pouvait être continué, chez le même malade avec succès, en passant progressivement d'une haute dynamisation à la suivante, mais plus élevée. » Les hautes dilutions sont utilisées pour les troubles profonds et/ou chroniques. Elles travaillent plus en profondeur, plus longtemps et peuvent avoir un effet sur le psychisme. Dans une pathologie aiguë, une dilution en 15 CH peut se répéter toutes les six à 12 heures, une en 30 CH toutes les 24 à 48 heures, si l'indication persiste. Une aggravation peut être observée si la répétition est trop fréquente. Dans les pathologies chroniques, la durée d'action d'une 15 CH peut varier suivant les remèdes de 24 heures à une semaine, une en 30 CH, d'une à six semaines. Les dilutions korsakoviennes très dynamisées (à partir de la 200 K) présentent une durée d'action d'environ sept à dix jours pour une 200 K, de 15 jours à un mois pour une MK, et de plusieurs mois pour une 10 et 50 MK. Habituellement, celles-ci sont prescrites à dose unique.

Savoirs Les règles de prescription À la fin de la guerre de 1914–1918, les règles de prescriptions étaient à peu près celles-ci :  la notion de dilution moyenne, ou au-dessous de la moyenne pour l'administration quotidienne ou pluriquotidienne, s'adressait surtout aux organes et aux épisodes évolutifs passagers ;  la notion de dilutions plus hautes, prescrites d'une façon plus ou moins fréquente, soit tous les dix jours, soit tous les 15 jours, soit tous les mois, suivant la personnalité fondamentale saine et pathologique de chacun. Devant ces règles très générales, Léon Vannier a établi ce que l'on peut appeler « les lois de la prescription » :  plus l'état est aigu, plus la dilution doit être moyenne ou basse ;  plus l'état est chronique, au contraire, plus la dilution peut être élevée ;  plus l'état est grave, plus la dilution doit être basse ;  moins l'état est grave, plus la dilution peut être élevée. Enfin, Pierre Vannier, en 1967 signale : « Il faut savoir ne pas rester fixer uniquement sur cette notion schématique que les dilutions basses correspondent toujours à un remède de drainage et que les solutions élevées correspondent toujours à des états chroniques ou que, à une maladie liée à une intoxication profonde correspond toujours un remède constitutionnel. Il faut aussi être très attentif à prescrire en fonction de la notion d'individualisation du malade, du remède, de la maladie et du tempérament, sans oublier l'individualisation de la sensibilité du malade. » Ainsi sont apparues certaines règles de prescription (Tableau II). La pharmacodynamie du médicament présente un rôle non négligeable dans la durée d'action et donc forcément dans le choix de la dilution. À dilutions égales, les remèdes minéraux ont une efficacité plus profonde et durable que les végétaux. On espace davantage Sulfur, Phosphorus, Aurum, par exemple, que Nux vomica, Bryonia, Rhus toxicodendron, qui eux peuvent être répétés en hautes dilutions plusieurs fois par semaine. Les remèdes aigus comme Aconit et Belladona ont une action plus courte que ceux qui modifient le terrain en profondeur comme Thuya, Lycopodium et Sepia. Dans les indications aiguës, un remède d'action longue épuise beaucoup plus rapidement son action. Par exemple, Arsenicum album 30 CH, dont la durée d'action en chronique peut atteindre un mois, agira uniquement quelques jours à la même dilution dans une pathologie aiguë. Les remèdes à pouvoir pharmacodynamique faible tels que Solidago, Ceanothus sont utilisés plutôt en basse dilution du fait de leur pathogénésie peu étendue. Leur 13

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Savoirs Tableau II. Règles de prescription1. Dilutions basses 3 à 5 CH

Dilutions hautes au-delà de 9 CH

Maladies aiguës (sauf exception)

Maladies chroniques

Maladies récentes Maladies passagères Étiologie récente

Maladies anciennes Troubles habituels et répétés Étiologie lointaine

Organicité

Troubles organiques, lésions Maladies dangereuses (cancer, grand cardiaque) Sujets affaiblis

Troubles fonctionnels Troubles « sensoriels » Malade en bon état général

Localisation

Signes localisés Similitude limitée (remèdes d'action limitée)

Syndromes généraux Similitude étendue (remède d'action générale)

Psychisme Type de remèdes

Pas de signes psychiques Remèdes végétaux Remèdes qui aggravent si dilution trop élevée en début de traitement Exemples : Sulfur, Lycopodium

Prescription sur signes psychiques Remèdes minéraux et produits animaux Quelques remèdes végétaux d'action générale : Nux Vomica, Thuya

Ancienneté des troubles

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Source : Barbier P, Chatonet J, Desmichelle G, Guermonprez M, Massalky C, Vannier P, Vannier H. Le remède homéopathique. Les pathogénésies.

durée d'action brève appelle, dans les affections chroniques, des prises répétées dans la journée.

CONCLUSION Comme le rappellait Bernard Poitevin, lors des entretiens du Carla : « Il nous semble par ailleurs nécessaire de réfléchir sur le terme "dilution homéopathique'', très utilisé dans les publications scientifiques, car il tend à assimiler un procédé de fabrication à une technique de prescription thérapeutique. Ceci sera peut-être consacré par l'usage, mais peut prêter à confusion car une haute dilution peut ne pas être homéopathique et surtout la prescription homéopathique n'impose pas la haute dilution. » Le choix de la dilution n'est pas toujours simple, seul le fait de garder en mémoire les lois de l'homéopathie et une grande humilité nous permettra une prescription des plus justes. Déclaration d'intérêts L'auteur déclare ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet article.

POUR EN SAVOIR PLUS Barbier P. À propos des décimales. L'Homéopathie française 1967;10:607 Benabdallah M. Chroniques homéopathiques. Quelques principes et digressions. 2e éd. Paris: Ellébore; 2010.

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